[terminé] En forêt...

Quand je rentrai ce soir-là, mon odorat fut envahi par l'odeur de nourriture et mon estomac gronda, se rappelant à mon bon souvenir. j'étais mort de faim... Je n'avais rien mangé depuis des heures et je supposais que le combat m'avait ouvert l'appétit. Je m'en rendis compte en sentant l'odeur de soupe. Je souris en rentrant.

- "Cela sent délicieusement bon..."

Je crois qu'étant donné ma faim, tout m'aurait paru alléchant, mais ce n'était pas utile de le préciser. Décidément, cette fille avait un coeur gros comme ça... Prendre soin d'un étranger, l'héberger, le nourrir. Cela me fit penser que je ne l'avais pas encore remercié ni dédomagé.

- "Je tenais à vous remercier pour tout ce que vous faites."

Je m'assis alors et farfouillais à ma ceinture, désserant ma bourse pour en sortir quelques écus. j'étais bien embarassé... Combien devais-je lui donner?

- "Laissez-moi vous dédommager... Ma bourse n'est pas bien garnie et j'en suis désolé, mais je ne saurais me montrer ingrat."

Je souris quand elle s'excusa concernant ses talents de cuisinière.

- "Je ne suis pas bien difficile et vous me faites un acceuil comme je n'en ai pas eu depuis longtemps. Croyez-moi Etheldred, tout est parfait et vous êtes une hôte charmante."

Je me mis alors à savourer la soupe, simple, mais bonne. je n'avais pas des gouts de luxe, je n'en avais jamais eu, même quand je vivais avec Garett. Et si j'en avais eu, je les avais perdu il y a longtemps de cela avec cette vie de bohème.

" Cela sent délicieusement bon... "

Etheldred lui rendit son sourire, plutôt surprise qu'on puisse lui faire un compliment ayant un rapport avec sa cuisine.

" Merci, vous devez vraiment être affamé ! "

La jeune femme ouvrit de grands yeux quand elle entendit la suite :

" Me dédommager ? "

Elle eut un petit rire alors qu'elle secouait la tête :

" Vous plaisantez ? Vous me sauvez la vie et vous voudriez me payer pour les soins et l'hébergement dont vous n'auriez jamais eu besoin si vous m'aviez simplement laissé me débrouiller ! "

Enfin, c'était logique, non ? Il faut dire qu'elle n'avait jamais été la première à réclamer l'argent qu'on lui devait pour les soins. Elle s'était toujours contenté du strict minimum, estimant que si elle avait assez pour vivre simplement, c'était amplement suffisant. Ce comportement désintéressé avait rendu folle sa pauvre grand-mère qui s'était acharnée à lui apprendre la valeur de l'argent. Qu'importe ! Tant qu'elle avait de quoi se nourrir convenablement et renouveler son stock de matériel nécessaire aux soins, Etheldred était heureuse. Mais alors là, elle était encore moins disposée à se faire payer, il lui semblait évident que c'était elle qui était redevable et non l'inverse. Quand aux compliments sur son hospitalité ils la laissaient plutôt embarrassée, elle n'y était aucunement habituée. Plutôt que se mettre à rougir bêtement, elle s'occupa de son propre bol de soupe.

Ça faisait tellement longtemps qu'elle n'avait pas pris un simple repas ici. Quand elle avait achevé la maisonnette, elle avait pensé pouvoir y vivre longtemps. En recluse, comme disait Ciaran, mais elle ne voyait pas les choses de cette façon. "En paix", aurait été plus juste. Et puis, elle avait assez de patients qui faisaient le trajet pour s'en sortir. Dommage que la guerre l'ait rattrapée aussi vite. Ah, si elle recommençait à penser à Alonna, elle allait à nouveau s'assombrir et elle n'en n'avait aucune envie, surtout en présence du jeune homme. Bon, alors, un sujet de conversation avant que le silence ne devienne pesant...

" Ne vous inquiétez pas : de toutes façons, l'argent n'est pas vraiment d'une grande nécessité en pleine forêt ! "

Elle sourit à nouveau en laissant courir son regard sur la maisonnette, visiblement ravie d'être à nouveau là. A côté de Diantra, c'était le paradis...

Je souris malicieusement à la jeune femme alors qu'elle me rétorque que je dois être affamé pour le complimenter ainsi. Allons donc, douterait-elle de ses capacités de cuisinière? Elle ne devait pas avoir l'habitude de recevoir des hôtes d'ailleurs.

