Royale rencontre

Quelle étrange noble que cette Katalina. Depuis son mariage avec Elyas, marchand bourgeois, elle avait officiellement hérité de ses parents, unissant le patrimoine et le prestige certes décadent de sa Maison à la confortable fortune du marchand. Une union profitable pour les deux partis, car il ne fallut que quelques années à ce cher Elyas pour redorer le blason des Noblegriffon en Sarramire. Katalina réussira à faire connaître, après la mort de son époux, son nom dans tout le Royaume. A vingt cinq ans, elle était à la tête d’une des plus grosses fortunes connues à ce jour sur les terres de Trystan, et accessoirement d’un véritable empire commercial aux activités tentaculaires.

C’était d’ailleurs ça qui pouvait surprendre. Car depuis toujours, la jeune veuve n’a pas vraiment l’image d’une noble. Pour tous, elle est une marchande hors paire, une habile négociatrice, mais jamais on ne l’a vu à la cours, jamais on ne l’a vu se plonger dans les intrigues, les jeux et les surprises qui ponctuent la vie de certains nobles de Diantra. Elle a utilisé son nom pour accéder à certains marchés, sans pousser cet avantage plus loin. Ce fut donc une surprise pour beaucoup quand on se mit à murmure à la cours que la Dame Noblegriffon cherchait à obtenir une entrevue avec sa Majesté Trystan de Diantra. Comment avait-elle fait ce petit tour de force que de se servir implicitement de la Cour pour prévenir son souverain qu’elle cherchait à l’entretenir de certaines choses ?

En réalité, la chose n’était pas surprenante. Tout s’explique même facilement grâce au prestige dont jouit son comptoir de commerce auprès des nobles fortunés, à Diantra. Comprenant rapidement l’avantage qu’elle pouvait tirer de fournir les grandes personnalités de son époque en produits de luxe. Il lui avait suffit de faire en sorte de se trouver là quand une noble réputée bavarde était venue chercher sa commande, et de lui toucher quelques mots sur son projet, et le tour était joué.

- Vous savez ce que j’ai pu apprendre ? La Dame Noblegriffon cherche à rencontrer le Roi.
- La Marchande ? Que peut-elle bien lui vouloir ?
- Qui peut savoir ? Elle est tout juste bonne à nous habiller, je ne vois pas pourquoi elle chercherait à s’entretenir avec sa Majesté. D’ailleurs, comment trouvez-vous ma robe ? J’ai été la chercher ce matin, c’est là qu’elle m’a fait vent de son projet.

Une noble trempant dans les affaires était difficilement vu comme une noble, du point de vue fermé de la Cour. Toujours est-il que de cette petite conversation anodine, ce petit aparté sans importance, naquit la rumeur qu’avait voulu enfanter Katalina. C’est donc sans surprise que l’on apprit quelques jours plus tard qu’elle avait fait officiellement sa demande auprès du Roi, sous la forme d’une missive. La raison évoquée était une possible aide à l’effort de guerre actuel. Vérité ou nouvelle manipulation ? Seule Katalina le savait.

Elle se présenta un matin, le jour convenu, vêtue comme d’habitude. Elle avait reçu Dasil dans la même tenue. Provocation ? Peu probable. Peut être la volonté de montrer au Roi qu’elle venait avec des arguments, et non des paillettes.

On ne voyait pas le roi à l'improviste... Il y avait des jours de doléances, mais pour une entrevue privée et plus poussée, il valait mieux solliciter une audience au risque de se voir débouter à l'entrée du palais. Les Gardes filtraient les visiteurs, question de sécurité, surtout en ces temps troublés. Mais la dame Noblegriffon avait prévu son coup et connaissait les usages. Après une rumeur, c'était une missive qui était montée jusqu'au château avec à la clé une réponse positive avec un jour et une heure.

