Bishop alias Le Manchot [ Mercenaire]

Fils d’une pute dévote et d’un cureton salace, Bishop manquera de tout, d’abord d’affection. Dès son plus jeune âge, il est pris en main par son oncle, pétri par ses grosses mains rugueuses, et utilisé comme un esclave. Sur les marchés de Diantra, le jeune garçon abat le travail d’un adulte. Tous les jours il sent son dos.

Vient l’adolescence et une rencontre qui infléchira radicalement le cours de sa vie. Alors qu’il est seul derrière l’étal, un client passe sa commande. Il parle d’une voix de stentor, porte un sabre à la ceinture, et ne désire qu’une pomme. Bishop est frappé par la présence de ce type, cette tenue, cet air détaché, cette sérénité. Tout chez lui rime avec liberté, cet homme n’a rien à gagné, rien à perdre. C’est en servant ce client que l’enfant de putain prend toute la mesure de sa condition d’esclave. C’est un choc, une révélation, lui aussi il n’a rien à perdre. Alors il se met à courir derrière ce client, derrière cette lumière qui l’attire comme un papillon de nuit.

La vie de vagabond n’est pas facile, mais tellement plus heureuse que celle de l’esclave. Bishop apprend beaucoup de celui qu’il accompagne. C’est un guerrier, un mercenaire, capable de trancher une tête en moins de rien. Khan est un solitaire, bientôt il ne tolèrera plus la compagnie de son jeune disciple. Dans l’intervalle, Bishop est initié au maniement du sabre, à la survie en milieu hostile, et à la philosophie de son mentor : vis comme tu l’entends et ne laisse personne t’imposer son diktat.

Lors d’une partie de chasse qui tourne mal, Bishop est blessé au bras droit. Les soins portés par son compagnon ne suffisent pas à éviter l’infection ; la gangrène s’installe. Si il veut survivre, il doit faire le deuil de son bras. Il épouse son avenir de manchot sans hésiter une seconde et s’en remet à Khan. La lame gicle du fourreau, le jeune homme clôt les paupières.

Le jour est venu de se séparer à la prochaine fourche que formera le sentier. Les deux hommes se quittent de manière entendue, chacun lit beaucoup de respect dans le regard de l’autre. Les yeux de Bishop ont gagné en profondeur et Khan s’en félicite.

Epris de liberté, le jeune sabreur se sent pour la première fois propriétaire de son existence. L’effet est grisant. Il se contente de peu, avance d’un pas tranquille, et ne doit rien à personne. Quel sentiment merveilleux, aujourd’hui peu lui importe le destin des hommes, leurs guerres, leurs intrigues, leurs vices ; jamais l’humanité ne lui est apparue si futile, jamais sa vie n’a été si pleine de sens.

Sur les traces de son maître à penser, Bishop perfectionne sa technique du sabre en louant ses services. Handicapé mais gaucher, il manie les armes légères avec brio et pratique des tarifs très avantageux. Bientôt il est confronté à un escrimeur dont il a sous-estimé les compétences. Zuela de Meca est un trop gros gibier pour lui et la technique du pirate aux trois lames l’envoie au tapis. Par chance, il est pris en pitié et se voit épargné.

Une fois remis sur pied, Bishop se fait faire une prothèse, une arme mortelle qui remplace son bras manquant. Couplés à son sabre en dents de scie, ces deux pieux effilés sont d’une efficacité redoutable. Il ne tarde pas à retrouver Zuela et un nouveau combat s’engage. Cette fois il est vainqueur, en sang mais vainqueur. A son tour d’épargner la vie son adversaire, mais leur prochaine rencontre sera fatale à l'un d'eux.

Bishop vieillit, s’aguerrit, et se fait de nombreux ennemis. Avec l’âge il a fait de la liberté une religion, un objet sacré dont il s’est emparé aux dépens d'autrui. Car aujourd’hui, la liberté des autres s’arrête là où commence la sienne, infinie, absolue.


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