[terminé] En forêt...

Nul but précis, nulle destination... Telle était ma vie depuis plusieurs années maintenant et cela me convenait parfaitement. Pourtant, il me semblait que les choses changeaient doucement... Il y avait quelqu'un, quelque part qui pensait parfois à moi et qui serait ravi de me revoir. Mes pensées vagabondèrent vers le beau visage d'Astéride, se remémorant ses grands yeux verts et ses cheveux blonds, sa silhouette élancée, bien qu'alourdie par sa grossesse. J'avais fini par la quitter, comme je me l'étais promis, bien que j'ai eu du mal à tenir cette promesse. Je ne m'attardais jamais longtemps au même endroit.

Mais j'avais promis de revenir et de la revoir rapidement. Plus rapidement que je ne l'aurais pensé finalement. Je fis halte un instant, sortant une lettre dont le cachet avait été défait : une invitation personnelle à me rendre aux épousailles de Hannibal de Roch et June de Scylla. J'avais été stupéfait de cette invitation, tant j'étais quelqu'un d'insignifiant. Je n'étais qu'un vagabond... Mais j'avais fais bonne impression au seigneur de Roch apparemment et j'en étais ainsi remercié.

Moi, le demi drow caché, convié à une telle cérémonie, cotoyant le gratin de la noblesse... De la folie. J'avais été tenté de refuser... Je n'avais pas ma place là bas, je n'étais pas fait pour cela. Mais quelque part, j'avais le secret espoir de pouvoir revoir Astéride. Elle y serait surement conviée mais irait-elle alors que sa grossesse approchait de plus en plus du terme? Oserait-elle se présenter devant une Cour qui lui sourirait par devant et regarderait son ventre rebondi par derrière, d'un air méprisant? Je n'avais qu'une façon de le savoir...

J'avais mis pied à terre, marchant tranquillement dans la forêt, tenant la bride de mon destrier d'une main, l'autre main pas très loin de la garde de mon épée. La forêt d'Aduram n'était pas aussi tranquille que celle d'Erac et je préférais être prudent. Harès, lui, folatrait, jouait avec les lapins. Ah oui, vraiment, quel redoutable chien d'attaque.

Navrant, vraiment navrant.

Par cette chaude journée d'automne, je ne portait que pantalon, bottes et chemise, mon armure se trouvant dans les énormes sacoches qui étaient accrochée sur le dos de mon non moins énorme cheval. C'était un destrier de guerre, un animal fait pour tuer en écrasant de ses puissants sabot ou en mordant.

Je continuais ainsi ma marche quand j'entendit un bruit qui m'immobilisa et qui fit cesser à Harès ses jeux pour se mettre en position défensive. Je tendis l'oreille, entendant un sourd gonrdement soudain. Il y avait un animal... un très gros animal. Je laissais mon cheval en arrière, m'approchant sans faire de bruit, alors que mon chien faisait de même, plus rapidement que moi. Et bientôt, une drôle de scène s'offrit à mpoi : il y avait une jeune femme, un arc à la main face... face à un Macragnos de 6 mètres de long au bas mot. Un adolescent je dirais. Mais un adolescent agressif. Et je doutais fort qu'une simple petite flèche suffise à arrêter ce monstre. Je restais pourtant caché, priant pour que le monstre passe son chemin et se désintéresse de la jeune femme, mais conscient que c'était une utopie... Ma min se ressera sur la garde de mon épée, prêt à intervenir.

Cela serait surement un beau combat.

Des bruits de pas humain assortis de ceux d'un cheval, d'accord, mais Etheldred ne pu s'y attarder car au même moment, autre chose attira son attention, juste derrière elle. Faisant volte face, elle tomba nez à nez avec ce qu'elle reconnu être un un macragnos. Fabuleux, vraiment... et plus vraiment le temps de grimper à un arbre à moins de vouloir voir l'arbre ne question déraciné par un animal fou furieux. Quand à utiliser son arc, elle pouvait toujours essayer si elle voulait énerver assez le macragnos pour qu'il s'acharne sur elle.

Ne quittant pas l'animal des yeux, la jeune femme commença à reculer très lentement, gardant tout de même sa flèche prête, étant donné que c'était mieux que rien.

" A moins que vous ne souhaitiez voir ce que je peux faire contre ça avec une volée de flèches, j'apprécierais votre aide : plus on sera nombreux plus il hésitera à attaquer, ces bêtes là ne sont pas stupides. "

Sa voix était calme : apparemment, si elle avait peur, elle ne le montrait pas et la requête n'avait rien d'une supplique désespérée. Elle avait depuis longtemps appris à se débrouiller seule ne ne comptant que sur elle même, pour le meilleur ou pour le pire. Elle s'adressait directement à la personne au cheval cachée probablement non loin de là. Elle situait vaguement la position à l'oreille car elel ne s'était pas retournée une seconde pour vérifier, trop occupée à surveiller l'énorme animal. Elle ne savait pas qui était dans les buissons, mais au point où elle en était, n'importe quelle aide serait la bienvenue : chaque problème en son temps. Et puis, la réaction de l'inconnu, quelle qu'elle soit, lui donnerait une indication sur ce qui la guettait. Si c'était un lâche ou un profiteur qui attendrait que le travail soit terminé, elle aimait autant le savoir dès le début.

Le macragnos n'avait pour le moment pas l'air décidé à lâcher du terrain. Etheldred recula encore un peu, toujours sans se retourner et lentement. Elle connaissait bien la faune de la forêt, elle avait été à bonne école et ce n'était pas la première fois qu'elle tombait sur une bébête peu commode. D'ailleurs, après sa nuit avec un cogianth, un an plus tôt, il en fallait beaucoup pour la déstabiliser. De là à dire que ça ne lui posait pas problème... Même avec son arc ou en admettant qu'elle puisse récupérer son épée sans se faire piétiner ou encornée, elle se voyait mal faire face seule. Elle respira à fond pour continuer à rester calme, ce n'était pas le moment de paniquer. Reculer doucement...

L'animal secoua la tête. Bonne ouïe, bon odorat, mais mauvaise vue... Que savait-elle d'autre sur les macragnos qui pourraient lui être utile ? Éviter de les croiser. Oui, bien, ça l'avançait drôlement. Elle pouvait viser l'œil en espérant atteindre le cerveau, mais le principe n'arrêtait pas par miracle une masse de plus de deux tonnes qui fonçait tête baissée. Elle eut une pensée pour sa sacoche de soins qu'elle avait laissée au pied d'un arbre avec son épée. Étrange comme elle avait le pré sentiment qu'elle s'en servirait bientôt... si elle était encore vivante pour ça.

Puis le macragnos baissa la tête et se mit à gratter le sol.

Amusé, un sourire flotta sur mes lèvres alors que la jeune femme reculait et me haranguait, me demandant d'intervenir au lieu d'épier.

- "J'avoue que c'est tentant de voir combien de flèches vous pouvez lui lancer avant qu'il ne vous touche, mais je tenterais cette expérience ô combien intéressante une autre fois."

Je sortai alors des fourrées avec décontraction, mon épée à la main, révélant à la vue de la jeune femme un solide gaillard de haute taille, habillé de chausses et d'une simple chemise. Pas le temps de mettre mon armure, j'allais devoir être prudent. J'étais impressionné par le calme de la jeune femme, ainsi que sa faculté à m'entendre alors qu'elle ne m'avait pas regardé. Certes, je n'avais pas cherché à être particulièrement discret. De toutes façons, avec Cyrus, c'était peine perdue, il était un cheval de guerre et marcher sur la pointe des sabots ne faisait pas partie de son éducation. En revanche, je la rejoignit dans un silence parfait, simplement interrompu par le souffle de l'animal qui nous faisait face.

Harès se tenait près de moi, babines retroussées. Il regardait l'énorme animal avec circonspection, sachant pertinamment que celui là était un ennemi. Quant à moi, je regardais l'animal avec calme, me demandant par quel bout j'allais devoir le prendre pour le terasser. La partie s'annonçait serrée. S'il chargeait, j'allais devoir me montrer vif pour l'éviter et le frapper en même temps. Harès pourrait s'occuper de le harceler le distraire pendant que je frappais. Oui, c'était jouable... Risqué et suicidaire, mais jouable. Un frisson d'excitation me parcourut l'échine à cette pensée. Enfin un peu d'action!

Je vis l'animal gratter le sol et j'esquissais un sourire :

- "Ce sera un plaisir que de mourir en vous venant en aide."

Je ne semblais pas convaincu par mes paroles. En fait, je ne pensais pas que j'allais mourir en attaquant cette bête. Je me sentais bien. J'étais un guerrier, un chevalier, avant toute autre chose. Un sourire assuré se dessinait sur mes lèvres. Nous étions deux et demi (Harès conmptait pour un demi) contre un animal de 6 mètres de long.

C'était trop inégal.

Pauvre bête.