Katalina Noblegriffon était quelqu'un d'assez atypique. Qu'un Noble fasse commerce, encore, cela n'était pas si étonnant, bien que rare. En général, ils employaient de riches bourgeois pour faire fructuer leurs affaires et leurs biens. Mais pas Katalina. Non, elle était connue pour son sens aigu des affaires qu'elle gérait de main de maître, libre et indépendante. Certaines femmes la dénigraient librement, alors qu'en fait, beaucoup jalousaient cette liberté. Ainsi était la Cour.

Quoiqu'il en soit, la demoiselle Noblegriffon se présenta au château à l'heure dite, document à l'appui, pour voir le roi. C'était une heure assez matinale, mais le roi avait pour habitude de commencer ses journées tôt.

- "Dame Noblegriffon?"

Un valet s'était approché de la Dame, prêt à l'escorter jusqu'au roi.

- "Si vous voulez bien me suivre."

Il fit une petite révérence et l'emmena à travers le dédale de couloirs, jusqu'à une antichambre où il lui demanda d'attendre. Il disparut derrière une porte, pour revenir quelques instants plus tard et inviter Katalina à entrer.

- "Sire, Dame Noblegriffon."

Le valet s'inclina et s'effaça, refermant la porte derrière lui. Le roi était debout derrière son bureau, l'air grave, les yeux fermés. Il n'y avait que Lila qui appréciait de voir ses yeux aveugles. Il était habillé simplement d'un pantalon vert, de bottes, d'une chemise ivoire et d'une tunique verte également. Ses cheveux noirs étaient lâchés et un fin cercle d'or ornait son front, symbole de sa royauté. Il fit un petit signe de tête en guise de salut.

- "Ma Dame."

Sa voix était agréable, bien que dénuée d'artifice ou de réelle chaleur.

- "Asseyez-vous je vous prie."

Il fit un un geste de la main pour l'inviter à s'asseoir, bien sûr totalement incapable de savoir si c'était déjà fait ou si elle s'exécutait.

- "De quoi souhaitiez-vous m'entretenir?"

C'était Trystan tout craché, pas de politesses inutiles, il allait droit au but.

C’est une Katalina Noblegriffon sure d’elle qui pénétra dans la pièce où elle devait rencontrer l’homme le plus puissant du Royaume. Visiter le château avait été agréable, elle n’avait que rarement eu l’occasion de s’y rendre, préférant les négociations de son comptoir aux négociations de la Cour. Au premier coup d’œil, on se rendait bien compte que le destin de Diantra et du Royaume de Trystan se jouait ici. Il lui était arrivé quelques fois de vendre un ou deux meubles à la Royauté, et s’amusait au détour des couloirs à les repérer. Elle n’était pas sure, mais elle cru apercevoir une armoire étonnamment semblable qu’elle avait eu dans ses entrepôts, un temps.

Elle garda le silence pendant tout le trajet, jetant parfois un regard au valet qui exécutait merveilleusement bien sa tâche. Et maintenant, elle était là, du haut de son petit mètre soixante, observant en silence le Roi qu’elle était venu voir. Elle hésita, quand il la salua de la tête, mais décida de se conformer au usage et fit la révérence, tout en sachant que le Roi de la verrait pas. Mais peut être percevrait-il le bruit de l’étoffe froissée.

- Mon Roi, je vous remercie du temps que vous m’accordez.

Si la voix du Souverain était agréable bien que légèrement terne, celle de Katalina était chaleureuse, enjouée. Et pour cause, elle était exactement là où elle le voulait. Les nombreuses négociations qu’elle avait pu mener étaient bien utiles, elles lui avaient appris le contrôle de soit. Elle n’était donc pas anxieuse, semblait même parfaitement à son aise. La pièce qui allait se jouer n’était pas vraiment une transaction, mais elle se sentait tout de même dans son élément. Sur l’invitation de Trystan, elle s’assit sur la chaise désignée.

- Je vous remercie.

