[Cour intérieure] De l'Art d'être l'épine dans le flanc d'une rose...[PV]

L'après-midi était radieuse, baignée par une lumière de printemps du plus bel effet.

Une cortège de pas moins de trois carrosses et roulottes aux couleurs de la Danseuse en Flamme firent leur apparition dans la cour royale, leurs sabots battant le pavé bon train. Les gardes accueillirent cette procession avec surprise, n'ayant pas été prévenu d'une quelconque arrivée ou invitation.

- Halte là, cocher ! Votre laissez-passer ?

Une main gantée de voleur noir fit son apparition par la fenêtre ouverte d'un des attelages portant le sceau du roi. Elle fut immédiatement suivie par le son d'une voix aux accents chauds et assurément féminins.

- Nous sommes attendues, mon cher. Nous laisserez-vous passer ?

Le garde piqua un fard à la vue de la personne à qui il s'adressait et se trouva obligée d'effectuer un baise-main maladroit à cette mystérieuse main gantée.

- Je .. bien entendu madame la Baronne.

La démarche fut accueillie avec un gloussement attendri avant de lancer l'ordre à son cocher de redémarrer, laissant là le soldat encore confus. C'est qu'on avait bien peu l'occasion pour un homme de basse extraction d'approcher d'aussi près la célèbre Baronne de Fenice, magnat de la parfumerie et des teintures et femme réputée pour sa beauté brûlante.

On leur ouvrit la grille de la court intérieure et la procession reprit son élan pour s'arrêter devant la porte principale. Là, le cocher mis prestement pied à terre et ouvrit la porte pour laisser sortir sa Dame, comme on dévoile le diamant de son écrin. Lomah s'appuya délicatement sur la main tendue de son chauffeur pour pauser son escarpin sur cette nouvelle terre promise avec un sourire conquérant.

Spoiler:

Hadjirah descendit à sa suite, avec beaucoup plus de sobriété.

- Où dois-je décharger vos affaires, Ma dame ?

- Faites monter tout ça dans l'Aile de la Reine. Dans la suite de la Rose, mon brave.

- A vos ordres, Ma Dame ! fit-il en ployant l'échine.

On procéda alors au déchargement : Coiffeuse en acajou, commodes en bois précieux, garde-robes fournies impressionnante, opulentes boites à chapeaux et à chaussures, Coffres et coffrets de senteurs et de bijoux... Tout ce remue-ménage parfumé eut tôt fait de venir aux oreilles de la Reine qui ne tarda pas à faire irruption dans la cour l'air ahurie.
Lomah l'accueillit avec sa nonchalance habituelle assortie d'une courbette et d'un sourire outrageusement obséquieux.

- Ma Reine ! Quel plaisir infini ! Sachez que je suis terriblement honorée de la faveur que vous me faite !

Hadjirah était descendue derrière Lomah, lançant un regard assassin à l'un des déménageurs qui avait eu la mauvaise idée de vouloir faire mine de se reposer.

D'un geste de la main, la dame de glace remis en place un pli de sa robe qu'elle était la seule à pouvoir trouver inopportun. Elle portait une tenue aussi sobre que celle de Lomah était sophistiquée, ce qui ne suffisait en aucun cas à dissimuler ses charmes exotiques, mais clamait au monde que regarder toute autre chose que sa personne était bienvenu.

Lorsque la reine apparut, Hadjirah sembla afficher une moue contrariée aux paroles de Lomah. Moue qui s'effaça lorsque Lilianna répondit. Seule la sulfureuse baronne semblait capable d'éclairer de vie le visage de son âme damnée. Même si cette vie consistait en une irritabilité extrême.

Elle leva les yeux au ciel, soupirant légèrement :
"Bon sang, ma baronne, j'avais laissé la copie du pli en évidence, ce n'était pas pour égayer la salle de réception ! "

Elle se tourna alors vers la reine, levant un doigt autoritaire devant son visage, comme elle le ferait pour intimer le silence à un enfant capricieux :
"Bonjour." Son intonation n'était pas forcémment synonyme de "bon" jour... : "Vous n'êtes pas au courant ? Je ne sais pas pourquoi, ça ne m'étonne pas."

Elle avança vers la reine d'un pas sec, fouillant en même temps dans un fin sac de velours sombre qu'elle portait à l'épaule, aussi discret que le reste de sa tenue.

