Entre bibine et noblesse [PV]

Jusqu'alors, Baudoin n'avait jamais eut à se soucier de ce qu'il y avait en dehors d'Oësgard. Tout ce qui était extérieur à la baronnie et aux féaux de feu Veldrin ne le concernaient guère, son champ d'action se limitait strictement aux frontières et n'allait pas plus loin. Cet espace étriqué lui avait fort bien convenu durant toutes ces années ; il se contentait de grouiller parmi les feudataires et d'essayer de tirer une minuscule épingle de son minuscule jeu, de trouver un tas de boue de plus à contrôler et d'en jouir jusqu'à ce que mort s'ensuive... Mais maintenant, les épingles étaient grosses, piquantes et le jeu ô combien dangereux, autant de raisons qui le poussaient à rencontrer sa noble voisine : Pearla d'Alonna.

Il l'avait de manière très urbaine invitée à passer quelques jours en sa demeure, elle et toute la suite qu'elle jugerait bon de s'adjoindre. Des festivités devaient avoir lieu, versant dans ce qu'il y avait de plus fastueux en Oësgard : à peine quelques fûts de vins pour cent de bière, quelques oiseaux pour quantité de gibiers moins sémillants, et à peine autant de velours qu'il en fallait pour envelopper les fesses des plus élevés des invités. Voilà ce qui faisait le luxe en ce nord saigné à blanc par la guerre, rien de plus qu'un pichet de hautval...

Les gens d'Alonna devaient arriver un peu au sud d'Amblère ce jour-même, aux alentours du village de Haurse-Porc, une charmante bourgade dont un monastère faisait la gloire. Et en le monastère de Haurse-Porc, on recueillait les voyageurs égarés, rassemblait les ouailles qui l'étaient tout autant et brassait de la bière. Baudoin avait pensé que se retrouver en ces lieux serait une occasion rêvée pour ramener quelques fûts au château, de façon à ce que la fête, faute de qualité, puisse vomir de la quantité. Les lourds et robustes charrois qui devaient récupérer l'éthylique cargaison se feraient discrètes, tandis que l'escorte tenterait de briller de mille feux. En vain dans ce temps de chiottes.

En plein ciel était tendu un dais épais et immense qui cachait le soleil, et seules ses parcelles les plus diaphanes pouvaient, parfois, laisser filtrer un peu de lumière qui suffisait à peine à faire ressembler cette journée à une journée, et non pas à une nuit. Il y avait aussi un vent cinglant, à faire s'envoler un de ces adipeux fraters de Haurse-Porc aussi facilement qu'un fêtu ; et ce vent charriait un crachin vicieux qui s'insinuait parmi vos vêtements, vos armures et tout ce qui pouvait le séparer de vos os.

Baudoin attendait là-dessous, accompagné de sa troupe. Il arborait son habituelle demi-armure aux lignes si pures, croisée d'une écharpe d'apparat aux couleurs d'Oësgard. Il y avait avec lui quelques-uns de ses hommes de confiance, un peu plus de soldats et un nombre proportionnel de serviteurs. Certains observaient d'un œil vitreux la plaine battue par les vents ou les nuages qu'on ne distinguait qu'à peine, tandis que d'autres préféraient se concentrer sur un truc à manger. Enfin, tout cela s'arrêta quand un forme indistincte vint tuméfier l'horizon. Puis le bubon grossit, s'épaissit et éclata pour ressembler à une multitude de silhouettes.

" Je crois que madame la baronne est là... Messieurs ! "

Baudoin prit la tête de sa petite compagnie pour aller à la rencontre d'Alonna. Ces bougres étaient encore loin, aussi fallut-il forcer un peu l'allure pour que la jonction ne dure pas une éternité. Les porte-bannières levèrent les couleurs d'Oësgard bien haut, de telle sorte que personne ne puise les prendre pour une bande de pisseux belliqueux. Le sud d'Oësgard avait effectivement du essuyer quelques rapines de la part de bandes désespérées, des gueux qui avaient décidé que le pillage serait plus fructueux que l'élevage, et assez stupides pour s'attaquer à une baronne en visite officielle ou pire, à la bibine de Haurse-Porc. Autant d'éventualités plus effroyables les unes que les autres. Autant d'éventualités qui faisaient arriver Baudoin au niveau de quelques cavaliers d'Alonna. Il échangea quelques mots avec ce qui composait l'avant-garde de la troupe afin d'être présenté en bonne et due forme. Il espérait que la baronne daigne arriver jusque là, en carrosse, à cheval, à pied ou sur un bœuf si cela lui chantait, tant qu'elle acceptait de frotter un peu son minois à la pluie, tout lui convenait.

