Ames égarées [Cheilan de la 'Noire]

Elon n’aimait pas les animaux et les chevaux ne faisaient pas exception. Moyen de locomotion fort commode, la race des Drows élevait des destriers à la robe noire et au tempérament de feu, trop peu être. Ils étaient de bons coursiers et leurs muscles solides permettaient de les porter aisément à la bataille mais pour le noble tout ce qui pouvait échapper à son contrôle n’était pas bon à prendre. La bête qu’il montait fonçait à toute allure sur la route, le paysage défilant à toute vitesse, ses sabots ferrés laissaient des empreintes visibles sur le sol tendre de la route forestière et le soldat de la première Cohorte aurait aimé que son passage soit moins visible. Le fougueux cheval ne répondait absolument pas à ses manœuvres désespéré pour le faire ralentir, comme enragé il fonçait toujours plus vite soulevant sur son passage des feuilles d’arbre d’un rouge vif et cassant sec les nombreuses brindilles qui foulaient le sol.

Elon jura une nouvelle fois alors que son destrier évitait in extremis une branche basse. Cette fois-ci c’était passé de très prêt, un coup direct dans la poitrine et s’en était fini du noble Drukh qui finirait sa course les quatre fers à l’air, les os brisés. Il nota dans un coin de son esprit à faire écarteler son maître dresseur, ou bien celui-ci ne connaissait strictement rien à son travail ou alors il avait une méthode de dressage particulièrement mal adapté ou encore un noble d’une maison ennemi quelconque l’avait payé pour rendre fou furieux son cheval et qu’il se tue en forêt. Le drow penchait fortement pour la dernière option.

Le destrier prit une nouvelle embardée et il sentit les larmes lui venir aux yeux, son souffle se faisait de plus en plus rare et sa monture n’était toujours pas décidée à ralentir. S’accrochant ferment à sa crinière, Elon se pencha sur son encolure tout en tenant fermement les rênes. Cherchant d’une main hasardeuse un nerf sensible situé sous le cou de l’animal il exerça une pression brutale du pouce alors que son autre main tirait violement les rênes. L’animal henni avec force avant de se cambrer pour finir par s’arrêter tout à fait dans un tourbillon de poussière. Tremblant, la pauvre bête ne semblait plus en mesure de porter son maître. Celui-ci mit donc pied à terre et tenta de calmer sa monture, plus par soucis de ne pas rentrer à pied que de songer à son bien être.

Il espérait que le contact froid de ses gantelets de métal n’effraierait pas davantage la créature qui semblait tout à fait perdue. Pour Elon il n’avait plus aucun doute, la bête avait été droguée. Il mettrait tout cela au clair une fois rentré en son domaine. Une bouffé de panique l’envahit alors qu’il songeait que peut être d’autres ennemis l’attendait caché dans les environs de la forêt qui bordait le chemin. Il porta rapidement sa main au pommeau de son épée sans pour autant la dégainer. D’un œil prudent il observa les environs.

Le vent faisait balancer les feuillages touffus des arbres et s’envoler quelques feuilles mortes aux couleurs cramoisies, des tourbillons de poussière agitait parfois le sol et on entendait le grouillement caractéristique d’une vie animale, rien d’étrange. Le souffle de son cheval se faisait plus prononcé et il décida de l’accrocher à un arbre le temps de faire le point sur sa situation. D’un geste sur il l’amena au tronc le plus proche et passa les rênes autour pour faire un nœud solide, il ne voulait pas prendre le risque que son destrier s’enfuit, la route entre le chemin de Sang et le Puy d’Elda était long et il n’était pas forcément adepte de la marche.

Il marcha d’un geste assuré sur la route, se mettant à l’ombre et tentant de dissimuler autant que possible sa présence bien que ses efforts paraissent ridicule ainsi vêtu en armure. A chaque pas il faisait tinter les plaques de métal de son armure qui s’entrechoquaient. Il maugréa et porta une main à sa dague, il pouvait aisément la dégainer et l’envoyer en un mouvement souple et continue vers le premier adversaire venue. Il n’était pas en territoire Drow et n’importe qui pouvait se trouver là.

Il observa le paysage : les lueurs du soleil éclairaient les arbres aux feuillages pourpre donnant une lueur tamisé aux environs qui baignait presque dans des tons rougeoyants, le sol était constitué de feuilles mortes et d’un sable cramoisie qui grinçait sous ses pas. Ce chemin portait bien son nom. Une légende déclarait que la route était devenue comme ça car elle s’était abreuvé du sang de tous les voyageurs qui l’avait traversé et légende ou pas Elon était bien décidé à ne pas venir s’ajouter au lot. Ce chemin était une issue vitale pour un possible transport de troupe en cas de guerre et le noble Drow devait s’assurer de ce qui l’en était. Il n’avait pour l’instant rencontré aucun bandit ainsi la route semblait pour le moins sur mais quelque chose ici ne le tranquillisait vraiment pas, son instinct et ses sens lui criait qu’il était observé et il détestait ça.

Soudain son cheval poussa un hennissement de terreur et le soldat Drow se retourna précipitamment l’épée dégainé. L’arme au tranchant barbelé donnait toute la mesure du caractère sadique de son maître et les reflets violacés n’arrangeaient rien à la chose. Des runes sombres y avaient été gravées. Fermement campé sur ses positions il parcouru les environs du regard, soudain une forme sombre sortit des bois. Ne pouvant se retenir plus longtemps le Drow cria :

-Vel'uss zhah gaer !?