Elle s'arrêta face à la souveraine, figée dans une attitude glaciale. Elle sortit d'un geste un pli impeccablement plié, marqué du sceau royal, et le plaça entre les mains de Lilianna sans lui laisser le choix. Comment une femme pouvait elle dégager autant de froideur et d'autorité dans un simple geste ? La secrétaire de Fenice restait un mystère pour l'ensemble de la gent' féminine. Et un gâchis dramatique pour les mâles du royaume.

Toute proche de la reine, elle détailla cette dernière de la tête aux pieds, comme si elle la sondait, d'une façon fort peu conventionnelle, s'attardant sur chaque détail de son interlocutrice, de ses vêtements à ses courbes, en passant par le tein de sa peau et la façon d'attacher ses cheveux. La physionomiste était à l'oeuvre sans complexe.

Elle fronça les sourcils dans une moue autoritaire, avant de lâcher :
"Le printemps a beau être là, n'hésitez donc pas à multiplier les couches de vêtements. Il est nécessaire de vous tenir au chaud, bon sang !"

Elle avait pris le ton habituellement utilisé pour forcer Karin à remettre son manteau même sous un soleil de plomb.
Mais pourquoi cet ordre soudain ? Savait elle quelque chose ? Avait elle vu ? Cela venait il de Trystan ?

Mais Hadjirah Saliha était aussi bavarde et encline à expliquer les choses en public qu'elle était sympathique et amicale. Elle fit volte face aussi vite qu'elle était arrivée, pour s'éloigner de quelques pas, et retourner aux côtés de la baronne, qu'elle gratifia d'un dernier regard excédé.

Elle semblait râvie au plus haut point de se trouver ici, et le faisait comprendre.

Lomah afficha une moue faussement surprise pimentée d'un petit soupir attristé qui souleva son décolleté en un joli ensemble.

- Majestée... "Mon" roi ne vous a rien dit ? Je pensais qu'il s'agissait d'une idée que vous aviez eu de concert...

Cette manière qu'elle avait d'appuyer sur le "mon" de roi comme si elle connaissait un pan du souverain qui ne serait jamais acquise à Lilianna et dont elle se délectait de lui faire claquer la chose au visage. La baronne pencha la tête sur le coté avec une expression féline, d'un chat s'amusant des ébats d'une pauvre petite souris prise au piège et s'approcha lentement faisant crisser le gravier sous ses escarpins de taffetas

- Je pensais que vous partagiez tout...

Elle papillonna un instant des paupières avec une grâce exquise avant de brusquement glisser son bras sous le coude de la reine, bras-dessus, bras-dessous avec une familiarité aussi déconcertante qu'irritant. Elle lui prit la lettre des mains et la déplia elle-même.

- Je suis votre nouvelle Dame de Compagnie selon ordre de "votre" adoré époux. Nous sommes parties sur de mauvaises bases vous et moi... Fit-elle avec une mauvaise foi insupportable. Mais je suis persuadée que cette heureuse initiative va nous permettre d'apprendre à nous connaitre...

Elle s'approcha dangereusement près. Ses yeux d'un vert acide semblaient démentir avec nonchalance toute sa précédente diatribe. Son parfum obsédant inonda les narines de la jeune reine comme un un prédateur brouille les sens olfactifs de sa proie.

- Et qui sait... peut-être que nous nous apprécierons, murmura-t-elle avec un sourire qui du point de vue de la pauvre Lilianna avait tout de démoniaque.

Et puis soudain elle s'écarta et défit sa capeline pour la mettre sur les épaules de la jeune femme avec une troublante mimique maternelle.

- Hadjirah a parfaitement raison, il est dangereux de prendre froid dans votre état !

Derrière la Baronne, les ouvriers avaient presque déchargé et monté l'ensemble du fatras de leur incandescente patronne.

Hadjirah observait la jeune reine à la manière d'un oiseau de proie. En retrait et immobile, elle ne la lâchait plus du regard, semblait jauger, et juger, chacun de ses gestes.
Comment Lomah parvenait elle à vivre chaque journée sous l'oeil inquisiteur et pesant de cette femme de glace, qui ne semblait jamais lui laisser passer la moindre erreur ?
Et comment Hadjirah, réputée pour ne supporter aucun écart, acceptait elle de vivre dans le sillage de l'incendiaire Lomah ? Ce n'était pas par ambition, elle n'avait jamais cherché à embrasser le moindre autre rôle.
Encore un mystère émanant de ce duo innatendu.