- "Mettriez vous en doute mon honnêteté?"

Je disais cela d'un ton badin et amusé. Je n'étais nullement offensé, bien au contraire. Mais j'aurais aimé qu'elle ne doute pas ainsi de ses qualités. Ce n'était pas mauvais, loin de là.

- "Vous savez, j'ai visité bien des contrées et rencontré bien des gens... Alors je vous assure que j'ai mangé des trucs vraiment infâmes qui font passer votre cuisine pour réellement succulente."

Je lui proposais alors de la dédommager, ce qui était vraiment la moindre des choses alors que je mangeais sa nourriture et partageais sa petite masure. Cependant, je sus qu'elle trouvait cela déplacé quand elle ouvrit de grands yeux étonnés. Evidemment, elle ne voulait pas de dédommagement et je souris quand elle parla du fait que je lui avais sauvé la vie et que cela valait bien tout l'argent du monde.

- "Qui sait? Si je n'étais pas intervenu peut-être aurait-il passé son chemin sans rien demander?"

Je haussais les épaules alors qu'elle rétorquait qu'elle n'avait pas besoin d'argent ici.

- "Certes, pour le moment, mais si vous allez en ville? Quoiqu'il en soit, je me plie à vos exigences ma dame et me contenterais de faire honneur à votre hospitalité et vous remercier chaleureusement pour tout ce que vous faites. Rien ne vous y obligeait, sinon votre conscience. Je suis ravi de vous avoir rencontré et j'irais presque remercier ce pauvre animal pour nous avoir fourni cette occasion de deviser avec une si charmante personne."

"Mettriez vous en doute mon honnêteté ? "

Etheldred eut une moue amusée, se prenant au jeu :

" Votre objectivité, peut-être ? "

C'était vrai, après tout, tout était relatif, non ?

"Vous savez, j'ai visité bien des contrées et rencontré bien des gens... Alors je vous assure que j'ai mangé des trucs vraiment infâmes qui font passer votre cuisine pour réellement succulente."

Le sourire de la jeune femme s'élargit :

" Vous voyez ! Tout est relatif ! "

Pour sa part, elle n'avait jamais voyagé. Au final, elle connaissait Diantra et une bonne partie de la forêt d'Aduram, la plaine qui se trouvait entre les deux et Alonna, ça s'arrêtait là. Le temps où elle rêvait d'aller jusque chez les elfes était passé, ou du moins, elle préférait ne plus y songer.

Elle se remit à rire lorsque Ciaran suggéra que peut-être il avait déclenché lui-même l'attaque du macragnos.

" Oui, bien-sûr, nous nous apprêtions à faire ami-ami et vous avez tout gâché ! D'ailleurs, mon "exceptionnelle" cuisine est en fait empoisonnée car je vous en veux terriblement ! "

Eh bien, elle avait fini par trouver quelqu'un qui savait jouer la modestie aussi bien qu'elle. A les entendre, on allait finir par se dire qu'ils n'avaient rien fait ni l'un ni l'autre qui vaille un quelconque remerciement.

Etheldred sentit s'empourprer sous les dernières phrases de Ciaran. Mais... enfin, elle ne faisait que son travail tout de même ! Certes sa conscience y était intimement liée, mais bon...

" Le plaisir est partagé. " répondit-elle sincèrement en se levant pour remettre une buche dans le feu.

" Ça faisait longtemps que je n'avais pas discuté de la sorte. "

Elle se mordit la langue. Bon, inutile de se faire passer pour encore plus asociale qu'elle ne l'était. Quoique, c'était vrai que depuis son retour d'Alonna elle n'avait pas devisé avec grand monde, assez peu encline à se montrer ouverte. L'humour de Ciaran changeait agréablement de ces derniers temps trop moroses.

La buche crépita en tombant dans le feu. Il faudrait qu'elle refasse son stock avant de partir. Car quoiqu'elle ait dit, elle comptait bien retourner en ville. Le sur-lendemain, probablement ? Le temps de refaire un peu de jardinage pour garder les plantes qu'elle faisait pousser en état, par exemple. Après, il n'était pas très prudent de passer trop de temps seule ici. Enfin, elle était là pour une seule chose... et elle verrait ça le lendemain.