Prenant ses aises contre le confortable dossier, elle fixa la « Justice aveugle » de Diantra, remettant en ordre ses idées. Le voir entamer la discussion directement sur le sujet de sa venue la pris légèrement de court, et elle comprit que ce qu’elle avait pu entendre sur son Souverain était exact. Qu’à cela ne tienne, elle connaissait son sujet sur le bout des doigts. Elle inspira légèrement, puis se lança.

- Mon Roi, je ne vous apprendrai rien en vous disant que je suis actuellement à la tête d’une des plus grosses fortunes de votre Royaume. Ne voyez dans mes propos aucune vantardise, ça n’est pas mon but. Une telle fortune ne s’est pas faite seule, loin de là, et elle est ce qu’elle est aujourd’hui en grande partie grâce à vous et à vos prédécesseur.

Katalina esquissa un léger sourire. Elle était lancée, parlant d’une voix agréable, presque chantante, le tout donnant un exposé dynamique.

- Une fois que mes marchandises pénètrent dans une ville, je sais qu’elle ne risque plus grand-chose. Seulement, depuis déjà trop longtemps, la guerre est là, et la guerre est très mauvaise pour mes affaires. Car si la guerre peut rapidement enrichir, elle peut aussi rapidement ruiner. Je refuse de voir le fruit de mon travail me soulever le cœur dès que je repense à la façon dont je l’ai mené, mon Roi.

Le Roi essaya-t-il de l’arrêter ? C’est possible, mais Katalina était une habile oratrice, et elle savait comment faire pour terminer son discours quand elle en avait décidé. Ce n’était jamais grand-chose, une petite pause qui prenait fin quand l’interlocuteur ouvrait la bouche ou se penchait légèrement, par exemple, permettait de garder la main. Et elle avait ce don de le faire de façon on ne peut plus innocente, comme par mégarde. Grâce au ton, Trystan pouvait presque associer cela à un surplus d’enthousiasme, ou de ferveur.

- Je ne l’ai pas fait plus tôt parce que je ne le pouvais pas, mais mes affaires me le permettent désormais. Je suis venue vous proposer mon aide dans votre effort de guerre.

Trystan retint un sourire en entendant le doux froissement de la robe de la jeune femme... Ou du quelconque vêtement qu'elle portait. Révérence? C'était bien possible. Cela l'amusait de constater que même devant un roi aveugle beaucoup gardaient le sens des convenances et ne lui manquait pas de respect sous prétexte qu'il ne pouvait voir. Il avait des oreilles et qui fonctionnaient à merveilles et c'étaient autant de petits détails qui lui permettaient de jauger ses interlocuteurs. Pour le moment, Dame Noblegriffon partait avec un petit avantage de par son respect.

Elle le remercia déjà de lui accorder cette entrevue et il hocha simplement la tête, se contentant de l'inviter à parler sans plus de cérémonies, lui faisant ainsi comprendre que son temps était précieux et ne pouvait être gaspillé en vaines palabres, tout en ne le formulant pas directement. Si la dame était fine, elle le devinerait bien toute seule et au vu de sa réputation, il ne doutait pas de l'intelligence de la jeune femme. Une jeune femme qui semblait ravie d'être ici, sa voix vibrait de contentement.

Il entendit la demoiselle s'asseoir, encore une fois, reconnaissant le bruit caractéristique de l'étoffe qui se froisse et du corps qui s'affale sur le fauteuil. Bien qu'affaler ne soit pas le terme exact, Katalina avait du s'asseoir avec légèreté et grâce, mais pas assez pour être silencieuse. Il fit le tour du bureau et s'assit à son tour, parfaitement à l'aise dans cette pièce qu'il connaissait sur le bout des doigts, une pièce qui faisait presque disparaître sa cécité aux yeux des visiteurs, si ce n'étaient ses paupières constamment closes.