Hadjirah réagit cependant lorsque la reine sembla se reprendre, et répondre avec un peu plus de finesse que ce à quoi elle les avait habituées jusque là :

« Rassurez vous. Cette robe est plus chaude qu'il n'y paraît. et je m'en voudrai tellement que vous preniez froid à ma place. Il serait dommage que vous soyez obligée de rester au lit , non ? »

Dans une moue pincé, Hadjirah marmona sans le moindre sourire pour atténuer ses propos :
"Par les Cinq, ne la tentez donc pas..."

Ha ça, si Lomah avait pu passer son séjour au chateau au lit - de préférence pas dans le sien - nul doute qu'elle l'aurait fait.

Hadjirah se baissa pour ramasser un dernier bagage, un coffret de bois gravé de motifs exotiques, qu'elle ne semblait en aucun cas vouloir laisser aux domestiques.

Lilianna repris alors :

« Puis-je vous conduire à vos appartements peut-être ? »

Hadjirah laissa à Lomah le soin de répondre à la proposition. Elle ne semblait s'adresser directement et ouvertement à ses interlocuteurs que pour les réprimander ou les envoyer paître.

Elle posa ses yeux froid sur sa baronne :
"Une fois au calme, je pourai te parler des quelques nouvelles du front que j'ai pu recevoir par les soudards éclopés venus pleurer dans le giron de ma mère. Je ne comprendrai jamais cette ce besoin d'aller déverser ses mots et son corps sur des inconnues plutôt que de se rendre utile, même avec un bras en moins."

Ce n'étaient pas des mots innocents. Chaque information revenant du front était précieuse, pour les femmes éplorées attendant leurs maris. Et seuls les blessés graves et les déserteurs pouvaient ramener des récits de vive voix. Hors ils avaient plus souvent tendance à aller raconter leurs souvenirs dans les tavernes ou les bordels, qu'à la cour...

Quand aux sous entendus sur les origines de ces informations, Hadjirah aurait préféré être frappée par la foudre sur place plutôt que de les dissimuler. D'autres auraient même dit qu'elle laissait entendre la profession de sa génitrice par simple plaisir malsain de mettre son entourage mal à l'aise.

La vérité était peut être que, à l'instar de tout ce qui concernait les êtres vivants, elle n'y accordait pas la moindre importance...

Lomah offrit son plus beau sourire contrefait à la "Petite Reine", surnom qu'elle et Hadjirah utilisait à loisir pour évoquer la petite paysanne devenue épouse du grand Trystan de Diantra. Force était de constater que depuis leur dernière entrevue, la petite avait su faire front : dissimuler sa grossesse avec une certaine habilité était une chose, mais tenir tête à la femme qu'on détestait le plus avec le sourire était un pas plus grand.

Lomah plissa les yeux comme à chaque fois qu'elle évaluait le travail à fournir pour esquisser un futur tableau. Lilianna était jeune, plutôt jolie si on apprécie le genre dépouillé et visiblement moins bête que précédemment constaté. Néanmoins, il avait fallu de nombreuses années à Lomah pour policer son jeu. Ses sentiments personnels étaient devenus parfaitement indétectables à force de porter autant de costumes que de situations. Ça n'était pas le cas de la Petite Reine. Elle sentait sa rage et sa haine contenue comme on approcherait ses paumes d'un brasier.
Cette simple constatation électrisa la Dame de Fenice mieux que n'importe quelle drogue, mieux que l'étreinte du meilleur amant : Le défi de tailler l'image de la reine pour lui donner toute son envergure. Quelle divine attraction !

- Puis-je vous conduire à vos appartements peut-être ?

Hadjirah la retint par le bras un instant et lui murmura :

- Une fois au calme, je pourrai te parler des quelques nouvelles du front que j'ai pu recevoir par les soudards éclopés venus pleurer dans le giron de ma mère. Je ne comprendrai jamais cette ce besoin d'aller déverser ses mots et son corps sur des inconnues plutôt que de se rendre utile, même avec un bras en moins.

- Nous verrons cela plus tard..., lui répondit Lomah, son esprit entier tournée vers la jeune femme blonde qui l'attendait avec un effort de stoïcisme délectable à moins de trois mètres. ... Vous ne sauriez me faire plus plaisir, Majesté, fit-elle enfin à l'adresse de cette dernière.

