Attention Femme Enceinte ! [Terminé]

Le retour à la citadelle n’avait duré qu’une demi journée….mais quelle demi journée infernale…
Jena avait très mal supporté le cahot du carrosse sur la route de terre les ramenant chez eux. Cela ajouté à de nouveaux tremblements de froid et une fatigue généralisée, il fallait dire que la jeune femme ne rentrait pas au mieux de sa forme. D’ailleurs elle ne vit même pas l’arrivée. Elle ne se souvint même pas d’être entrée dans sa chambre et de s’être couchée dans son lit…
Elle se souvint juste, d’avoir ouvert les yeux sur les visages inquiets de son époux, de Clarys et du médecin penchaient sur elle, puis d’avoir à nouveau sombré sous l’épuisement.
Il se passa plusieurs jours pendant lesquels elle garda le lit, sans même avoir la volonté de contredire le guérisseur. Elle était tellement fatiguée qu’elle n’arrivait qu’à faire quelques pas dans sa chambre avant de retourner s’allonger sur le lit tremblante de froid en ce début d’été.

Clarys ne la quittait plus, elle passait le plus clair de son temps avec elle et pour que cela soit plus ‘normal’ la chambrière était devenue officiellement la demoiselle de compagnie de Jena afin que sa présence auprès de l’épouse du régent ne paraisse plus surprenante. Le guérisseur passait la voir trois à quatre fois par jour. S’assurant qu’elle n’avait plus de fièvre comme à son arrivée, pratiquant des examens gynécologiques réguliers pour être sûr de la santé du bébé qu’elle portait, et pour lui faire boire de nouvelles tisanes dégoûtantes mais aux vertus soit disant reconnues.

Lorsqu’une semaine fut passée, Jena commença à se sentir à nouveau suffisamment bien pour demander au guérisseur de sortir de sa chambre.

- Bien sur, si vous me promettez de ne pas faire d’excès. Une petite promenade vous fera le plus grand bien. Mais au moindre vertige vous reviendrez vous allonger immédiatement.

Clarys s’était alors empressée d’aider sa jeune maîtresse à se vêtir avec une nouvelle robe ajustée à son ventre légèrement arrondi qui ne laissait maintenant plus aucun doute sur son état. Lorsqu’elle fut coiffée et habillée, Clarys prit le bras de Jena et l’aida à faire quelques pas dans le couloir. Immédiatement la jeune femme, ravie de sortir à nouveau, voulu aller voir son époux mais il n’était pas dans son bureau et Clarys réussit à l’empêcher de partir à sa recherche dans toute la citadelle. Pour sa première sortie il ne fallait pas non plus qu’elle se remette à gambader comme s’il ne s’était rien passé.

- Allons dans le jardin, et trouvons-nous un coin d’ombre sous l’un des arbres, déclara Jena toute joyeuse de retrouver le soleil.

Il ne leur fallut que quelques minutes pour arriver dans ledit jardin et trouver un banc à l’ombre d’un grand chêne. Il faisait beau et la chaleur était supportable sous l’épais feuillage de l’arbre. Elles restèrent une bonne heure à discuter, rafraîchies par un petit vent frais.

- Est-ce que tu te sens bien ? Tu es toute pâle, finit par demander Clarys.
- Ca va… Arrête de t’inquiéter comme ça pour moi. Je vais très bien.
- Oui mais tu as l’air tellement….
- Je ne suis pas malade Clarys, s’amusa Jena, je suis juste enceinte et je vais ….

Pas la peine d’ajouter qu’elle venait de grimacer de douleur et que malgré ses efforts pour le camoufler Clarys n’était pas aveugle.

- Jena, rentrons je t’en prie. Je ne veux pas qu’il t’arrive quoi que se soit.
- Mais je vais bien…
- Tu as promis au guérisseur…
- Oui je sais, je sais mais j’ai quand même le droit de…

Cette nouvelle grimace fut accompagnée d’un gémissement qui coupa court à la conversation. Clayrs prit le bras de sa maîtresse et l’aida à se lever. Jena ne chercha même plus à masquer la douleur qui la saisissait. Elle n’arrivait pas à suivre le rythme qu’essayait de lui imposer Clarys pour qu’elle soit rapidement dans sa chambre. Jena n’avait nullement envie de demander à un garde de la porter jusqu’à ses appartements aussi implora-t-elle sa demoiselle de compagnie de ralentir et de la laisser reprendre son souffle.

Lorsqu’elles furent au bas des escaliers, Jena jeta littéralement l’éponge et s’assit sur l’avant dernière marche en soupirant.

- Je n’irais pas plus loin…laisse moi souffler…
- Nous n’aurions jamais du descendre. C’était une mauvaise idée cette ballade.
- Clarys arrête s’il te plait tu ne m’aides pas du tout. Va me chercher de l’eau veux-tu.

La jeune femme s’exécuta et disparut à l’angle d’un couloir, laissant Jena haletante et en sueur, une main crispée sur le tissus tendu sur son ventre. D’un rapide coup d’œil l’épouse du régent vit qu’un soldat était posté un peu plus loin, elle n’était donc pas seule en cas de problème…bien qu’elle tenta de se rassurer en ne cessant de répéter : ‘Tout va bien, il n’y a aucun problème, tout va bien, je vais très bien…’

Allez un peu de nerfs, bande de morveux ! Vous vous traînez comme des limaces aujourd’hui !

Un coup d’œil furibard suivi d’une nouvelle salve.

Mais par Tyra, z’avez quoi dans les jambes ? Du nerf j’ai dit !

Un peu à l’écart, le régent d’Alonna observait l’entrainement des nouvelles recrues de la garnison de la citadelle, entrainement mené d’une main de fer par le sergent instructeur Vorden dit « le gros » dit « large gueule » dit « le sadique numéro un » dit « FFTE » (félon fourbe du terrain d’entrainement). Vorden appartenait à la légion noire du temps ou Hanegard la dirigeait et avait suivit son capitaine lorsque le roi lui avait confié la baronnie frontalière.