" J'avoue que c'est tentant de voir combien de flèches vous pouvez lui lancer avant qu'il ne vous touche, mais je tenterai cette expérience ô combien intéressante une autre fois. "

Etheldred eut à son tour un léger sourire en entendant la répartie. Une voix d'homme qui ne semblait pas décidé à la laisser se débrouiller les dieux en soient remerciés. Elle lui jeta un bref coup d'œil, découvrit un humain bien bâti et armé, accompagné d'un chien. Son observation s'arrêta là car elle ne voulait pas quitter des yeux l'animal qui lui faisait face.

" Ce sera un plaisir que de mourir en vous venant en aide. "

Tout en continuant à reculer lentement, elle secoua la tête, avec un demi sourire :

" Si on pouvait éviter d'en arriver là... Cela dit, je ne vous force pas à risquer votre vie. "

Elle se maudit intérieurement. Ça, c'était bien elle : en danger de mort et trouver quand même le moyen de se préoccuper des autres ! Qu'allait-elle faire s'il répondait "d'accord, au revoir" ? Comme d'habitude, elle s'arrangerait seule, mais tout de même, si c'était pour mourir bêtement au fond de la forêt...

Bon, pour en revenir à la bête qui semblait décidée à attaquer malgré l'apparition du jeune homme, elle estimait que vu la distance - qu'elle s'efforçait depuis un moment d'augmenter peu à peu - elle aurait le temps de placer une flèche, voir deux avant de devoir bouger ou d'être encornée si elle était trop lente. Vu la peau épaisse de l'animal, elle espérait juste que ses flèches puissent la transpercer suffisamment pour être efficaces. Ses estimations sur la situation ne devaient pas être trop mauvaises étant donné qu'elle était habituée à chasser depuis longtemps. Juste qu'elle ne chassait pas de monstre pareil, elle les évitait, dans la mesure du possible.

L'inconnu avait l'air de savoir ce qu'il faisait, du moins elle l'espérait, car si elle était à peu près capable de se défendre seule, elle ne se voyait pas protéger quiconque dans la foulée. S'ils devaient éviter le macragnos, le plus simple était encore de se rabattre chacun d'un côté pendant qu'il passerait au milieu, emporté dans son élan. Le tout était d'éviter que les deux humains ne se gênent l'un l'autre et finissent embrochés bêtement.

L'animal chargea.

Aussitôt, Etheldred décocha une première flèche, encocha une seconde avec dextérité sans même vérifier que la première avait atteint son but. Sauf exception, ce serait probablement le cas, elle savait pouvoir compter sur son arc. Maintenant, restait à placer la seconde et se dégager assez vite. Dans l'instant, elle oublia tout le reste, totalement plongée dans le combat qui s'engageait et où il était hors de question qu'elle laisse la vie.

Je laissais échapper un rire léger et grave alors que la jeune femme me rétorquait qu'elle ne me forçait pas à risquer ma vie.

- "Je peux partir alors?"

Je lui lançais un regard malicieux, totalement à l'aise, mais sans pour autant oublier la grosse bête qui nous observait avec circonspection. Je repris un peu mon sérieux et répondis :

- "Allons, je suis chevalier itinérant, mon rôle est de secourir les demoiselles en détresse. Vous êtes une démoiselle et..."

Je lançais un regard vers l'animal qui regardait ses proies.

- "Je crois que vous êtes en détresse. Ou vous n'allez pas tardé à l'être."

Je voyais bien qu'elle s'éloignait doucement de lui, l'air de rien et je fis comme elle. Je regardai son arc, regardai la bête, une expression songeuse dans le regard.

- "Vous sauriez lui crever les yeux? Ou au moins un?"

Oui, cela rendrait fou l'animal, mais cela le désarçonnerait et pourrait donner l'avantage aux deux humains. Enfin, à l'humain et au demi drow caché. l'animal serait furieux mais moins précis encore, ce qui pourrait laisser à Ciaran le loisir de le prendre à revers et de lui faire la peau. Il fit un moulinet avec son épée, se mettant en position de combat, alors que l'animal grattait le sol et... chargeait, naturellement. J'étais à côté de la jeune femme, donc il chargea naturellement les deux. Une flèche fusa et elle en encocha un seconde. Moi, je calculais mon coup, avant de me dégager. J'espérais que la jeune femme serait assez vive pour faire de même.

- "Maintenant."

Malgré moi, j'avais donné le signal pour s'écarter. Je fis un bond et roulai sur le côté, en profitant pour taillader la peau de l'animal là où elle passait à proximité de mon bras. Ce qui eut pour effet de faire une magnifique lézarde sur sa patte avant, faisant grogner l'animal de colère et de douleur. Et moi, je sentis mon épaule craquer sous le choc. C'est que ça avait le cuir épais! Je me relevais d'un bond et vis qu'Harès avait sauté sur le derrière de l'animal et qu'il enfonçait ses crocs dans ses jarrets. Maintenant, la jeune femme et moi étions séparés et l'animal devait privilégier une cible... La plus facile ou la plus coriace? D'abord me tuer pour être tranquille ou tenter la fille avant? Dilemme. Sauf qu'il rua finalement, se débarassant d'Harès qui couina de douleur. Je serrais les dents, nettement moins désivolte. L'animal s'intéressa alors au chien, le regardant méchamment.

" Je peux partir alors ? "

Etheldred retint un petit rire. Ah c'était malin, tiens... Mais plaisanterie mise à part, oui, il pouvait s'en aller, elle ne voulait pas être responsable de la mort de quiconque. Ainsi, il était chevalier itinérant ? Eh bien, il tombait à pic et, certes, elle était en détresse, il aurait été stupide de prétendre le contraire.

" Vous sauriez lui crever les yeux ? Ou au moins un ?"

Elle hocha lentement la tête. Un, oui, deux, peut-être, si elle avait suffisamment de temps pour encocher une nouvelle flèche avant de se dégager. Elle suivit donc cette idée tandis que la bête chargeait. Deux flèches plus tard, elle s'écarta brusquement, à l'instant où le jeune homme en donnait le signal. C'était bien calculé... Assez pour lui permettre de ne pas se faire encorner ou piétiner. En revanche, la roulade précipitée sur le côté lui arracha une grimace. Elle avait fait en sorte de protéger son arc au passage, ne voulant pas le casser par mégarde vu qu'elle voulait continuer à s'en servir, mais du coup, elle n'avait pu mettre toute la souplesse requise dans le mouvement.

Se remettant rapidement sur ses pieds en faisant volte face vers l'animal, la jeune femme encocha une nouvelle flèche et analysa la situation. Elle avait déjà atteint l'œil droit, l'autre était raté mais la flèche s'était enfoncée pas très loin. Le macragnos se savait sans doute aux abois mais il n'en était que plus dangereux. Il s'était retourné contre le chien et elle hésita un instant, le cœur battant. Pour la plupart des animaux, elle aurait peut-être visé au cou, l'ennui avec celui là c'était que les multiples replis de peau épaisse comme du cuir le protégeait efficacement. A moins de vouloir perdre une flèche inutilement, il valait mieux essayer d'avoir l'autre œil puis passer comme le chevalier à l'épée. La sienne était toujours au pied de l'arbre avec sa sacoche.

Elle jeta un coup d'œil inquiet au jeune homme lançant brièvement :

" Ça va ? "

Pas vraiment le temps de s'en préoccuper, vu les circonstances, mais elle voulait savoir s'il était toujours capable de l'aider ou si au contraire elle allait devoir le protéger. Et puis, il y avait le chien... Elle, elle s'en sortait pour l'instant sans dommage, si on oubliait les bleus qu'elle ne manquerait pas d'avoir après la roulade qu'elle avait tenté. Mais ça, elle y survivrait.

L'animal s'intéressa au chien, avant de se décider pour un humain. Justement, la petite silhouette en robe verte à laquelle il devait une vision aussi diminuée allait payer... Etheldred eut à peine le temps de viser l'autre œil et, si elle se douta avoir eu sa cible, elle crut réellement sa dernière heure arrivée : même si elle se jetait à nouveau sur le côté au dernier moment, il y avait de forte chance pour que l'animal balance sa tête vers elle, ne la ratant pas... et si elle bougeait trop tard, il pourrait aussi anticiper. La seconde flèche fut envoyée un peu avec l'énergie du désespoir parce qu'elle ne voyait pas comment elle allait éviter la corne propulsée par plusieurs tonnes. On dit que lorsque la mort approche on voit défiler sa vie... Ce qu'elle voyait surtout c'était une énorme masse qui lui fonçait dessus aveuglément et qu'elle avait intérêt à ne pas rater son esquive... en admettant que ce soit du domaine du réalisable. Tout se passait si vite qu'elle n'eut même pas le temps de savoir si elle mourrait de peur ou gardait son self contrôle, elle se prépara juste à réagir mécaniquement au juste moment, avec l'impression d'être dans un cauchemar.

- "Je me porte comme un charme."

J'étais amusé de la question de la jeune fille. C'était elle qui s'en faisait pour moi alors que c'était elle la plus vulnérable et la plus fragile! C'était incroyable! Mais elle savait viser, elle avait réussi à crever un oeil quand même! Il faudrait que je pense à la féliciter quand nous en aurions fini avec cette satanée bestiole.