Lomah se glissa dans le sillage de la Reine, suivant sa silhouette de près, pour pousser son écœurement au possible. La baronne était plus petite que la Reine mais au combien moins sèche. Lillianna était bien obligée de l'admettre, cette femme dégageait quelque chose de puissant qui appelait toute personne à se retourner sur son passage, ce qui ne manqua pas de se confirmer à mesure qu'elles évoluaient dans les couloirs du château.
Hadjirah les suivait à quelques pas en arrière de distance.

Elle pénétrèrent dans l'Aile de la Reine , réservée à l'usage exclusif de cette dernière et de ses dames de compagnie. La Suite de la Rose était une série de trois pièces consécutives : une chambre à coucher, un cabinet faisant aussi office de boudoir et une antichambre.
Les ouvriers était déjà à l'œuvre pour installer les meubles supplémentaires et la couteuse garde robe de la baronne. Lomah fit quelques gestes gracieux de la main et distribua quelques sourires à la volée avant de se tourner vers sa secrétaire.

- Hadjirah chérie , peux-tu leur expliquer comment tout doit être arrangé ? il n'y a que toi qui sache combien j'apprécie que les choses que j'aime m'entourent convenablement.

Elle adressa un petit gloussement de connivence odieux à la Reine.

- J'ai horreur de me déplacer sans mes 230 paires de chaussures et mes 557 robes... Hadjirah m'a bien conseillé de faire des choix! Mais je n'ai pas su me décider convenablement... Vous me comprenez n'est-ce pas ?

C'est qui était facilement compréhensible c'était que comme la plus tenace des plante grimpante, la Dame de Fenice venait de trouver un terreau à son goût...

Surtout , ne pas craquer... Lilianna avait simplement envie de gifler cette maudite baronne pour lui remettre les idées en place. Mais contrairement à ce que cette femme semblait penser , Lilianna n'était pas une femme idiote. Elle savait quand il fallait être faux et elle savait quand il fallait garder les apparences. Trystan l'avait aimé pour sa personnalité , et les dieux savaient qu'il n'aurait eu que faire d'une idiote de courtisane. La jeune femme ne supportait pas vraiment le ton méprisant et légèrement ironique qu'elle semblait entendre dans la voix de Lomah. Oubliait-elle son rang ? Nul doute que oui... Elle avait oublié qu'elle n'était qu'une petite baronne , et qu'elle s'adressait avec tant de familiarité à celle qui était la reine ? Lilianna se garda bien de lui faire remarquer. Elle se faisait bien assez remarquer toute seule , pas besoin d'en rajouter une couche. Et puis la jeune femme n'avait pas l'intention de rentrer dans son jeu. Quoiqu'elle en pense , Lomah et sa compère n'étaient pas en position de force. Un seul mot d'elle et elles perdaient la tête... Oh évidemment , ce n'était nullement dans les intentions de Lilianna ! Elle n'était pas du genre à se débarasser ainsi d'une épine dans sa paume. Mais savoir qu'elle en avait le pouvoir la rassurait. Un peu.


Ainsi , Lilianna proposa "gentiment" à la baronne de l'accompagner à ses appartements. Si la proposition semblait faire bonne figure devant sa cour , ses intentions étaient en réalité toutes autres. La seulz chose que voulait Lilianna , c'était écarter cette femme et sa suites de la lumière. Plus vite celle-ci invéstirait ses appartements , et plus vite elle la laisserait en paix. Du moins , elle l'espérait. Lilianna observa d'un oeil critique Hadjirah , qui adressait quelques paroles à Lomah , sans luii accorder la moindre attention. Elle eut envie de rire. Et elle même avait besoin d'apprendre quelques notions de respect ? Lilianna fronça quelque peu les sourcils à ses paroles. Enfin , peu lui importait. Qu'elles se disent bien ce qu'elles voulaient... Lilianna faisait de son mieux pour arborer un air détendu. Les apparences , les apparences , les apparences. Toujours les apparences. Bientôt , Lilianna entrainait la baronne dans son sillage. Lilianna était dégoutée de voir tant de gens se retourner sous son passage. La reine était saluée , la baronne détaillée des yeux à la tête. Les femmes grimaçaient , les hommes souriaient pour la plupart... On en oubliait presque son accolyte , le bloc de glace qui était toujours derrière elle.