En tout cas, ces jeunes garçons qui avaient quitté leur village natal afin de venir s’engager dans l’armée découvrait la réalité du métier de soldat. Certes l’uniforme faisait battre le cœur des jeunes et fraiches jouvencelles, les revues étaient un moment de gloire lorsque la famille admirait l’uniforme éclatant… oui seulement voilà, l’armée d’Alonna n’était pas une sinécure mais une armée de professionnels de haute qualité. Et la qualité, cela nécessite des efforts…

Toi là ! Oui toi ! Tu crois que j’ai pas vu ton p’tit manège ? Tu m’prends pour un gâteux c’est ca ? J’ai dit dix tours des casernements, tu n’en a fait que neuf ! Et tu crois t’en tirer comme ca ? Allez hop, tu m’fais cent pompes et tu recommences à zéro !

Tandis que la recrue gémissante recommençait son calvaire, le sergent cligna de l’œil en direction d’un Hanegard hilare.

Z’en pensez quoi chef ?
Toujours aussi inhumain Vorden. Je me demande parfois si j’ai bien fait de te laisser m’accompagner. Tu tortures ces pauvres gosses avec un entrain… à croire que ca te fais jouir.
Peut être bien chef, peut être bie… nom des Dieux ! Tu crois allez ou toi ? Aux gogues ? Après l’entrainement crétin !

Le régent s’éloigna, laissant le sergent passa un savon à la recrue pas encore bien au fait de la discipline militaire. Lorsqu’il avait repris la direction d’Alonna, l’armée n’était plus qu’aux deux tiers de ses effectifs, mais heureusement une réorganisation rigoureuse avait permis de la ramener à ses niveaux standards. Saluant distraitement un garde en faction, le régent s’enfonça dans les couloirs de la citadelle en réfléchissant à ses problèmes de nominations de nouveaux officiers supérieurs.

Alors qu’il continuait son chemin, il vit un garde lui faire un signe discret. Curieux de voir ce que voulait le gaillard, Hanegard s’approcha, et lorsqu’il tourna l’angle, tomba sur Jena, assise sur les premières marches de l’escalier, une main sur le ventre. La jeune femme était en sueur et avait les mâchoires crispées, comme si elle souffrait.

Chérie ? Non, ne parle pas, gardes ton souffle.

Bon sang, qu’avait –elle fait comme folie ? Se tournant, il ordonna au garde :

Prévenez mon médecin, vite.

Il ne pouvait pas la laisser là en attendant. Avisant une chambre non loin d’eux dont la porte était restée ouverte, surement une chambre utilisée par un officier quelconque de la forteresse, il prit sa femme dans les bras, la porta jusqu’à la chambre et la posa sur le lit.

Jena, restes allongée jusqu’à ce que le médecin ait pu t’examiner

Jena entendit des pas se rapprocher, sûrement Clarys qui revenait, enfin, avec de l’eau. Mais sa surprise fut encore plus grande lorsqu’elle vit son époux l’observer d’abord incrédulité puis inquiétude. Elle allait répondre, lui dire qu’il ne fallait pas s’en faire, qu’elle était juste un peu fatiguée mais il la prit sans attendre dans ses bras et lui demanda de ne rien dire pour qu’elle puisse reprendre tranquillement son souffle. Ce qui ne fut pas une idée stupide, bien au contraire.

Lorsqu’elle fut installée sur le lit d’un parfait inconnu, Jena leva les yeux vers Hanegard. Elle avait peur qu’il ne soit en colère contre elle, après tout il devait en avoir marre de la voir s’épuiser à droite et à gauche alors qu’on lui demandait de rester bien sagement dans sa chambre pour se reposer. Pourtant elle n’avait fait que suivre les conseils du médecin, il ne s’était pas opposé à sa promenade, prétextant même que ça lui ferait le plus grand bien. Et elle n’avait rien fait d’idiot ou d’irraisonnable, au contraire. Elle s’était tenue assise sur un banc à discuter avec Clarys.

- Ne t’inquiète pas, ça va passer. Ca m’arrive de temps à autre mais…

Le regard de son mari lui fit cesser toute tentative pour le rassurer et puis une crise de toux la fit taire. Si elle voulait se répéter ses sornettes à elle et bien soit, mais visiblement son époux n’avait pas envie d’entendre d’autre avis que celui du guérisseur. D’ailleurs celui-ci entra dans la chambre, légèrement surpris qu’on l’appelle pour s’occuper d’un soldat mais lorsqu’il vit le visage de Jena, l’homme pâlit littéralement.

- Mais…mais que faites-vous hors de votre chambre. Je vous ai pourtant dit que vous n’étiez pas en état de vous promener voyons.

Visiblement la présence du régent que lui faisait peur, et pour masquer son angoisse, il fronçait les sourcils en direction de la jeune femme. Celle-ci fut tellement surprise que l’indignation se peignit sur son visage.

- Quoi… mais c’est vous qui….elle fut a nouveau interrompu par cette satané toux qui ne la quittait plus.
- Allons ne dites rien, et laissez moi vous examiner.

L’homme s’approcha de Jena et commença à poser ses mains sur le ventre de la jeune femme, palpa chaque endroit pour s’assurer que tout était en ordre. Alors qu’il allait relever la jupe de l’épouse du régent, il sembla se souvenir de la présence de celui-ci. En quelques mots il lui demanda d’attendre dehors, qu’il viendrait le chercher dès qu’il aurait finit. Et une fois Hanegard dehors, le médecin jeta un regard sévère à la jeune femme.