Il posa les coudes sur le bureau et croisa les doigts, posant son menton sur ses mains et écoutant les dire de la jeune femme. Il acquiesça quand elle parla de son immense fortune, presqu'indécente au vu de la guerre et de la Peste qui avaient mis à mal l'économie. Elle exposa aussi ses griefs contre la guerre, mauvaise pour ses affaires à long terme. C'était mal connaître le roi que de penser qu'il puisse l'interrompre. Il parlait rarement pour ne rien dire et était très adepte de la politique du silence, opposant une visage fermé à ses interlocuteurs, les laissant parler, pour ne rebondir qu'une fois qu'ils avaient terminé leur petit discours, souvent préparé depuis des jours. C'est qu'on ne se présentait pas devant le Roi sans savoir quoi dire et sans un minimum de préparation, ne serait-ce que pour ne pas passer pour un imbécile et ne pas se laisser décontenancer par le calme du monarque.

Et enfin, elle en arriva à la raison de sa venue : proposer d'aider le royaume dans cette guerre... Elle était allée assez vite au but et cela plaisait au jeune roi. Il laissa s'installer un léger silence, guettant les réactions de Katalina devant ce mutisme : gêne? Inquiétude? Cela aussi était une manoeuvre pour jauger la personne en face de lui.

Finalement, il décroisa les doigts et répondit d'une voix modulée :

- "Voilà une proposition fort intéressante ma Dame. Une proposition que je ne saurais ignorer alors que notre économie est en difficultés. Je ne vous apprendrais rien en vous disant que la Peste n'a pas été très profitable pour nos finances et que la guerre nous a rattrapé trop vite. Une guerre qui coute cher et qui saigne les petites gens... Vous seriez donc prête à investir votre immense fortune pour relancer l'économie et surtout nous donner les moyens de gagner cette guerre rapidement?"

Il se permit un léger sourire.

- "De quelle façon pensez-vous nous aider exactement? Comment allez-vous investir votre fortune? En renflouant les caisses du royaume? En payant les armes et armures nécessaires aux soldats? En permettant aux paysans de pouvoir manger à leur faim sans avoir à prélever plus que de raison sur ce qu'ils doivent à leurs seigneurs? Je vous écoute ma Dame. De l'avis de tous, vous êtes une habile négociatrice et une redoutable marchande, je suis curieux de vous voir à l'oeuvre."

Si Katalina connaissait son Roi, ce n’était que grâce à des rumeurs et des on-dit. Elle était restée à l’écart de la Cour, ne se sentant pas vraiment à l’aise avec ses confrères. Aussi se méprit-elle totalement sur la subtile tentative de Trystan, interprétant son silence comme le temps nécessaire au Souverain pour assimiler ce qu’elle venait de dire et ordonner ses pensées. Elle attendit donc, sure d’elle, la suite des événements.

Quand finalement il reprit la parole, elle se fit attentive. Si l’introduction était banale, la conclusion lui arracha un sourire. Le Roi croyait-il vraiment qu’elle lui permettrait de gagner « rapidement » la guerre ? Elle était une négociante, pas une faiseuse de miracle. Pour autant, elle ne se permit pas de l’interrompre, le laissant continuer. L’énumération aussi la fit sourire, mais quand vint le moment de lui répondre, elle avait effacé toute trace d’amusement dans son attitude, reprenant ce ton agréable qu’elle s’était forgée au fil des rencontres. Agréable, et respectueux.

- Ce que vous me demandez, mon Roi, je ne pense pas être capable de vous l’accorder. Je ne reste qu’une négociante, mon aide ne sera qu’un coup de pouce, le mérite de votre victoire reviendra à l’habileté de vos généraux. Comprenez que si j’appliquai toutes vos idées, je me retrouverai ruinée dans l’année, et ce ne sera profitable pour aucun des deux partis. Votre économie s’est faite à ma présence, et si elle peut se passer de moi, ce sera après un temps d’adaptation qui vous affaiblira encore.