La jeune reine les introduisit dans leurs nouveaux appartements. Lilianna était ébahie par le nombre de choses qu'avaient déménagé la baronne. Elle ne put s'empêcher de penser qu'à ce rythme là , ses appartements à elle feraient office de chambre d'ami , même si le luxe lui importait peu. De plus , elle ne pouvait s'empêcher de plaindre ses pauvres hommes qui se ruinaient le dos à bouger tous ces meubles. Enfin , elle ne comptait pas faire le moindre reproche à Lomah , n'étant pas assez folle par remuer les braises. Elle se devait de faire de son mieux pour faire bon effet. Bien qu'elle ne soit pas du genre à être faussse , Lilianna n'avait aucunement l'envie de prolonger son entretien avec la baronne... Lilianna manqua de sursauter lorsqu'elle se rendit compte que Lomah s'adressait enfin à elle :

« Non , je ne vous comprend absolument pas. Mais qui suis-je pour oser dire quoi que ce soit à ce sujet ? »

Evidemment , son ton était plus qu'ironique et n'attendait aucune réponse de la part de Lomah et Hadjirah. Et avant que ceux deux là puissent répondre , elle enchaina.

« Une fois votre... déménagement terminé , je vous serai reconnaissante si vous vouliez bien me rejoindre dans mes propres appartements , afin que je vous informe de votre nouveau rôle auprès de moi. »

Lilianna les salua poliment , avant de se retirer. Sa proposition n'avait vraiment rien d'engageant... La jeune reine n'avait nullement envie de rester un instant de plus en compagnie de ses deux pestes , mais elle n'avait vraisemblablement pas le choix. Il fallait bien qu'elle informe Lomah quant à son nouveau rôle auprès d'elle. La perspective d'avoir cette femme à ses côtés la rendait malade , tout simplement. Jusque là , les dames de compagnie de Lilianna avaient été des personnes charmantes. Passer un peu de temps avec elles n'avaient pas été une corvée. Mais avec l'arrivée de la baronne , les choses risquaient fort de changer... Lilianna n'avait déjà pas beaucoup de temps pour souffler , mais si en plus cette maudite était sans cesse derrière elle...

La jeune femme soupira , remerçiant d'un signe de tête le Lys qui ouvrit la porte pour elle. Elle s'assit doucement dans un fauteuil , et demanda à ce qu'on lui apporte une collation pour trois. Vous imaginez comme elle était ravie d'offrir une tasse de thé à Lomah et Hadjirah, n'est ce pas ?

Hadjirah et Lomah se retrouvèrent face à la porte des appartements de la reine... Un long moment plus tard, alors que la collation réclamée avait déjà été apportée, et avait eu le temps d'embaumer la pièce agrémentée de sa royale présence.

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Un peu plus tôt, Hadjirah avait suivi avec un flegme stoïque les derniers échanges, sans rien ajouter d'autre qu'un signe de tête à la demande de Lomah d'organiser ses affaires. Elle s'était éclipsée avant même que la reine ne le fasse, s'affairant à donner des ordres sur un ton à en faire frissoner les chefs de guerre drow à l'autre bout du pays.
Peut être aurait elle eu sa place au front, en fin de compte ?

Laissant le soin à Lomah de saluer Lilianna à son départ, accordant un simple signe de tête à la reine pour signifier qu'elle l'avait bien vue partir, la secrétaire referma la porte derrière la reine, et se tourna vers Lomah, l'air assassin.

Le sujet de son couroux ne faisait aucun doute. Les vêtements de voyage froissés, les peaux encrassées par un voyage poussiéreux, les coiffures mises à mal... Hadjirah n'était certes pas coquette, mais ne supportait pas que les choses soient mal mises.

En quelques sortes, les ordres avaient fusé. Un baquet, de l'eau, des onguents qu'il fallut retrouver à toute vitesse dans le paquetage.
La panique s'empara des suivants losque l'ordre fut donné de trouver des tenues - très précises, celles cis et pas d'autres - dans le fatras de coffres encore entassés.

La pauvre Lomah eut vite fait d'être malmenée par la tornade provoquée par sa secrétaire, et de se retrouver en train de se décrasser en sa compagnie, avec une efficacité déconcertante, dans une l'intimité outrageuse d'un bain unique.