- Qu’avez-vous encore fait ? Je vous avais autorisé une simple ballade, pas une course à pied ou de l’équitation. Ne prenez-vous donc pas au sérieux mes recommandations.
- Mais je n’ai fait que ce que vous m’aviez dit de faire. Demandez à Clarys. Nous avons fait quelques pas puis nous …
- Avec vos bêtises vous mettez la vie de votre bébé en danger. Tachez d’être un peu plus réfléchie la prochaine fois.

Le médecin venait de couper court à la discussion. Il pratiqua son examen et déclara d’une voix grave qu’elle devrait faire le minimum d’effort durant les prochains jours. Lorsqu’il sortit de la chambre, il laissa Jena complètement figée. Les paroles durent du guérisseur lui avait fait monter les larmes aux yeux. Comment aurait-elle pu mettre en danger la vie de son bébé alors qu’elle faisait tout pour s’assurer qu’il vienne au monde dans les meilleures conditions… Et puis c’était lui qui l’avait autorisé à sortir, elle ne voulait pas passer pour une insouciante aux yeux de son époux. Jena se mit à tousser longuement.
Une fois dehors, le médecin croisa le regard du régent et après un salut de la tête il déclara :

- Elle devra rester tranquille pendant plusieurs jours. Pour sa santé et celle de votre enfant à naître, il faut qu’elle cesse ce genre de comportement dangereux. Pour le moment, elle risque d’avoir encore mal mais je ne m’inquiète pas davantage pour sa grossesse. Son état de fatigue est quand à lui plus alarmant. Elle ne s’est pas encore remise des efforts qu’elle a fournis dans la mine. La fièvre est tombée, certes, mais cette toux persistante est plus inquiétante. Je repasserai la voir dans la soirée.

Sans un mot de plus, il s'éloigna.

Hanegard attendait dans le couloir, se rongeant les ongles tandis que le guérisseur examinait Jena. Dire que tout était de sa faute en plus ! S’il ne s’était pas mis en tête d’aller lui-même voir ce fameux filon d’or dans les mines, rien de tout cela ne serait arrivé… Jena n’aurait pas eu à parcourir cette longue distance à cheval, à s’aventurer seule dans les couloirs inondées… non, rien ne serait arrivé.

Lorsque le médecin ressortit, il lui jeta un regard inquiet, impatient de connaître le diagnostic. Concernant la grossesse de Jena, il n’y avait pas de risque immédiat, sous réserve bien sur qu’elle se ménage plus à l’avenir. Le principal problème se situait au niveau de sa santé, la toux persistance se révélant inquiétante. Remerciant le médecin, le régent entra dans la chambre et vint s’asseoir sur le lit, caressant d’une main le visage de sa femme.

Le bébé va bien Jena, mais il te faudra être prudente à l’avenir.

Prudente ? Mais comment ? La jeune femme allait devenir folle si elle restait enfermée dans leur chambre pendant plusieurs semaines… elle ne supporterait pas cette réclusion forcée. A moins que… une idée germa dans l’esprit d’Hanegard… une idée qui faciliterait les choses pour Jena.

Chérie… je ne penses pas que tu apprécierais de te retrouver enfermée dans notre chambre, pour autant je refuse que tu continue de monter et de descendre les escaliers chaque jour. Voici donc ce que je te propose : nous allons nous installer le temps de ta grossesse dans la chambre bleue du rez-de-chaussée.

Le régent faisait allusion à une chambre nommée ainsi du fait que la plupart de ses tapisseries couvrant les murs étaient dans cette teinte. Elle était habituellement réservée aux hôtes de marques, baron ou comte de passage par la citadelle, et disposait de tout le confort nécessaire à une future mère. Un peu plus petite que la leur certes, mais amplement suffisante pour leurs besoins.

Elle dispose d’une porte fenêtre donnant directement sur le jardin intérieur de la citadelle. Ainsi tu pourras sortir aisément sans pour autant être loin de ton lit.

Hanegard avait une autre idée pour égayer un peu le quotidien de sa femme, un cadeau qui devrait lui plaire… tout du moins il l’espérait… mais déjà il fallait s’occuper de la question des appartements.

Jena avait gardé son air abattu, même lorsque Hanegard vint la rejoindre en s’asseyant sur le bord du lit. Elle n’aurait jamais cru possible d’être une mauvaise mère avant même que le bébé ne soit venu au monde. Pourtant les paroles du médecin…la prendre pour une femme inconsciente qui mettait la vie de son enfant en danger… Elle n’aurait jamais cru cela possible.
D’autant plus qu’elle n’avait fait que suivre les recommandations du dit médecin. Elle n’avait pas couru un marathon, ni même fait deux heures d’équitation, elle s’était juste assise sur un banc à l’ombre d’un arbre. Bien sur qu’elle avait ressentit quelques frissons, qu’elle avait toussé encore beaucoup même si la fièvre était tombée, mais elle avait été tellement heureuse de sortir prendre l’air….comment aurait-elle pu imaginer que cela serait aussi dangereux pour sa grossesse?

- Mais je fais attention….je te jure que je suis prudente, murmura-t-elle en étouffant un sanglot.

C’est alors que son époux eut une idée lumineuse. Comme toujours, elle savait que Hanegard veillerait à s’occuper d’elle, à s’assurer qu’elle était bien, même s’il ne pouvait pas être tout le temps avec elle, il essayait constamment de lui faire plaisir. Se laissant aller dans ses bras, elle sentit un léger sourire étirer ses lèvres, bien qu’elle soit encore un peu sous le choc des paroles du médecin.

En effet, l’idée de vivre au rez-de-chaussée était excellente, elle n’aurait plus toute une multitude de marches à monter et à descendre. Encore que là, son ventre ne l’empêchait pas de se déplacer librement. Mais ces temps-ci, le moindre effort l’épuisait littéralement. Et puis la chambre bleue était superbe, elle bénéficiait d’une exposition parfaite, et son énorme avantage s’était son accès direct aux jardins.

- Merci de penser autant à mon bien-être mon amour, je suis désolée de te donner autant de soucis…Je te promets de me tenir tranquille.