Elle marqua une courte pause, se rendant compte de ce qu’elle venait de dire. Malgré elle, elle venait de commettre une erreur, oubliant l’espace d’une seconde qu’elle parlait à son Roi et n’était donc pas dans une banale négociation. Ce n’était pas à proprement parler une menace, mais cela pouvait être interprété comme tel. Mais elle n’allait pas se mortifier, n’ayant pas encore la capacité d’agir sur le passé elle se contenterait de faire ce qu’il fallait pour que l’avenir fasse oublier cette bourde à son Souverain.

- Le problème, dans le cas qui nous intéresse, c’est que je suis riche à la fois en biens et en souverains. Tant que les biens circulent, les souverains se multiplient, mais si pour une raison quelconque les biens restent dans les entrepôts, alors ils fondent comme neige au soleil. Je ne peux tout simplement pas suspendre de façon pleine et entière mes activités.

L’idée que le Roi la juge avare lui était désagréable, aussi avait-elle ressenti le besoin de s’expliquer. Certains prenaient sa manie de vouloir clarifier les choses comme un défaut, comme le jeune Joshua qui s’était étonné de la voir défendre sa campagne de recrutement. Mais c’était Katalina.

- Ce que je peux faire, c’est m’occuper de votre ravitaillement. Intégralement. Je peux fournir les denrées à bas prix, et m’occuper gratuitement de leur transport jusqu’aux différents fronts. La seule chose que je demande, en échange, c’est que vous assuriez leur protection, et que je puisse réserver un cinquième de mes caravanes à mes marchandises courantes, quand je le jugerai utile.

Au final, elle ne savait pas ce que penserait le Roi de cette proposition. Idéalement, il verrait la possibilité de réinvestir ailleurs les charges qu’elle lui enlevait. En mobilisant ses caravanes, elle ralentirait de façon significative son trafic, mais d’un autre côté, elle réduisait le risque de voir attaquer le peu de marchandises qu’elle mettrait sur les routes.

- Je peux, bien sur, fournir autre chose que des denrées pour vos soldats, mais pour ça, il me faudrait réorienter tout mon commerce, et je ne peux pas le faire sans quelques… Elle grimaça, se doutant que ce qui allait suivre serait peut être mal pris. … garantis. Comme, par exemple, devenir le fournisseur exclusif du Roi et de sa Cour. Cela me permettrait de m’engager de façon plus sereine, et surtout plus sûre, dans la fourniture de vos guerriers.

Elle haussa finalement des épaules, provoquant sans aucun doute un bruit d’étoffe caractéristique pour le souverain et son ouïe.

- Je ne compte pas faire beaucoup de profit dans les années à venir. Ce n’est pas mon but, comprenez le bien. Mais il me faut un moyen d’entretenir mon or pour être sur de pouvoir vous aider le plus longtemps possible.

Un sourire amusé dansa sur les lèvres du roi à la réponse de Katalina. Quelle outrecuidance! Et pourtant, il ne s'en formalisa pas, non, cela l'amusait plutôt, de l'entendre lui rappeler que sans elle, l'économie serait mise à mal et lui rappeler de façon fort peu subtile son pouvoir. Attention, il n'était pas forçément très fin de rappeler à un roi qu'il était dépendant de soi. Certains pouvaient tuer pour moins que ça. Mais il fallait être idiot ou trop orgueilleux pour en arriver là.

- "Naturellement."

Il hocha la tête alors qu'elle venait de lui expliquer que si elle ne pouvait faire son commerce, cela ne profiterait à personne et surtout pas à elle. Elle entama alors les termes du marché et il se perdit dans ses réflexions. Des prix avantageux contre une protection efficace. C'était honnête et faisable.

- "Il est évident que vous n'aurez pas à débourser quoique ce soit pour la protection de ces caravanes."

Il n'était pas sot. Pour protéger les caravanes, il fallait employer des guerriers et donc des mercenaires, qui n'avaient d'autre intêret que l'argent. Employer des soldats au service du roi ne couterait rien à Katalina.

- "Dites-moi, aurez-vous besoin de détourner quelques soldats de leur but pour vos marchandises courantes ou resterez-vous sur le même fonctionnement qu'aujourd'hui?"