Hadjirah était parvenue à improviser une salle de bain et un dressing en moins de temps qu'il ne lui en fallait pour fusiller un inoportun du regard.
Alors que Lomah retrouvait ses chères tenues et parures, sa secrétaire, encore parée d'une unique serviette nouée autour de sa poitrine, installait déjà le nécessaire de maquillage de sa baronne autour d'une coiffeuse installée là précédemment, sachant qu'elle prendrait un temps infiniment long à se repoudrer le nez...

Tout s'était enchainé avec une précision et une efficacité digne des plus grands assassins du royaume, et sans qu'Hadjirah ne décroche un mot, entièrement concentrée sur son oeuvre.

Elle ne desserra la machoire qu'une fois Lomah assise, sous son commandement, devant la coiffeuse. Lassant consciencieusement les cordelette du corset de sa baronnne, Hadjirah souffla enfin:
"Et voilà, nous sommes en retard."

Ca n'était pas le cas, mais une prévision sur le temps que prendrait Lomah à finir de se préparer, durant lequel la secrétaire aurait cent fois le temps d'enfiler une robe et de discipliner ses propres cheveux.

"A moins que tu ne te presses pour plaire à notre souveraine porteuse ?"

Le ton était aussi peu convaincu qu'il en avait l'air. Hadjirah avait accéléré le mouvement par proffessionalisme, mais aurait payé pour ne plus sortir de cette pièce.

Elle observa un instant Lomah dans le miroir de la coiffeuse, tirant une dernière fois sur le corset, en ajoutant sur un ton d'éloge à un enterrement :
"Au moins nous voilà à la cour, quelle bonheur, ma vie est accomplie."

Elle ponctua cet élan d'enthousiasme d'un solide noeud dans le dos de Lomah, qui avait réalisé le miracle de la trainer avec elle dans ce bourbier...


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C'est pourquoi, un long moment plus tard, les deux femmes se retrouvèrent certes impeccablement aprétées, mais particulièrement en retard, face à la porte de la souvenraire. Le tout avec, le contraire eut été décevant, une moue totalement irritée sur le visage d'Hadjirah.

[avec la permission de Lila]

Alors que nous nous reposions tous les trois tranquillement dans nos quartiers, une chambre luxueuse offerte gracieusement par sa majesté, étant donné que nous vivions désormais au palais, on frappa à la porte. Soupirant j’embrasse les cheveux de Roxane avant de me lever du lit et d’aller ouvrir. Un page se tient devant la porte, l’air essoufflé.

« Seigneur Gil-Assan… La reine vous demande dans ses quartiers… le plus vite possible… »

Allons bon qu’est-ce qui se passe ?

« Très bien, dis-lui que j’arrive tout de suite. »

Je ferme la porte, et va prendre mes bottes et mon ceinturon auquel son fixé deux fourreaux contenant mes deux épées courtes. J’enfile mes bottes et bouche solidement ma ceinture avant de m’en aller embrasser Roxane, toujours sur le lit.

« Je dois aller rejoindre la reine. A tout à l’heure mon amour. »

Je l’embrasse une dernière fois, me redresse tandis que Cundu vole sur mon épaule et sort de la chambre avant de me précipiter dans les couloirs en direction des appartements de la reine. Quelques instants plus tard je suis devant sa porte à laquelle je frappe. On m’invite à entrer, et je pénètre dans les appartements où il y a quelques jours je lui faisais le serment de la protéger contre ses détracteurs.

« Majesté, je suis venu aussi vite que j’ai pu. En quoi puis-je vous être utile ? »

Elle m’expose brièvement la situation avant que l’on ne vienne frapper à la porte. Ah, voila donc les deux vipères. Je doute qu’elles s’attendent à ma présence, voir si cette dernière leur importe d’ailleurs. Contrairement aux autres jours, je ne suis pas vêtu de bleu mais de marron cette fois. Du moins en grande partie. Je porte une chemise à jabot blanche, par-dessus laquelle vient une veste marron aux encolures argentées. Mon pantalon est de la même facture, tout comme mes bottes. Mon habituelle couronne en argent ceint mon front, tandis que mes longs cheveux sont nattés derrière ma nuque et noués par un ruban bleu, dégageant mes oreilles effilées. Ma veste est ouverte, montrant clairement mes deux épées courtes qu’il mes facile de dégainer. Sur mon épaule, Cundu les observe tout aussi méfiant que moi. Je me tiens légèrement en retrait de la reine, les mains sur ma poitrine musclée.