Elle retourna s'asseoir pour finir son repas et reprit pensivement :

" Ce doit être passionnant de voyager... Pour ma part je n'ai jamais quitté les alentours de Diantra. "

Elle lui aurait bien demandé s'il était allé jusqu'au territoire des autres peuples, mais, fidèle à ses principes, elle se garda bien de poser des questions auxquelles il n'aurait peut-être pas eu envie de répondre.


[hrp : si ce n'est ce soir, je ne pourrai pas répondre avant mercredi]

- "Comment puis-je être objectif, le ventre plein et rassasié?"

Je lui lançais un regard mi charmeur, mi amusé. Nous n'irions pas bien loin en joutant ainsi. Nous allions même tourner en rond.

- "Bon, disons alors que je suis un homme simple qui se contente de peu, si cela vous agréé."

Cela m'amusait, sa modestie. Son sens de la répartie aussi d'ailleurs. En fait, j'appréciais la jeune femme. Elle était simple, humble, courageuse et d'un sang froid remarquable. Le genre de femme que j'aurais aimé avoir près de moi en cas de problème. Et sur qui on pouvait compter. Je n'allais pas lui dire, de peur qu'elle en prenne ombrage, n'étant pas forçément une guerrière, au contraire. Je me joignis à son rire quand nous en arrivames au Macragnos et renchéris :

- "Il me semblait que vous vous entrainiez à l'hypnotiser! Peut-être y seriez-vous parvenue finalement!"

Je fis semblant d'avoir l'air horrifié et gémis alors qu'elle disait avoir empoisonné la nourriture.

- "Oh non, alors c'était le poison qui lui donnait ce bon gout?"

Je la remerciai alors, la mettant mal à l'aise. Elle se leva et remit une bûche dans l'âtre, avant de revenir et de m'avouer qu'elle ne devisait pas souvent ainsi. Je souris.

- "Je suis une insupportable pipelette, avec moi, adieu votre tranquillité!"

C'était vrai, en un sens. Disons que j'étais assez sociable. Après tout, cela endormissait les doutes de mes interlocuteurs. Je n'avais pas l'air d'un demi drow et je ne me comportais pas du tout comme la plupart qui se cachaient ou faisaient profil bas. J'étais aussi à l'aise avec des ducs qu'avec des paysans. Un vrai caméléon. Elle m'invita alors à parler voyage et je me fis un plaisir de le faire :

- "Passionnant oui. Il y a tant à voir et à découvrir! Personellement, je ne suis pas certain de pouvoir rester en place maintenant que j'ai pris le goût du voyage. Pas sans une excellente raison en tous les cas..."

Comme une femme par exemple, mais je me gardai bien de livrer cette pensée à voix haute.

- "Cependant, je suis loin d'avoir encore tout vu. J'ai beaucoup parcouru les contrées humaines, mais très peu les contrées elfiques et naines. Cela est moins aisé. Certes, elfes et nains sont nos alliés, mais dans certains villages reculés, les vieilles inimitiés ont la vie dure."

Je haussais les épaules et grimaçais en me rappelant que ce n'était pas une bonne idée.

- "Pourquoi ne vous lancez-vous pas à l'aventure? Qu'est-ce qui vous retient?"

Etheldred riait de bon cœur aux plaisanteries de Ciaran. Une insupportable pipelette ? Oh, pour ça, ça lui convenait très bien, au moins, ça évitait à la jeune femme de s'efforcer de combler des silences désespérants. Et puis, il ne parlait pas pour ne rien dire et elle ne pouvait nier qu'elle appréciait un peu d'humour et de répartie. Elle hocha la tête lorsqu'il expliqua qu'il n'était pas aisé de voyager au delà du territoire humain. Oh, cela, elle s'en doutait... Du moins, si les autres races étaient aussi fermées que la plupart des humains, la belle alliance contre les drows n'était qu'une façade bien pratique.

Ce qui la retenait ? Bonne question. Etheldred haussa les épaules en jouant machinalement avec sa cuillère, de l'air de celle qui ne sait pas trop :

" Disons que j'ai longtemps été en apprentissage, auprès de ma grand-mère, ce qui fait qu'après j'ai repris son herboristerie, sur Diantra. Je ne pouvais pas tout abandonner comme ça... enfin... "

Si, elle aurait pu, mais pour quoi faire, au juste ? En même temps, contrairement à lui, s'il n'était effectivement pas tout à fait humain, elle devait avoir beaucoup moins d'années derrière elle et donc moins d'occasion de voyager. Elle eut un petit rire en ajoutant :

" Disons que je ne suis pas un chevalier sans peur et sans reproche, c'est déjà quelque peu inconscient de ma part de faire seule le trajet d'ici à Diantra, alors, aller parcourir le monde... Je me suis fait assez de frayeur comme ça, d'autant plus avec les patrouilles drows qui trainent ces derniers temps. "

Elle fit une petite grimace en se rappelant la dernière fois qu'elle avait croisé des sombres et failli y laisser la vie. L'idée de se faire accompagner ne semblait pas lui avoir effleuré l'esprit étant donné qu'elle ne voyait pas qui aurait eu envie de la suivre sur les chemins.