Et puis de toute façon, l’envie de courir à droite et à gauche lui était totalement passée, du moins pour l’instant. Jena n’aimait pas embêter les gens et ce qu’elle pouvait faire elle-même, elle le faisait. Mais là, pour déménager leurs appartements, elle aurait du mal à convaincre qui que ce soit qu’elle pouvait parfaitement aider à la tâche. Et puis si c’était pour finir attachée à un lit, elle préférait ne plus se faire remarquée.
Une quinte de toux la secoua quelques secondes avant qu’elle se recule et qu’elle regarde son époux, toujours les larmes aux yeux.

- Je crois que jamais je ne me le pardonnerais…s’il arrivait quelque chose à notre enfant…mais je te jure…je n’ai fait que faire quelques pas dans le jardin et ensuite on est restées assises sur un banc…

Ca ne servait à rien de continuer, à quoi bon se justifier puisque le mal était déjà fait, mais elle avait besoin de se rassurer, de se dire qu'elle n'avait rien fait de fou comme l'avait prétexté le médecin. Désormais elle ne ferait que suivre les exigeances de ce dernier et puis se reposer….ce n’était pas si terrible que ça...
Poussant un soupir à fendre l’âme, elle se leva lentement, en grimaçant et toussant légèrement.

- Je vais demander à Clarys de m’apporter quelques livres pour m’occuper, peux-tu m’accompagner jusqu’à la chambre bleue ?

Pas question qu’elle marche dans les couloirs toute seule, elle aurait bien attendu sa demoiselle de compagnie ici, mais elle n’aimait pas l’idée de rester dans la chambre d’un soldat inconnu qui aurait pu débarquer n’importe quand. Alors autant aller s’installer dans l’un des fauteuils moelleux de la fameuse chambre bleue.

Hanegard garda un long moment Jena enlacée au creux de ses bras. Les sanglots de la jeune femme se calmèrent peu à peu, et elle parut s’apaiser… jusqu’à ce qu’une quinte de toux vienne la secouer de nouveau. Cette toux était assez inquiétante, et le régent envisageait de faire appel au temple de Néera si elle ne disparaissait pas rapidement. Les prêtres ne refuseraient pas de venir soigner une jeune femme enceinte, qui plus est l’épouse du seigneur des lieux.

Heureusement que l’avis du médecin concernant le bébé ait été positif, Jena aurait sans doute eu du mal à se remettre du poids de la culpabilité sinon. Certes elle avait été quelque peu imprudente, mais Hanegard savait que jamais sa femme n’aurait consciemment mis la vie de leur enfant à naître en danger. Ils s’aimaient trop, et aimaient déjà trop le bébé pour que ce genre de choses soit seulement concevable.

Enfin, une fois installée dans la chambre bleu, elle pourrait plus aisément sortir au grand air, quand bien même Jena ne semblait guère disposer à prendre de nouveau le moindre risque. La lecture serait alors une compagne de tous les jours pour elle, son mari n’ayant hélas pas la possibilité de rester auprès d’elle, les affaires d’Alonna occupant une part importante de ses journées.

Ah oui, il faudrait aussi qu’il pense à son cadeau, à l’idée qui l’avait traversé un peu plus tôt. Un cadeau qui serait parfaitement adapté à la situation qui plus est. Quelques jours seraient nécessaires au régent pour le préparer, mais pendant ce temps Jena serait de toute façon bien occupée à aménager à sa convenance leur nouvelle chambre… Hanegard eut un sourire intérieur en pensant à la vie qu’elle allait mener à l’intendant du palais si la chambre bleue n’était pas exactement comme elle le désirait…

Sa tigresse…

Doucement, il relâcha son étreinte et essuya du bout de ses doigts les larmes qui avaient coulées sur le visage de sa femme. Par les cinq qu’elle était belle… lui présentant son bras, le régent sourit et déclama à la manière d’un courtisan :

Très chère, si vous voulez bien ? Rendons nous de ce pas dans notre nouvelle demeure.

Diable ! Que les jours pouvaient passer lentement… D’accord, les premiers jours de l’installation du couple dans la chambre bleue avait largement occupé le temps de Jena. Elle voulait l’aménager à son goût, mais cela se révéla extrêmement dur puisque ses goûts changés constamment. Il fut convenu avec l’intendant Valkor, qu’il passerait chaque matin pour voir avec elle le programme de la journée, pour répartir le travail et toutes ses petites choses quotidiennes qu’il fallait gérer. L’homme en profitait pour prendre, poliment, des nouvelles de la jeune femme avant de la laisser à son ennui.
Et quel ennui.
Les livres…ça allait bien quelques heures mais pour occuper une journée entière il en fallait plus. Bien sur, Clarys était souvent près d’elle, à son petit soin et lui proposait même d’aller faire quelques pas dans le jardin, ce que refusait la jeune femme. Elle s’était promise de ne plus faire d’excès, même infime, tant qu’elle aurait la moindre petite douleur. Elle voulait que sa grossesse se passe dans les meilleures conditions. Surtout que le médecin, lors de sa dernière visite, lui avait fait remarquer que cela ne concernait pas seulement la santé du bébé, mais également la sienne. Cette brutale révélation avait totalement fait disparaître ses soupirs de lassitude, qu’elle se réservait lorsqu’elle était seule. Et elle fut attristée de voir à quel point c’était souvent.