(qui est là ?)

Cheilan avait quitté Diantra depuis déjà quelques jours.
Il avait couru, couru encore et presque sans halte. Franchi marais, prés, forêts ou encore rivières. Il avait revu des Humanoïdes, et cela, contre lui, l'avait révulsé.
Ce fut les pieds en feu et la gorge sèche qu'il parvint à une mare quelque peu glauque. Mais qu'importe: il s'y coula avec délice. Il était plus grand qu'un cheval, ce qui malheureusement faisait qu'il avait pied, et même à vrai dire qu'il ne pouvait pas nager par manque de place. Les insectes qui avaient eu la malchance de se trouver dans les roseaux qui bordaient la mare furent subitement submergés par un véritable raz-de-marée.
Il ne sortit que lorsque l'eau eut complètement pénétré sa fourrure, puis s'ébroua. Il avait laissé là une grande partie de la poussière qui obstruait ses narines et voilait ses yeux. En bref, il se sentait bien. Mais physiquement seulement. Quoique... Ne devait-il pas mourir de faim après un jeûne aussi prolongé ? S'il tenait aisément une semaine, au bout de deux il avait normalement besoin d'une soixantaine de kilos de viande. Il n'eut pas besoin de plus explorer sa mémoire; bien sûr, il avait ingéré une importante quantité de ces plantes qui faisaient disparaitre la sensation de faim. Ces plantes qui tuaient les animaux sans qu'ils ne s'en aperçoivent s'ils ne la connaissaient pas.

Les vent tournait doucement, soufflant parmi les troncs et les branches. S'y exposant en pleine face, le Mage perçut sans surprise une odeur bien connue; celle d'un cheval en sueur. Il était loin, une chance de l'avoir repéré, d'ailleurs. Il reprit donc sa route, toujours au pas de course, pour enfin entendre les bruits toujours lointains d'un galop effréné.
Lorsque l'animal s'arrêta, non sans hurler de stupeur, la distance qui les séparait était courte. Son ou sa cavalière mit alors pied à terre dans un odieux cliquetis d'armure.
En les cherchant des yeux, Cheilan remarqua que les couleurs qui l'environnaient avaient quelque chose de sanguin. Cela ne fit qu'attiser son appétit. Il aboutit finalement sur un petit sentier de sable. Impossible qu'on l'entende; il y marchait à pas de loup.

Le cheval, enfin ! Cheilan ne prit même pas la peine de l'anesthésier avant, tant pis s'il criait. La misérable bête était dans un état de grande souffrance. Elle était ferrée, elle avait des mors. Ces chaines, qui réduisaient de moitié son espérance de vie non sans douleur, étaient bénignes en comparaison du poison qui coulait dans ses veines. Elle était comme folle, roulait de gros yeux effarés.
Surement était-elle submergée d'adrénaline et d'insuline, qui l'énervaient et lui donnaient une énergie féroce. Auquel cas elle mourrait d'hypoglycémie sous peu, et peu avant ça le malaise surviendrait d'un coup sec. Cela aurait été amusant d'ailleurs, si le destrier s'était trouvé sur son dos à cet instant précis.
Le Loup-Mage n'eut aucun remord à abréger les souffrances de cet esclave. Il déchira ensuite de grands lambeaux de chair qu'il engloutit à une vitesse effroyable. C'était déjà ça. Il finirait après, s'il en avait l'occasion.
Car demeurait toujours le cavalier. Cavalier d'ailleurs menacé si c'était contre lui qu'était dirigée la drogue.
Ceci, au passage, aurait sonné comme une évidence pour un Humanoïde, qui avaient l'habitude de compter leurs esclaves comme quantités négligeables. Mais pas pour Cheilan, ce qui ne l'empêcha pas de venir à cette conclusion.

Quelques secondes à peine s'étaient écoulées depuis l'attaque lorsqu'il jaillit du couvert des arbres. Il allait le voir, ce bourreau dont les bruits de métal ne cessaient de lui cisailler les tympans.

-Vel'uss zhah gaer !?

La pire des races que comprenait l'espèce des Humanoïdes. Un Drow, et qui parlait en sa langue propre. Pas un original, celui-là. Il n'était pas de ceux qui avaient changé de camp.
Pour le coup, il sentit un insidieux mal-être lui faire grincer les dents. Il avait envie de se défouler un bon coup, après tout ce chemin, après l'accumulation de toute cette rancœur. Et pour le cheval, aussi.
Il ne se donna pas la peine de lui répondre. S'il était un minimum cultivé, il saurait. Dans le cas inverse, il ne s'attendrait pas à ce qui allait suivre, et c'était tout.

Cheilan sentit affluer à son cerveau un mélange incontrôlé de hargne et de magie.

C’est à pas mesuré qu’avança le Drow lorsqu’il reconnut en la masse difforme et noirâtre un immense fauve qui lui arrivait sans peine au garrot. Toutes griffes dehors, le sang qui maculait son pelage noir et l’aura de démence qui l’entourait incitait grandement à la prudence. Toutefois le noble Drow ne pouvait s’empêcher de penser que cette monstruosité venait de régler son compte à son seul moyen de regagner le Puy d’Elda dans des temps raisonnables, sans compter que la bête lui avait coûté une somme plutôt confortable. Il resserra imperceptiblement sa prise sur la garde de son épée, pointant le fer acéré devant lui, bien conscient qu’il ne constituerait qu’une bien piètre défense face à la férocité d’un animal sauvage.