" Quand j'étais petite, mon rêve, c'était d'aller chez les elfes, je ne savais pas trop pourquoi, mais ça me paraissait tellement magique ! "

Les yeux brillants, un sourire de gamine sur les lèvres, elle n'avait manifestement pas trop changé d'avis. Surtout que si à l'époque elle ne comprenait pas pourquoi elle se sentait attirée par la culture des elfes, elle savait à présent que c'étaient sans doute ses origines qui parlaient. Mais c'était juste un beau rêve.

" Seulement, comme vous le dites, les peuples ont du mal à se mélanger. "

Quand à rester en place...

" J'avoue que j'aime bien passer la nuit à la belle étoile près d'un feu de camp, même si c'est toujours dans la plaine... J'ai commencé quand je n'avais que sept ou huit ans, je rendais mon père complètement fou d'inquiétude ! "

Visiblement, si elle s'en voulait sur ce point, elle ne regrettait rien : si c'était à refaire, elle recommencerait avec plaisir... Elle se mit soudain à secouer la tête, amusée, en ouvrant de grands yeux :

" Dites donc... vous me rendez bavarde ! "

- "On peut toujours tout lâcher, il faut juste en avoir la motivation."

Je me gardai bien de parler de courage. Ce n'était pas lâche de préférer rester en territoire connu quand on avait été sédentaire toute sa vie. Mon cas était différent et je n'aurais jugé Etheldred pour rien au monde. Après tout, ses motivations, ses hésitations, tout cela ne me regardait pas vraiment. Mais elle parlait assez volontiers, alors je l'y encourageais.

Finalement, elle reprit en parlant de sa sécurité et cette fois, je ne pus qu'acquiescer. C'est vrai, j'avais tendance à oublier que tout le monde ne pouvait pas se balader seul, sans risquer sa vie. Oh bien sûr, je risquais la mienne aussi, mais c'était le jeu et cela ne me dérangeait pas.

- "C'est vrai... Cependant, vous vous défendez très bien."

Je parlais de sa façon de tirer à l'arc, notamment. Mais je supposais qu'il fallait un minimum quand même, quand on vivait recluse dans une forêt hostile où sévissaient des drows, comme elle me l'avait justement fait remarquer.

- "Vous pourriez voyager avec quelqu'un quand vous faites ce trajet, ce serait plus sûr..."

Enfin, moi je disais ça, je ne disais rien. J'émis un petit rire grave quand elle me confia que son rêve, étant enfant, était d'aller chez les elfes. Je la comprenais parfaitement.

- "C'est en effet magique... La forêt, l'architecture... C'est irréel."

Je posais un regard étrange sur elle.

- "Cela dépend des peuples... Les humains sont tolérés à peu près partout, les demis, en revanche, c'est une autre histoire et cela dépend fortement des gens rencontrés."

Pour ma part, cela n'était pas visible que j'étais sans mêlé, et même en le sachant il était difficile de deviner ma parenté, ce qui m'arrangeait bien. J'avais eu de la chance dans mon malheur. Je me remis à rire quand elle m'accusa de la rendre bavarde.

- "Oui j'avoue, en plus d'être chevalier, je suis un peu sorcier... je vais vous faire parler jusqu'à extinction de voix! C'est cruel n'est-ce pas?"

Le peu que Ciaran dit des elfes replongea instantanément Etheldred dans ses rêves d'enfance. On disait qu'ils vivaient éternellement. Aussi, à l'adolescence, quant elle avait appris que sa mère était une demi, elle s'était mis en tête que, peut-être, elle avait de la famille là-bas... Et puis elle avait grandi et pris conscience que quand bien même ce serait le cas, ça n'avait aucune importance. Du moins, elle s'en était convaincu, à défaut de faire le trajet pour courir après des chimères.

