P'tite floueuse (PV Muelle)

Le pas lourd, la démarche chaloupée, Cyric faisait son possible pour se déplacer discrètement malgré le poids mort qui reposait sur son épaule.
Ecartant de sa main libre un gachifouilli naturel de ronces et autres verdures à tendance roussâtre selon la saison, le Walfen s’avança jusqu’au feu réalisé à l’arrachée. L’ombre gigantesque de Pard se reflétait sur les troncs centenaires qui entouraient leur campement de fortune. Jetant son gibier sans prendre la peine de s’abaisser, Cyric alla ensuite poser son troufignard en face de l’autre gredin.
Favrïus s’était lentement écoulée depuis leur départ d’Öesgard, en seulement deux semaines, Cyric avait foulé plus de nouvelles terres que durant toute sa misérable vie. Traversant sans jamais s’attarder Alonna, puis Odelian. Leur première destination avait été Olyssea, territoire de feu le Baron Semoras - un paillasson plus galantin que bretteur selon les dires- dont le dessein fut aussi tragique que pittoresque. Pareilles affaires convenaient amplement à Cyric : moins de drilles pour lui coller au tal déjà bien malmené par des jours et des lunes de chevauche.

Malgré le fait qu’ils n’appartiennent plus à la Sorgne, les ladres eurent la chance de tomber sur un vieil espie fort ami avec ceux-ci. Le dénommé La Vinasse les mirent ainsi au courant des récents évènements qui avaient suivi l’annonce que le Walfen avait fait parcourir à travers Volk et Ebraite. Aucun nouveau Roi n’avait été annoncé, les scélérats ne tinrent pas plus de trois luisants avant de « débloquer ». Les meurtres sans plus de raison qu’un regard de travers se sont enchaînés pour terminé en véritable bain de sang. La noblesse répondit avoir joie et fit une entrée des plus fracassantes au QG de la pègre oesgardienne : les bataclans. Lorsque tout fut terminé, l’idée générale fut approuvée et le nom de Cyric Walfen ressortit comme étant le responsable de cet inacceptable soulèvement ayant causée de terribles pertes chez la susnommée jacquerie. Désormais une lourde prime était mise sur sa tête. Comme si les évènements ne le dépassaient pas assez, Cyric ne su comment répondre sinon avec mépris et clarté, comme il le faisait toujours :


Troublé mais au jus du sort qu’on lui réservait au Nord, Cyric décida de rendre visite à une vieille connaissance…
Il avait plusieurs fois eu recours à ses services quelques peu… originaux !
Cependant, il devait admettre que leur dernière rencontre s’était bouclée sans grand professionnalisme… Le bougre avait cru pouvoir partir avec sa commande en ayant juste à payer de manière catiche. Il se revoit encore, prenant la poudre d’escampette, le sourire moqueur niché au coin de ses lèvres gercées et les bourses allégées. Le problème fit son apparition lorsqu’il usa de ce qu’il pensait être une potion de démembrement : une violent chiasse lui prit les tripes six nuits durant.


Il leva les yeux au ciel, l’air amusé.
Tandis que Pard s’affairait à cuisiner un morceau de biche fraîchement abattue, Cyric réfléchit une dernière fois sur les options qui lui restaient.


Ce n’est qu’à l’arrivée du troisième luisant passé en Olyssea, ayant au préalable arpenté de long en large le delta du nerf, qu’ils parvinrent à extirper une information valable. Selon le vieil Adrian, un de ses plus fidèles clients, mademoiselle aurait quitté la baronnie direction Diantra.
Ils en étaient donc là, perdus au beau milieu d’un bois bordant Christabel. Se roulant une cigarette, le Walfen n’eut pas le temps d’en savourer une bouffée que des voix se firent entendre dans leur dos. Agissant d’instinct, les deux hères se tapirent au sol, l’herbe gelée éclatant sous leur corps et trempant leurs poitrines. Le souffle coupé, le cœur dopé par l'effet de surprise, Cyric tenta de percer le moindre bruit à travers le silence soudainement lourd et les crépitements du feu.

"Quels cons…"

Le feu brûlait toujours d’une flamme écarlate et attirait autant le danger que le vinaigre les mouches à merde.
Sans plus attendre, le Walfen bondit en avant, sa dague dégainée et prête à trancher dans le lard de ses assaillants.

-->En provenance de…

L’assassin tomba face à face avec une vieille connaissance. Parfaitement reconnaissable, maléfique jusqu’aux bout des ongles, longue et droite comme un arbre tout droit sorti d’une chanson.