Clarys disparaissait de longues heures avant de revenir sans presque lui dire un mot de ce qu’elle faisait, Valkor ne s’attardait jamais plus de quelques minutes, les serviteurs étaient pressés…et Hanegard…
Et bien elle ne le voyait quasiment plus…d’ailleurs cela faisait de deux jours qu’elle ne l’avait plus vue du tout. Levé avant elle et couché bien après elle, elle savait qu’il avait dormi avec elle seulement lorsqu’elle voyait les draps tirés de son côté lorsqu’elle se levait. Evidemment c’était un homme occupé et elle ne pouvait pas lui en vouloir pourtant, assise dans son fauteuil sur la petite terrasse menant au jardin, Jena ne pouvait s’empêcher de se sentir seule. Son humeur maussade n’avait pas échappé aux yeux de Clarys qui tentait de lui apporter un peu de réconfort et de divertissement, mais la plupart du temps, Jena ne parlait ni ne souriait.

- Tu n’as pas l’air d’aller bien Jena, veux-tu que j’appelle le médecin ?
- Non…, murmura-t-elle le regard fixait sur un point invisible au milieu du jardin
- Tu es sûre ? Tu n’as pas l’air….heureuse ?
- Qui le serait, à devoir supporter de passer ses journées seules, soupira-t-elle. Sais-tu si Hanegard viendra aujourd’hui ?
- Euh…je ne sais pas, finit par lâcher la demoiselle de compagnie légèrement gênée.

Inutile de vous dire qu’il ne vint pas. Mais Jena n’arrivait pas à lui en vouloir, elle savait qu’elle devait le partager.
Près d’une semaine s’était écoulée depuis qu’ils s’étaient installés dans la chambre bleue et cette nuit là, Jena eut beaucoup de mal à dormir. Elle passa la plus grande partie de la nuit à fixer le plafond, ses mains posées sur son ventre arrondi. Hanegard dormait près d’elle, sans même imaginer les sombres pensées qu’avaient fait germer la solitude dans l’esprit de sa femme. Lorsque le soleil se leva, Jena sentit son mari bouger près d’elle, et le vit se redresser sur le bord du lit. Ah, voilà, au bout de trois jours seulement elle le voyait enfin. Certes, il n’avait pas du tout changé, mais quand même…trois jours !

- As-tu une maîtresse ? demanda-t-elle de but en blanc.

Et bien oui, évidemment qu’elle y pensait. Elle ne voyait quasiment plus son mari, qui venait se coucher à des heures plus que tardives…il ne pouvait plus la toucher, consigne du médecin…elle ne le voyait plus….alors bien sur qu’elle pensait à ça. Ce n’était peut-être pas la phrase qu’il aurait imaginer un jour entendre sortir de la bouche de sa femme, de bon matin, mais elle se sentait tellement mal depuis quelques jours qu’elle avait besoin de savoir…
Pouvait-il seulement imaginer ce que c’était de passer sa journée seule ? Elle avait l’impression que les personnes qui venaient la voir, ne passait que pour s’assurer qu’elle était toujours bien assise, tranquillement sur sa chaise et qu’aucun décès n’était à déplorer !

Resté seul, Hanegard s’assit sur le bord du lit, le regard dans le vide. Les mots de Jena l’avaient plus profondément blessé qu’il ne voulait bien l’admettre, car il y avait entendu de la rancœur et de l’amertume, signe du mal-être qu’elle ressentait, mal-être dont de fait il était à l’origine puisque tout était parti de cette désastreuse aventure dans les mines de Lodiaker.

Le régent se savait responsable de la situation actuelle… si Jena était malheureuse, c’était de sa faute… si Jena était malade, c’était de sa faute… si Jena avait failli se tuer, c’était de sa faute. Une charge bien lourde à porter, mais il ne pouvait pas se voiler la face : son attitude aurait pu lui causer des torts encore pire.

Se levant, il s’habilla et hésita. Pensant à Jena, seule dans le jardin, il réfléchit à ce qu’il convenait de faire... passer sa journée à son bureau à travailler encore et encore aux problèmes de cette maudite mine ? N’y avait-il déjà pas eu suffisamment de dégâts de fait ? Et bon sang, s’il avait des assistants et une chancellerie, ce n’était pas juste pour le décor mais également et surtout pour l’aider à assurer les affaires courantes de la baronnie.

Ouvrant la porte du couloir, il fit signe au garde de faction de s’approcher.

Prévenez la chancellerie que je passerai ma journée dans mes appartements et que je n’assisterai donc pas à la réunion sur la sécurisation des convois des mines. Faites moi juste parvenir le compte-rendu pour validation.

Refermant la porte, il se rendit dans le jardin sur lequel donnait leurs appartements et dans lequel Jena, morose, attendait…. eh bien n’attendait rien en fait. Magnifique jardin d’ailleurs, les visiteurs étaient souvent surpris de voir que l’austère forteresse abritait en son sein de telles merveilles.

Attrapant une chaise qui traînait contre un mur, il vint s’installer à côté d’elle et lui prit la main.

Jena, je suis désolé… tout ce qui t’arrives est entièrement de ma faute.

Doucement, il caressa la fine main de la jeune femme, si petite dans les lourdes pognes plus habituées à manier des épées de guerre. Elle méritait mieux que ce qu’il lui offrait… comment pouvait-il prétendre aimer une femme dont il mettait la vie en danger ?

Si je n’avais pas stupidement voulu me rendre aux mines, tu ne serais pas malade. Et je ne fais même pas l’effort de passer du temps avec toi. Je suis fautif sur toute la ligne et je le sais…

Fixant ses yeux dans ceux de sa femme, il ajouta :

Mais je te jure sur mon honneur et sur l’amour profond que je te porte, que jamais, jamais je n’ai eu de maîtresse, ni même ne l’ai un seul instant désiré.

Oui, la journée s’annonçait belle. Comme toutes celles qu’elle avait regardé défiler assise sur son fauteuil. Un instant l’idée qu’on aurait pu l’oublier sur celui-ci en plein orage lui traversa l’esprit. Vu le temps qu’elle passait seule, cela aurait très bien pu arriver… Complètement perdue dans ses pensées morbides, Jena sursauta en attendant le bruit de la chaise sur le dallage de la terrasse. Levant les yeux elle observa son mari s’asseoir près d’elle. A nouveau son sentiment de culpabilité vint lui torturer l’âme. Elle n’aimait pas lui faire de la peine, et elle aimait encore moins le voir ainsi, s’excusant de chose dont il n’était même pas responsable….d’ailleurs que disait-il ?

