[PV] Première rencontre, convocation du Duc

Katalina était légèrement anxieuse. La missive qu’elle avait reçu au matin n’était pas pour la réjouir, et ce pour une raison toute simple : le duc de Serramire semblait s’intéresser à ses affaires, et cette idée la révoltait. Elle était assez grande pour les gérer elle-même, et voyait d’un mauvais œil qu’on puisse lui imposer sa façon de faire. Elle avait même envisagé de bouder tout simplement la cordiale invitation, mais avait rejeté bien loin cette idée. Elle avait beau ne pas fréquenter de façon assidu le milieu noble du duché, elle savait qu’il était très mal vu de se croire ainsi au dessus d’un duc. Et, qui sait, Merwyn avait peut être des choses intéressantes à dire.

C’est avec ce vague espoir qu’elle quitta son confortable comptoir de commerce pour rejoindre le château ducal. Les rues étaient animées, on parlait d’un peu de tout, et on tournait le regard vers la noble veuve - quoi que son ancien mari soit, pour la plus part des gens, rien de plus qu’un vague souvenir. Montée sur son cheval, elle était à l’affut des moindres conversations, afin de savoir ce dont le peuple avait besoin. C’était souvent dans les conversations les plus insolites qu’on en apprenait le plus sur les gens.

Pour l’heure, on s’interrogeait surtout sur la guerre, on se demandait quand enfin elle allait se terminer. Personne ne semblait envisager une invasion des sombres, mais personne ne parlait non plus d’envahir le Puy. Tout cela laissait à la fois songeuse et légèrement inquiète la négociante, qui ne voyait pas non plus la fin du conflit. Quand enfin elle eut atteinte sa destination, elle informa les gardes des raisons de sa visite. Ceux-ci hochèrent la tête, surement mis au courant par le duc, mais demandèrent tout de même à voir la missive. Avec un soupir, Katalina la leur tendit.

Citation :

Du Duc Merwyn de Serramire
A Katalina Noblegriffon

Ma Dame,

La terrible nouvelle est tombée, le vaillant Duc de Longehack a trépassé. Les drows, ces viles créatures sans âmes, nous auront arraché un guerrier et un homme d'honneur. Comme il se doit, je me rendrai à son enterrement, afin de lui rendre un dernier hommage. Je serais heureux si vous me faisiez le plaisir de vous joindre à moi pour ce voyage. Je vous sais habile commerçante, et je ne doute pas que vous saurez saisir les diverses opportunités qui se présenteront à vous.

Je vous demanderai juste de venir au plus vite, afin que nous convenions ensemble des modalités de notre voyage commun.

La parcourant rapidement, et reconnaissant le sceau de leur seigneur, ils offrirent de l’escorter jusqu’à lui, ce qu’elle accepta volontiers. Après avoir confié son cheval à un palefrenier, et une fois que le garde eut trouvé un remplaçant, elle fut conduite dans les dédales de couloirs jusqu’au bureau de Merwyn. Le garde toqua à la porte, puis annonça le nom de l’invitée.

- Faites la entrer, je l’attendais justement.

Et c’est ainsi qu’elle se retrouva en face du seigneur de Serrimare. Elle le jaugea rapidement, remarquant ses traits agréables. C’était la deuxième fois qu’elle avait l’occasion de se retrouver face à lui. Elle avait certes assisté à son ascension, mais en tant que spectatrice distraite. Elle l’avait à peine regardé quand elle lui avait assuré de son allégeance en tant que vassale. Elle aurait pu faire un effort, car il était vrai que son duc était à bien des aspects un bien agréable jeune homme. Après avoir concéder une révérence impeccable et respectueuse, elle s’était redressée, bien droite, et avait planté son regard bleu-gris dans les yeux du jeune seigneur.

- Je suis venue comme vous me l’avez demandé, mon Seigneur.