Harès avait la langue pendante et boitillait légèrement. Cela aurait pu être pire. Cela pouvait encore empirer d'ailleurs. Il grogna après l'animal imposant, mais cela ne suffit pas à détourner l'attention de notre adversaire d'une autre cible : ma jeune fille. Oh non...

Pas le temps de vraiment réflechir, je me ruais vers elle, suivant l'animal. Il était puissant et massif, mais pas forçément d'une rapidité terrifiante. Je courus avec vélocité, plus rapidement que n'importe quel humain normal. De toutes façons, pendant ce combat, je bougeais un peu trop vite et trop gracieusement pour un humain lambda, mais la jeune fille ne s'en aperçevrait peut-être pas...

Dans le cas contraire, tant pis.

Je frappai alors avec mon épée dans son flanc, chose rendue malaisée par la vitesse. Heureusement que j'étais rapide et avais de bons réflexes, parce que la course jusqu'à la demoiselle était ridiculement courte. Ce qui avait empêché l'animal de prendre pleinement de la vitesse aussi. J'espérais que cette brève diversion permettrait à la jeune femme de s'écarter encore une fois. Sauf que le Macragnos tourna la tête violemment vers moi, pilant net pour se débarasser de l'intrus que j'étais. J'en profitais pour crever son autre oeil, mais l'épée resta coincée alors qu'il grognait de souffrance et rejetait la tête, m'entrainant avec lui et m'envoyant voler un peu plus loin. J'atterris plus lourdement que je l'aurais voulu et étouffai un gémissement de douleur alors que j'avais l'impression de sentir mes os craquer. L'animal était aveugle, mais fou de rage maintenant. Mon arme était un peu plus loin. Je me redressai prudemment, serrant les dents en constatant que mon épaule semblait démise. Avec une telle recontre avec le sol, ce n'était pas étonnant. Saleté de bestiole! J'étais maintenant sans armes et ça, l'animal le savait. Pas si stupide que ça, finalement. Si seulement, ses blessures pouvaient le ralentir suffisamment, pour que j'attrape la demoiselle et que nous fuyons sur Cyrus... Mon destrier était rapide, plus qu'un macragnos blessé. Mais encore fallait-il l'atteindre. Mais peut-être que le coup avait touché le cerveau? J'avais l'impression que l'animal titubait légèrement, comme désorienté...

"Je me porte comme un charme."

Vrai ou non, la réponse contenta Etheldred parce qu'au moins, elle signifiait que le jeune homme était encore en état d'aligner trois mots cohérents. Et puis, pour l'instant, elle avait plus urgent à gérer... Contrairement à ce qu'elle avait craint, le macragnos ne lança pas sa tête vers elle mais, surpris par le jeune homme, il s'occupa plutôt de lui. Elle eu donc juste le temps de se jeter en arrière pour éviter d'être piétinée. Décidément, elle aurait encore quelques bleus de plus, mais, au moins, elle s'en sortait pour le moment vivante.

Etheldred jeta un coup d'œil à se qui se passait à présent : l'animal rendu fou par la douleur, mais heureusement aveugle. Il avait l'air de se préoccuper du chevalier - qui avait manifestement un soucis à l'épaule, constata-t-elle machinalement. Abandonnant son arc, elle courut à son épée qu'elle dégaina rapidement. Ça lui semblait un peu dérisoire, vu la taille de la bête, mais la jeune femme supposait que cette dernière n'allait pas tenir très longtemps. Si elle évitait une charge sur le jeune homme de suite, il y avait une chance de s'en sortir vivants pour les deux humains.

S'éloignant rapidement, elle se mit à crier :

" Il est aveugle, il va se repérer au bruit et à l'odeur, on devrait pouvoir le désorienter ! puis au macragons, Eh ! Eh ! Par ici ! "

Le but était de lui faire faire la navette, et si possible, vu son état, de l'épuiser dès sa première charge, parce que franchement, elle n'appréciait pas trop de devoir y aller à l'épée contre un monstre pareil. Mais elle n'allait pas non plus laisser le jeune homme désarmé face à ça alors qu'il venait de lui sauver la vie, sous prétexte qu'il voulait jouer les chevaliers. Maintenant, elle espérait juste que ce dernier se taise pour que l'animal se préoccupe avant tout de ses cris à elle.

Le macragnos hésita un instant, avant de faire effectivement demi tour et de suivre l'origine des cris. L'épée levée en une garde haute, Etheldred l'attendait de pied ferme - enfin, autant qu'elle le pouvait vu qu'elle n'avait qu'une envie, c'était partir en courant. Plus que trois mètres, plus que deux, un... l'animal trébucha et s'écroula devant une Etheldred devenue livide. Reculant doucement, elle le regarda s'agiter encore un peu puis cesser de bouger. Un soulagement immense s'empara d'elle alors qu'elle baissait son épée, un peu - beaucoup - tremblante, elle devait bien le reconnaitre.

Néanmoins, pas question de prendre une heure pour se remettre, la jeune femme, accourut donc auprès du chevalier, s'exclamant :

" Vous allez bien ? Votre épaule, là, elle doit être au moins démise, il faut la replacer, je veux dire, je peux le faire, mais il vaut mieux que vous preniez une infusion calmante avant, enfin... "

Bon, on se rassure comme on peu et le meilleur moyen pour elle de ne pas penser à ce qui venait de se passer était de parler de ce qu'elle maîtrisait. Elle se rendit compte qu'elle avait du débiter tout ça d'un ton franchement nerveux et elle reprit plus calmement, en souriant un peu de son propre comportement :

" Je suis herboriste, guérisseuse. "

Elle respira un grand coup pour se calmer et ajouta en parlant à nouveau normalement :

" Je vous remercie pour ce que vous avez fait, je ne crois pas que je m'en serais sortie sans vous... Je n'habite pas très loin, j'ai ce qu'il faut pour vous soigner sans trop de douleur et... elle jeta un coup d'œil au chien qui boitillait, votre compagnon aussi. "

Dire qu'elle habitait en pleine forêt d'Aduram n'était sans doute pas pour l'aider à passer pour quelqu'un de sensé. Mais l'herboristerie n'était vraiment pas très loin, alors autant en profiter. Là-bas elle aurait tout ce qu'il fallait pour le soigner correctement alors c'était inutile de lui remettre l'épaule en place à la va-vite. Quand à le laisser se débrouiller, ça ne lui avait même pas effleuré l'esprit.

[J'espère que je l'ai pas jouée trop bourrine ]

J'écoutais la jeune femme donner des indications et hochai doucement la tête. Oui, il était aveugle, donc elle l'attirait vers elle pour le détourner de moi qui me retrouvais totalement à sa merci, sans capacités de me défendre. Elle était courageuse et elle agissait vite. C'était intéressant de rencontrer des femmes combatives et pas bêtements passives qui hurlaient simplement à vous vriller les tympans. Je me tins donc totalement silencieux, mon bras gauche pensant lourdement, devenu complêtement amorphe. La douleur était sourde et cela s'atténuait si je ne bougeais pas. L'épaule était bien démise. Peut-être y avait-il une ou deux côtes fêlées aussi et quelques coupures, ainsi que des hématomes.

Je faisais ainsi l'inventaire de mes blessures et de mon état quand je vis l'nimal approcher de la jeune femme et s'écrouler. L'espace d'un instant, mon coeur avait cessé de battre alors qu'il était beaucoup trop près et qu'elle ne bougeait toujours pas. Mais il s'écroula à ses pieds et je poussai un soupir de soulagement. Je me passai une main sur le visage. Avant de regarder la jeune femme qui se mit à parler à grande vitesse, évacuant sa nervosité post combat. Je ne dis rien, me relevant doucement, allant chercher mon épée et grimaçant à chaque mouvement. Je la remis dans son baudrier et me tournai vers ma compagne de l'instant alors qu'elle se présentait comme guérisseuse. Je lui souris, serein malgré la douleur. Je n'avais perdu mon calme à aucun moment et même maintenant, j'avais une attitude désinvolte, malgré mon état.

- "Vous avez un sacré sang froid et maniez bien votre arme."

Pour une guérisseuse, c'était assez étonnant, mais je me gardai bien de l'exprimer à haute voix. J'hésitai un instant devant sa proposition. Non pas de me faire soigner, mais d'attendre. Si cela n'avait tenu qu'à moi, je l'aurais laissé remettre l'épaule maintenant, mais si elle préférait agir consciencieusement... Je sifflai et Harès vint près de moi, alors que je luic aressais la tête.

- "Tu t'es bien défendu."

Puis, un énorme étalon fit son apparition et je pris sa bride.

- "Alors je vous suis, merci."

Je marquai une pause, avant de déclarer en un sourire :

- "Je m'appelle Ciaran."