En s’attaquant à son bien le loup avait piétiné son honneur. Comment osait-il s’en prendre ainsi à ce qui lui appartenait ! N’ignorait-il pas sa place dans le monde ? Il n’était pas l’espèce dominante ici ! Et l’air presque hautain qu’il avait de le regarder faisait littéralement bouillir d’indignation Elon, c’était presque comme-ci la bête se croyait son égale. Impensable ! Il avait rencontré nombre de bêtes sauvages et ce qu’ils avaient de commun n’était qu’un goût exacerbé pour le sang et uniquement préoccupé par leur seule survie.

La bête avait l’air littéralement débordant de rage et d’animosité à son égard, le soldat de la première Cohorte mis cela sur le compte de sa nature. Tous les animaux étaient hostiles à ce qu’il ne leur ressemblait pas, en cela il était semblable aux hommes. Il se reprit bien vite et examina la créature avec plus d’attention. Elle était énorme en tout point de vue. Ses crocs luisants étaient aussi longs que des poignards, sa présence était lourde et envahissait quasiment les alentours.

Le soldat Drow eu tout d’abord l’intention de bondir sur son « adversaire » d’effectuer une parade pour éviter ses griffes et lui enfoncer son épée dans le poitrail mais la vue du cadavre sanguinolent de sa défunte monture lui disait de prendre ses précautions. Le loup avait l’avantage de la férocité et son agilité naturelle mais Elon avait pour lui le fer et l’acier. Un acier si tranchant qu’il pénétrerait sans problème l’épaisse toison du loup bien avant que celui-ci ne lui cause la moindre entaille.

Soudain le noble Drow se sentit ridicule. Il était en train de peser ses chances contre un vulgaire animal ! Lui de la race supérieure s’interrogeait sur comment attaquer une si pitoyable créature ! Son visage exprima une grimace de dégoût et il prit une garde de côté. Il attendrait que le loup charge et l’accueillerait d’un coup circulaire qui le trancherait en deux, son allonge était supérieure. Aucune chance qu’il en réchappe. Il se campa fermement sur ses deux pieds et dégagea sa cape pour éviter que sa lame ne se prenne dans le tissu.

Cheilan observa avec dédain l'être qui s'agitait devant lui. Il allongeait sa garde, sans se déplacer. Il sentait donc que le combat était inévitable.
En vérité, il ne l'était pas. Si le Loup-Mage n'était pas d'une nature très pacifique, il respectait toutefois le désir de ne pas combattre d'un être contre lequel il n'avait pas des griefs insoutenables. Et, par le même coup, il évitait lui aussi le combat.
Enfin... le Drow ne savait donc pas ce qu'il était, et après tout cela ne changeait rien. Il n'aurait en aucun cas pu savoir que le Mage avait observé des Humanoïdes combattre pendant deux années entières, qu'il en avait combattu et tué, déjà. Il connaissait leurs mouvements, ceux des novices comme des maîtres. Elle lui avait appris les armes; il savait même manier une épée de sa gueule.
Mais pour cette fois-ci, semblait-il, il n'en aurait nul besoin.
Un Humanoïde, même un Drow... Il esquissa un rictus.

Il n'attaqua pas à la manière de ces bêtes coincées qui ont peur, simplement, il s'avança pas à pas. Allure lente mais qui n'était pas du tout régulière. Parfois, il faisait un bond court, un pas de coté, il s'arrêtait une fraction de seconde. Il restait, au demeurant, parfaitement calme. Dans ses yeux, on pouvait lire une intense réflexion. Rien n'était laissé au hasard.
Autour de lui, aussi invisible qu'impalpable, sa magie fluctuait. Dix parts infimes se séparèrent de la masse pour se disperser parmi les arbres, tandis que le restant vibrait, de plus en plus vite.

Cheilan était proche du bipède, et ne lui avait encore rien montré de sa vitesse. Au passage, remarqua un détail amusant: son épée était barbelée. Un instrument de torture mais pas de combat: elle ne pouvait ni trancher ni pénétrer la chair de l'ennemi avec cette lame comme émoussée. A peine griffer la surface. Griffer... Il s'y connaissait, en ce domaine.
Ce n'était pas pour rien que la nature l'avait doté d'une fourrure aussi épaisse qu'abondante.
Une seconde, cependant. Il resta une seconde de trop près de l'arbre. Encore cet odieux grincement de métal. Vivement, il tourna la tête. Si l'autre était là, il devrait bondir. Quitte à se métamorphoser, malgré là douleur qui encourrait inévitablement.
A cette pensée, il retroussa quelque peu les babines, découvrant les poignards qui lui tenaient lieu de crocs.

Que s'était-il passé, la dernière fois ? Le dernier être qu'il avait tué; le cheval, l'esclave. Il lui avait rappelé combien, même engagé sur le chemin de la mort, on peut vouloir vivre. Simple rappel, car il n'avait jamais pu oublier cette sensation qu'il avait vécue, jadis.
Il allait s'appliquer à faire de ce bourreau sa victime.

Elon regarda la créature effectuer des pas souples tout en prenant garde de rester hors de portée de sa lame. Il faisait preuve d’une prudence et d’une patience qui n’était pas l’apanage ordinaire des animaux de son espèce, on aurait presque cru que le loup le jaugeait. A cette pensée le Drow sourit. Il s’était une fois de plus reprit à porter une estime quelconque à un pitoyable animal. Il se consacra tout entier à son plan de bataille. Puisqu’il ne se décidait pas à attaquer il entamerait en premier les hostilités. Il resserra son emprise sur son arme et testa l’équilibre de sa lame avant d’abaisser sa posture et de froncer les sourcils.