Mademoiselle? Ce n’est pas le genre de femme qu’on appèle mademoiselle…

On devinait encore sur son visage les traces d’un ancien tatouage… Mais le signe le plus distinctif de la jeune femme sont ses yeux surnaturels : vifs et brillants, en amande, émerillonnés de jaune, toujours en mouvement, tremblotant dans ses orbites comme une pièce d’or sur du vif-argent.

Muelle, figée à la limite du cercle de lumière, examina l’homme de la tête aux pieds et des pieds à la tête, son regard se posant sur la dague étincelante qu’il brandissait entre eux. « Je ne me savais pas si redoutable… » commenta la belle métisse en fixant l’assassin d’un œil sardonique. Elle tendit sa main droite pour empêcher Zoïle d’avancer plus loin. Un sourire torve étira ses lèvres roses. « Tu cours après les ennuis avec une rare persévérance, Walfen. »

Une touche de rancoeur. Lui, il ignore son véritable nom, mais elle, elle connaît le sien.

Et comme si l’homme n’était absolument pas menaçant, elle baissa les yeux sur sa main. La paume ouverte et pleine de brindille, elle les fit sauter dans sa main pour consulter les augure. Le sorbier à la ficelle, l’aiguille de bois flotté, le nœud de bouleau et l’éclisse de pin se rangèrent parallèlement. Elle marmonna quelque chose, fronça les sourcils et les fit sauter une nouvelle fois… « Qu’est-ce que tu me veux? » demanda-t-elle de but en blanc, persuadée que c’était elle qui l’avait attiré si loin de chez lui.

Elle était là, sa fine silhouette s’extirpant avec mysticité de l’omniprésente pénombre. Surpris, Cyric resta quelques secondes sans trop savoir quoi penser ou faire. Etait-ce une hallucination ? Il pencha légèrement sa tête sur le côté, la dague tournoyant par réflexe au creux de sa paume. Ses deux agates jaunes le dévisageaient avec attention sans la moindre gêne. Le malfrat ne se priva pas non plus et pu constater que les formes de la sorcière des haies et des marais n’avaient en rien perdu de leur attrait.
Un sourire carnassier se traça au bas de sa malicieuse face.


Cette voie railleuse, ces tatouages étranges semblant peint au derrière de sa peau couleur ébène. Il n’y avait plus raison de douter.
Ne prenant pas la peine de répondre, Cyric se contenta de ranger l’arme à l’intérieur de son fourreau et d’allumer sa clope. Les paupières closes, il savoura les effluves enivrants qui infestèrent sa gorge.
S’il avait retenu une chose sur la façon de se comporter face à Muelle, c’était de savoir fermer sa pantière à miettes. Chaque mot déversé pouvait se voir retourné contre lui, d’ailleurs la plupart du temps, elle posait des questions en sachant déjà la réponse, talent qui avait le don de faire aboyer Cyric .
Ses yeux noisette tombèrent alors sur la dernière chose que l’ancien de la Sorgne aurait juré voir en compagnie de l’intrigante sorcière : un enfant !
Il leur fit signe de s’assoir auprès du feu.


Stoppant net sa marrade, Cyric, jeta un rapide coup d’œil en direction de Pard, ce dernier aiguisait son épée, l’air de rien, en fixant avec persévérance la gamine qui collait Muelle.
Encore une fois, elle avait immédiatement deviné le fait de sa présence en cette forêt bien éloignée de sa contrée natale. Resserrant l’écharpe qui encerclait son cou, l’assassin prit bien le temps d’apprécier les dernières bouffées de sa cigarette avant de jeter le mégot dans le feu et de se pencher en avant, sa main distraite relevant les quelques mèches qui lui tombaient sur les yeux.


Puis il rajouta l’air cynique :

Muelle laissa Zoïle s’avancer, jugeant que les brigands et autres mauvaises rencontres sont des inconvénients qui arrivent aux autres.

Elle fit sauter les brindilles dans sa paume et répondit distraitement mais fermement à la gamine : « Tu es une fillette anonyme. » lui rappela-t-elle, peu désireuse d’attirer sur elle l’attention du Roi Trystan et de sa Reine. Puis à l’assassin, d’un ton narquois : « Je ne suis pas mère. C’est mon apprentie… » Ce qui en soit était encore plus ahurissant que si elle avait effectivement une enfant. Muelle était consciente du ridicule de la chose… Une sorcière des marais s’attacher quelqu’un qui n’est même pas de son sang? Elle avait du beaucoup changer…

Elle releva ses yeux jaunes de sa paume et dévisagea Walfen.

« Qu’est-ce que t’as dit? Mes copains les animaux de la forêt? » releva-t-elle d’un ton de mauvais augure.