Elle garderait probablement ses mercenaires. Soyons réaliste, peu de personnes aiameitn que le pouvoir royal fourre son nez dans ses affaires. Il ne savait pas si katalina était aussi honnête marchande qu'elle apparaissait et finalement, ne préférait pas le savoir. Elle ne conserverait qu'un cinquième de ses caravanes, réduisant ainsi de façon drastique son budget. Economies, encore et toujours.

La suite le fit franchement sourire et lui arracha même un petit rire grave. Devenir fournisseur officiel du roi et de la cour? Rien que ça? Et bien, elle avait de la suite dans les idées et une sacrée ambition.

- "Savez-vous que beaucoup de femmes de la Cour n'ont que votre nom sur les lèvres? Elles aiment vos produits raffinés."

Il marqua une petite pause, reprenant d'une voix amusée :

- "Ainsi donc, vous exigez rien de moins que le monopole du marché luxueux de la noblesse. Ma Dame, pouvez-vous tout vous procurer? Ou bien est-il des marchandises qui ne soient point de votre ressort?"

- Dites-moi, aurez-vous besoin de détourner quelques soldats de leur but pour vos marchandises courantes ou resterez-vous sur le même fonctionnement qu'aujourd'hui?
- Je tâcherai d’organiser mes transferts de marchandises en fonction des déplacements que devront effectuer mes caravanes pour ravitailler… Dans la mesure du possible, bien entendu. L’objectif est d’aider, non de détourner votre armée. Il est possible que je demande quelques détours, mais jamais plus de quelques heures.

Elle décida de ne pas prendre mal le rire qu’elle reçu quant à sa demande quand elle fut certaine que le Roi ne refusait pas net son offre. C’était une bonne chose, le plus dur était en quelque sorte passé, et il ne lui restait plus qu’à lui exposer la façon dont elle voyait son intrusion dans la vie de sa Cour. Le plus important était d’introduire l’idée sans qu’elle ne rebute, et elle semblait avoir partiellement réussi.

- Je n’exige rien, je ne fais que chercher avec vous le meilleur moyen de vous servir.

Hypocrisie ? Pas vraiment. Les mesures que prévoyaient Katalina en échange de ce monopole étaient loin d’être gratuite, et cela mettait à mal le principe même de son entreprise. Depuis le début, elle avait bâti lentement son empire en le voulant dynamique. La bonne communication entre ses différents comptoirs était un élément clé, élément mis à mal par la guerre. Mais elle n’avait pas le choix, et elle tâchait désormais d’accentuer la spécialisation de ses relais, au moins jusqu’à la fin de la guerre. Ce faisant, elle limiterait les dégâts et pourrait être bien plus utile au Roi et à son Royaume.

- Comprenez, mon Roi, que je peux fournir n’importe quoi à n’importe qui, ou presque. Je sers de relais, je ne produits pas mes produits, je les achète. De même, je ne les consomme pas, je les revends.

Une petite pause, qu’elle mit à profit pour se réinstaller confortablement dans son siège, y prenant même ses aises, sans vraiment s’en rendre compte. L’attitude du Roi et la nature même de la conversation lui faisait partiellement oublié qu’elle avait à faire à son Souverain, et si elle ne lui manquerait de respect sous aucun prétexte, elle se permettait des petites décontractions. Elle était comme ça, Katalina.

- La question n’est donc pas de savoir si je peux vous fournir, mais à quelle vitesse je vous fournirai.

Si la voix restait agréable, le ton n’était plus aussi détendu. Il était plus... grave, à mesure qu’on entrait dans les détails. Le sujet était d’importance, après tout.

