UN Baron un ! (pv)

Chronologiquement avant le départ d'Hautval.

Charles était partit à la chasse avec deux de ses traqueurs. Il avait repéré les traces fraîches dans la neige d'un sanglier de belle taille, assurément le même qui s'amusait à ronger les plants de vignes tout jeune.

Et c'était intolérable : la richesse d'Hautval provenait du vin, et y atteindre n'était pas très pardonnable. De plus, un sanglier n'était pas de refus pour les tablées à venir. Aussi, le baron avait fait seller quelques montures avant de commencer à traquer la bête.

La traque avait duré toute la matinée, la salle bête ayant fait un joli chemin depuis que les trappeurs l'aient repéré. Néanmoins, après un galop fou dans la neige à travers les collines, la masse imposante du sanglier fut visible de l'autre côté du vallon.

Charles aimait la chasse. Elle lui permettait d'oublier le reste, tout ce qui faisait de sa vie un creuset de malheur, pour se focaliser uniquement sur la bête, et lui. Il frappa vivement les flancs de sa monture, sans écouter les mises en garde des deux robustes gars qui l'accompagnait. Épieu en main, à moitié allongé sur l'encolure du cheval, le baron rattrapa en un instant le sanglier qui n'avait que trop tard commencé à fuir.

L'épieu fusa le long de son bras pour se planter dans le flanc de la bête. Un flot de sang arrosa la neige, la peignant d'écarlate. Le cheval passa en un éclair à côté de la bête fumante et pleine de rage, décidée à en découdre malgré les deux empans de bois qu'elle avait dans le côté.

Le baron démonta rapidement, et dégaina un large couteau de chasse, se ramassant sur lui même. Les deux paysans arrivaient au triple galop derrière, mais ne serait pas là avant que la bête soit sur lui. Elle chargea, labourant la terre de ses larges sabots.

"-Yaaaaaarrrh !", rugit le baron en fusant sur la bête, lame au poing.

S'ensuivit une mêlée féroce au sol. La terre fut retournée dans tout cette zone, et la neige giclait au alentours, mêlée à du sang et de la terre. Puis ce fut fini. Le souffle court, avec les yeux brillants du prédateur qui vient de mettre fin à la vie de sa proie, Charles se releva, couvert de sang fumant, tandis que le sanglier s'agitait dans les dernier soubresauts de la vie.

"-M'sieur le baron vous êtes blessé ?, s'enquit vivement un des paysans
-C'est le sien...juste une ou deux bosses pour moi. Ramenez le au manoir, j'y vais en avant"

Trois heures plus tard...

Le baron regarda curieusement les traces de pas qui montait la route vers le manoir. Lui qui suivait des traces depuis maintenant six heures, il ne faisait que regarder le sol maintenant, par seconde nature. A part quand il passa devant Sa tombe, où il releva la tête pour regarder avec tristesse la stèle recouverte de neige.

Le manoir fut en vue cinq minutes plus tard. Et un homme attendait devant la porte. Un voyageur par cette saison ? Voilà qui était curieux. Charles l'interpella vivement :

"-Bonjour voyageur. Vous devez être fatigué. Entrons à l'intérieur, vous me ferez part de votre requête, tandis que je me laverais un peu...en effet, je vous prie de m'excuser de cette mise peu soignée, mais je rentre d'une battue qui s'est finie en corps à corps sanglant..."

Il descendit de sa monture, et passa devant l'étranger, avant d'ouvrir la porte menant à l'intérieur. Un serviteur veillait devant la porte, ou plutôt ronflait :

"-Eh bien, tu n'ouvres plus aux voyageurs Stan ?
-Grmbl...OUA ! Heu...veuillez m'excuser monsieur le baron, c'est tout ce sang...
-Çà n'est rien...va plutôt demander à Gilda de préparer un bain, et fais nous apporter à manger. Et remets donc du bois dans l'âtre, il fait un froid de gueux !
-Tout de suite monseigneur !"

Charles se retourna vers son visiteur, lui proposant un tabouret à côté de la table qui s'étendait tout du long de la salle principale du manoir. Le baron jaugea un instant le nouveau venu, et remarqua qu'il avait de bonne constitution, ça n'était apparemment pas une chiffe molle, ce qui fit déjà bonne impression.

"-Bien...je suis donc le Baron Charles de Hautval, maître de ce village et terre environnantes. Alors, qu'est ce qui vous amène en ces lieux voyageur ?"

Le baron écouta attentivement son interlocuteur, appuyé d'un coude sur la table, les sourcils froncés, notant son intéressement vis à vis de ce voyageur solitaire. Les giclées de sang avaient un peu séché sur son visage et commençaient déjà à former des agglomérats de gouttes coagulées noirâtres et poisseuses par endroits. Sans l'aura de noblesse qui se dégageait de sa personne, son air un peu hautain et protecteur, on aurait tout à fait pu le prendre pour un psychopathe ayant fait son office peu auparavant.

Stan apporta rapidement deux écuelles d'une épaisse et chaude soupe de pois, accompagné d'une grosse miche de pain de seigle craquante et fumante, sortant à peine du four. Un pichet de vin délayé d'eau accompagnait le tout.