Demander à quelqu’un de répéter une phrase qu’on a parfaitement compris, et qui vous met visiblement dans tous vos états, relève de l’alerte rouge dans le catalogue de la prise de bec. Mais la répéter sois-même ensuite!!! Alors nul retour en arrière n’est plus possible.

« Est-ce que j’ai l’air d’une elfe?? » Muelle Daee pouvait passer pour beaucoup de chose mais une elfe, jamais! Elle marcha vers lui et lui planta un index dans la poitrine. « Je ne suis pas au courant de ce qui se passe en Öesgard tout simplement parce que les gens de ta sorte ne m’intéressent pas! »

Elle avait changé mais pas tant que ça. De sorcière des marais elle était devenue une sorcière des haies… Mais elle était restée une femme.

« Zoïle? Viens, on s’en va! »

Resserrant le nœud qui maintenait ses cheveux en une vulgaire queue de cheval, Cyric écouta d’une oreille attentive les mots qui s’échappaient un peu trop vite des bouches de leur auteur.


La gamine qui ne cessait de le fixer, l’air mauvais, possédait un visage des plus anodins et n’évoquait absolument rien au Walfen. Alors pourquoi cet empressement à vouloir poser sur la tronche du chérubin une identité secrète ? Ses réflexions furent soudainement interrompues par un haussement de voix des plus inquiétants.


Cyric claqua dents. Et voilà qu’elle se remettait à faire sa mijaurée, ou était-ce lui qui avait un peu forcé sur la dose de sarcasme ?


Il posa un bref regard sur les… Poumons de la désirable mais non moins exaspérante sorcière. Non, définitivement non elle n’avait rien d’un de ces blafards macaques immortels. Un index bien placé l’extirpa de ses rêveries, pas vraiment pieuses.


Merde alors, il aurait volontiers coupé la chiffe au premier enfoiré qui osait lui parler avec autant de dédain et de vanité dans la voix, mais force était d’admettre qu’il avait plus que besoin de son aide.
Il sentit Pard se lever dans son dos, l’arme au poing, prêt à faire baisser d’un ton cette femme bien mal-aimable. Le bougre ne pouvait se douter jusqu’où s’étendait les infâmes pouvoir de cette vipère noire, pensa Cyric, et d’un geste de la main il le fit s’assoir.


Se relevant habilement, Walfen lui saisit la main avec le moins de brusquerie possible. Les calles qui lacéraient sa peau rencontrèrent celles douces et froides de la sorcière au tempérament bien –trop- trempé. L’obligeant à le regarder, il dit d’une voix mal-assurée.


Dieux qu’il pouvait haïr ces paroles. Ne pouvant supporter l’idée d’avoir pu prononcer un tel affront vis à vis de son ego, Cyric rumina :


Après une courte pause :

Besoin de son aide? Il faisait quoi là? Il essayait de l’amadouer peut-être? Après la façon dont il l’avait laissé en plan la dernière fois?

Les sorcières des marais haïssent collectivement les hommes… Individuellement, c’est autre chose. Malheureusement pour l’humanité, il y a magie maléfique, magie bénéfique et la différence entre les 2. Muelle appartenait à cette différence.

La belle métisse agrippa l’assassin par le devant de sa froc d’une demi torsion et l’attira à elle, les yeux dans les yeux. Il ne lui avait fallu qu'une demi seconde pour en venir au corps à corps. Elle allait lui répondre vertement, l’index brandit, ses yeux d’or flamboyant, quand Zoïle intercéda en sa faveur.

Une bonne fée marraine et une demoiselle en détresse?

L’intermède doucha complètement la colère de la métisse.

Une expression de pure horreur se lisait sur ses traits alors qu’elle dévisageait son apprentie. Bénéfique, oui, mais il ne faudrait pas charrier! Ces deux là ne devaient pas avoir été réunie depuis très longtemps. Muelle revint fixer son attention sur Walfen : « Ose seulement un commentaire et je t’arrache un à un les poils des couilles… » gronda-t-elle d’une voix chantante à l’adresse de l’assassin. Un ton de confidence…

Sèchement, elle libéra son interlocuteur. « Je suis une bonne sorcière! Alors comment puis-je t’aider? Je te suggère une bonne teinture peut-être? » Si elle ignorait ce qui se passait effectivement en Öesgard, il n’y a pas 36 motivations, pour un assassin, de fréquenter une sorcière des marais. Son sarcasme laissait transparaître qu’elle devinait plus qu’elle n’admettait savoir. De son épaule, elle fit glisser son sac sur le sol. « Et avant toute chose, comment comptes-tu payer ta commande? » questionna-t-elle en haussant dignement le menton. Avant même qu’il n’ait le temps de faire une proposition indécente, elle ajouta : « Ne compte pas t’en tirer comme la dernière fois… »

Fumer, il devait absolument fumer, pouvoir se détendre et ne pas exploser sous ses violents excès de frustration. Ne jamais dépendre des autres, voilà ce qu'il s'était pourtant juré d'appliquer... Encore une de ces promesses sans plus d'avenir qu'une miche de pain chez un affamé.