Se concentrant davantage, Jena haussa les sourcils, surprise. Croyait-il qu’elle lui en voulait de son expédition dans les mines ? De sa triste santé depuis leur retour ? Elle ne niait pas lui faire la tête parce qu’il l’abandonnait sur ce fichu fauteuil, qu’il ne passait quasiment pas la voir et que c’était la première vraie conversation qu’ils aient eut depuis trois jours….ça elle le lui reprochait en effet ! Mais pour le reste….par les dieux, jamais cela ne lui serait venu à l’esprit.

La dernière phrase de Hanegard, bizarrement, fit accélérer la cadence de son cœur. Bien sur qu’au moment où elle lui avait posé cette question, elle avait pensé, qu’il était potentiellement possible, que par un facteur quelconque, peut-être même par le plus grand des hasards Hanegard se serait retrouvé, avec une raison incontestable dans le lit d’une autre femme. Certes, elle y avait fortement pensée. Mais l’entendre ainsi lui assurer à nouveau la force de son amour pour elle la touchait plus qu’elle n’aurait pu le dire. Serrant la main de son époux un peu plus fort, elle lui adressa un premier vrai sourire, léger, mais réel.

- Chéri, je ne peux pas te laisser dire ça. Tu n’as pas à te sentir responsable pour ce qui s’est passé à la mine. C’est moi qui aie choisi de venir, c’est moi qui aie mis ma vie et celle de notre enfant en danger. S’il y a bien une responsable de mon état de santé actuelle, c’est moi. Et si c'était à refaire je n'hésiterai pas une seconde.

Décollant son dos du dossier du fauteuil, Jena se pencha légèrement en avant et caressa de son autre main la joue de son époux avant de l’embrasser. Bon sang que cela lui avait manqué depuis trois jours. Pour la peine elle avait encore envie de le bouder. Mais elle n’avait plus le cœur à lui faire de la peine. Elle l’aimait trop pour ça. Reportant son regard vers le jardin, Jena poussa un léger soupir. Elle savait bien que son époux allait devoir partir, mais cette fois plus que les précédentes, elle aurait du mal à le voir s’en aller. Mais avant cela, elle devait au moins s’excuser pour cette affreuse façon qu’elle avait eut de lui dire bonjour ce matin.

- Je suis désolée moi aussi. Tu sais je passe mes journées à ne rien faire d’autre qu’imaginer ce qui se passe ailleurs, loin de ce fauteuil et de cette terrasse. Je ne voulais pas te blesser en te demandant cela….mais c’est vrai que…. que l’idée m’a traversé l’esprit, murmura-t-elle en plongeant son regard à nouveau dans celui d’Hanegard.

Elle se trouvait maintenant stupide d’avoir ainsi doutée de la fidélité de son mari. Elle savait pourtant bien à quel point leur amour était fort. Mais cette fichue solitude….il fallait qu’elle trouve quelque chose, une activité qui lui occuperait l’esprit…

- J’aimerai tellement que tu ne sois qu’à moi de temps en temps, déclara-t-elle en lui souriant à nouveau.

Jena se leva et s’approcha de son époux pour s’asseoir sur ses genoux. Elle voulait encore un peu profiter de sa présence, parce qu’elle pensait toujours ce qu’elle avait dit plus tôt. Une fois qu’il serait partit, elle n’espérait pas le revoir avant trois jours. Ses poumons lui piquaient légèrement, annonciateur d’une petite crise de toux qui ne se fit pas attendre. Une fois passée, la jeune femme se tourna toute souriante vers Hanegard.

- As-tu quelques minutes à m’accorder ? J’aimerai faire quelques pas dans le jardin.

S’il devait partir, elle attendrait que Clarys se manifeste pour aller se balader…bien qu’elle n’espérait pas la voir avant la moitié de la journée.

Les sourires de Jena, cette petite mine mutine, cela avait toujours le don de lui mettre les genoux en compote. Surprenant n’est-ce-pas ? Hanegard s’était tenu face aux armées drows à Beremas sans souiller son pantalon, et même s’il n’en menait pas large outre mesure, à aucun moment sa main n’avait faibli ni sa jambe tremblée. Et là, un sourire, hop il perdait tous ses moyens…

Après ça vous vous demandez encore qui dirige le monde ? Bande de naïfs !

Après une nouvelle quinte de toux, inquiétant, cela ne passait pas, Hanegard enlaça sa femme et lui murmura à l’oreille, en réponse à son interrogation.

Quelques minutes et même plus, j’ai pris mes dispositions pour passer ma journée avec toi.

Que la paperasserie aille au diable, il avait une femme malade et triste, les priorités ca existe, y compris dans la vie d’un régent.

Allons marcher un peu, puis nous déjeunerons et… tu auras une surprise.

Main dans la main, les deux époux se baladèrent sous les arcades végétales du petit jardin privé, Jena harcelant son époux de questions quand à son cadeau, questions auxquelles il refusa obstinément de répondre, affichant juste un grand sourire taquin. De fait, ils abrégèrent quelque peu leur promenade, la jeune femme attendant apparemment avec impatience la suite qui venait enfin briser la monotonie de ses journées.

Une fois assis à la table qui avait été placée devant la grande fenêtre de leurs appartements et où des serviteurs installaient le petit déjeuner, le régent fit un petit signe à une chambrière qui revint bien vite en portant une boîte où l’on pouvait voir des trous percés sur une face… face que le régent prit garde de ne pas montrer à Jena, où serait la surprise sinon ? Bon, il avait dis après manger, mais faire languir Jena plus longtemps n’aurait plus été de la taquinerie mais de la cruauté. Posant la boîte sur la table, il en souleva donc le couvercle.