Finalement, Baudoin parvint à rencontrer celle qui régnait sur les marches au sud d'Oësgard. Alonna, nom tout aussi encensé que maudit : les morts tragiques s'y comptaient par centaines, tandis que les douairières y associaient plus ou moins sincèrement tout leur chagrin. Ça avait été un merdier comme les hommes n'en rencontrent que rarement. Bref. La baronne ne semblait pas s'en porter plus mal et avait même inculqué à un bourrin de belle constitution à faire la révérence. La baron eut envie de cracher son mépris pour ces pratiques futiles, décadentes et avilissantes pour tout ce qui ressemblait à un canasson, mais il se retint et descendit de selle. Un bref échange suivit, lors duquel Baudoin servit à son invitée toutes les courtoisies que la bienséance voulait ; et lui épargna de nombreuses mondanités que la bienséance se contentait de suggérer.

« Ma dame, nous devrions nous diriger dès à présent vers Oësgard. En effet la route et longue et le temps peu clément. »

voilà ce qui fit l'essentiel de sa conversation. L'échange ne resterait ni gravé dans les mémoires ou mentionné dans les chroniques. Toujours est-il que le baron se remit sur selle et enjoignit sa monture à avancer. La baronne et son escorte l'imitèrent promptement, et voilà qu'une colonne deux fois plus forte que celle partie d'Oësgard remontait l'Ambrie... de loin. On passa de nombreuses heures à traverser des routes qui sillonnaient entre les fondrières et les granges défoncées par les pillages encore récents. Le paysage était à l'avenant, morne et malade, il n'aspirait à rien d'autre qu'à défiler aux yeux des voyageurs rapidement et à ce qu'on le laisse tranquille. Cette terre triste attristait aussi les paysans croisés en chemin, qui tiraient des tronches à faire pleurer les morts, tronches néanmoins empreintes d'un certain respect envers leur seigneur et maître.

« Je suis navré de vous infliger un spectacle si affligeant, baronne, mais la guerre a fait son œuvre : mes gens sont éreintés autant que la terre qui supporte leur poids. J'espère toutefois que vous ne m'en tiendrez pas rigueur et saurez apprécier l'hospitalité d'Oësgard. » hospitalité que la rumeur affirmait inexistante mais qui, dans le cœur du baron, se devait de voir le jour pour la baronne. En effet, il n'aurait pas supporté qu'Alonna s'offusque d'une jovialité trop éteinte à son goût. Pas que cela lui fasse plaisir d'honorer une dame -il avait toujours estimé le pouvoir comme une chose trop sérieuse pour les femmes- mais c'était absolument nécessaire...

« Voyez-vous, la guerre est une chose bien laide et bien méchante. Je ne doute pas que vous la sachiez pernicieuse. Aussi ne vous cacherai-je pas que j'aspire à une amitié durable entre nos maisons, nous n'en serons que plus forts face aux horreurs que nous envoie le Puy » rien qu'à prononcer ce mot, Baudoin crut qu'il n'allait pas pouvoir retenir un crachat franc et noir, mais il savait que ces manières n'étaient appréciées que par les gens de sa baronnie et se retint donc une énième fois. Seule une moue irritée déforma son visage, ou plutôt la barbe abjecte qui le couvrait. « Et plus forts face à l'ambition dangereuse de la noblesse du sud. J'ai récemment appris que la disparition de Charles de Hautval -béni soit-il- avait réveillé ces opportunistes d'Ancenis et Olyssea... Qui sait ce que nous réserve l'avenir ? » Les nouvelles étaient vilaines, si à présent les hommes s'associaient aux drows pour laisser le Nord dans la merde la plus noire, alors les choses étaient plus mauvaises qu'elles ne l'avaient jamais été.

Baudoin manqua de sourire lorsque la baronne loua l'hospitalité d'Oësgard. Malgré tous ses efforts, jamais il n'aurait pu penser qu'elle vienne à tenir de tels propos en dehors de sa tête. Cela dit, c'était une bonne chose ; et quand bien son compliment eût suinté d'hypocrisie, au moins prouvait-elle qu'elle se voulait courtoise et diplomate... Et non pas fermée comme une huître à tout dialogue. Ils firent quelques dizaines de mètres de plus avant que Pearla ne prenne à nouveau la parole. La chose n'attendait pas de réponse, mais elle satisfaisait au plus haut point Baudoin. Elle n'en attendait pas moins. Voilà que les choses allaient bon train pour lui.