S’enfonçant profondément dans la transe du guerrier il inspira profondément et se força à contrôler le moindre battement de cœur. Animal ou pas ce n’était pas pour autant qu’il n’allait pas faire preuve de prudence. Son souffle se faisait court alors que son esprit clair comme de l’eau de roche était totalement dédié à l’instant présent et concentré sur l’adversaire. Ses sens déjà affinés étaient décuplés et il pouvait même entendre le froissement des feuilles mortes sous les pattes du loup. Il distingua clairement les crocs de sa gueule alors qu’il retroussait dans une posture menaçante ses babines.

Il voyait le filet de bave qui coulait sur la terre et le sang qui entourait ses gencives rosâtres, il en fut presque écœuré. L’odeur fauve de la créature lui parvenait par effluve nauséabonde jusqu’à ces narines qui se révulsèrent. C’était plus qu’il ne pouvait en supporter ! Dans un geste de souplesse et d’exécution parfait il expira tout à fait et ses muscles se contractèrent pour supporter le poids de son épée qui allait en fondant à toute vitesse vers le flanc de l’immense monstre. Le coup avait été porté de côté sur le tranchant de la lame.

S’étant avancé d’un enchaînement de pas rapide il était largement à porté et si pensé que la bête eu voulu esquiver son allonge était tel qu’il lui entaillerait la chair de toute façon. Taillé de façon à accroître l’écoulement du sang, sa lame allait immanquablement apporter la mort au présomptueux animal. L’épée fendait l’air dans un sifflement aigu alors que le soleil se reflétait sur le fil de sa lame.

[HRP: c'est très court désolé -_-. Voir mon inventaire pour une image détaillé de l'arme que j'utilise]

Il était resté une seconde de trop près de l'arbre, et c'était là que le Drow l'avait rejoint. Un bon combattant, à coup sûr, pour un humanoïde. Néanmoins, il avait remarqué que malgré une prudence qui dominait tout d'abords sans jamais totalement disparaitre, cet être ne cherchait pas à retenir ses impulsions violentes. Et il fronçait les sourcils ? Ses moindres pensées lui paraissaient claires, il lui semblait qu'il lui criait, sous la barre horizontale de ces poils de front: "Bête bouseuse ! Je t'étriperai pour me décharger de ma fatigue et de ma colère ...". A moins que cela ne fut pas vraiment ces actions qu'il favorisait lorsqu'il côtoyait d'autres humanoïdes ? Certains, la majorité à vrai dire, avaient le chic pour se croire supérieur à tout et tout le monde, de par leur naissance ou pour une quelconque autre raison. Cela, le Mage ne le savait que trop bien. D'ailleurs, cet être ne s'était pas présenté, ne lui avait même pas adressé la parole depuis qu'il savait qu'il n'était pas humanoïde.
Que cela importait-il ?

Désolé. Il n'avait plus le choix. Déja, la lame brillait près de sa gorge, laquelle se trouvait à hauteur d'épaule pour l'humanoïde; un point d'attaque facile. Et cette fois-ci, ce n'était pas ces faibles pics de métal qui fendaient l'air mais l'autre coté, tranchant, aiguisé à l'extrême. Mais même une telle lame ne pouvait traverser un mètre d'os et de chair.
Vraiment désolé... bah, il culpabiliserait plus tard. Façon de parler, bien sûr, car il agissait toujours en connaissance de cause, il ne regrettait rien. Il assumait ce qu'il faisait, et les conséquences néfastes de ses actes. Ils étaient dix lors de la charge: une chute piquée vers la lame, en vrille. Huit furent touché, et chutèrent vers le sol, dont trois qui avaient été tranchés du bec au croupion.
Les deux oiseaux qui avaient eu la chance de réchapper à ce suicide ordonné furent contraints de se ruer à une allure furieuse vers le visage de l'elfe sombre, la pointe de leur bec en avant. Ils ne contrôlaient plus leur corps. Ils allaient bien trop vite, tourbillonnaient et en perdaient des plumes.
Ils seraient sacrifiés, eux aussi. Mais s'ils parvenaient à lui crever les yeux ou lui arracher la jugulaire, il sauveraient bien plus de dix des leurs. Les humanoïdes ne se limitaient pas à dix oiseaux par nouvelle lune, eux.

Le Loup durant ce temps n'avait pas fui, il s'était même vivement avancé vers l'être qui se tenait si proche de lui. Il lança sa tête vers l'épaule ou le bras. Ses crocs étaient capables de percer le métal de l'armure s'il tombaient sur une articulation, sinon, il ne ferait qu'immobiliser l'ennemi qui se trouvait déjà la proie des rapaces. Mais ce serait bien suffisant.
Car dans cette boîte de conserve, son corps ne serait l'espace d'un instant plus qu'une bougie en fusion, et il n'en resterait que des cendres. Si Cheilan aboutissait.
Sinon, il se contenterait de l'un de ces sort que l'on ne pouvait pas éviter, suffisamment handicapant pour assurer tout de même sa victoire.

Quelque chose passa dans son esprit. Encore un doute, fugitif. Douter ? Ça ne lui ressemblait pas. Cependant, c'était indéniable. Il doutait. Pourquoi le tuer, pourquoi seulement chercher à le tuer ? Parce qu'il ne cessait d'infliger la souffrance, qu'il était prétentieux et fier sur ses deux uniques pattes grêles ? Mais lui, n'avait-il pas tué afin de mieux vivre ? Un instant, il eut envie de lâcher le morceau. Mourir, en finir avec cette quête. Il vivait pour la retrouver, elle. L'attendait-elle seulement dans la vie ? Ou bien de l'autre coté ? Mais mourir maintenant, c'était la perdre si elle vivait...