La jeune femme hocha lentement la tête lorsque Ciaran parla de la condition des demis. Elle avait deviné qu'il en était un, même si elle aurait été incapable de dire tant c'était infime, s'il tenait plus du sombre ou du sylvain... peut-être sombre, à la réflexion, vu sa musculature. Enfin, elle avait surtout fait cette déduction de part sa capacité à résister aux effets du datura, autrement, elle l'aurait plutôt pris pour un simple humain. Lui ne devait pas se douter qu'elle savait et au final, peu importait.

Elle eut un petit rire quand il annonça qu'elle finirait aphone et désignant une des étagères où étaient posés des remèdes, elle répliqua :

" Oh ! Je ne m'inquiète pas, j'ai ce qu'il faut contre ce genre de mal ! Je pourrais bien vous poussez dans vos retranchements... pour peu que je trouve quoi dire ! "

Oui, parce qu'à ce niveau, ce n'était pas forcément gagné. Elle se leva, entreprit de débarrasser la table des restes du repas et mis de côté la vaisselle salle. Des gestes qu'elle avait fait tant de fois, ici... Bizarrement, c'était là qu'elle se sentait chez elle et non plus à Diantra où elle avait pourtant passé toute son enfance. Au lieu de rêver et papoter, elle aurait mieux fait de s'occuper de remettre les deux lits en état. Les paillasses étaient encore utilisable, heureusement - elle se voyait mal courir après de la paille en pleine nuit pour en remplir les housses - mais elle devait sortir des couvertures. Elle disparut donc un bref instant dans la pièce d'à côté qui lui servait de chambre et revint avec deux grosses couvertures dans l'idée de les secouer à l'extérieur pour les rafraichir un peu.

" Ce ne sera pas un lit de luxe, mais c'est toujours plus confortable que dormir par terre. " commenta-t-elle pour son hôte.

C'est à ce moment, qu'elle pensa au fait qu'elle avait mis à l'abri dans leurs replis deux ouvrages qui n'étaient pas rentrés dans sa cache. Elle y tenait beaucoup, les livres avaient appartenu à sa grand-mère. Pouvait-elle faire assez confiance à Ciaran pour les lui montrer ? En même temps, pourquoi un chevalier itinérant serait-il allé voler des herbiers, aussi beaux soient-ils ? Et puis, elle n'allait pas faire demi tour pour les déballer dans sa chambre, il se demanderait ce qui lui prenait.

Dépliant avec précaution les couvertures, elle déposa donc les deux ouvrages aux couvertures de cuir sur la table. Laissant courir ses doigts dessus, elle expliqua :

" En fait, je suis revenue ici pour récupérer ces livres et les ramener à Diantra. Un instant, je reviens. "

Et sur ce, elle ouvrit la porte pour secouer les couvertures à l'extérieur. Un instant plus tard, les deux lits en étaient pourvu. Elle revint s'asseoir, hésita sur la conduite à tenir. Peut-être avait-il sommeil ? Son lit se trouvant dans la pièce principale, il ne pourrait dormir tant qu'elle serait là. En même temps, ce ne serait pas non plus très poli d'écourter la soirée comme s'il lui cassait les pieds en se retirant dans sa propre chambre. Jouant machinalement avec la couverture d'un des ouvrages, la jeune femme se demandait que faire. Elle n'avait rien contre l'idée de continuer à discuter, mais elle ne voulait pas l'importuner.

- "Je me demande contre quoi vous n'avez pas un remède..."

Je regardais l'étagère d'un air pensif. Elle détenait un grand savoir, extrêmement pratique. Si j'en savais ne serait-ce que le dixième, je serais capable de me sortir de certaines situations douloureusement épineuses. J'avais grandi en forêt, mais je n'avais pas apprit à me servir des plantes, ou alors de façon très basique et absolument pas assez poussée pour soigner de grands maux. J'avais de vagues connaissances théoriques, mais mon père n'avait jamais cherché à en savoir plus et ma mère, bien que vivant chez les humains, ne connaissait pas grand choses aux plantes de la forêt d'Aduram.

- "J'attends de voir ça."

Me pousser dans mes retranchements. Elle allait devoir faire preuve d'audace pour y parvenir, je n'étais pas facilement impressionnable ou embarassé. Etheldred débarassa en silence sous mon regard attentif. Je me serais bien levé pour l'aider, mais elle fut rapide et efficace, retirant tout d'un coup et posant la vaisselle dans un coin pour la faire plus tard. Elle s'éclipsa ensuite pour ramener des couvertures. Elle pensait à tout et je souris à ses paroles concernant la qualité des lits.