J'avais reçu une lettre quelque temps plus tôt m' apprenant la mort du Duc de Langhack, le père d'Ashénie. Ce dernier était tomber sous les coups fourbes du peuple traitre ! Ces elfes noirs nous auront ôter bien des personnes, il fallait vraiment prévoir quelque chose pour les éliminer une bonne fois pour toutes ! L'enterrement du trépassé aurait lieu à la cathédrale de Diantra où la noblesse se réunirait. j'avais aussitôt saisit ma plume et écrit une lettre à une noble du duché, Katalina. Cette dernière était une habile commerçante qui savait saisir sa chance dans n'importe quel situation, et elle contribuer à elle seul à plus de la moitié de l'économie du duché. Peut être qu'elle saisira une opportunité là bas ? Ca c'est la raison que j'ai évoqué dans mon écrit, mais la vérité est un peu autre. Mon frère étant en voyage à Ydril ne pouvait m'accompagner, et j'en avais besoin de compagnie moi. J'ai donc demander à cette Noble de m'accompagner. Car la présence d'une jolie femme à mes côtés ne me ferait que du bien non ?

Assis derrière mon bureau sculpter dans du bois rare, je sortit de mes pensées au moment où l'on frappa à la porte, un garde annonça Katalina.

- Faites la entrer, je l’attendais justement.

Cette dernière entra et me fit une révérence comme il se doit. Je me leva de mon siège, un sourire aux lèvres regardant de plus près cette femme. Ce furent ses cheveux qui attirent mon attention, une magnifique chevelure avec des reflets bleutés. Bizarrement, Katalina ne s'était pas remarié après le décès de son mari. Je la salua à mon tour.

- Bonjour Katalina. En effet, je vous ai demandé de m'accompagner à Diantra et de venir discuter, si vous êtes, cela veut dire que vous acceptez je suppose ?

A l’innocente question du noble, Katalina se permit un petit sourire. Avait-elle accepté ? Bien sur qu’elle avait accepté, l’occasion était trop belle. Voilà bien longtemps qu’elle lorgnait le duché Soltariel, sans avoir trouvé de véritable moyen de s’y implanter durablement. En vérité, c’était la dernière parcelle des terres humaines qui n’avait pas encore son comptoir Noblegriffon, et elle espérait bien rencontrer la duchesse Ambre afin de négocier un éventuel investissement. Une autre raison l’avait poussé à accéder à la demande du duc : Serramire était un peu son fief, et elle jugeait dangereux de se mettre à dos le seigneur de ces terres.

- Avais-je le choix, mon Seigneur ?

Elle s’était permise une petite pointe d’ironie, introduisant ainsi leur conversation par une petite insubordination. Que le duc tienne cela pour dit : si Katalina répondait à son invitation, ce n’était pas dans le but de lui plaire - disons qu’elle ne voulait pas lui déplaire, ce qui était sensiblement différent - mais bien pour gérer ses affaires. C’est que la jeune femme avait pris goût à l’indépendance dont elle jouissant depuis la mort de feu son mari, et qu’elle voyait d’un mauvais œil la possibilité que quelqu’un, puisse-t-il être Trystan lui-même, lui dicte sa façon de faire. Merwyn avait fait une remarque pertinente, mais la chose s’arrêtait là.

- Mais vous avez bien deviné, je serais des vôtres pour ce voyage, sauf si bien sur vous avez changé d'avis.

Elle se permit alors de discrets coups d’œil sur la salle de travail du duc, et même sur le duc lui-même. Elle avait toute suite reconnue la qualité du bureau, même si elle avait actuellement dans ses entrepôts, à Diantra, un ouvrage de bien meilleure qualité. Le ramener à Serramire serait difficile, surtout avec ce qu’elle prévoyait de faire avec le Roi, mais pas forcément impossible… C’était une idée à creuser, bien qu’elle ne voyait pas encore quel bénéfice elle pourrait retirer d’un tel cadeau… A moins qu’elle ne lui vende, tout simplement.