Du tabac tomba dans le creux de sa paume cloquée.

Fuir, fuir loin cette vérité qui l'avait poignardé en plein cœur, sa nouvelle vie devait débuter avec un nouveau faciès. C'était pour ça qu'il était là, perdu quelque part en Christabel à la recherche de cette exécrable sorcière. Cette dernière n'avait vraiment pas changé, précision qui avait ses avantages:

**Putain d'chute de reins... **

Et inconvénients:


Une épaisse fumée embruma le visage du Walfen. Les effluves embrouillèrent instantanément ses flots d'émotion et bientôt une vague apaisante le submergea. Les piques acerbes de la sorcière devinrent soudainement plus aisées à digérer.

**Désirable créature**

Un impromptu gloussement, qui aurait pu passer pour une faible crise de toux, sortit du fond de son gosier.
Le regard sournois, il se tourna vers la gamine qui avait plaidé en sa faveur. Tout en dévisageant sa bouille d'enfant, Cyric chercha à comprendre le pourquoi du comment quant au brusque changement d’avis de la sorcière. Mais en pareils instants, alors que le voleur ne sentait plus rien d’autre que le vent effleurant ses joues, penser revenait à s’auto-infliger d’inutiles souffrances. Et c’est donc sans aucun regret qu'il renonça à se poser plus de question.


Touché.


Les souvenirs d’une nuit pimentée rejaillirent soudainement. Une bouffée de chaleur l’envahit avant d’être pris de court par un sentiment plus fort encore… Le désir. Le héros de la Cachematte n’avait pas revu gente féminine depuis son emprisonnement en Dormmel.


Coulé. D’un vague geste de la main, Cyric se fit comprendre et Pard s’avança lentement vers la sorcière. Aucune peur n’était lisible dans ses yeux, ignare plus fou que brave, il la toisait de toute sa hauteur. Le ladre souleva alors une vieille bourse à l’écho aguicheur : les pièces d’or s’entrechoquant après chacun de ses à-coups.

La sorcière empocha précieusement les brindilles qu’elle avait à la main et jeta un regard désintéressé à la bourse que Pard faisait tintinnabuler. « De l’or? » releva-t-elle en haussant les sourcils. Elle leur sourit, prenant Zoïle à témoin… Comme c’est mignon! De l’or! À une sorcière des marais??

Arf… Elle se rappela subitement ce qu’elle prétendait être.

« Éteint-moi ça tout de suite à moins que tu désires me tuer… » fit-elle en se rembrunissant de façon spectaculaire. La fumée pouvait la tuer facilement. Parce que la sorcière avait une santé fragile. Fragile mais pas vulnérable. « Je ne travaille pas pour de l’or et tu le sais… Offre-moi quelque chose de valeur… La couleur de tes iris, le premier rêve de chacune de tes nuits, tous tes souvenirs heureux avant l’âge de 3ans, un miracle, une merveille, une faveur? » Elle haussa gracieusement des épaules… « Une faveur. Entendons-nous pour une faveur et je te transformerai de telle sorte que personne ne saura te reconnaître. » La dernière fois, elle avait demandé un baiser… Et curieusement il ne se souvenait pas précisément de la suite… Seulement de son réveil...

Dans une vrille gracieuse, elle s’assit à même le sol près de son sac, attendant la réponse du gredin.

Tirant une ultime bouffée sur son paradis artificiel, Cyric jeta ensuite le mégot dans les flammes. Les reflets écarlates du feu venaient faire danser avec magnificience des ombres sur les arbres encerclant leur campement.
Ses yeux couleur noisette fixant la sorcière, un sourire sardonique cloué sur son mystérieux visage, il laissa blablater son interlocutrice sans y prêter plus d’intérêt.