[hrp : meuh non, on n'est pas bourrins ! Si nos persos on survécu jusqu'à présent dans un monde tel que Mira, c'est bien qu'ils sont résistants ! ^^ ]


" Vous avez un sacré sang froid et maniez bien votre arme. "

Etheldred eut un sourire peu convaincu, vu la frayeur qu'elle venait de se faire. Enfin, quoi, il faudrait bien un jour qu'elle arrête de se mettre dans des situations pareilles ! Les filles de son âge se contentaient de trouver un bon mari et de lui faire une nuée d'enfants, elles ne couraient pas la forêt toute seule ! De là à dire qu'elle avait envie d'une vie aussi passionnante... Et puis, mourir en couche ou mourir piétinée par un macragnos... Elle préféra penser à autre chose et répondit spontanément :

" Pas autant que vous et je suis loin d'être aussi rapide. "

Elle se mordit la langue. Bien sur, elle avait remarqué sa vivacité hors du commun, du moins pour un être humain. Seulement, qu'il ait du sang elfe ou drow, elle estimait que ça ne la regardait pas et de toutes façons elle aurait été mal placée pour rejeter un demi pour cette seule raison. Habituellement, elle n'était pas très bavarde et évitait ce genre de gaffe, ce qui était encore renforcé par son métier où elle avait appris à se montrer discrète envers ses patients. Chacun avait ses petits secrets et elle les respectait, elle trouvait cela essentiel. Là, la peur qu'elle avait eu devait encore jouer, il fallait qu'elle se calme un peu avant de ressortir n'importe quoi.

Elle alla récupérer ses affaires et sortit de sa sacoche un bandage enroulé, au moment où le jeune homme se présentait. Lui rendant son sourire, elle répondit simplement :

" Etheldred. "

C'était étrange, venant d'un chevalier, de n'avoir qu'un simple prénom. A vrai dire, elle se méfiait un peu des nobles qui écrasaient souvent les petites gens - comme elle - de part leur rang. Qu'il ne débite pas ses titres en exigeant des soins était plutôt agréable et surprenant.

Elle déroula le bandage en expliquant :

" Je vais vous bander l'épaule pour éviter que vous ne souffriez trop pendant le trajet. Il y a... disons une petite heure de marche, pas d'avantage. "

Tout en parlant, elle avait joint le geste à la parole, faisant toujours preuve d'autorité quand il s'agissait de soins. Elle le détailla rapidement, de l'œil de celle qui est habituée à rechercher d'autres blessures.

" Vous avez mal ailleurs ? "

La douleur de l'épaule occultait probablement les autres, pour le moment, mais on ne savait jamais. Tout en parlant, elle se mit en marche, constatant au passage qu'elle même devait avoir de beaux hématomes au côté droit.


[hrp : tu peux faire durer le trajet où nous faire arriver directement à l'herboristerie.
Sa description est ici : clic ; sachant qu'Etheldred n'y a pas mis les pieds depuis le début du printemps (on est logiquement en automne) donc c'est un petit peu à l'abandon, sans plus. ]

J'adressai un sourire charmeur à la jeune fille alors qu'elle me parlait de ma rapidité. Aïe... Evidemment, elle avait remarqué. Je répondis avec désonvilture :

- "Je manie une arme depuis que je suis enfant, je n'ai aucun mérite."

Je ne relevai pas l'allusion à la rapidité finalement, autant la laisser penser ce qu'elle voulait et tirer ses propres conclusions. De toutes façons, nous étions en pleine forêt et je venais de lui sauver la mise, cela était un gage de bonne foi, non?

Je me présentai et elle fit de même. A mon plus grand soulagement, elle n'insista pas concernant mes capacités et je lui en sus gré. je gardais une attitude faussement désinvolte pour ne pas montrer ma douleur, mais j'étais presque certain que mon regard me trahissait. Je la vis sortir un bandage de son sac et approcher de moi, m'expliquantr ce qu'elle comptait faire. Je fis une petite grimace avant de me laisser faire. une heure de route quand même. Peut-être aurait-il été préférable de remettre l'articulation pendant que c'était chaud.

- "J'espère que vos décoctions sont puissantes."

Sinon, j'allais le sentir passer.

- "Un peu."

Pas la peine de jouer les bravaches, de toutes façons, elle devait savoir quel genre de douleur je pouvais bien ressentir.

- "Mais je crois que je n'ai rien de cassé... Peut-être un choc aux côtes, mais ce ne serait pas la première fois et ce ne sera pas la dernière. Allons-y Etheldred, je vous suis."

Je tirais Cyrus derrière moi pendant qu'harès boitait vaillamment. Nous fimes le trajet en silence, tandis que je serrais les dents et observais la forêt pour ne pas penser à la douleur. Elle était sourde, lancinante. Je finis par aperçevoir des panneaux indiquant une herboristerie, un chemin et bientôt une petite cabane à l'air désuet qui semblait un brin abandonnée.

- "Ca fait combien de temps que vous n'êtes pas venue ici? Ou alors il va falloir changer l'homme d'entetien."

Oui, je faisais de l'humour, c'était ma façon de m'exprimer bien souvent.

" J'espère que vos décoctions sont puissantes. "

Etheldred hocha la tête alors qu'ils commençaient à marcher.

" Elles le sont. "

Pour être honnête, remettre une épaule en place demandait de la force et elle en manquait un peu. Si elle devait s'y reprendre à deux fois, autant ne pas le faire souffrir pour rien. Mais même dans le pire des cas, ce serait toujours mieux que si c'était fait par le premier venu, parce qu'elle savait précisément les gestes à faire pour faire les choses correctement et sans séquelle. Enfin, tout ça, il n'avait pas besoin de le savoir, s'il était trop stressé, ce serait difficile de l'anesthésier et moins la dose était forte, mieux ça vaudrait pour sa santé.

Le reste du chemin se passa dans le silence. Il faut dire que passée la peur, Etheldred n'était vraiment pas bavarde. A l'aise lorsqu'il s'agissait de soigner, mais pour faire la conversation sur tout et n'importe quoi, c'était autre chose.

Elle vit les petits panneaux avec plaisir, puis l'herboristerie apparut. Pour un peu, elle y aurait couru. Les yeux brillants - comme une gamine un jour de fête - elle répondit simplement en riant à la plaisanterie de Ciaran :

" Depuis le début du printemps. "

Son sourire disparut lorsqu'elle repensa aux raisons de son départ et à tout ce qui en avait découlé. Enfin, elle était trop heureuse de revenir chez elle, et elle chassa vite ses idées noires. Un rapide coup d'œil au jardin lui apprit que les plantes médicinales avaient pour la plupart prospéré, même si c'était de façon anarchique et envahi de mauvaises herbes. Puis elle ouvrit la porte et pénétra dans la maisonnette, invitant Ciaran à faire de même. Une odeur pas vraiment désagréable d'humidité et de plantes séchées les assaillirent. Elle ouvrit le volet de la pièce principale et un rayon de soleil éclaira les lieux. Il y avait beaucoup de poussière, mais tout était resté comme dans ses souvenirs. Il était plus que temps de s'occuper du jeune homme, au lieu de s'occuper du plaisir qu'elle avait à retrouver l'herboristerie.

Elle posa sa sacoche et ses armes en désignant un coin de la pièce :

" Asseyez vous, je vous en prie. "

Deux tabourets, rien de bien digne d'un chevalier, mais elle n'allait pas inventer un mobilier pour l'occasion. Elle entreprit de faire du feu dans la petite cheminée - heureusement il restait un peu de bois - puis elle attrapa un seau et lança brièvement :

" Je reviens. "

Quelques minutes plus tard, elle réapparaissait avec de l'eau et se mettait à préparer une infusion en expliquant :

" C'est du datura, ça va vous faire dormir, ou du moins, somnoler et ça me permettra de remettre votre épaule en place sans vous faire souffrir. A votre réveil, vous devriez avoir mal mais ce ne sera rien de comparable avec ce que vous devez sentir à présent. "

Elle lui tendit l'infusion, espérant qu'il ne refuse pas de la prendre par défiance et ajouta :

" Je vais vous installer par terre, ce sera plus simple pour moi. Votre chien... Il ne risque pas de s'en prendre à moi en pensant que je vous veux du mal ? Il vaudrait peut-être mieux le laisser dehors. Je m'occuperai de lui quand vous serez réveillé, que vous puissiez le tenir. "

Inutile d'avoir à gérer un animal voulant défendre son maître en plus. Elle parlait d'un ton qui ne souffrait pas vraiment de contradiction, sure d'elle-même. Après tout, ce n'était pas la première fois, loin de là, qu'elle remettait une épaule en place. Il n'y avait plus qu'à espérer qu'il lui fasse assez confiance et croit en ses capacités. D'ailleurs, elle ajouta gentiment :

" Si vous êtes réticent à l'idée d'être inconscient, ne buvez pas tout. Ça calmera moins la douleur, mais ce sera déjà ça. Cela dit, si vous me faites confiance, vous avez vraiment intérêt à tout avaler. "

J'observais la petite masure en silence, me glissant derrière Etheldred. Elle n'avait quand même pas peur... J'aurais pu être animé de mauvaises attentions après tout. Bon, je lui avais sauvé la vie, mais ce n'était pas une raison de me faire confiance... Le jardin était envahi d'herbes folles, sans doutes médicinales pour la plupart. L'intérieur embaumait la poussière et les herbes et ce mélange détonnant me fit éternuer, m'arrachant une grimace de douleur alors que la douleur se réveillait sous cet assaut violent.