Ensuite vint l’examen de Merwyn lui-même. La première chose qui lui vint à l’esprit, c’était l’étonnant contraste que présentait sa personne : une carrure d’épéiste allié à un visage tout en finesse. Elle ne l’avait jamais vu à l’œuvre, mais ne doutait pas qu’il était un escrimeur accompli. Pour autant, il dégageait un calme et une sérénité bien loin de l’habituelle frénésie qu’elle connaissait chez mercenaires. D’ailleurs, à côté d’eux, il faisait un peu comme une poupée préservée de la rudesse de la vie errante. Il avait pu se forger un corps de guerrier sans pour autant avoir à vivre leur vie difficile. Pour autant, la noble savait que, si la vie de Merwyn avait été paisible jusqu’à la fin de sa première vingtaine, la mort de son cadet l’avait marqué au point qu’il s’était engagé dans l’Armée. Sa bonne réputation auprès de la gente féminine s’expliquait donc aisément, Katalina devait lui concéder cela. Il incarnait le jeune noble téméraire, prêt à se sacrifier pour protéger son duché et sa famille. Une parole de sa mère lui revint en mémoire. « Si tu as de la chance, tu auras l’occasion de survivre à Elyas, et alors tu auras le choix. Mais en attendant, ma fille, c’est lui que tu dois épouser. » Et elle l’avait épousé. Au fond, le marchand avait été un mari respectueux et attentif, il ne l’avait jamais vraiment forcé, et il lui avait surtout tout appris.

Katalina se rendit compte alors qu’elle avait planté son regard dans celui du duc et qu’elle l’observait de cet air calculateur qu’elle abordait quand elle devait annoncer son prix. L’échange avait duré à peine quelques secondes, mais la jeune noble avait eu le temps d’envisager bien des possibilités. Ce voyage lui permettrait de rentrer dans ses faveurs, peut être même de devenir une amie, ce qui lui permettrait de terminer sa « conquête » - à prendre au sens figuré du terme - de Serramire. Tout devenait plus facile quand on avait l’oreille attentive des bonnes personnes. Heureusement pour elle, Merwyn n’était pas un vieux duc grincheux, lubrique et obèse, mais un jeune homme connu pour sa bonne humeur et son savoir vivre.

- Et qu’a prévu le duc de Serramire afin d’assurer sa protection et celle de ses suivants pour la traversée de la plaine d’Atral ? J’y ai perdu récemment une caravane, ce n’est plus un lieu aussi sur qu’autrefois…

Elle venait tout juste d’apprendre la nouvelle. La dite caravane n’était jamais arrivée à bon port, aussi le doute n’était pas permis. Elle connaissait maître Ferman, et la plus part des mercenaires qui composaient l’escorte étaient à son service depuis un moment déjà. Il y avait bien le nain Dasil et le jeune Joshua, mais elle doutait qu’ils aient pu détourner ses précieuses marchandises à eux deux. Curieuse, la vassale observa la réaction de son Seigneur. Diantra n’était pas la porte à côté, et elle ne savait pas ce qu’il avait prévu. Et, pour tout dire, elle était curieuse de l’apprendre. Pour une fois, un autre se soucierait de sa sécurité, elle n’aurait à débourser aucun souverain.

- Il serait dommage que votre duché ai à pleurer la mort de son Seigneur et d’une de ses nobles, vous ne trouvez pas ?

Une nouvelle fois, elle se permit une petite pointe d’ironie, qu’elle assaisonna d’un petit sourire énigmatique. Restait à voir comment réagirai son interlocuteur devant son effronterie, mais s’il le prenait bien, le voyage promettait d’être agréable. Forcer le duc à s’adapter à son caractère serait une petite fierté personnelle.

Son ironie me fit sourire. Amusante, cette femme là. J'appela un domestique lui demandant de ramener du vin, quelque minutes plus tard, il revint avec du vin blanc servit dans deux coupoles. J'en donna un à Katalina et prit l'autre avant de lui répondre.

- Nous avons toujours le choix très chère.