Evidemment qu’elle ne voulait pas de son or, elle n’en avait jamais voulu : lancinante particularité qui n’était pas pour arranger les affaires du Walfen.
Le tribut qu’elle réclamait, il l’avait toujours positionné au carrefour du fascinant, mystique et stupide.
Cette rencontre n’avait pas dérogé à la règle.
Il l’observa s’assoir et laissa son regard se perdre dans le sien, il avait l’impression d’y voir voguer une franchise aussi grande qu’était longue sa liste de mensonges. Et puis pourquoi ne savait-il absolument rien sur elle ? Son âge, son enfance, ses voyages, ses pouvoirs…. Bien sûr, il s’en moquait, mais existait-il une seule personne en Miradelphia capable de répondre à ces questions ?
Cyric en doutait.
Se rendant alors compte de son égarement prolongé, il maugréa l’air dédaigneux :


Puis, sur le ton d'une réflexion personnelle, il acheva ses paroles dans un souffle :

Muelle mit la main à son sac avec enthousiasme… « Oh je n’ai rien en tête pour le moment… Optons une reconnaissance de dette… » Les faveurs, ça finissait toujours par coûter cher… Au moins n’avait-elle pas exigé une très grande faveur… Un prix d’ami… Elle avait eut son premier baiser après tout…

La sorcière tapota le sol devant elle. « Viens t’asseoir que je t’examine. Zoïle, viens voir comment on change un homme en un autre… » Et pendant plusieurs minutes, la sorcière le fixa intensément, de très près, scrutant ses traits.

« On va élargir les méplats de son visage, lui donner de la mâchoire pour lui arrondir la figure et faire disparaître cet air de fouine… Lui agrandir le regard en changeant sa ligne de sourcil… Juste à tirer sur ces petits muscles, là et là… » expliqua-t-elle en lui tapotant la figure de ses doigts gantés. « On va lui redresser le nez… Ça va l’allonger un peu… Tu as reçu trop de coup sur la gueule, Walfen… » lui reprocha-t-elle. « La fossette au menton, on la garde, pas le choix… Rien ne peut faire disparaître des fossettes. » Elle posa un doigt sur sa lèvre inférieure. « On amincit celle-ci pour ourler celle du haut… »

Tout en parlant, Muelle sortit de son sac un bulbe étrange emballé dans une toile cirée. Assurément quelque chose de végétal mais vraiment vraiment pas frais. Collant. Avec un petit couteau, elle préleva un peu de suc et avec un tison tiré du feu, le fit bruler sur la lame. « Tu vois Zoïle, ceci est de la magie des haies… Bénéfique… » Elle enroba une fine aiguille de la substance collante et approcha sa main de la figure du bandit. Modelant ses muscles de ses doigts, elle lui fit plusieurs piqûres rapides… « C’est un poison… Il paralyse les muscles de son visage de façon permanente… Si je lui piquais un organe vital, ce ne serait pas aussi bénéfique… » Déjà, ça, c’était plus inquiétant…

Satisfaite de sa mise en forme, la sorcière se rapprocha de son sujet. À genou devant Walfen, ses yeux surnaturels plongés dans les siens, elle l’accrocha par la mâchoire : l’annulaire et l’auriculaire sous l’arrête de la mâchoire, l’index et le majeur sur les pommettes, le pouces sur le menton. « On va commencer par le pire… Juste au cas où tu perdrais ta motivation… » lui expliqua-t-elle avec un bon sourire… Le pire? « Ça par contre, c’est de la magie noire. Maléfique parce que c’est fait dans le but de dissimuler sa nature originale, de tromper. Ce n'est toutefois pas plus répréhensible que la plupart des cosmétiques... » Alors pourquoi n'avait-elle jamais usé de cette magie sur elle même, pour faire disparaître, par exemple, ces tatouages blafards qui lui couvraient la figure?

Muelle ferma les yeux, ses longs cils ombrant délicatement ses joues. Elle se détendit visiblement, approfondissant son souffle, puisant dans la magie ambiante. Les bois ne manquent jamais de magie… Elle accumula un instant ce dont elle avait besoin, le concentra, puis guida son pouvoir vers ses doigts tremblants.

Walfen sentit les os de son visage lentement se déplacer… Douloureux? Oh oui!

C’est quand même étrange qu’une sorcière des haies n’ai pas pensé utiliser un analgésique… Oui mais Muelle est une traditionaliste dans l’âme… Elle demeurait convaincue qu’il apprécierait moins ses efforts s’il ne participait pas un peu à la transformation… Avant même qu’il ait eu le temps de se ressaisir, elle lui pinça l’arrête du nez entre le pouce et l’index et recommença son manège…

C’est pendant qu’il récupérait qu’il apprit que malheureusement elle n’en avait pas terminé : « On va déplacer la pigmentation de sa peau dans ses cheveux… Reste les yeux… Je peux te cracher dans l’œil, Walfen? » C’était répugnant… Elle le savait!!! Et comme elle y prenait plaisir!

« Discrétion n'a p't'être pas accouchée de Sûreté, mais la dame peut au moins s'vanter de s'être jamais fait enculée par Père Problème » Dicton de la Sorgne.

