[Demeure Det'Tar] Papa, maman et moi [Cyllian]

-Est-ce que l’un d’entre vous aurait envie de réitérer les accusations de votre ami ?

Le dit-ami reposait sur le sol, la moitié de la tête arrachée par le coup que je venais de lui donner. Son sang avait giclé sur les murs, sur moi, et peut-être avec de la chance sur ses foutus prêtres. Oser venir chez moi et m’accuser de faiblesse ? Moi ! Illivaere Det’tar, Gardien de Calymentar, et on osait me traiter de faible ? Je ne peux malheureusement voir l’effet produit par mon éclat, mais je peux le deviner. Suffisant, arrogant, les prêtres d’Uriz devaient avoir perdu de leur superbe. Que j’ai osé lever la main sur l’un des représentants de mon ordre les faisaient sans doute réfléchir. Personne ne m’insulte sans en ressortir indemne, personne, pas même un prêtre.

-Je prends votre silence comme un non.

Je sens et entends le sang de ce pourri qui coule de ma main pour tomber sur le sol, émettant un clapotis constant. Ma colère couve toujours, mais je la retiens. Un exemple suffit, pas besoin que j’en tue d’autres sinon on va m’accuser d’avoir perdu la tête. J’expire bruyamment et desserre mon poing. Bon, il vaudrait mieux pour eux qu’ils s’en aillent avant que…

-Seigneur Illivaere. Sauf votre respect, notre…. Ami ne faisait que répéter ce qu’il avait entendu.
-Entendu de qui ?
-Du peuple ! Beaucoup pensent que vous n’êtes plus le même depuis que…
-Depuis que quoi ?

Je sentais la colère remonter à la vitesse d’un volcan en éruption. Je sentais où il voulait en venir. Il avait intérêt à faire très attention.

-Depuis que… Dame Cyllian vit chez vous.

Petit malin ! Tu as bien pris soin de ne pas l’insulter ou la traiter de demi-drow. Pour cela je veux bien te laisser en vie. Pour l’instant du moins.

-Et vous en concluez ?
-Rien du tout mon seigneur. Juste que… hé bien… il y a une coïncidence assez frappante. Et certains bruits courent.
-Vraiment ? Et que disent ses bruits ?

Je le sentis déglutir difficilement. Il avait peur de ma réaction, peur de mourir après ce qu’il allait dire. Allez, ose petit, ose ! Dis-moi ce que tu as sur le cœur.

-Rien Seigneur. Rien d’important.
-Alors pourquoi vous en préoccupez-vous ?
-C’était une erreur. Je… Nous allons vous laissez Seigneur, et faire en sorte que nul n’entache plus votre nom.

J’entends ses prêtres obséquieux qui s’inclinent docilement avant de se diriger vers la sortie de mes appartements. Seulement ils ont oublié une chose.

-Halte !

Les voila qui retiennent leur respiration, craintifs. J’ose un petit sourire carnassier qu’ils ne voient pas.

-Emmenez donc votre ami avec vous. Il souille mon plancher avec son sang de pleutre.

Ils soupirent, rassurés et s’exécutent. Parfait, au moins ça devrait calmer certains contestataires. Prêtres idiots ! Alyryne ferait mieux de surveiller ses disciples. Espérons qu’elle ne prendra pas ombrage de la mort d’un des membres de sa paroisse. Me désintéressant de ces sans cervelles, je m’en retourne au salon, le corps à moitié couvert de sang. J’ai plus qu’à aller me laver, ce sang ne vaut même pas la peine d’être récupéré. Je me dirige vers ma salle de bain, jette mes affaires dans un coin de la salle et me plonge dans un bain chaud. L’avantage de vivre au Puy c’est qu’il y a toujours de l’eau chaude. Je suis tendu, mais le bain parvient à me délasser un peu. Ces idiots m’auront au moins appris une chose : il faut que je réaffirme mon autorité. Comme si j’avais besoin de ça maintenant ! Les Drows sont nerveux, le froid les dérange et la soif de sang gronde. Seulement le temps est contre nous, nous sommes vulnérables en hiver. Il faudra attendre le printemps, mais la patience est loin d’être une de nos vertus. Il faut que je trouve un moyen de leur changer les idées.