Docile, j'allais m'asseoir sur le siège qu'elle m'indiquait. C'était une maison assez pauvre, mais de bon gout et bien entretenue. Enfin en temps normal, puisque là, cela faisait 6 mois qu'elle était à l'abandon...

- "Vous parcourez les contrées miradelphiennes pendant les beaux jours?"

Ben oui, elle quittait sa maison au printemps et y revenait en automne, conclusion logique non? Je la regardais s'affairer et remettre un peu d'ordre avant de me préparer une décoction et de m'expliquer ce que c'était. Je levai les yeux vers elle, peut-être un peu méfiant et elle continua de s'expliquer. C'était idiot de se méfier d'elle, que pouvait-elle bien me faire? Me dépouiller? Je n'avais rien. Mon armure ne lui servirait à rien, mon cheval ne lui obéirait pas et je n'avais presque pas d'argent.

Elle me demanda aussi de veiller à ce que mon molosse ne lui saute pas à la gorge. Je baissai les yeux que lui qui était couché à mes pieds. Je claquai la langue et il redressa la tête et les oreilles.

- "Harès. Va dehors."

Le chien me regarda et je lui tapotai la tête, avant qu'il ne se détourne et s'éclipse dehors. Il obéissait très bien en général.

- "Ne vous inquiétez pas, il ne fera rien. Je n'ai pas l'intention de crier."

Je lui adressais un sourire en coin. En fait, j'aurais surement supporté qu'elle fasse son travail en plein milieu de la forêt, sans aucune préparation. J'en avais vu d'autres... Et dés mon plus jeune âge songeais-je sombrement.

- "Vous promettez de ne pas répéter que j'ai préféré jouer les princesses endormies que d'affronter la douleur comme un homme?"

Je disais cela d'un ton léger pour cacher ma pointe de malaise à l'idée de dépendre totalement d'une tierce personne, aussi gentille et serviable semble-t-elle. Je bu alors toute la décoction d'un coup, avant de la regarder droit dans les yeux pour bien lui faire comprendre que j'avais confiance finalement. Je me levai alors, avant de m'asseoir sur le plancher, comme elle l'avait demandé, puis de m'allonger, retenant un grincement de dents en sentant mon épaule m'élancer alors que je tenais précautionneusement mon bras inutile.

- "Bien, je vous attends."

" Vous parcourez les contrées miradelphiennes pendant les beaux jours ? "

Etheldred eut un sourire un peu forcé, une ombre de tristesse voilant son regard. Elle secoua la tête, répondant simplement :

" Non, je me suis engagée lorsque la guerre à éclaté à Alonna. En tant que guérisseuse j'entends. "

Visiblement, elle n'en n'avait pas de bon souvenir. Son visage se ferma un instant tandis qu'elle continuait à préparer la potion, puis elle chassa ses pensées inutiles et revint au moment présent. Elle avait un patient à rassurer, ce n'était pas le moment de ressasser de sombres idées.

" Vous promettez de ne pas répéter que j'ai préféré jouer les princesses endormies que d'affronter la douleur comme un homme ? "

La remarque tira un sourire amusé à la jeune femme :

" Promis, secret professionnel ! Il n'y a que votre égo qui viendra vous titiller ! "

Elle reprit un air à peine plus sérieux pour ajouter :

" Malgré tout, souffrir pour le plaisir, ce n'est pas de l'héroïsme, mais du masochisme. Et puis, vous pourrez toujours dire que vous le faites pour moi, pour éviter que je ne m'inquiète inutilement ! "

En tous cas, il avait tout bu. Si elle avait pu s'inquiéter un peu d'avoir affaire à un étranger chez elle - quoique c'était tellement courant qu'elle ne s'en formalisait plus depuis longtemps - les rôles étaient à présent inversés. Enfin, il n'était pas temps de philosopher, elle lui demanda d'ôter sa chemise, puis attendit qu'il sombre dans le sommeil avant de le placer de façon à pouvoir saisir correctement son bras. Tirant fermement, elle eut tôt fait de remettre l'épaule démise. Elle avait encore le temps de vérifier qu'il n'avait pas de côte cassée. Apparemment pas. Fêlées, au pire, mais rien qui n'ait besoin d'être remis en place.

Après quoi, elle le couvrit d'une couverture puis lui laissa le temps de se réveiller. Pendant ce temps elle prépara une infusion qui calmerait la douleur qu'il ne manquerait pas d'avoir en se réveillant. Elle aurait bien anticipé les soins pour le chien, mais elle préférait que le jeune homme soit réveillé pour le tenir lui même. Lorsqu'il rouvrit les yeux, elle s'occupait de préparer un emplâtre pour d'éventuelles côtes fêlées ou une éventuelle fracture chez l'animal.

Ma mine se fit soudain plus sombre et moins désinvolte alors que la jeune femme me parlait d'Alonna. Je la regardais avec un respect nouveau en apprenant qu'elle s'y était rendue, pour soigner les blessés. Je trouvais cela admirable, plus encore que de se battre. Je ne trouvais pas de mots pour exprimer cela, alors je me taisais, me contentant de la regarder avec ce respect qu'elle m'inspirait.

- "Je devrais pouvoir vivre avec alors!"

Autant rester sur des sujets légers. Mon égo était plus joyeux qu'Alonna et son cortège de morts.

- "Vous savez trouver les mots pour me donner l'impression d'être héroïque pour vous et non lâche..."

Je lui lançais un grand sourire. Sa façon de me demander de prendre son truc pour dormir pour lui faire plaisir ne pouvait que réveiller ma fibre chevaleresque n'est-ce pas? Je bus tout, sans broncher, lui rendis son verre et otai ma chemise comme elle le demandait, offrant à sa vue un torse glabre à la musculature imposante orné de quelques cicatrices prouvant que ce n'était pas la première fois que je me faisais blesser et ce ne serait pas la dernière.

- "Bon, et bien, à toute à l'heure."

Je m'allongeai, tentant de me détendre. Je semblais calme, mais j'étais un brin nerveux, question d'instinct. Pourtant, le sommeil vint vite... Puissant ce truc. Je sombrai dans l'inconscience bienheureuse, oubliant toute douleur. Dommage que je n'ai pas bénéficié de cela quand j'étais enfant...

Je repris doucement conscience de mon environnement. Je me sentais un peu vaseux, oscillant entre sommel et réveil, sans me décider. Pourtant, je pris une décision et papillonai des paupières. Où étais-je? La forêt, le combat, la fille... Je me souvins et me redressai brutalement, laissant échapper un gémissement de douleur, me rappelant aussi que j'avais été blessé. Je portais la main à mon épaule, faisant bouger mes doigts et soupirant de soulagement en constatant que j'avais retrouvé ma sensibilité.

- "La princesse est réveillée..."

Je dis cela d'un ton léger, l'esprit de nouveau vif et aiguisé.

[hrp : désolée mais je serai absente ce week end donc je ne pourrai pas répondre avant lundi au plus tôt. ]


" Vous savez trouver les mots pour me donner l'impression d'être héroïque pour vous et non lâche... "

Etheldred eut un sourire malicieux. Ça faisait parti de son travail de convaincre, mettre en confiance. Seize ans à présent qu'elle s'y employait, elle commençait à savoir comment s'y prendre pour persuader les plus récalcitrants de se faire soigner. En tous cas, Ciaran avait tout bu, c'était un bon début.

...

Quand le jeune homme ouvrit les yeux, puis réussit à aligner trois mots cohérents de suite, Etheldred le dévisagea un instant, sentant le rouge de la confusion lui monter aux joues. Mais quelle idiote ! Bon, ça n'avait pas vraiment d'importance, parce qu'elle avait eu le temps de faire tout ce qu'elle avait à faire, mais normalement, le jeune homme aurait dû dormir plus longtemps et mettre bien plus de temps à reprendre pleinement conscience. L'explication était simple : elle s'était trompée dans le dosage. Oh, pas s'il s'était s'agit d'un humain ! Mais, visiblement, Ciaran avait du sang elfe, ou drow et elle aurait dû augmenter la quantité de datura pour avoir l'effet escompté. Bien sûr, elle n'était pas sensée le savoir - et c'était d'ailleurs pour ça qu'elle n'y avait plus pensé - mais il y avait suffisamment de détails qui auraient dû lui mettre la puce à l'oreille : la rapidité durant le combat, la peau glabre, sans parler du fait que physiquement le jeune homme n'était pas mal du tout... Bref, il avait du sang elfe, sylvain ou sombre, peu importait, elle en aurait mis sa main à couper, surtout maintenant qu'il avait les yeux grand ouverts et l'esprit vif alors qu'il aurait encore dû somnoler au moins une bonne heure.