- "Sans aucun doute."

Je n'allais pas chipoter et c'était déjà bien qu'elle m'offre gite et couvert, je n'allais pas faire le difficile. Et ce simple geste suffisait à me contenter, qu'importe la nourriture ou la paillasse.

Elle m'avoua alors être venue chercher des ouvrages et les posa sur la table devant moi, comme me livrant une partie d'elle et me faisant suffisamment confiance pour le faire. Je souris et observai les deux ouvrages alors qu'elle continuait à s'affairer, avant de venir se rasseoir.

- "De quoi parlent-ils?"

Ce n'était pas de la pure politesse. J'étais réellement intéressé et je n'étais pas lassé de notre petite conversation. J'étais fatigué, mais cela passerait avec une nuit de sommeil, donc je tardais à me mettre au lit. Je n'étais plus un enfant, je pouvais résister à l'appel de la couette un petit moment tout de même. Et cela aurait été impoli alors qu'elle m'ouvrait une partie de ses secrets.

Contre quoi elle n'avait pas de remède ? Oh, malheureusement, contre bien des maladies, à commencer par la peste. Enfin, elle ne voulait pas revenir sur ce sujet alors qu'ils discutaient tranquillement et elle préféra s'occuper de préparer les lits. Elle sourit lorsque Ciaran demanda de quoi parlaient les ouvrages, de l'air de celle qui est passionnée par son métier. Ouvrant le premier délicatement elle dévoila des plantes séchées qui avaient été soigneusement collées. De minuscules annotations en fins caractères courraient tout autour laissant peu de place vide.

" Ces deux livres sont des sortes de dictionnaires, ils ont été réalisés par ma grand mère. "

Elle tourna avec précaution une ou deux pages, laissant apparaitre d'autres plantes, du genre de celles qu'on voyait partout sur les bords de chemin. Elle manipulait l'ouvrage avec soin car il était extrêmement fragile et elle craignait que les simples ne s'effritent et tombent en pousière au fil du temps.

" le premier volume répertorie toutes les plantes usuelles et pour chacune détaille ses utilisations les plus courantes. Le second expose les maux quotidiens et donne les plantes qui peuvent les guérir. C'est l'essentiel à savoir lorsqu'on débute dans le métier. "

"L'essentiel", comme elle disait représentait apparemment des pages et des pages de simples aux propriétés diverses et variées. A vrai dire les ouvrages avaient plus une valeur sentimentale qu'autre chose parce que ces remèdes étaient tellement basiques que la jeune femme n'avait plus besoin depuis longtemps de s'y référer. C'était aussi pour ça que c'étaient ces deux là qui s'étaient retrouvés hors de sa cachette par manque de place, simplement emballés dans des couvertures.

" J'espère qu'un jour ils serviront à un apprenti. Elle a passé bien trop de temps à les créer pour qu'ils prennent la poussière. "

Elle avait conscience que posséder des livres était un luxe que peu d'herboristes pouvaient se permettre, du moins ceux de sa condition. Elle n'avait peut-être que peu d'affaires personnelles, mais ces ouvrages étaient bien suffisants. Quand à ceux qui traitaient de maladies rares, elle y tenait comme à la prunelle de ses yeux d'autant qu'elle n'avait pas encore fini de les étudier.

" Avec ça, n'importe qui pourrait presque se débrouiller pour se soigner au quotidien : foulure, petites plaies, mal de tête, accouchements sans soucis... Si j'en avais la possibilité je les ferai diffuser, ça éviterait bien des soucis. Nombre de patients ne viennent me voir que parce qu'une blessure s'est infectée alors qu'en en sachant un peu plus long ils auraient su éviter des complications. "

Elle soupira, ajoutant d'un air désabusé :

" Sans parler de ceux qui s'appuient sur des superstitions pour se guérir en utilisant tout et n'importe quoi. Quitte à faire l'effort de préparer un remède, autant qu'il soit efficace ! Et si ça pouvait endiguer un peu le flot des charlatans... "

Refermant le livre, elle finit par s'exclamer :

" Vous devez vous reposer, après ce que vous avez subi. Je vais donc vous laisser dormir. Si vous avez besoin de quoi que ce soit durant la nuit, n'hésitez pas à m'appeler je serai à côté, dans ma chambre. "



[rp terminé]