Sa réponse me satisfait, un refus de sa part aurait était très mal vu de ma part et de celle du château. Mais ça ne serait pas pour autant la raison de me la mettre à dos. Non, il était dans son droit de refuser la proposition de son suzerain, et j"aurais mis cela de côté sachant à quoi m'en tenir. Tout en buvant mon vin à petite gorgée afin de le savourer dans son entier, je surpris le regard de Katalina qui se baladait dans la pièce. Un sourire se dessina sur mes lèvres alors que je regagnai ma chaise. Laissant mon invitée terminait son examen des lieux. Elle le finit très vite, et vint me détailla de son regard calculateur. Il était connu chez les marchands avant d'annoncer un prix. Son regard croisa le mien, et un rire léger sortit de ma gorge et tinta dans la pièce. Je me permit à mon tour de mieux la détailla, sans qu'elle prenne cela comme une "offense". Elle devait mesurer dans les mètre soixante, elle avait un corps loin d'être musclé mais tout à fait normal. Ça devait être le genre de noble qui ne s'occupait que de ses petites affaires et de ses parures laissant aux autres le soin de la protégée convenablement. Cela n'était pas très offusquant étant donné sa descendance et son sexe.

Puis elle brisa le silence en me posant une question. La sécurité. Je me permit un petit sourire, ne voyant rien de contrariant à sa petite effronterie. C'était une femme à caractère comme je les appréciait. Je répondis simplement.

- Sachez que étant duc, j'ai des soldats à mon service. L'escorte ducale nous accompagnera et assurera notre protection. Toutefois, j'apprécie votre intérêt à vous questionner sur notre sécurité.

Après avoir bu deux gorgées de vin, Katalina fit délicatement tourner la coupe entre ses doigts. Ce n’était pas que le gout lui était déplaisant, loin de là, mais elle ne buvait jamais durant une négociation. Et comme elle avait la sale manie d’associer n’importe quelle conversation « importante » à une négociation, elle ne buvait que rarement en public. L’enjeu ici était de taille, car elle se présentait pour la première fois à son seigneur, et elle allait déterminer l’image qu’il allait avoir d’elle et donc la place qu’il voudrait bien lui accorder.

La façon dont il prit ses petites piques la réjouit, car cela prouvait qu’il n’allait pas rester à une simple relation seigneur-vassale. En cela elle s’estimait chanceuse, les amis étaient toujours plus enclins à faire des prix et des remises. Quand elle surprit un regard légèrement plus indiscret que les autres - qui ne s’intéressait pas à ses yeux, en somme - elle ne put s’empêcher d’esquisser un léger sourire, très vite caché derrière une expression sérieuse et pensive. Katalina se savait agréable à l’œil. Elle n’était certes pas un modèle de beauté sulfureuse et indomptable, mais elle restait tout de même une bien jolie jeune femme, et qu’on l’observe en toute pudeur n’était jamais pour lui déplaire.

Le tour que prenait la conversation était intéressant, car familier. On ne s’enfermait pas derrière un protocole ennuyeux ou derrière une pompeuse arrogance, et c’était tant mieux. Sa réponse quant à la présence de la garde ducale - prévisible mais attendue - la rassura.

- Nous arriverons peut être à destination sain et sauf, dans ce cas.

Un doux sourire vint adoucir cette déclaration pessimiste, comme un remerciement discret. Katalina aimait voyager, mais elle préférait le faire quand elle le savait sans danger. S’élancer sur les routes alors qu’une bande de pillards s’en étaient pris quelques temps plutôt à un de ses précieux chargements ne lui disait rien qui vaille, demande ducale ou non, et elle appréciait que Merwyn se charge de sa sécurité. Même si, bien sur, il y était de toutes façons obligé, ne serait-ce que pour lui-même.

- Je prendrai dans ce cas plaisir à voyager à vos côtés.

Comme pour ponctuer sa déclaration, elle se permit de reprendre une nouvelle gorgée. Le vin était définitivement délicieux, et elle ne put s’empêcher de se demander d’où il pouvait provenir. Mettre la main sur son producteur serait surement intéressant, autant pour lui que pour elle. Se rendant compte qu’elle ne pouvait s’empêcher de spéculer sur ses affaires, même en présence d’un aussi charmant jeune homme que Merwyn, elle ne put retenir un léger sourire désabusé, qu’elle effaça rapidement en reprenant une gorgée plus importante du breuvage.

Elle reporta ensuite son attention sur le dit jeune homme, reprenant un sourire légèrement désolé, tentant ainsi de faire amende honorable quant à son intriguant comportement.