Elle secoua la tête, désapprobatrice envers elle-même - une erreur de débutante de ne pas tenir compte de ce qu'elle savait ! - et sourit, contrite :

" Plus tôt que je ne l'espérais... Mais ce n'est pas grave à présent. "

Bon, elle n'allait pas en faire toute une histoire, vu qu'il avait l'air d'aller bien. Elle reprit les choses mains, contente de voir qu'il ne se plaignait pas et que donc elle avait probablement réussi son travail.

" Comment vous sentez vous ? "

Elle termina l'emplâtre et s'agenouilla près de lui en expliquant :

" Je pense que vous avez peut-être quelques côtes fêlées. Le plus simple, c'est de vous appliquer ceci et de protéger par un bandage, ça aidera un peu et accélérera la guérison ; si vous n'avez rien, ça ne fera pas de mal pour autant, c'est de la consoude. "

Avant, elle lui tendit un petit bol, continuant ses explications :

" Et ça, ça calmera la douleur qui va se réveiller sous peu, si ce n'est déjà fait. Vous pouvez en boire régulièrement quand vous en ressentez le besoin, ce n'est pas trop fort, j'en referai. Si vraiment vous avez trop mal, je pourrai préparer quelque chose de plus puissant. Mais n'hésitez pas à me le dire car ça met un peu de temps à se faire. "

Elle attendit qu'il lui donne le feu vert pour commencer à appliquer l'emplâtre, tout en se disant qu'après il faudrait voir pour le chien... là, elle espérait pouvoir s'en sortir, ce n'était pas dans ses habitudes de soigner les animaux.

J'eus un petit sourire contrit alors que je remarquais bien l'expression de la jeune femme. Elle semblait contrariée que je sois déjà éveillé et elle me le confirma d'ailleurs de vive voix, apparemment furieuse contre elle-même. Mais il n'y avait aucune de raison de l'être, ce n'était pas une erreur de sa part, mais simplement le fait que je n'étais pas tout à fait humain et que j'éliminais donc plus vite les remèdes et autres "poisons". Héritage drow.

- "Navré, je peux me rendormir si vous voulez."

Cette fois, mon sourire fut plus malicieux et complice. Quoique, hors de question que je ne sombre de nouveau. Je n'étais pas fatigué. Douloureux et avec l'impression d'avoir été piétiné par un troupeau de Macragnos oui, mais nulle trace de fatigue. D'ailleurs, je pris un air pensif quand elle me demanda comment ça allait. Je pris le temps de faire l'inventaire de mon état et de mes douleurs. Mal aux côtes, mal à l'épaule, le tête un peu lourde, sans doute à cause des derniers effets de sa potion, mais l'esprit clair.

- "A peu près bien... Si on omet le fait que j'ai l'impression d 'avoir été piétiné."

Nouveau sourire un peu bravache. Ca allait, je ne pouvais pas me plaindre et j'avais connu bien pire. Elle s'agenouilla alors prêt de moi et je jetai un regard à la mixture qui était dans le récipient qu'elle tenait entre ses mains. Mon nez se fronça, incommodé par l'odeur, mais elle m'expliqua que cela accélérerait la guérison des côtes. Je hochai alors la tête et m'assis convenablement, le dos droit, malgré les douleurs aigues qui se réveillèrent dans cette position. Je m'emparai du bol qu'elle m'offrait et en but quelques gorgées, censées soulager la douleur. Puis, j'écartai doucement les bras de mes flancs, la laissant ainsi oeuvrer.

- "Faites comme vous le jugez bon, c'est vous la spécialiste."

Je lui laissais le feu vert pour oeuvrer.

- "Vous êtes douée... Pourquoi vivre en recluse au fin fond d'une forêt dangereuse, plutôt que de vous installer en ville et d'ouvrir votre échoppe? Il faut quand même avoir entendu de vous pour vous chercher dans cette forêt, malgré les pancartes..."

Je frissonai alors qu'elle effleurait ma peau de ses doigts frais, appliquant l'emplâtre méthodiquement. Je me souvins alors que je n'étais pas le seul blessé.

- "Et vous, comment vous sentez-vous?"

"Navré, je peux me rendormir si vous voulez."

Etheldred eut un petit rire et s'empressa de secouer la tête :

" Non, c'est aussi bien que votre organisme récupère rapidement. "

A nouveau le jeune homme se montrait courageux. Il n'avait pas l'air d'être prêt à pleurnicher sur son sort et c'était plutôt appréciable. Certes, des patients effondrés elle en avait connus et elle savait les gérer, mais avoir affaire à quelqu'un qui reprenait facilement du poil de la bête, c'était agréable, ne serait ce que parce qu'alors elle pouvait se concentrer sur les soins.

" Vous êtes douée... Pourquoi vivre en recluse au fin fond d'une forêt dangereuse, plutôt que de vous installer en ville et d'ouvrir votre échoppe ? Il faut quand même avoir entendu de vous pour vous chercher dans cette forêt, malgré les pancartes..."

Tout en continuant à le soigner, elle se mordilla la lèvre, ne sachant que répondre.

" Je ne vis plus ici. "

Il détourna lui-même la conversation et elle haussa légèrement les épaules.

" Je n'ai rien, grâce à vous. "

Pour être exact, elle avait probablement de beaux hématomes sous sa robe, mais ces derniers pouvaient attendre qu'elle en ai terminé avec lui. Ses pensées revinrent sur la raison pour laquelle elle se trouvait là. Effectivement, il y avait de quoi se poser des questions. Questions auxquelles elle n'aurait probablement pas répondu en temps normal, mais elle n'avait pas réellement discuté avec quelqu'un depuis son retour d'Alonna et échanger quelques mots lui faisait du bien, l'humour de Ciaran détendant agréablement l'atmosphère. Finalement, elle reprit la parole pour s'expliquer sur ce qui, après tout, n'avait rien d'un secret :

" J'ai vécu à Diantra toute ma vie, je n'ai quitté la ville que lorsque la peste a éclaté, peu de temps après. "

Elle avait clairement honte. Honte de ne pas être restée alors qu'elle avait les moyens de soulager un peu le calvaire des mourants. Elle omettait le fait qu'elle avait tout de même passé de longs jours au chevet des malades et qu'elle avait finalement vu disparaitre son père, mais pour elle, ça n'occultait pas le fait qu'elle avait tout abandonné.

" J'ai erré un moment et j'ai installé cette herboristerie ci. Vivre en recluse ne me dérange pas. "

C'était toujours mieux que devoir subir les médisances sur son sang elfe. Enfin, ça, Ciaran n'avait pas besoin de le savoir. Quoique lui aurait peut-être compris ce qu'elle avait pu ressentir, mais elle avait pris l'habitude de cacher ce qu'on lui avait toujours présenté comme étant une tare, elle n'allait pas changer tout à coup.

" Au début du printemps, je me suis engagée dans l'armée naine et j'ai rejoins Alonna. "

Elle posa le bol qui contenait l'emplâtre et commença à poser le bandage autour du torse de Ciaran. Elle parlait d'un ton neutre, comme si elle faisait le point sur sa vie plutôt que de répondre à une question.

" J'ai passé un mois là-bas puis je suis retournée à Diantra où se trouvait l'herboristerie où j'ai passé mon enfance. Je ne vis plus ici, mais là-bas. "

Visiblement, c'était loin de l'enchanter et elle conclut d'un petit sourire désabusé :

" Ici, c'est devenu vraiment trop dangereux, avec la guerre. "

A nouveau, elle haussa légèrement les épaules. Après tout, quelle importance ? Achevant le bandage, elle rangea quelques ustensiles, gênée d'avoir raconté sa vie : elle n'était vraiment pas habituée à se montrer bavarde. D'ailleurs, il était temps de changer de sujet, elle retrouva le sourire pour demander :

" Et vous, chevalier itinérant, ce n'est pas un peu risqué comme métier ? "

Elle aurait pu lui demander pourquoi il avait fait ce choix, mais elle avait l'habitude de ne jamais poser de question indiscrète à ses patients. S'il voulait développer, libre à lui, mais elle ne se formaliserait pas d'une réponse succincte s'il faisait ce choix.

- "Oui, cela m'a déjà été très utile par le passé."

Toute trace d'amusement avait disparu de ma voix alors que je proférais ces paroles tristement vraies. Enfant, j'aurais pu mourir des suites des mauvais traitements, mais non, j'avais survécu, malgré le fait que mon coeur était brisé et mon âme morte. Mais je m'en étais remis et j'avais décidé de vivre, parce que j'en avais autant le droit que n'importe qui et surtout ceux qui jugeaient le contraire. j'étais un chevalier dont le nom était respecté parmis mes pairs, pour ma bravoure et mon audace, pour ma virtuosité à jouter. J'en était extrêmement fier, c'était pas petite revanche sur la vie et les bien pensants.

Ou les idiots.