Cette jeune femme, elle ne vivait plus. Cheilan, s'il l'avait su, il ne le savait plus maintenant. Il en avait fait abstraction. Pour lui, son souffle profond et sûr résonnait encore parmi les filets du vent qui soufflait dans cette forêt.

Il n'avait pas interrompu son geste pour autant. Toutefois, fugitivement, il avait bougé les oreilles. Elles qui se trouvaient bien droites, orientées vers l'humanoïde, retombèrent mollement vers le sol. Cela ne dura pas.

Alors qu’Elon se délectait déjà de la tuerie à venir et de la sensation de sa froide lame entaillant sans merci à travers chair, os et tendons il ne rencontra pas la résistance attendu. Sa lame brillante pénétra aisément dans une chair tendre qui n’appartenait en aucun cas à son adversaire. Son esprit sortit de sa transe guerrière pour se concentrer sur son environnement extérieur. C’est avec une surprise non feinte qu’il remarqua que sa noble épée avait fauché de pitoyables volatiles. Qu’elle était donc cette magie ? Le loup pouvait-il commander à ses congénères animaux ? Mais il n’avait pas de temps à accorder à la réponse de cette énigme car déjà les oiseaux survivants fondaient droit vers son visage, dans l’espoir pathétique de lui infliger une blessure.

Becs et serres dehors, les volatiles piquaient et griffaient son noble visage. Plus incommodants que gênants, Elon n’aimait cependant pas la manière qu’avaient ces rapaces de se rapprocher dangereusement de ses yeux. Pendant un instant le Drow s’imagina dans sa situation et en éprouva une brusque poussé de honte. Lui, guerrier de la première Cohorte se retrouvait assailli par une bande d’animaux. Dans un mugissement de rage il tournoya son épée pour fendre un deux un oiseau avant d’envoyer l’autre à terre d’un coup de poing rageur. Sa main gantée de fer avait vite fait de défoncer la tête de l’impudent volatile et d’étaler sa petite cervelle.

La douleur cuisante que ressentit le Drow au niveau de l’avant-bras lui rappela douloureusement la présence du loup. Dans sa précipitation à se débarrasser de ses gêneurs il en était venu à ignorer son principal adversaire ! Il se mordit les lèvres de frustration devant son incompétence. Il sentait avec dégoûts les crocs de la bête racler contre le métal noir de son armure à plaques. Bah ! Il n’avait aucunes chances qu’il n’entaille ne serait-ce qu’une…Un élancement soudain prit le noble Drow au niveau du poignet, sentant sa chair tiraillé par une lame aiguisée.

Dans un sursaut de panique il envoya son gantelet hérissé de pointes dans la tête du loup, espérant lui faire lâcher prise. Il se débarrassa de la bête après trois coups bien placés, le bras de nouveau libre de manier l’épée mais en proie à une souffrance qui commençait à se propager au reste de son corps. Elon en était humilié. Personne à part lui ne marquait sa chair ! Et surtout pas un pitoyable animal des sous-bois ! Oubliant toute considération stratégique il se noya dans un flot de colère et de haine brûlante qui eut tôt fait de lui faire oublier la douleur.

Son esprit et sa force n’était plus que dédier à un seul but : l’anéantissement de cet immense et agaçant loup noir. Empoignant avec force le manche de son épée de deux mains, il rapprocha sa lame contre son corps. Après une foulée rapide il baissa son épée et continua sa course. Il s’arrêta bientôt net devant son adversaire et ramassé sur lui-même souleva un nuage de poussière à l’aide de son pied avant d’envoyer sa lame en avant. Ainsi cacher, il n’aurait pas le temps d’esquiver.

Le fer mordit bientôt la chair du loup au niveau de l’épaule. Un sourire sauvage se dessina sur le visage du Drow qui employa toute sa force à forcer sa lame à rentrer encore plus profondément dans la blessure déjà ouverte.

Les oiseaux s'exécutèrent parfaitement, une attaque qui déployait toutes leurs capacités. Toutefois, l'Humanoïde eut une réaction à sa hauteur, c'est à dire de créature d'à peine moins de deux mètres face à des oiseaux de trois livres.

Mais tandis qu'il pestait et gesticulait ainsi dans les airs, le Loup avait eut tout loisir de passer à l'attaque à son tour. Cette brève distraction était plus que ce qu'il avait osé espérer, car finalement ses crocs purent percer la carapace de métal.
Etrange... Il ne ressentit aucune satisfaction à cela.
La créature le frappa de son gant de métal hérissé de pointes entre les deux yeux. Surement serait-elle étonnée de ce qu'il ne lui entaille pas instantanément l'os jusqu'à la cervelle. A vrai dire, pour un observateur extérieur, les pointes frappaient et frappaient sa tête comme s'il s'était agit d'une paroi de métal. Pas la moindre goutte de sang ne perla.
La raison en était simple; c'était son premier sort défensif. Défensif autant qu'offensif, pour dire vrai. L'électricité fourmillait au bout de chacun des poils de son abondant pelage. Elle faisait fondre les pointes métalliques, à peine mais suffisamment du moins pour qu'elle en fussent émoussées.
Cela n'était encore rien, car l'électricité gagnait l'armure. Cheilan à ce moment avait déjà reçu trois coups, c'était bien assez. Un de plus et sa boîte crânienne menacerait sérieusement de se fissurer.
La flèche de foudre suivrait un inexplicable phénomène de résonance: elle suivrait le métal jusqu'à la terre, avant de repartir vers l'Humanoïde. Une seconde après peut-être, mais en tout cas, elle ferait ça seule.
D'un coup, le Mage se rejeta en arrière.