Maoww ? fit le chaton en fixant sa maîtresse de ses grands yeux curieux.

Choisir deux prénoms était la meilleure solution. Il était impossible de prévoir s’il s’agirait d’une fille ou d’un garçon et elle ne voulait pas se baser sur les prédictions des vieilles commères. Celles-ci avaient un nombre de méthode incalculable pour savoir de quel sexe serait l’enfant. Toutes ses techniques étaient bien évidemment infaillibles et la plupart du temps elles se contredisaient complètement ! Donc autant choisir par sécurité un prénom pour une fille et un autre pour un garçon. Ainsi ils seraient parés à toutes les éventualités, à moins qu’elle soit enceinte de jumeaux, de triplés ou pire ! Mais non, non et non ! Un seul pour commencer se serait bien suffisant !
L’idée d’Hanegard concernant les prénoms de ses parents étaient plutôt bonnes, restait juste à savoir quel genre de prénoms ils avaient. Un truc du genre Groulak le grand ne serait pas du tout, mais alors pas du tout apprécié par la jeune maman !

- Et bien je ne m’oppose pas à cette tradition, du moment que le prénom me plaise aussi ! Oh, on pourrait choisir un nom dans ta famille et un dans la mienne, comme ça il n’y aura pas de jaloux ! dit-elle en souriant.

Plus Jena pensait à ce Groulak, plus elle regrettait d’avoir été d’accord mais son sourire n’en montrait rien. Elle voulait faire plaisir à son époux, mais pas au point de donner un prénom…euh…ridicule, oui c’est tout à fait le terme, à son enfant.
Réfléchissant à son côté de la famille il n’y avait pas de prénom qui lui plaisait particulièrement et pour elle, il était hors de question que son fils porte le prénom de son père à elle ! Les rancunes de famille ont la vie dure…et longue surtout. Le prénom de sa mère n’était pas extraordinaire non plus. Lois serait, certes ravie d’avoir un neveu portant le même prénom mais Jena fit un signe négatif de la tête. Dans ses réflexions elle en oubliait même qu’elle ne parlait pas à voix haute et que donc son époux ne savait pas ce qui se passait dans sa tête.

Soudain son visage s’éclaira puis s’obscurcit à nouveau. Il y avait bien sur le prénom de sa sœur…sa chère sœur…que toute sa famille devait s’évertuer à croire morte… Cela aurait fait un prénom parfait pour sa fille. Si c’était une fille. Mais elle ne dit pas un mot. Hanegard avait peut-être aussi une idée pour un prénom féminin. Elle ne savait pas grand chose de sa vie avant son arrivé à Alonna, seulement l’histoire de sa première femme… Il ne lui avait jamais parlé de ses parents, s’il avait eut un frère, une sœur…
Maintenant qu’il n’était qu’à elle pour la journée, ils auraient peut-être le temps d’en parler un peu.

- Tu sais si c’est une fille….on pourrait l’appeler Liliana. C’est un très beau prénom et il est important pour toi.

Il s’agissait certes du prénom de la première femme qu’il ait aimé et cela aurait pu contrarié Jena, la rendre jalouse ou même lui faire de la peine. Elle savait surtout qu’Hanegard n’aurait probablement jamais pris l’initiative de lui proposer ce prénom. Il devait craindre que le jeune femme le prenne mal. Mais là c’était elle qui le proposait et le sourire qu’elle lui adressait pouvait rassurer son époux. Ce prénom avait autant d’histoire pour lui, que celui de sa sœur pour elle.

Visiblement son idée fut appréciée par son époux. Il l’enlaça tendrement et cela lui suffit pour la faire sourire d’autant plus. Ce n’était pas un cadeau qu’elle lui faisait, elle aimait ce prénom réellement. Bien sur elle savait que ce prénom avait une histoire particulière et elle aurait très bien comprit qu’Hanegard ne veuille pas l’entendre et encore moins le donner à la fille qu’il aurait peu être. Pourtant il semblait en paix, réconcilié avec le souvenir de sa défunte femme.
Alors qu’Hanegard réfléchissait au prénom pour un garçon, Jena ne put retenir une grimace en entendant la première proposition…il était hors de question que….NON NON et NON….Beurk…
Le sourire amusé que lui adressa son époux la rassura plus qu’il n’aurait pu l'imaginer.
Les propositions qui suivirent furent beaucoup plus acceptable. Lois…oui elle y avait également pensé mais cela la gênait. Son frère Lois était mort…personne ne le savait en dehors de sa famille. Elle s’était toujours sentie coupable de ce qui était arrivé à la suite de cette tragédie. Le poids de ce secret n’avait jamais quitté ses épaules, bien qu’il se soit allégé depuis qu’elle vivait avec Hanegard. Cependant ce sentiment revint la frapper violemment, lui faisant baisser les yeux pour éviter le regard de son époux.

- Lois…oui…

Elle n’aimait pas le laisser en dehors des confidences. Il était maintenant sa famille, au même titre que sa mère et son père, il avait donc le droit de savoir. Et puis cela pourrait peut-être réduire le poids de sa culpabilité.

- Lois est mort, murmura-t-elle.

Cette phrase seule disait tout et rien à la fois. Lois était venu quelques semaines plus tôt…Hanegard n’aurait sûrement pas cru possible que Jena lui cache la mort ressente de son frère et surtout, qu’elle n’en soit pas affectée outre mesure.

- Il y a des années, continua-t-elle en gardant les yeux baissés perdus dans ses souvenirs, nous étions enfants…et une après midi nous avions joué dehors malgré la pluie battante. Je ne voulais pas rentrer parce que mon père ne cessait de me dire de me tenir convenablement et moi je n’avais envie que de m’amuser avec mon frère et ma sœur. Bien sur ils m’ont suivi et le soir nous sommes revenus trempés. Nous sommes tous tombés malade. Une semaine après, un rhume de poitrine a emporté mon petit frère Lois.