Mais je n'étais pas du genre à me plaindre ou m'appitoyer sur moi même. J'apprenais. Chaque leçon était duement acquise. Je savais par exemple qu'il fallait être plus rapide face à un macragnos enragé. Quoiqu'il en soit, pour me distraire alors qu'elle me tripotait et ne me laissait donc pas insensible même si elle faisait son travail, professionnelle, je décidai d'alimenter la conversation. Raté, apparemment, je mis les pieds joints dans le plat. Sa réponse fut sybilline et j'enchain alors en lui demandant comment elle, elle allait. Réponse basique bien évidemment. Je fronçai les sourcils, faussemenet sévère.

- "J'espère que vous n'avez pas passé tout votre temps à vous occuper de moi sans faire attention à vous. Je suis solide, je n'ai pas besoin de beaucoup d'attention, vous savez..."

Je m'étais toujours débrouillé. Je dis cependant, pour adoucir mon discours un brin moralisateur :

- "Mais ce fut un plaisir de vous sauver la vie."

Et, sans que je ne demande rien, elle répondit finalement à ma question posée un peu plus tôt. J'appris ainsi qu'elle avait vécu à Diantra avant de fuir à cause de la peste. Elle semblait en être honteuse, mais cela était naturel. Personne ne voulait mourir là bas.

- "Il n'y avait hélas rien que vous puissiez faire pour sauver les pestiférés."

Moi, je n'avais rien eu à craindre avec mon sang mêlé. La peste, comme n'importe quelle maladie, ne pouvait pas m'atteindre. Je me tus à la suite de son histoire. Elle avait donc quitté Diantra pour venir s'installer ici... seule. Avait-elle perdu un être cher durant la Peste? trop de patients? Je levai un sourcil surpris alors qu'elle disait s'être engagée dans l'armée naine. Pourquoi naine? Je ne posai cependant pas la question, cela n'avait que peu d'importance... Diantra, Alonna, elle s'était trouvée là où on avait eu besoin d'elle. Je souris quand elle passa à moi, génée de s'être ainsi livrée.

- "Si, très."

Je lui décochai mon plus beau sourire en répondant et reprit, désinvolte :

- "Mais c'est une vie que j'aime. Dangereuse et trépidante. Je n'ai pas le temps de m'ennuyer vraiment. Quoique c'est assez aléatoire et irréuglier : je peux passer des semaines à voyager tranquillement avec les seuls paysages en contemplation et tout à coup, me retrouver face à une bête enragée et une jeune fille en détresse."

J'avais dit cela d'un ton faussement arrogant en lui lançant un clin d'oeil.

- "Au moins, je me joins aux combats qui me semblent justes et je ne dois fidélité qu'à ma conscience."

Je ne lui dis pas que je n'avais plus de chez moi, que j'avais été chassé pour ma conduite inqualifiable. Qu'elle se fasse de moi l'idée d'un preux chevalier... c'était mieux qu'un exilé. J'entendis alors couiner derrière la porte et relevai la tête.

- "Oh, j'avais oublié Harès... Il va falloir s'occuper de lui aussi."

Je me remis péniblement debout, du moins, avec moins de grâce que d'habitude, encore sonné par ce qu'elle m'avait donné. Je secoua la tête pour m'éclaircir les idées.

- "Je crois que je n'élimine pas si vite que cela..."

Je lui adressais un sourire, avant de me diriger vers la porte, de l'ouvrir et de me faire bousculer par un mastodonte.

- "Ola Harès, doucement, espèce de brute. Aux pieds!"

Le chien se calma et s'assit sagement. Je refermai la porte et regardait Ethledred, en attente de ses instructions.

Etheldred ne releva pas la note de tristesse quand Ciaran parla de son passé. Quoiqu'il ait vécu, ça ne la regardait en rien. Elle ne répondit pas d'avantage quand il insista pour qu'elle s'occupe d'elle et non de lui. S'il pensait qu'elle allait laisser un patient pour se préoccuper de son propre cas, c'était qu'il ne la connaissait pas... La seule raison pour laquelel elle aurait pu se faire passer avant, c'aurait été pour être en état de soigner correctement un blessé. Là, avec quelques hématomes, elle pouvait largement remettre à plus tard.

" Je suis plus solide que j'en ai l'air, ne vous inquiétez pas pour moi. "

Elle n'était pas habituée à ce qu'on inverse les rôles. Elle prenait soin des autres, elle se débrouillait toute seule et c'était très bien comme ça. Ou du moins, c'était habituel.

"Il n'y avait hélas rien que vous puissiez faire pour sauver les pestiférés."

Non, effectivement. Mais pour soulager leur douleur, si...

" J'aurais pu les aider à passer des derniers instants moins douloureux. Certains soins apaisent un peu. "

Si peu, en vérité, que c'en était futile... Impuissante, elle avait préféré fuir. Passer à la vie de Ciaran plutôt que la sienne détendit un peu la jeune femme. Elle avait la vague impression qu'il passait sous silence bien des zones d'ombres de son histoire, mais elle ne s'y attarda pas. Après tout, elle-même gardait nombre de détails pour elle. Un preux chevalier, donc. Du moins, c'était l'image qu'il donnait et elle s'en contenterait. En tous cas, il devait être habitué à être vu comme tel, vu les sourires qu'il lui lançait, l'air de celui qui sait qu'il ne laisse pas les femmes indifférentes. Un comportement qui avait plutôt tendance à l'amuser. Enfin, elle avait plus important à penser pour le moment.

"Oh, j'avais oublié Harès... Il va falloir s'occuper de lui aussi."

Elle n'avait pas oublié, elle, car animal ou non, le chien restait un blessé. Mais elle n'eut pas le temps de s'en préoccuper car Ciaran entreprenait de se relever, un peu trop rapidement au goût de la guérisseuse.

" Doucement... "

Peine perdue. Elle s'était à peine remise sur ses jambes qu'il était déjà à la porte, laissant entrer le dénommé Harès. Elle observa l'animal un instant sans s'approcher, se demandant comment s'y prendre. Spontanément, elle avait réagi comme avec un humain : en le regardant entrer elle avait repéré la démarche claudicante.

" Je vais devoir examiner sa patte avant droite. "

Elle hésita un instant avant d'ajouter :

" Je ne vais pas l'endormir parce que d'une part je ne veux pas prendre de risque quant au dosage, d'autre part, l'infusion est amère, il ne la boira surement pas. "

Ne pas être sure d'elle pour soigner la perturbait un peu, mais elle allait devoir faire avec. Elle s'agenouilla au niveau du chien, lui caressant la tête avec précaution, histoire de le mettre en confiance. A vrai dire, elle n'était pas plus rassurée que ça. Elle avait l'habitude des animaux sauvages avant tout et ce qui se rapprochait le plus d'Harès, c'était un loup qu'elle aurait normalement fuit au plus vite.

" J'aimerais que vous le teniez pendant que je lui examine la patte. Il risque de réagir violemment si je lui fais mal par mégarde. "

Elle jeta un coup d'œil au jeune homme pour s'assurer qu'il avait bien compris et qu'elle pouvait lui faire confiance. Puis elle continua à caresser le chien, descendant peu à peu vers la patte qu'elle supposait blessée.

" Doucement Harès, laisse moi voir ça... "

Elle savait déjà que la patte n'était pas cassée, ou le chien n'aurait pas réagi aussi calmement. Une simple entorse, probablement...

" Le mieux serait de lui bander la patte, mais il risque de vouloir enlever le bandage. "

Elle le lâcha, récupéra un nouveau bandage et le pot où se trouvait le cataplasme qu'elle avait utilisé pour Ciaran. Puis elle se mit au travail en espérant que l'animal accepte de garder la pansement assez longtemps. Elle commença par appliquer ce qu'il restait de la mixture et posa le bandage proprement. Ce ne fut que lorsqu'elle eut terminé qu'elle eut un sourire soulagé de ne pas s'être fait croquer un bras.

Je ne relevais pas son commentaire concernant le fait qu'elle aurait pu soulager leurs souffrances. Pour ma part, je pensais que la seule façon de les alléger était de les abréger et je doutai fortement que la jeune femme soit d'accord avec moi sur ce point. J'avais vu les humains mourir de cette maladie terrible et terrifiante. Leurs corps ravagés, les bubons, le sang... Les mesures royales avaient été drastiques et contestées, mais au fond, c'était bien la seule chose à faire : faire le tri et éliminer les porteurs du virus, ou de la bactérie, bref, de la Peste. Mais j'imaginais aisément que cela soit difficile pour les guérisseurs et prêtres de Néera qui vivaient pour soulager et guérir et avaient échoué cette fois ci.

Je préférai donc passer à un autre sujet et mon chien se rappela à mon bon souvenir. le pauvre, je l'avais tout simplement oublié avec ce qu'il m'était arrivé. Je me fustigeai intérieurement pour cela, furieux contre moi-même et me relevai en titubant légèrement, surpris par le bref vertige qui me saisit. La voix d'Etheldred me parvint alors, mais c'était déjà trop tard, je m'étais reprit et j'ouvrais la porte à un molosse soulagé de me voir vivant et debout.