Après plusieurs minutes dans le bain, je parviens enfin à me détendre. Mais quelque chose vient me déranger. Un bruit. Comme un frottement. Oui, c’est bien un bruit de frottement de tissu. Une esclave est venue refaire la chambre ? Non, trop faible. Cyllian me cherche ? Non, elle n’ose pas entrer chez moi. Alors quoi ? Le bruit se rapproche, la personne se trouvant dans la salle de bain. Allons bon qui ose venir ici sans prévenir ?

-Ababa ! Bahyaya !
-May’afae ?

Je me redresse légèrement pour faire face à l’endroit d’où provient sa voix. Mes mains se dirigent doucement vers elle, rasant le sol pour ne pas lui faire mal. Le danger ici c’est que la baignoire est enterrée, la petite risque donc de tomber dans l’eau. Mes mains rencontrent de petites menottes qui se posent de tout leur poids dessus. Délicatement, je redresse mes mains et trouve le corps de ma fille que je soulève. Cette dernière rit, amusée, tandis que je me lève et m’assoit au bord de la baignoire.

-A ce que je vois tu as encore semée ta mère. Tu adores ça n’est-ce pas ?

Bien évidemment elle ne me répond que par des babillages, mais j’ai comme l’impression que cela l’amuse de faire tourner Cyllian en bourrique. Adorable peste va !

La cécité est un fardeau pour la mère désirant offrir la vie à un enfant. Une fois de plus, Plume me le prouvait d’une façon plus que cruel.

J’étais allongée, me reposant sur une peau de bête, elle contre moi. Et a mon éveil, plus personne. Alejandro ne m’apparaît pas, surement partie je ne sais ou a remuer le passer dans son esprit torturé. Alors, gracile petite demoiselle de porcelaine, je me redresse, écoute, hume, cherche même… mais rien. Alors je me sers de mes dons pour retrouver Illiv, à l’étage ? Dans la salle d’eau.

Craintive quand a la santé de ma toute petite fille, je me dirigeais d’un pas un peu trop hâtif vers l’étage, perdant trois fois l’équilibre mais me rattrapant tant bien que mal. Ma main se posait sur la porte de sa chambre alors que je reprenais mon souffle. Mon corps n’était pas fait pour l’effort et bien qu’Illiv ai tenté de m’apprendre à me servir d’une dague, c’était peine perdu. Mais un rire cristallin me sortie de mon épuisement, et sans prendre gare me voila qui faisais irruption dans la salle d’eau, le souffle agité. L’air humide me gênais, il m’étouffais un peu.

« Illiv…. Comme j’ai eu peur, j’ai crue avoir perdu Plume ! »

J’approchais, doucement, m’agenouillant pour venir chercher ma fille dans les bras de son père. Je ne pensais même pas a sa nudité, ou encore a l’environnement peu propice a la discutions. Tout ce qui compte c’est le petit corps pleins de chaleur que je sens gesticuler dans les bras du drow. Mes mains passaient sur son épaule, son bras, et trouvaient la petite main. Je remontais doucement le long de son bras, effleurant le torse du sombre pour finalement la prendre dans mes bras. La petite gazouillait comme une bien heureuse, prenant dans ses mains mes cheveux, jouant avec quelques nattes s’y trouvant.

« Ho ma toute petite, comme tu es cruelle avec moi… comme je t’en veux. »

Je la collais à moi, ignorant l’humidité de son vêtement.

« Merci d’avoir veillé sur elle… Illiva’ere. »

Focalisé sur la petite, je n’entendis que tardivement l’arrivée de Cyllian. Essoufflée, elle parvint pourtant à parler et le soulagement se sentis dans sa voix.

-Comment pourrais-tu la perdre dans cette maison ? Elle ne faisait qu’explorer un peu. A moins qu’elle ne soit venue me chercher, qui sait.