« En effet, vous n'avez pas tort, ils pourront devenir une menace, voir même se retourner contre nous qui sait ? Mais je ne pense pas qu'on peut y faire quoi que ce soit pour le moment, mis a part être prêt. » Elle avait mis au jour le fond de la pensée du baron. Il ne pensait pas qu'une telle menace tourne à la guerre ouverte ou à quoique ce soit d'autre d'aussi frontal, mais il ne s'attendait pas moins à quelque démarche cauteleuse ou à quelque piège captieux, prêt à mordre le Nord pour un peu de pouvoir. Toutes ces choses dont il ne doutait pas le Sud capable, il n'y avait qu'à voir quels événements agitaient le royaume pour quelques vignes et les soiffard qu'elles nourrissaient.

« Oui. Malheureusement, nos alliés fidèles se comptent sur les doigts de la main, et je doute même qu'ils puissent se compter longtemps. » Il se garda bien de citer qui que ce soit, et il se garda tout aussi bien de préciser quelle aversion il éprouvait pour le roi Trystan, à qui il n'accordait qu'à grand peine le statut "d'allié". Un bâtard, aveugle de surcroît, qui tout au plus aurait pu régner sur une porcherie. Sa victoire à Alonna ne brillait qu'en demi-teinte tellement le prix à payer avait été lourd, et depuis, rien. Baudoin ne comptait pas sur un tel personnage pour le protéger, et il se prenait même, en quelque instant de songeries amères, à espérer une imminente destitution du roi. Il fallait un homme fort aux yeux moins débiles et à la race plis pure, un preux qui saurait préserver ceux de son giron. Il y avait là autant de choses que le baron ne ruminait jamais que seul, et encore essayait-il de penser silencieusement quand ça lui traversait le crâne.

Quand, soudain, un garde d'Alonna crut bon d'apporter sa sablière à la conversation. Il manqua de faire rire Baudoin aux éclats. Mais la barbe resta impassible et ne fit qu'éructer une réponse policée d'aristocrate bien sûr lui. « Non ! Grands dieux non ! Ces dégénérés peuvent être accusés de toutes les vilénies du monde et de tous les pêchés sauf un : jamais ils ne s'allieraient avec des drows ou quelque autre engeance, ils tiennent trop à leur tête pour ça. Croyez-moi, ils se garderont bien de trop risquer à appeler de tels sauvages : regardez ce qu'ils ont fait à Alonna et Oësgard, et ensuite demandez-vous s'ils épargneraient de telles exactions à des alliés devenus dispensables. La réponse est trop évidente, et elle ne manquera pas de sauter aux yeux de ces australs, aussi stupides soient-ils. » Décidément, cela était inconcevable qu'une telle alliance voie le jour. Et si par le plus hideux des miracles cela le devenait, Baudoin n'osait imaginer de quel fou ce serait l'œuvre, ni à quelle fin atroce cela condamnerait les hommes.

Sur ces mots et autres réflexions intéressantes, la troupe put -au hasard d'une colline qui avait décidé de s'écraser- entrapercevoir Amblère. Ils parviendraient à Oësgard en quelques heures.

[HRPG: désolée du retard]

La baronne remarqua la satisfaction de son voisin, un petit sourire discret se forma alors aux coins de ses lèvres, visiblement ce qui arranger la baronne, arranger aussi Baudoin, Pearla ne pouvait espérait mieux, pour le moment tout allez pour le mieux, à la grande satisfaction de la baronne d'Alonna. Après qu'ils eurent parcourut quelques mètres de plus, le baron prit de nouveau la parole pour lui répondre:

"Oui. Malheureusement, nos alliés fidèles se comptent sur les doigts de la main, et je doute même qu'ils puissent se compter longtemps."