A cet instant, il remarqua qu'un brusque changement s'était produit dans l'attitude de son ennemi. Agressif ? Pas seulement. Il semblait hargneux. Aussi, il ne fut pas mécontent de ne pas être de même dans cet état. Quoique il l'ai été peu de temps avant... Le passé ne comptait pas.
La foudre allait l'atteindre, cette créature bipède, qu'il fuie n'y changerait rien... peut-être en serait-t-elle un peu atténuée mais toujours si violente ! Avec ça, il était blessé, et s'il tenait son épée à deux mains il n'en aurait que moins de force... Puisque tout allait bien, pourquoi Cheilan ressentait-il alors une telle frustration ? Peut-être parce qu'il détestait qu'on lui force la main. S'il tuait sans le vouloir, une sorte de regret tachait son cœur l'instant d'une fraction de seconde. Et le regret n'était pas un sentiment naturel pour lui, il était la hyène agrippée dans les hautes branches. Il aurait pu assouvir son désir de meurtre, en tuant. Mais non, et il gâchait une victime.
Stupide, en somme, d'après lui... Combattre pour vivre ne lui suffisait donc pas ? Ceci dit, n'était-il pas allé au devant des ennuis ?
Sans plus y songer, la solution s'était imposée à lui, évidente. Il allait le haïr, à son tour, maintenant qu'il le connaissait. Cela serait largement justifié. Et s'il n'y parvenait pas, peut-être alors s'avouerait-il vaincu. Le vrai combat n'était pas pour lui affaire de coups et d'entrailles. Il se sentait suffisamment fort pour décider de son sort. Et si jamais il était exposé à une mort proche et inévitable, il trouverait toujours moyen de la retourner à son avantage psychologique.

Surprise. L'Humanoïde lui offrait là une sympathique opportunité. Lui s'était jeté en arrière, en reculant. Il avait ses quatre pattes bien campées sur le sol, griffes écartées parmi les feuilles mortes et le sable. Une bonne base, tandis que l'épée arrivait vers lui. Il la localisait trop bien, au sifflement distinct qu'elle produisait. Mais qu'importe que son cœur manque un battement, que ses muscles tressaillent. Sa volonté une fois sa décision arrêtée n'avait plus de limite.
Et c'est ainsi que l'épée s'enfonça dans sa chair. L'être souriait, un sourire de bête sanguinaire, à l'image de sa hargne. Il restait campé là, sans se déplacer davantage, sous le regard devenu bleu-gris du Loup. Et il enfonçait son fragment de métal du mieux qu'il le pouvait, encore et encore. Cheilan le regardait sans ciller. L'autre ne sembla pas se poser de questions. Tout de suite, la foudre allait l'atteindre. Mais si cela n'arrivait pas, bien qu'un tel échec ne fut que peu probable, tant pis.
Cheilan sentait jaillir son propre sang, le métal qu'il réchauffait de son corps raclait son os, déjà. Sur son visage, on ne pouvait rien lire. Le même regard indéchiffrable qu'il avait eu, sans le savoir, avant de disparaitre dans la forêt. Louveteau... Ils l'avaient tant fait souffrir.
Mais alors, pourquoi n'y parvenait-il pas ? Il devait le détester ! Cet être était abject ! Et pourtant.

S'il ne le haïssait pas, de son point de vue pragmatique, il aurait perdu. Perdu car il savait pardonner, que la rancune qu'il tenait aux autres se retournait toujours contre lui-même ? Il n'avait pu la sauver, Elle. Il était faible.
En voyant cela sous un autre angle, toutefois, s'il n'en venait pas à le détestait, que ressentirait-il ?
A condition que la vie lui laisse encore l'occasion de ressentir quoi que ce fut.

Elon savourait la sensation du fer de son épée s’enfonçant dans la chair ferme de l’animal. L’odeur du sang cuivré lui parvenait aux narines le faisant frémir d’excitation et abattant un délicieux voile de rage sanglante sur son esprit. Malgré le fait qu’il sentait que son « adversaire » n’était pas réellement en difficulté, il jouissait de la douleur qu’il lui infligeait. Cependant il y avait une ombre sur son sanglant tableau. Il manquait un élément essentiel pour parfaire le combat : la Haine. Lui-même haïssait le loup, autant pour son impudence mais il maudissait son existence même. Après tout cela était dans sa nature, de détester tout ce qu’il lui était étranger.

Et le fait de savoir que ce sous-être ne lui accordait même pas un sentiment de haine le mit dans une situation qui lui était très désagréable. C’était comme si la bête lui faisait savoir qu’il ne méritait même pas sa considération ! Il ne pouvait le supporter ! Oh il allait l’écorcher vive et ses entrailles fumantes allaient ajouter une touche encore plus écarlate à la terre ! Alors qu’il se délectait de ses pensées malsaines et perverses de massacre à venir il sentit une odeur d’ozone.