- En affaire comme dans tout le reste, agir trop rapidement est le meilleur moyen de se ruiner. Pour ce qui est des caravanes, elles sont d’ores et déjà à l’arrêt, aussi je peux vous les fournir dès à présent. De même, je sais déjà où aller pour trouver les denrées nécessaires à votre armée. De cette aide et des prix que je vous ai promis, vous êtes assuré, je m’y engage dès à présent. Et ne croyez pas que je le fais dans l’espoir de m’enrichir sur le dos de vos soldats, mon Roi, car ce sera loin d’être le cas.

Pour ce qui est de la Cour et de ce monopole que je vous demande afin de vous assurez pleinement de mon aide, il est bien évident qu’il ne pourra pas se faire en un jour. Si vous jugez que le jeu en vaut la chandelle, le meilleur moyen d’entamer la chose serait de donner l’exemple. Si je deviens le fournisseur attitré du Roi, conquérir la Cour se fera naturellement et assez lentement pour que je m’adapte à cette hausse de demande.

Elle fit une nouvelle pause, le temps que ses paroles s’imprègnent bien dans la tête de son Roi, puis reprit, concluant par la même occasion son intervention.

- Tout en sachant qu’une grande partie des bénéfices que je pourrais retirer d’une telle manœuvre sera dévouée à soutenir votre Couronne.

- "Parfait."

Nouveau petit sourire alors que Katalina le corrigeait en disant qu'elle n'exigeait rien mais cherchait un moyen pour défendre les intêrets du royaume.

- "Tout en vous assurant quelques garanties."

Ce n'était pas une accusation, juste une constation amusée. Allons, elle était commerçante, aucun marchand ne s'amusait à aider les autres sans s'aider lui-même. C'était de bonne guerre et ce n'était pas comme si ils cherchaient à tromper leur monde. Du moins, mieux valait pour la Dame Noblegriffon qu'elle ne s'amuse pas à vouloir entourlouper le roi, mais il n'était pas un paysan illettré.

- "J'ai très bien compris ma Dame. Ma question était de connaître l'étendue de votre influence et de vos accords commerciaux avec les différents nobles."

Il hocha la tête à la suite de son discours. Devenir fournieeur du roi... et sans doute de la reine. Beau moyen de lancer le commerce. Beaucoup de courtisans calquaient leur attitude à celles du couple royal, pour plaire, le plus souvent. Par mode également. La reine se devait d'être une référence en matière de vêtements par exemple. Manque de chance, la reine aimait la simplicité. Elle n'avait pas besoin d'artifices pour être jolie. La fin de son laius plut au roi qui acquiesça de nouveau, reprenant enfin la parole.

- "Eh bien, il me semble que vous ayez déjà tout prévu avant même de me rencontrer ma Dame. J'admire votre façon de gérer votre commerce, vous êtes une femme étonnante."

Il sourit et reprit, presque espiègle :

- "Auriez-vous par hasard déjà rédigé un contrat? Cela ne m'étonnerait pas de vous..."

Il reprit son sérieux et acheva :

- "J'accepte votre offre ma Dame et je vous remercie de mettre votre habileté et votre fortune au service du royaume."

- Je verrais en effet d’un mauvais œil de me voir ruinée à avoir essayé de défendre mon pays.

Il lui fallait bien l’avouer, elle ne pouvait pas se lancer dans une telle aventure sans ces garantis don parlait Trystan. C’était tout simplement inutile, elle n’allait pas risquer tout ce qu’elle avait construit depuis la mort d’Elyas, toute l’influence qu’elle avait rebâti pour la gloire des Noblegriffon, pas sans être certaine d’avoir une porte de sortie. Heureusement pour elle, le Roi était compréhensif, en plus de ne pas être dupe. Quand il loua ses qualités, elle sut qu’elle avait gagné.