- "Là, oui, je sais Harès, t'es content de me voir."

Je hochai la tête alors qu'elle me disait devoir examiner sa patte avant. Je m'accroupis alors derrière le chien et l'agrippai fermement, ignorant les protestations de mon corps douloureux. Harès avait énormément de force, il me fallait bien l'agripper.

- "Il ne vous fera rien."

Je pris un ton dur de commandement et m'adressai à l'animal :

- "Tu ne bouges pas Harès!"

Le chien se figea en rabattant les oreilles en arrière, mais ne bougea plus. Elle le caressa pour l'amadouer et caressa doucement sa patte. je le sentis trembler sous l'effort qu'il devait fournir pour respecter mon ordre alors qu'il avait une folle envie de bouger.

- "Faites ce que vous avez à faire encore une fois, on s'occupera de la façon dont il doit le garder après."

Je la regardais faire, curieux, avant de sourire quand elle soupira, apparemment soulagée d'en avoir fini. Je lâchais Harès et lui tapotais la tête.

- "C'est bien mon gros."

Puis je regardai la jeune fille, malicieux :

- "Je vous avais dit qu'il ne vous croquerait pas."

"Je vous avais dit qu'il ne vous croquerait pas."

Etheldred eut un sourire soulagé. Soigner les prédateurs n'étaient pas vraiment sa tasse de thé, même si elle devait reconnaitre qu'elle était du genre à porter assistance à n'importe qui, y compris drows et demi... Combien de fois s'en était-elle mordu les doigts ? Un jour, son dévouement lui couterait cher, elle se le rappelait régulièrement à ses dépends, mais elle continuait malgré tout. Après tout, elle avait des compétences, alors si ce n'était pas pour les utiliser, quel intérêt ?

Elle se releva en reprenant le bol désormais vide et le posa sur la petite table.

" Vous avez l'air de bien récupérer, mais ce breuvage était puissant et rien ne prouve que vous n'avez pas des dommages internes. Il serait plus prudent que vous passiez la nuit ici. "

La proposition devait sans doute paraitre bizarre si on réfléchissait en termes de prudence vis à vis d'un étranger, mais c'était une habitude pour elle de garder les patients en observation quand les blessures l'exigeaient. Bien sur, elle ne l'y forcerait pas vu qu'il était tout de même en état de repartir, mais le ton de sa voix indiquait clairement qu'elle savait de quoi elle parlait. Elle avait vu assez de blessés déclencher des symptômes inquiétants durant la nuit suivant ce genre d'opération. Certaines blessures mettaient parfois un peu de temps à se manifester. S'il se mettait à avoir des vertiges ou des vomissements en pleine forêt il serait un peu tard pour faire demi tour. Sans compter que le datura affaiblissait considérablement, sang elfe ou non, il ne fallait pas présumer de ses forces.

" Je pense qu'Harès appréciera de ne pas devoir se remettre à courir partout de suite. Il y a un ruisseau pas loin, pour votre cheval, un lit pour vous ici. "

En effet, la pièce principale avait été organisée dans cette optique, il y avait donc un lit pour un éventuel patient. La dernière fois qu'il avait servi, c'était pour une femme sur le point d'accoucher qui avait passé ses derniers jours sur place, à l'herboristerie, afin de mettre toutes ses chances de son côté et surtout de ne pas devoir traverser la forêt au dernier moment. Forcément, vu que Ciaran avait l'air du genre à ne pas vouloir montrer ses faiblesses, elle ne lui ferait pas le parallèle. C'était aussi pour ça qu'elle avait parlé d'Harès en premier.

" Je ne vous y force pas, naturellement : vous êtes capable de tenir sur vos jambes, manifestement. C'est juste une question de prudence, parce que, selon mon expérience, la situation peut dégénérer bien plus vite que prévu. "

Elle ne plaisantait pas du tout en disant cela, elle n'avait aucune envie de croiser son cadavre quand elle retournerait vers Diantra.

" Je vous laisse y réfléchir un instant. "

Attrapant un récipient rempli d'une pommade, elle se glissa dans la pièce attenante - sa chambre - et entreprit de s'occuper d'elle-même. Oui, elle avait de beaux hématomes qui lui arrachèrent quelques grimaces, mais heureusement rien de cassé. Elle eut tôt fait de se soigner, rhabiller et à peine moins de dix minutes plus tard, elle retournait s'occuper de ses hôtes, se demandant se que Ciaran avait décidé.

Je lançais un regard dubitatif à Ethledred alors qu'elle me disait que j'avais beau bien récupérer, il valait mieux que je passe la nuit ici. Je me sentais pourtant bien, enfin du moins assez pour reprendre la route et ne plus l'importuner de ma présence. Elle dut sentir mon hésitation, puisqu'elle s'empressa de rajouter que le chien, lui, apprécierait de reposer un peu sa patte au lieu de la mettre à rude épreuve tout de suite. Je soupirais, toujours sceptique, mais ne pouvais nier que cet argument là faisait mouche. Je ne pouvais forcer Harès à tenir une cadence qui risquait de le fragiliser et de le faire souffrir, je n'étais pas sans coeur. Elle ajouta alors qu'elle ne me forçait à rien, mais me fit comprendre que je pouvais le payer cher plus tard. Tss, les femmes avaient toujours raison, c'était bien une chose que j'avais apprise.

Avec un soupir, je la regardai s'éloigner quelques minutes. Elle disparut de ma vision et je m'asseyai sur un petit tabouret alors que le molosse clopinait jusqu'à moi et posait sa grosse tête sur ma cuisse, l'air suppliant.

- "On reste alors?"

Il releva la truffe et aboya son assentiment. Bon, d'accord, ils avaient gagné tous les deux. Etheldred revint alors au bout d'une dizaine de minutes alors que je caressait Harès pensivement, toujours torse nu bandé. Je n'avais même pas songé à remettre ma chemise en fait. Je levai les yeux vers elle, sentant l'onguent à plein nez, le mien ou le sien, je ne saurais le dire, mais ça sentait les herbes ici.

- "D'accord. Une nuit en observation et je reprendrais la route demain matin."

Je me levai et récupérai ma chemise que je renfilai négligeamment avec un sourire.

- "Je vais aller panser Cyrus, je reviens vite. Ne vous inquiétez pas, je ne compte pas aller m'évanouir dans un coin."

Je sortis alors tandis qu'harès restait dans la maison, affalé. Je me fis un devoir de m'occuper du destrier que j'avais trop longtemps négligé, et revins au bout d'une petite heure près de la jeune femme.

Etheldred fut soulagée que Ciaran accepte de passer la nuit sur place. Elle avait toujours détesté voir passer ses patients en coup de vent. Elle avait été formée selon des principes stricts en ce qui concernait le suivi des blessés. On ne pouvait décemment pas prodiguer quelques soins en espérant que tout irait bien ensuite. Il pouvait se passer n'importe quoi par la suite... Enfin, peu importait vu qu'il avait accepté de rester.

Elle le laissa sortir pour s'occuper de son cheval et entreprit de préparer un repas. La nuit tomberait d'ici une ou deux heures... Lorsqu'il revint, il y avait à table deux bols et un plat contenant de la soupe. Soupe à quoi ? Difficile de le deviner. Comme chez la plupart des petites gens, la soupe du soir contenait essentiellement du bouillon de légume et le reste de pain de la journée. On y trouvait également quelques petits morceaux de viande, ce qui rehaussait un peu le niveau du repas. Enfin, si peu pour ce à quoi devait être habitué un chevalier...

D'ailleurs, Etheldred se sentait un peu gênée, à présent. D'accord, elle était habituée à faire de la sorte pour les soins, mais donner l'hospitalité, c'était autre chose. Sans compter qu'elle avait la plupart du temps affaire à des gens de sa condition. Des nobles, elle en voyait peu, ou pas. Elle lui proposait une simple soupe et un lit au matelas de paille, qu'allait-il penser ? Enfin, en tant que chevalier itinérant, il devait savoir ce que c'était que dormir à la belle étoile, donc elle n'avait plus qu'à espérer qu'il ne prendrait pas ce manque de confort comme une offense personnelle.

Elle servit deux bols et s'assit, en commentant avec un peu d'embarras :

" Désolée, je ne suis pas une grande cuisinière. "

Non, autant question herbes médicinales, elle était douée, autant en herbes aromatiques, ça laissait à désirer. Cela dit, la soupe n'en n'était pas mauvaise pour autant, quoique rustique. Elle jeta un coup d'œil désolé à Harès, ne sachant pas trop ce que le chien allait pouvoir manger. De la viande, non ? Mais elle n'avait pas eu le temps de retourner chasser et elle se demanda s'il chassait lui-même ou s'il était habitué à ce que Ciaran le nourrisse.

Elle se releva pour aller chercher une cruche d'eau dans le seau qu'elle avait rempli un peu plus tôt en arrivant. Bon, elle n'était déjà pas très douée pour faire la conversation, alors, à un étranger, qui plus est un charmant jeune homme, ça n'arrangeait pas la situation.