Il s’éloigna instinctivement de sa proie trop tard cependant. La douleur fut atroce et fulgurante, le jetant un terre dans un torrent de souffrance incroyable. Il lui semblait que sa chair enfermé dans son carcan de fer se mettait à fondre alors qu’un sang chaud lui parvenait à la bouche et sortait de ses narines. Comment ? A peine avait-il formulé sa pensée qu’il distingua au milieu d’une vague de douleur des arcs électriques parcourir les plaques de son armure. Un éclair…Comment cela était possible ? Le loup l’avait-il manipulé ? Ridicule !

Il se faisait dominer ! Lui ! Elon Drukh au service du roi des Sombres ! Impensable ! Sa fierté et son orgueil lui permit d’ignorer la douleur atroce qui parcourait l’ensemble de son corps alors qu’il s’appuyait sur son arme pour se relever. Les yeux flamboyants il poussa un rugissement de rage. Il dégaina avec agilité sa dague au tranchant effilé. L’éclat rougeâtre dansant sur la lame courbe excitait encore davantage son agressivité. Il allait faire goûter l’enfer à ce sous-être !

-Je suis Elon Drukh ! Et tu mourras à petit feu !

Voilà qu’il se mettait à parler aux animaux à présent ! Ridicule ! Mais aussi outré qu’il était il se savait en position de faiblesse. A présent tout ce jouerait en un échange qui déciderait de tout. Il mit son poignard dans la main gauche et força sa main gauche endoloris à resserrer son emprise sur sa lourde épée. Ainsi armée il pouvait facilement parer à toutes attaques. A moins que l’animal n’ai encore d’autres ressources.

[Hrp ~ Je craignais que la suppression de ton message ne t'ai découragé ^^]



Pourquoi cet être abject jubilait-il de la sorte ? Il ne le comprenait pas, plus du moins. Lorsqu'il sentit la pointe de l'arme entailler son os, il lui accorda un regard. Et son regard criait silencieusement: Un Loup-Mage... blessé par un rampant !
La douleur avait formé une rivière torrentielle, qui se déversait sans discontinuer sur le brasier de son esprit. Cependant, c'était trop tard. Elle ne parviendrait plus à la ramener à la réalité, plus maintenant. Il avait quitté le monde des sens, l'univers qui l'appelait à vivre.
Contre la volonté de son propre corps, il souhaitait mourir.
Car il avait perdu. Il ne le haïssait pas. En cet instant, il s'en contrefichait comme d'un scolopendre amorphe.
Seul lui-même demeurait, perdant intègre, dans toute sa fierté et tout son honneur. Jamais les humanoïdes ne l'avaient avilis, aucun n'y serait donc parvenu, finalement...

D'un coup, l'Humanoïde s'éloigna. Ah non ! Cela n'allait pas se passer ainsi ! Il avait voulu le tuer ? Qu'il le tue !
Versatiles, aussi instables qu'imprévisibles, ces bipèdes. Que pouvait-il faire pour endiguer ce changement de comportement ?
Tournant une nouvelle fois sa douloureuse tête vers lui, il lui accorda un sourire encourageant. Sur sa gueule béante, cela ressemblait plus à un rictus étrange, pour dire vrai, mais qu'importait.
Mais l'être avait été rattrapé par son destin. L'éclair, le fameux éclair qu'il avait créé, né de sa magie. Toutefois, malgré la souffrance provoquée, le bipède se redressa. Et dans son regard, il avait cette même lueur de haine. De haine orgueilleuse. Ne renonçait-il jamais ? En fait, il n'était pas si imprévisible que ce que Cheilan avait pu croire. Il était plus obstiné encore que ces animaux esclaves vulgairement surnommés bourriques.
Comparaison amusante, car dansait sur sa lame une lueur du même rouge que les tomates dont on chargeait en masse les équidés, dans le nord. Amusante... Si l'on peut dire car le Mage n'était pas le moindre du monde habité de joie. Au contraire, d'une tristesse, tristesse infinie, à l'image de son univers, qui, doucement, se fissurait.

- Je suis Elon Drukh ! Et tu mourras à petit feu !

Une véritable décharge parcourut l'immense corps du Loup blessé. Son esprit voulait mourir, son corps, non. Et ce dernier avait son prétexte.
D'un coup, son cœur cessa de battre. Le temps de le réveiller. Et pour se réveiller, il se réveilla !
C'était le premier son qu'il émettait, depuis le commencement. Et ce n'était en rien un son animal.

Que s'était-il passé dans l'esprit de Cheilan ? Parallèlement, alors qu'un flot de souvenirs atroces comme heureux endiguaient le torrent de souffrance, un sentiment vint éteindre le brasier de son âme. Un sentiment simple, pur, et qui n'avait absolument rien à faire là, en l'instant présent.
Mais quand il faut choisir, et que l'on a pas le temps, on prend ce qui vient faute de mieux, n'est-ce pas ?
Le Loup ne fonctionnait pas de la même façon que les humanoïdes; il était plus complexe, ou tout du moins différent.

Sa magie, de nouveau, jaillissait de tout son être, au point d'en devenir presque palpable. L'onde de choc, subtile à l'extrême, se contenta d'heurter l'air et d'y vibrer à l'exemple des cordes d'une harpe.
Cette voix était grave, chantante mais demeurait rauque.

- Elon, donc ?

Brève pause. Cet exercice était d'une difficulté extrême.

- Sombre qui tue.

Il n'attendait pas plus de réponse. Il exposait juste son constat, écrasait ses idées sans rien attendre en retour, et ce en le moins de mots possibles. Pour lui, le dialogue oral n'existait pas.