Finalement, il semblait qu’elle avait obtenu ce qu’elle était venu chercher. Ca n’avait rien d’étonnant, en bonne négociante elle était venue avec ce qu’il fallait pour intéresser son « client ». Pour autant, elle ne pouvait s’empêcher de se sentir euphorique et soulagée. Car ce qu’elle venait de réussir n’était ni plus ni moins que le début de sa conquête de la Cour de Diantra. Elle voyait déjà le Roi et sa Reine se présenter un matin, vêtu par ses soins… Elle ne doutait pas de l’impact que cela pourrait avoir sur les nobles de Diantra, peut être même sur ceux du duché tout entier, voir même sur ceux du duché d’Erac…

Elle se força rapidement à revenir à la situation présente. Elle se trouvait toujours dans le bureau personnel de son souverain et ne devait en aucun cas faire un faux pas maintenant que le plus dur était passé. Elle esquissa un léger sourire amusé lorsqu’il fit référence à un potentiel contrat. Vu la dimension un peu particulière de la chose, elle n’en avait prévu aucun, mais décida de le prendre à contre pied, d’une voix chaleureuse et peut être un peu amusée. Une bonne réponse à son espièglerie, somme toute.

- Peut être, mon Roi, mais quel meilleur moyen de le vérifier que de venir me rendre visite dans mon comptoir, accompagné de sa Majesté la Reine ? J’en profiterai pour vous proposer de quoi rayonner au milieu de vos vassaux. A moins que vous ne préfériez que ces splendeurs viennent à vous ?

L’invitation à tenir ses engagements, plus ou moins implicite, avait été lancée. Calquant son attitude sur la sienne, elle redevint à son tour sérieuse, et se leva afin d’effectuer une gracieuse révérence.

- Soyez assuré de ma fidélité…

Elle se releva tout aussi gracieusement, et se tint devant son Roi, droite et fière.

- Dès demain, je ferai donner l’ordre à mes caravanes de rejoindre progressivement vos armées. Je devrais pouvoir m’assurer du gros du ravitaillement de vos troupes, même si un tel changement ne se fera pas en un jour.

Elle fit une courte pause, réfléchissant un instant.

- Le plus sage serait que je rencontre celui qui s’occupe actuellement d’organiser et de coordonner les ravitaillements, je pense.

- "Il va de soi que toute aide à notre royaume ne saurait être aussi mal récompenser ma Dame."

Il fallait gagner la fidélité des Nobles influents et des riches. Katalina Noblegriffon faisait partie de la 2e catéogire et ferait surement très bientôt partie de la première. Femme de tête, intelligente et déterminée, elle saurait se rendre indispensable. Trystan serait fou de ne pas la considérer à sa juste valeur. Et il n'était pas fou.

Il sourit à la proposition de Katalina de venir lui rendre visite pour sceller l'accord et aqcuiesça doucement, avant de reprendre, comme à regrets :

- "Cela serait avec plaisir, mais la reine portant l'héritier du royaume, je la préserve au maximum des aléas des voages. Les cahots de voitures ne sont point confortables et sûrs. Je vous invite donc à revenir nous voir, quand il vous plaira. La reine n'est pas femme à afficher un luxe ostentatoire, mais je gage que vous saurez lui montrer les splendeurs dont vous faites commerce et réussirez à la conquérir en toute simplicité."

Non, Lilianna n'était pas plus que coquette que cela. Elle ne perdait pas des heures à se mirer et se parer. Ses tenues étaient simples, bien que riches et soulignait sa grâce en toute simplicité. Elle n'avait besoin de nuls fards, nuls falbalas pour éblouir.

- "Ma Dame, il est réconfortant de pouvoir compter sur des personnes de votre qualité. Soyez assuré que je tiendrais mes engagements et ne laisserais pas une noble dame loyale à la couronne et à son pays souffrir de sa bonté."

L'entretien toichait à sa fin.

- "Naturellement."

Trystan fit appeler Thibaut, confiant Katalina à ses bons soins.

- "Au plaisir ma Dame."

Et ce n'était pas que pure politesse... Elle lui avait réellement fait bonne impression et la revoir serait un réel plaisir. Il se demanda fugitivement quel serait l'avis de Lilianna concernant Katalina. Car l'avis de la reine lui importait, plus que n'importe quel autre, hormis celui de sa soeur...