Qui savait si en effet elle ne détenait pas de pouvoirs capables de me retrouver ? Qui savait si elle n’avait pas hérité de nos pouvoirs à tous deux ? Après tout de toutes les personnes présentes dans la maison il semblait que ce soit sur moi qu’elle soit tombée en premier, sinon les serviteurs - ou Alejandro – auraient tôt fait de la lui ramener. D’ailleurs je ne sens pas la présence fétide de ce cadavre. Où est-il encore allé celui-là ? Depuis qu’il est ici je suis nerveux, et je dois me retenir de ne pas exploser ce tas de chair en décomposition à chaque fois que je sens sa présence. Cyllian est amoureuse de lui, enfin je crois. Elle y est attachée, et lui se permet sans cesse de lui rappeler que ce devrait être son enfant à lui qu’elle aurait du porter, et non pas le mien. Oublie Alejandro, oublie-le. Tu sais comment Ant’zar appellerait ce que tu vis ? De la jalousie. Est-ce qu’il aurait tort ?

Cyllian passe ses mains sur mon corps nu et trempé, de manière douce et craintive. Heureusement elle ne voit rien, mais j’espère qu’elle se doute de la tenue dans laquelle je suis. Elle trouve May’afae et je l’aide à la prendre. D’ailleurs cela m’aide à oublier un peu l’état dans lequel elle m’a mis. Voila que sentir juste ses mains sur mon corps nu m’a excité. J’ai vraiment un problème.

Cyllian murmure des mots à notre fille, lui en voulant de partir sans cesse et de la faire ainsi tourner en bourrique. Pour ma part cela m’amuse, mais je ne vois pas les choses de la même manière qu’elle.

-Il n’est nul besoin de me remercier Cyllian. Il est normal que je veille sur elle.

Bien qu’Alejandro me conteste ce droit, Cyllian m’a autorisé à reconnaître May’afae comme ma fille. Pour elle il est important qu’elle ait un père, et plus encore que je le sois. Curieusement elle ne faisait guère confiance à son défunt fiancé pour la garder, me la confiant lorsqu’elle partait en vadrouille. Je l’autorisais à sortir maintenant, à dire vrai je lui autorisais presque tout. Elle était ici chez elle. Elle n’avait nulle part où aller, nulle part où elle pourrait être accueillie à bras ouverts. Le Puy était dangereux pour elle, mais curieusement elle y était en sécurité. Tous savent qu’elle est sous ma protection, et la toucher reviendrait à une condamnation à mort.

-Il est amusant de voir avec quelle facilité elle me trouve à chaque fois, tu ne trouves pas ? J’en viens vraiment à me demander si nos soupçons ne sont pas fondés.

Nous avions parlé de la possibilité de ses pouvoirs, et sans cesse nous craignons qu’elle en soit dotée. Les Dieux, les mages et les autres prêtres ne doivent pas l’apprendre, sinon je crains pour son avenir.

-Tu as bien dormie sinon ?

« Te cherche ? Voyons Illiv, il n’y a aucune raison pour ça ! Et ce n’est qu’un bébé, elle en est bien incapable ! »

Le léger tressautement dans ma voix ne faisait aucun doute quand a ma peur de découvrir que notre enfant était une aberration bien pire que ses parents. Fille de deux gardiens ou de deux dieux ayant décidé de s’amuser ? Aucune importance, l’enfant était le miens et le resterais ! Jamais, je n’accepterai qu’ELLE ou quelqu’un d’autre me sépare de ma fille. Ma raison, mon enfant, la chair de ma chair et le fruit de mes entrailles… j’aime cette vie nez de la souffrance et de la souillure abjecte de cet homme.

Je prends alors ma fille, ne prêtant aucune attention a la nudité du drow, pas plus que je n’en porte au contacte de ma main sur sa chair humide. Enfin je retrouve mon trésor, le secret que je cache aux yeux des ignares. La précieuse petite plume qui siège et trône dans l’étreinte de mes bras frêle. Un léger sermon pour l’enfant et des remerciements pour son père. Il m’affirme n’avoir fait que son devoir de géniteur, mais cela n’enlève rien à ma reconnaissance. Je secoue alors la tête, sans rien ajouter de plus. Puis le voila qui parle à nouveau de leurs craintes et Je lance d’une voix presque trop brusque.

« NON ?! Elle… elle n’est pas comme ça… Nous nous le savons… elle nous l’a dit ! »

Me voila parlant de moi à la troisième personne alors que je me crispe soudainement. M’écartant difficilement, cherchant a blottit d’avantage la petite contre mon corps. Je m’apaisai rapidement avec ma fille dans mes bras alors que ta question me revenait plus ou moins.