Cyric redoutait cette transformation autant qu’il en avait besoin, la sorcière n’allait sûrement pas faire dans la dentelle : son sadisme était palpable.
Alors, sans qu’elle puisse s’en rendre compte, ni même soupçonner quelque chose, le voleur profita d'un bref moment d'inattention pour gober une étrange et minuscule gousse. C’était comme mâchouiller un morceau d’écorce pensa d’abord le Walfen, mais soudainement, un liquide très froid se déversa sur sa langue, avant de finir par entièrement infester son palais.

Pendant ce temps, la sorcière ne cessait de tâtonner son faciès tout en parlant à la gamine d’un air concentré.

Pard, adossé contre un arbre bordant le campement, léché de tout côté par la nuit, ne quittait pas des yeux son camarade d’infortune. Aussi imperturbable qu’un colosse taillé dans la roche, on aurait peine à croire qu’il vivait sans ses quelques battements de cil.
Des murmures parvenaient jusqu’aux oreilles du Walfen, était-ce la sorcière qui perdait encore son temps en badinage sarcastique ? Ou bien la Friandise du Fou avait-elle déjà pris possession de ses sens ?

Cyric pensait être encore capable de donner un ordre chronologique aux derniers évènements, il pouvait sentir les os de son visage danser au rythme effréné que leurs imposaient les doigts maudits d’une sorcière à maudire.
Pourtant, s’il grimaçait, ce n’était pas à cause de l’opération, car le Friandise du Fou avait pour effet de ne plus être maître de ses émotions. Après ingurgitation de la substance, on ne voyait pas plus avec ses yeux qu’on ne respirait avec ses pieds.
Ce n’était pas la première fois que notre voleur usait de ce poison brun, d’habitude il se mettait à rire, se trémousser, avant de complètement délirer. Quelque chose n’allait pas, ce qui en soit n’était pas vraiment surprenant pour quelqu’un qui n’était jamais soucieux de la portée de ses actes. Le moment était sans doute venu d’en payer le prix fort…
Etait-ce pour ne pas tomber dans de pareils états que la sorcière des haies était aussi répugnée par les drogues ? Plaisirs artificiels et magie ne semblaient pas faire bon ménage...

Pris de court par une violente nausée, Cyric se rattrapa au cou de la gamine. D’un poids trop léger, il ne fit que l’entraîner dans sa chute.

«Merde…»

Des spasmes soulevèrent brusquement son corps, il avait chaud, très chaud. Non, froid, non chaud.
Quelqu’un était-il en train de charcuter son estomac ? Et depuis quand volait-il à dos de dräke ?
Cyric ne comprenait ni ne contrôlait plus rien. Crachant une gerbe de sang, il se retourna vers la sorcière. Tout était si flou, si confus… Mais elle, elle restait bien nette, malgré la brume qui l'encerclait, il la percevait distinctement.

«Quel est ton nom ?»

Pard, l’arme dégainée, s’était retrouvé entre le Walfen et ses opposants en une fraction de secondes.

«Que lui as-tu fait ?!! »

Sa hache tendue en direction de la femme noire, Pard attendait une réponse, un geste.

Hors de question qu’elle montre ‘exactement’ de la magie noire à cette gamine avec Lufotu qui écoutait aux portes… Muelle n’était pas dupe. « Mais nooon, on ne lui crache pas dans la figure, ce serait insultant. On lui crache dans l’œil. C’est dégoûtant mais seulement pour lui… »

Walfen la connaissait mais il ignorait son nom… Une sorcière des marais ne révèle jamais son nom. C’est avec lui qu’elle scelle ses sortilèges. Walfen la reconnu au travers de l’illusion… Samuelle Daee… Elle s’appelait en fait Samuelle…

Ce n’est pas les leys de la magie des haies qui lui permettent de la distinguer ainsi… Son ombre sur le sol était longue et noire. Cette certitude lui vint à l’esprit sans qu’elle n’ait prononcé un son, prévalent sur le témoignage des sens.

Une hache? Qu’est-ce que ce genre de femme en a à foutre d’une hache! La sorcière se pencha pour passer sous le coude de pard, le laissant en proie au doute mal défini mais tenace que sa vie n’avait tenu qu’à un fil. Jusqu’à maintenant, on peut dire qu’elle avait fait dans la dentelle… D’un bond elle plaqua Walfen au sol, se servant de son poids pour le maîtriser. Une main ganté appuyée sur son front, elle lui dégagea les voies respiratoires et lui examina la bouche… Du sang, des dents mal lavée et coincée dans ses molaires, un reste de… De quoi?