Les deux femmes entrent, présentant leurs excuses pour leur retard. A son ton on pourrait la croire sincère, mais au vu du comportement dont elles ont fait preuve lors du mariage, et de ce que m’a appris la reine, je me méfie. Je les observe des mes yeux rouges écarlates, le même regard que mon dragon, bien que je n’ai en ce moment pas les pupilles fendues.

Elles ne font pas attention à moi, mais nulle doute que sa majesté ne manquera pas de me présenter à elles.

Bon. Un moment de répit avant la tempête. Lilianna n'avait vraiment aucune envie de recevoir la baronne dans ses appartements , mais celle-ci avait visiblement l'intention de rester longtemps , alors autant l'informer des règles les plus essentielles. A peine entrée dans ses appartement , Lilianna s'effondra dans un fauteuil. A choisir , elle préférait affronter tous les conseillers réunis que ces deux vipères... Lilianna eut un petit sursaut , alors que Cabal donnait un petit coup de langue à sa main. Avec un soupir , elle le caressa entre les oreilles. Au moins elle était certaine que lui ne se retournerait pas contre elle durant cet entretien. Lilianna n'avait nullement envie de passer pour une idiote. Lomah et son amie la prenaient assez pour une idiote , pas la peine d'enfoncer le clou. La jeune femme passa une main dans ses cheveux , avec un nouveau soupir. Bon... Elle appela un domestique et lui demanda de ramener de quoi faire une collation. Pour quatre. Car une idée venait de germer dans son esprit. Le domestique s'en alla , saluant la souveraine avec une gaucherie qui la fit sourire. Comme elle aimerait se passer de tout ce protocole !

Lilianna avait envoyé un de ses gardes chercher Eldis. Eh oui , elle avait l'intention de lui demander son aide pour affronter la tempête. Evidemment , s'il voulait refuser , il le pouvait. Elle le lui avait dit. Il était libre d'accepter de l'aider ou pas selon la situation. Cette fois ci , elle espérait qu'il dirait oui. Jusque là , Eldis ne l'avait jamais déçue. Il l'aidait à supporter un peu mieux l'absence de son mari. Certes , l'absence de Trystan restait plus que tout pesante , mais elle avait trouv"é au moins un ami sur qui compter... Deux même , avec Roxane , qui était une demoiselle pleine de vie. Et puis avouons le , Lilianna trouvait leur fille adorable. Elle était perdue dans ses pensées , lorsqu'Eldis entra. Lilianna se releva d'un bond. Elle avait d'abord pensé que les deux femmes étaient là. Non. Ne savaient-elles pas qu'on ne faisait pas attendre la reine ?

« Ah Eldis. J'aurai besoin que vous m'aidiez à affronter un orage... Je me vois obligée d'accueillir deux vipères chez moi. Lomah , vous vous rappelez ? Pour une raison qui m'est inconnue , Trystan me l'envoie. »

Il avait intérêt à avoir un sacrée bonne raison ! Sinon , oust ! dehors. Lilianna n'était absolument pas masochiste et elle ne garderait pas ces deux femmes auprès d'elle si Trystan ne lui disait rien. Lilianna aperçut le petit dragon perché sur l'épaule d'Eldis et elle lui sourit. Cabal s'était levé et bougeait la queue , visiblement très intéressé , comme la première fois qu'il l'avait vu. Il restait cependant sage , assit près de Lilianna. Soudain , la porte s'ouvrit et un garde visiblement gêné annonça les deux femmes. Lilianna les détailla puis dit d'un ton amer :

« La prochaine fois , vous trouverez ma porte fermée , Mes Dames. »

Sans qu'elle ne l'y ait invitée , Lomah s'assit près d'elle. Lilianna leva les yeux au ciel en se tournant vers Eldis. D'un geste de la main , elle invita Eldis et Hadjirah à s'asseoir. Le serviteur avait ramené la collation depuis un moment , et elles avaient mis un temps tellement fou à venir que tout était froid. Cabal se coucha aux pieds de Lilianna et mit son museau entre ses pattes. Lilianna eut un petit sourire qui s'effaça très vite. D'un geste de la main , elle désigna Eldis.

« Je vous présente Eldis , mon garde du corps. Il est toujours présent lors des entretiens avec certaines personnes. »