Un petit silence s'installa après que Valkayre eut fini d'exposer sa requête. Le baron de Hautval continuait de fixer son hôte de son regard curieux et froid à la fois. Il poussa un "mmmmm" assez sonore avant de tourner la tête à l'arrivée de deux serviteurs qui portaient un baquet d'eau fumante. Le baron, comme s'il avait écarté les paroles du voyageur, lui dit en désignant le baquet :

"-J'imagine que ça nous vous gênera pas que je me lave ici même ? Vous ne m'avez pas l'air d'être un courtisan en dentelles précieuses, je suis sûr que vous en passerez outre. Mais commencez donc à manger je vous en prie, et buvez aussi !"


Ce faisant, il commença à ôter ses vêtements maculés de sang et de boue, tout en répondant à Valkayre :

"-Je ne fais que respecter les lois de l'hospitalité mon brave, et je suis outré d'apprendre de votre bouche qu'elles ne sont plus respectées comme auparavant."


Ce sens de l'hospitalité assez exacerbé provenait surtout d'un besoin de connaître les nouvelles des autres contrées, dans un temps où elles ne circulaient pas très vite. Les voyageurs étant une source d'information fort importante. D'ailleurs, le baron reprit, tout en achevant d'enlever sa chemise, se retrouvant nu comme un ver, révélant un corps sec et musculeux, portant les traces des chaines qu'il avait l'habitude de porter sur dos, et des cicatrices de ses flagellations punitives :

"-Je suis assez curieux d'en savoir plus sur votre peuple. Je n'en avais pas entendu parler auparavant. Qui est-il ? D'où vient-il ? "



Le baron se plongea alors dans l'eau qui se couvrit rapidement d'un couche maronnasse de sang et de boue. Charles frémit un instant au contact de l'eau brûlante sur sa peau glacée et trempée. Il reprit, tout en usant d'un strigile pour enlever la croûte de boue qui recouvrait sa peau :

"-Et au passage, donnez moi des nouvelles de la capitale, je compte y partir sous peu, et j'aimerais y arriver en ayant connaissances des évènements récents. J'ai été quasiment coupé du monde ses derniers mois... "

Son visage interrogateur quitta la contemplation de ses chevilles maintenant nettoyés pour se retourner vers Valkayre.

Lorsque Charles se tourna de l'autre côté pour nettoyer son bras gauche, on put apercevoir de curieux bandages sur le partie supérieure du membre : il semblait avoir été placé là pour une longue durée, solidement attachés par des lacets de cuirs passés aux extrémités...

Le baron lança, pour parer à toute question :

"-Une égratignure écopée lors d'une chute depuis mon cheval."

Son œil devint songeur lorsque Valkayre commença à lui parler de son peuple. Où en avait-il déjà entendu parler ? Ce nom lui disait quelque chose...il avait assurément déjà du lire ce nom dans les Annales Complètes des territoires humains, par le célèbre historien Aristos Gadarion.

Néanmoins, il était assez interloqué par la description du chef de la Lignée. Son ton le dénotait totalement :

"-Il est bien triste que le roi de l'époque ait massacré vos ancêtres, mais le mal est fait non ? Il existe maintenant l'armée Royale, qui se charge de protéger les Territoires Humains, et j'ai l'impression pour l'instant qu'elle a bien rempli sa tâche. Pourquoi ne pas la rejoindre avec votre "peuple" ? "

Le baron sortit du baquet, et se saisit d'une serviette que lui tendit un serviteur avant de reprendre :

"-J'ai bien peur qu'on ne vous prenne vous et vos compagnons pour des hors-la-loi..savoir que quelqu'un dispose d'une forcée armée indépendante sur son territoire ne sera pas pour plaire à Sa Majesté".


Charles enfila ses chausses ainsi qu'une tunique de lin teint en rouge, aux couleurs de la famille, et poursuivit :

"-Vous parlez d'un peuple ? Mais combien donc êtes vous ? Personne ne descend apparemment de ce peuple mis à part vous, et par votre seule force de persuasion vous avez rallié ce qui constitue maintenant un peuple entier à votre cause ? "

Cette affaire interloquait un peu Charles, qui n'avait rien vu de semblable auparavant. Et puis, quelques doutes se présentèrent à son esprit, mais il ne les formula pas. Peut être cet homme n'était qu'un escroc avec une histoire assez solide pour extorquer du bois aux nobles naïfs ? Il ruminait donc ses pensées tout en s'asseyant et mangeant un peu de sa soupe. Ses yeux se posèrent de nouveau sur l'homme :

"-Quant à vos nouvelles je vous en remercie. Cette tragédie est regrettable...," dit-il d'un ton tout à fait détaché et neutre.

Il acheva enfin :

"-Bref, il me faudrait quelques précisions sur votre peuplade, et non seulement des bouts d'une légende...de plus, avez vous déjà interrogé d'autres nobles ou même les autorités sur ce sujet ? Si c'est le cas, qu'en ont-ils dit ?"