« Je me fatigue beaucoup trop a maintenir le corps d’Alejandro… je fais de mon mieux pour le maintenir mais je l’ai prise trop tard, je vais devoir le faire changer de réceptacle. »

J’étais actuellement trop faible pour ça, enfin je crois.

« Je le ferais demain… si j’attends encore il devra se servir directement de mes pouvoirs sans mon avis et j’ai peur de ne pas être suffisamment forte. »

Un sourire triste étire mes lèvres.

« Si il m’arrive quelque chose, prend soin de plume… j’aimerai qu’elle ne soit pas seule. »

Incapable ? Je ne parierais pas là-dessus, mais pourtant je n’ajoute rien. La peur se sent dans sa voix, et je n’ai nulle envie de l’accentuer. Autant elle est plaisante à entendre chez d’autres, autant chez elle je ne l’aime pas. Quand elle panique elle fait n’importe quoi, et pas en bien malheureusement. Ses pouvoirs et sa raison déraillent, et les conséquences n’en sont que plus désastreuses. Je ne dis plus rien, la laissant retrouver son enfant dans ses bras.

Ma petite protégée me remercie d’avoir veillée sur May’afae, et je lui signifie que ce n’est rien. Il est normal que je m’occupe d’elle, bien que cela soit étrange. Je ne m’étais jamais occupé d’Ant’zar, mais d’elle pourtant je fais attention. Je ne comprends pas moi-même cet attachement. J’ai changé. Mais est-ce un bien ou un mal ?

Pernicieusement je relance le sujet sur les possibles pouvoirs de notre enfant, et voila que Cyllian s’emporte. Pire, voila qu’elle parle d’une autre personne. Tari ? Tari lui aurait dit qu’elle est normale ?

-D’accord, d’accord ! Excuses-moi, je me fais des idées. Ce doit être la visite de ces foutus prêtres tout à l’heure. La maison n’est pas si grande que ça et May’afae aime explorer, aussi ce n’est pas si surprenant que cela si elle finit tôt ou tard par tomber sur moi.

Mieux vaut à l’avenir que je taise mes soupçons. Cyllian n’est pas prête à assumer d’avoir une fille doté de tels pouvoirs. Son esprit fragile ne peut le supporter. Sa lignée et sa naissance ont été déjà assez problématiques comme cela. C’est un miracle qu’elle se soit prise à aimer cet enfant au lieu de le haïr comme aux débuts de sa grossesse.

Je change de sujet et lui demande si elle a bien dormie, ce à quoi sa réponse me fait grimacer. Alejandro. Il me cause plus de soucis qu’autre chose celui-là. Sans un mot je me glisse à nouveau dans l’eau, l’écoutant me dire qu’elle allait changer le corps de son ancien fiancé demain.

-Si tu es trop fatiguée, je te l’ai déjà dit, puise dans mes réserves. Avec la guerre qui sévit je suis plus puissant que jamais, aussi je peux te prêter de ma force pour cela.

Toutefois un point de ce qu’elle a dit me chiffonne.

-Alejandro est capable de puiser dans tes réserves pour changer de corps m’as-tu dit ? Est-il capable de puiser d’autres pouvoirs ?

La question m’inquiétait. Je n’aime déjà pas sa présence, mais j’aimerais encore moins le savoir doté des mêmes pouvoirs que Cyllian, surtout que s’il en use il l’épuiserait elle.

-Elle ne sera jamais seule Cyllian. Je veillerai sur elle, tout comme je veille sur toi. Mais autant te prévenir qu’il vaut mieux pour Alejandro qu’il ne t’arrive rien.

Elle ne peut le voir, mais à l’évocation qu’il puisse lui arriver malheur reflète une colère froide. Mieux vaut pour lui qu’elle en ressorte indemne ou bien il risque de très vite retrouver Tari. Cette dernière ne serait d’ailleurs pas très heureuse d’avoir perdu sa Gardienne comme cela.

-Tu veux peut-être prendre un bain ? J’allais en sortir justement. Je peux m’occuper de la petite pendant ce temps-là, histoire que tu ais un peu de temps pour toi.