« Zoile! Une branche! Pointue, vite! »


Un patient qui meurt en court de traitement, c’est très mauvais pour la prospérité d’une sorcière des haies. Mais au-delà de sa réputation, Muelle avait une faveur à récupérer.

Soin dentaire d’urgence, Muelle arrache la branche des mains de Zoile et effectue son prélèvement… Ouais mais non, elle ne glissera pas ses doigts entre les mâchoires d’un homme en perte de contrôle. À califourchon sur les hanches de Walfen, elle examine le résidu qu’elle a trouvé dans ses dents.

La sorcière étrécit les yeux et commenta : « Couillon… »

Dédaigneusement, elle se releva en prenant appui sur sa poitrine. « Il a avalé quelque chose, une drogue quelconque… Enfin… Peu importe ce que c’était, c’est devenu autre chose… » D’un ton docte elle poursuivit au profit de Zoile : « Évidemment si le patient est en pleine transformation, la drogue qu’il a ingéré aussi… C’est pour ça qu’on travaille toujours à froid. »

Se penchant sur le feu, elle ramassa un morceau de charbon de bois et souffla dessus pour s’assurer qu’il était bien froid. « Pard, ça devient délicat tu vois… Faut faire vite et j’ai besoin de toute ma concentration alors… N’embête pas ce crapaud… Je n’aurais pas le temps de m’occuper de te sauver la vie… »

Avec une pierre, elle broya le charbon en une poudre très fine. « Zoile, prend sa gourde et apporte-la moi… » Hors de question qu’elle gâche ses réserves pour cet imbécile… La poudre de charbon ayant atteint la consistance voulu, elle l’ajouta au contenu de la gourde et la confia à son apprentie… « Agite-moi ça! »

Au travers de son délire, Walfen la vit distinctement revenir vers lui, s’agenouiller à côté de lui, précisément ‘à côté’. Il entendait sa voix aux accents si particulier, mais déformée… « Je suis vraiment désolée de te faire ça, mais il faut ce qu’il faut! » disait-elle avec cette inflexion qui disait qu’elle n’était pas du tout désolée… Sa perspective changea alors qu’elle le redressait dans une position semi-assise. « Zoile? Vide-lui tout ça dans le gosier! Et ne reste pas devant, ça ne va pas tarder à ressortir! » prévint-elle… « Magie des haies... Le charbon, ça absorbe... Ce qui est passé dans son organisme n'est pas récupérable mais ce qui reste va être absorbé par le charbon avant de sortir par où il est entré... » Une sorcière bénéfique... Purement bénéfique... Mais Walfen n'apercevait son apprentie nul part dans les leys magiques...

Ombre éphémère au creux d'une lumière éblouissante, mirage envoûtant au milieu d'un désert de noirceurs, rêve fugace parmi une multitude de cauchemars...
Ses yeux ne cessaient de parcourir les courbes gracieuses d'une femme indiscernable. Il aurait pu jurer ne l'avoir jamais rencontré, ces formes, ces lèvres... Un puissant désir l'envahit.
Il devait parvenir à se rapprocher d'elle, ne serait-ce que pour effleurer l'espace d'un court instant sa peau nacrée. Plonger au plus profond de son regard argenté et foudroyant.
Cyric ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit. C'était stupide, s'il était aux pays des songes, pourquoi ne pouvait-il pas parler ? Y'avait-il une loi qui interdisait à ses habitants de communiquer ?
Et puis d'ailleurs, depuis quand se mettait-on à réfléchir en plein délire ?
Qu'importe, le voleur ne voulait plus se réveiller, passer l'éternité à contempler cette fille des étoiles lui paraissait bien plus agréable que de retourner à la réalité.
Il ne comprenait pas vraiment ce qui lui arrivait, pourtant ce n'était pas la première fois qu'il voyageait jusqu'à la belle inconnue. Il avait commencé à rêver d'elle quelques jours avant le début de son exil, elle, existait-elle réellement ? Cela semblait peu probable...

**Une beauté pareille ? Avec des mirettes grises ? Impossible**

A chacun de ces fabuleux rêves, Cyric sentait son cœur battre d'un rythme nouveau, se réveillant chaque matin un peu plus morose et se délectant des tombées du soleil.

Soudain, une désagréable odeur le submergea, sa gorge se remplit d'un liquide écœurant, hoquetant violemment sous un impromptu haut-le-cœur, le Walfen finit par vomir la drogue qu'il avait récemment ingurgitée.