- Voyageant dans la forêt, menacé de mort, n'est-ce pas ? Qui inflige la séparation de l'âme et du corps alors qu'il la redoute lui-même. Ses yeux, tout son être... le crient...

Il ménagea un nouvelle pause, toujours courte, afin de lui laisser le temps de comprendre ses paroles. Former des mots, uniques dans le temps... Un exercice difficile qui nécessitait de descendre bien bas.

- Plus d'esclave, plus de route libre, adieu survol du monde, au galop d'un autre. Je ne court pas, je tue comme toi, comme toi je ne portais quiconque.

Avait-il compris le pourquoi de ses paroles ? Dans le doute, il préféra ajouter quelques mots, et ce malgré l'effort supplémentaire engendré. En séparant quelque peu les syllabes, et en accroissant la puissance des vibrations aériennes.

- Je me propose de te porter jusqu'à ta destination. La ville ? Je dois la voir.

Toujours aussi indéchiffrable, son regard. Il ne bougeait pas.
Et le drow était doublement armé, prêt à bondir sur lui. Cette fois, sûrement, il viserait son cœur. Auquel cas il n'y aurait alors pas de raison à ce qu'il le manque.

Les armes levées prêt à se battre, bien qu’à bout de souffle, Elon ressentit imperceptiblement un changement soudain dans l’atmosphère, comme si la réalité elle-même avait été changée. Il avait déjà connu phénomène similaire quand il avait été confronté à des magiciens et l’attaque de leurs sorts dévastateurs, était-il possible que la bête en eut l’usage ? Il s’en doutait depuis le début de l’affrontement mais son esprit le refusait, un sous-être qui se traînait à quatre patte ne pouvait maîtriser pareille puissance. Et pourtant…

Soudain une voix profondément grave et rauque, dur comme la roche, jaillit et l’interrompit dans ses pensées. Qui avait parlé ? Etait-ce l’animal ? Impossible, les bêtes ne parlaient pas et celles qui étaient doués de paroles ne pouvait former une phrase complète. Où était l’irrespectueux qui osait s’amuser à ses dépens ? Son regard scruta les horizons sans pour autant éloigner son attention de son adversaire. Une fois de plus la voix ressurgit et Elon du faire un effort pour ne pas sursauter, le son venait bel et bien du loup !

Il n’était donc pas normal, c’était évident dorénavant. S’il pouvait parler alors qu’était-il au juste ? Il avait entendu des rumeurs lorsqu’il était enfant sur des êtres pouvant changer de forme à volonté. De puissants mages adepte de la magie des bêtes, était-il possible que l’immense loup au pelage noir en fasse partie ? Cela ne le rendait que plus dangereux et sa position que plus délicate, il resserra son emprise sur son épée et avança sa dague en avant. Devant l’inconnue la meilleure position à adopter était encore de l’éliminer. Il concentra son attention sur la bête qui apparemment n’avait pas fini de « parler ».

- Voyageant dans la forêt, menacé de mort, n'est-ce pas ? Qui inflige la séparation de l'âme et du corps alors qu'il la redoute lui-même. Ses yeux, tout son être... le crient...

Le noble n’avait jamais eu la patience d’esprit pour interpréter les énigmes et songes et il en était de même lorsqu’il s’agissait de comprendre une créature qui s’exprimait par des concepts étranges et incongrus. Son irritation n’en fut que plus vive.
*Quelle créature pathétique ! Ne peut-elle donc pas venir au fait ?*

Apparemment l’exercice de la parole pour le loup semblait ardu et il lui semblait qu’il lui fallait toute sa concentration pour s’exprimer correctement. Il ne comprenait toujours rien à ses propos mais il lui semblait presque injurieux, toutefois venant d’une bête il décida de ne pas en prendre compte. Réagir aurait été humiliant.

- Je me propose de te porter jusqu'à ta destination. La ville ? Je dois la voir.

Voilà qui était autre chose ! Il venait de dévorer son cheval et engager un violent combat avec lui et voilà qu’il lui proposait de l’aide ?! Etait-ce de la pitié ? De la condescendance ? Elon était trop fier pour accepter et sa haine était encore vibrante mais il se retint de répondre à chaud, il était vrai qu’il se trouvait dans une position délicate et que même s’il exécutait l’animal il se trouverait sans moyen de locomotion. Après tout, si la créature se proposait de le porter d’elle-même jusqu’à une ville pourquoi pas ? Avec un peu de chance il pourrait la dresser et en faire son esclave. Il ne décida pas pour autant de lui accorder sa confiance.

Il baissa ses armes et s’abaissa à lui répondre :

-Ainsi il semble que tu me comprennes…Je vais être clair : j’accepte ta proposition mais au moindre problème je t’égorge et ferais en sorte que ta peau serve de tapis de réception ! Je vais à La Dross…

Il réfléchit un moment, la créature ne connaîtrait surement pas le nom de la ville il devait lui parler avec des termes qu’elle comprendrait. Décidément ! Quelle honte !
-Un repaire d’humain dans grande forêt à la fin de cette route.

Voilà qui mettait les choses au clair. Il rangea son épée au fourreau dans un chuintement métallique mais garda la main sur son poignard et s’approcha avec assurance vers l’immense loup et le contourna. Il savait qu’il prenait d’énormes risques mais que pouvait-il faire d’autre ? Il se hissa donc avec dégoûts sur la large encolure de la créature.

-Si nous restons chacun de notre côté tout ira pour le mieux…

[C'est mieux de finir le topic ici]