Il n'avait pas tort, leur alliés fidèles pour reprendre les propres termes du baron, se faisait rare, et comme Pearla l'avait toujours pensée, on ne devient les amis des hauts dirigeants que lorsqu'on a besoin d'eux mais qu'on ils ont besoin de leur amis, il n'y en a plus aucun, et c'est bien ce qui se passera pas la suite, elle en avait le pressentiments, et donc elle ne comptait que sur elle même et sa petite armée pour se protéger et protéger son peuple, d'ailleurs elle avait toujours fonctionnait comme ça, si il y a bien une chose qu'elle déteste en ce bas monde c'est bien de dépendre des autres! Pearla remarqua que son voisin se perdait dans ses pensée...alors elle se contenta d'accélérer un peu le rythme sans interrompre Baudoin dans ses réflexion, et se demandant silencieusement qui était vraiment son voisin au plus profond de lui et quels étaient ses véritables intentions? sa la tracassait un peu car elle le connaissait mal et s'il s'avérait qu'elle devait signé des accords avec lui, elle ne voulait pas commettre d'erreur, peut-être que maintenant leur intentions et leur buts étaient pareil mais qu'adviendrait-il lorsqu'ils ne seront plus d'accord? les questions s'embrouillaient dans son esprits, la baronne les chassa aussi rapidement qu'ils étaient arrivée en se disant simplement qu'elle aura bien assez vite les réponse à toutes ses questions. Elle revint à la réalité lorsque Baudoin s'énerva en répondant à Tatsu, ce dernier était toujours à sa gauche se contentant d'entendre la réponse du baron sans répliquer:

« Non ! Grands dieux non ! Ces dégénérés peuvent être accusés de toutes les vilénies du monde et de tous les pêchés sauf un : jamais ils ne s'allieraient avec des drows ou quelque autre engeance, ils tiennent trop à leur tête pour ça. Croyez-moi, ils se garderont bien de trop risquer à appeler de tels sauvages : regardez ce qu'ils ont fait à Alonna et Oësgard, et ensuite demandez-vous s'ils épargneraient de telles exactions à des alliés devenus dispensables. La réponse est trop évidente, et elle ne manquera pas de sauter aux yeux de ces australs, aussi stupides soient-ils. »

Il ne répliqua pas pour la simple et bonne raison qu'il n'avait rien à dire, vu qu'il savait bien que Baudoin avait pertinemment raison, et se promis de ne plus intervenir dans les échanges entre sa baronne et son voisin. Pearla se contenta de jeta un regard par dessus son épaule vers son garde pour voir sa réaction, mais celui-ci n'avait pas brancher à la grande satisfaction de Pearla, elle ne voulait pas que ses gardes personnels passent pour des abrutis surtout aux yeux de son voisin. Et de toutes façon cela ne pouvait avoir lieu car sa serait trop risqué pour tous le monde et sa conduira peut-être à la disparition de la race humaine. Ensuite les discutions continuèrent cela aboutirait surement sur des accords entre Alonna et Oësgard pensa la baronne. Elle put alors apercevoir à son tour Amblère, elle en déduit que dans quelques heures ils seront enfin arriver à Oësgard. Elle demanda alors à Tatsu d'aller prévenir les retardataires pour la plus part des servantes d'accélérer un peu le rythme, car la garde de la baronne et celle du baron commençait à les distancés. Ce-dernier exécuta l'ordre de sa baronne sur le champs.

Les cavaliers atteignirent Oësgard au coucher du soleil. Un soleil érubescent parvenait enfin à percer l'étoffe épaisse et cotonneuse des nuages, éclairant ici et là quelques éléments de la forteresse. Ça embellissait maladroitement un édifice pour le moins simple : composé de masses épaisses de pierre, parfois ciselées en leur sommet, plus fréquemment taillées en formes pures, dénuées de tout artifice. L'ombre du manoir se découpait sur la cité en contrebas, vaste, fourmillante. Baudoin fit un salut succinct à la baronne, tout en lui spécifiant que l'on mangerait à la tombée de la nuit et qu'elle siégerait à sa droite et qu'il en serait honoré. Ces formalités remplies, il alla s'enquérir des affaires qui l'appelaient et se faire une mise plus acceptable.

Laissée aux mains des serviteurs qui s'égaillaient déjà autour d'elle, la baronne put constater le soin qu'on lui portait : on alla introduire son cheval dans des écuries proprettes, fit de même pour ceux de ses gardes ; une femme bien habillée la conduisit à ses appartements : une vaste chambre surplombant la Vâmme gonflée de pluie, non seulement le paysage était appréciable, mais l'intérieur l'était tout autant. Il y avait un large et sûrement confortable lit, des tapis aussi profonds que l'on pouvait oser le rêver, des tapisseries raffinées et un paravent de bois précieux derrière lequel fumait un bain brûlant. La salle d'eau était disponible, la baronne en ferait ce qui lui convenait. La valetaille Oësgardienne s'éclipsa, laissant place à celle d'Alonna. Toutefois, et avant de ne disparaître complètement, un homme en livrée crut bon de dire « que madame avait tout son temps, et que l'on s'attablera seulement dans une heure »

[bon, s'pas bien consistant mais bon T'peux ouvrir le festin o/]