Se redressant tel un fauve surpris durant son sommeil, il analysa instinctivement les alentours, ses mains en position défensive, prêtes à parer n'importe quel coup d'estoc.
Un reste de braises rougeoyaient à sa gauche, la forêt dormait à poing fermé, faiblement éclairée par les rayons d'une lune paresseuse.
Une perle de sueur coula le long de sa joue, il avait du mal à reprendre son souffle, et ses os, absolument tous ses os, lui faisaient horriblement mal.
Des bribes de souvenirs rejaillirent alors, se tournant en direction du sol, il toisa avec perplexité la sorcière: génitrice de ses dernières douleurs.
Dans son sursaut, il l'avait propulsée à terre.
Les vêtements du Walfen, trempés par la transpiration d'une mutation peu naturelle, et souillés par ses récents rejets, collaient sa peau maladive. Le moindre geste était devenu une véritable torture.
La souffrance qui l'écrasait transforma son sourire en un rictus peu compréhensible, s'accroupissant avec difficulté face à la métisse, puis lui ôtant une brindille venue se nicher dans sa crinière couleur ébène, il continua de la dévisager avec désabusement. Il avait quitté le fantasme de ses nuits pour se réveiller aux côtés d'une sadique à la langue de vipère... Existait-il un Dieu de la Pitié ? Si oui, il n'était pas encore trop tard pour que celui-ci se penche sur le cas du Walfen. Une fine ligne de sang traçait son chemin le long de la mâchoire de ce dernier.
De la pitié, en avait-il seulement eu face à ses victimes ? Non, pas une once, la compassion comme le remord, étaient deux mots que l'assassin n'avaient plus employé depuis un bail.
A plusieurs reprises Cyric se sentit partir, emporté par les courants bien trop puissants d'une mer de tourments.
Aléatoirement, les couleurs se faisaient floues, des tourbillons démentiels sortaient de nul part et aspiraient la nature, le métal, les personnes.
Malgré son piteux état, l'orgueil de Cyric parvint à lancer une pique entre deux vertiges:

J't'ai connu plus convaincante sorcière. Moi qui pensais ne t'inspirer que dégoût et rancœur, t'as été bien mollasse sur l'opportunité que t'avais de te venger. Aurais-tu un cœur sorcière ? Peut-être me trouves-tu à ton goût?

Une toux rauque vint racler sa gorge sèche d'où était censé sortir un rire moqueur.
Se laissant tomber sur les fesses, il jeta un regard mélancolique vers le ciel. Sa belle inconnue n'était redevenue qu'une lointaine illusion. Si seulement l'on pouvait vivre d'illusions...
Sous de faux airs sereins, et ne prenant pas la peine de regarder son interlocutrice, Cyric ajouta:


Derrière eux, une géant se bagarrait contre une énorme grenouille...


P.S: Pardon pardon pardon pour le temps de réponse !! Mes prochains partiels arrivent à grand pas et j'me débrouille trop mal dans mon organisation ><
En plus mon post est naze... Promis je vais me rattraper !!

Elle était malade… Que ce soit l’usure d’un long voyage, sa récente crise de la matinée, l’usage de ses réserves magique pour transformer l’homme ou simplement le choc de se faire renverser par Walfen, Muelle gît quelques instants avant de retrouver ses esprits… Des éclats de lumière dansent dans ses yeux d’or lorsqu’il se penche sur elle pour retirer une brindilles de ses cheveux.

Elle lui avait sauvé la vie…
Elle l’avait aussi transformé de telle sorte qu’il ne soit pas reconnu…
Elle lui avait doublement sauvé la vie…

Et il insinuait quoi là? Qu’elle éprouvait quelque chose pour lui? Une attirance pour un assassin couvert de vomissure et de charbon de bois? Faudrait être diablement faible… Elle lui montra aussitôt qu’il se trompait en lui collant une claque retentissante : SBAF!

Oui c’est une sorcière mais c’est surtout une femme, peu importe quels sont ses sentiments pour lui… On ne s’attaque pas à l’orgueil d’une belle de ce calibre sans faire face aux conséquences. Elle pointa un index impérieux sur sa personne. « C'était pour te remettre les esprits en place... Tu divaguais... Et tu me dois 2 grosses faveurs maintenant… » Elle se releva et s’épousseta les genoux, nullement intimidée par sa faiblesse manifeste. « Si t’étais mort, tu m’aurais en plus privé du plaisir de te torturer… » Pragmatique. « J’avais fini mais tu t’es tout abîmé alors je ne suis pas responsable du résultat… » Elle eut un reniflement de mépris devant son œuvre gâchée. « Enfin il reste à ajuster les couleurs mais sale comme tu es… »

Elle se retourna commanda d’une voix autoritaire : « PARD! LAISSE CE CRAPAUD, J’AI DIT… »