Jena marqua une pause durant laquelle elle releva les yeux vers son époux. Ce qu’elle racontait ne devait pas avoir beaucoup de sens puisque moins d’un mois plus tôt elle lui avait présenté son frère, puisque son frère lui avait donné le bras pour la conduire à l’autel le jour de son mariage…pourtant…

- Mon père n’avait qu’un fils et…et il ne pouvait pas imaginer le perdre. Pas après tout l’argent qu’il avait dépensé pour payer une formation militaire à Lois… J’étais trop grande et il m’avait trouvé une place chez une noble en voyage dans la région. Il s’est donc tourné vers ma sœur, Néna…il l’a forcé à se déguiser et à prendre la place de Lois…

Ah qu’elle haïssait son père pour cela. Elle ne lui pardonnerait jamais ce qu’il avait fait à sa sœur, sa si belle petite sœur. Elle était tellement parfaite, amusante, douce et si belle…elle aurait pu trouver un merveilleux mari, elle aurait pu être aussi heureuse que Jena en cet instant….mais elle en était privée tant qu’elle continuerait à se faire passer pour Lois. Mais que pouvait-elle faire d’autre ? Si la supercherie était découverte Néna et son père finirait en prison…voir même exécutés…

Levant la tête, Jena poussa un long soupir…là elle se sentait mieux, d’ailleurs elle arrivait même à sourire légèrement à son époux.

Jena eut un sourire amusé en entendant les paroles de son époux. Qui aurait pu se douter que Lois était en fait une femme ? Evidemment s’il avait été au courant plus tôt, il aurait sûrement remarqué quelques petites choses, mais il ne fallait pas que cela se sache cart moins de personne serait au courant, plus ce secret avait des chances de rester un secret. Plantant son regard dans celui d’Hanegard, Jena lui adressa un sourire avant de lui dire qu’il valait mieux ne pas dire à Lois qu’il était au courant. Son frère, enfin sa sœur….oui bon pour faire simple nous dirons ‘son frère’, n’aurait pas été ravi d’apprendre que Jena avait mis une nouvelle personne dans la confidence. Même s’il s’agissait de son mari.

La phrase d’Hanegard concernant la non invitation de son père au mariage, fit perdre tout sourire à la jeune femme. Il est vrai qu’elle éprouvait contre son père une rancune tenace. Il avait gâché la vie de sa sœur, il l’avait éloigné au moment où Néna avait eut le plus besoin d’elle…il avait tout fait pour que sa petite sœur ne puisse se rebeller. Il connaissait le tempérament de Jena et il était persuadé, à juste titre, que la jeune femme aurait fini par convaincre Néna de ne pas se laisser faire. Mais maintenant, après cinq longues années, il y avait eut trop de mensonges, trop de choses avaient été faites, empêchant Néna de revenir en arrière. Elle avait prit l’identité d’une personne, d’un homme qui plus est, elle avait reçu une formation militaire et maintenant elle était gradée… si cette supercherie était découverte elle pouvait être passible de la peine de mort…

- Effectivement, cela explique assez bien pourquoi je déteste mon père.

Baissant les yeux, Jena vit Milla qui s’approchait craintivement du régent. Sa maîtresse étant assise sur les genoux de l’effrayant monsieur, le chaton se mit à miauler pour attirer l’attention de celle-ci. Il était décidé à ne pas faire un pas de plus et la jeune femme, amusée, finit par quitter les bras de son époux pour s’approcher de son chaton. Ce fut juste à ce moment là qu’un serviteur entra avec précipitation. Il tenait une missive, apparemment importante et Jena se détourna un moment pour s’occuper de Milla. Son époux ne pouvait pas quitter ses fonctions une journée sans recevoir une quelconque missive soit disant urgente et elle le comprenait. De toute façon elle était déjà bien heureuse de l’avoir eut en face pour manger….les arbres du jardin sont peu causant !

Prenant le chaton dans le creux de son bras, Jena se releva et s’approcha de son époux en gratouillant le ventre de minou. Ravi de voir que l’on s’occupait ainsi de lui, il se mit à ronronner bruyamment.
A la mine inquiète de son époux, Jena comprit immédiatement qu’il y avait quelque chose de grave.

- Que se passe-t-il ? demanda-t-elle inquiète à son tour.

Hanegard ne se fit pas prier davantage pour lui révéler le contenu de cette missive. Tout n’était pas très clair pour elle mais elle y comprit l’idée générale…une nouvelle guerre…Cela ne les concernait pas pour le moment mais…son esprit était encore marqué par toutes les horreurs qu’avaient connus le royaume humain ces dernières années. Alonna avait déjà été la cible des drows… et puis il y avait eut la guerre civile… Jena frissonna en se remémorant toutes les monstruosités qu’elle avait vues…
Cependant, la jeune femme releva brusquement la tête. Lui disait-il tout ?

- Le Seigneur Dyarque demande-t-il de l’aide aux humains ? à toi ? Compléta-t-elle.

Elle ne supporterait pas de le voir partir à la guerre, et sûrement pas quand elle était enceinte. Il était hors de question qu’il s’en aille loin d’elle, qu’elle accouche sans lui et qu’elle le perde dans une nouvelle guerre. Pourquoi les drows étaient-ils aussi casse pieds ? Ne pouvait-ils pas rester tranquillement chez eux à s’occuper de leur problème ?

[Avertissement : ce post est un spécial « anniversaire Jena » et ne respecte donc en rien la norme classique des RP ]

Mesdames Messieurs, bonsoir ! Aujourd’hui, dans « la face cachée de Miradelphia », nous allons nous intéresser à une série qui passionne nombre d’entre vous. Lancée en début d’année, elle enthousiasme, divise parfois, réunie souvent… une série unanimement saluée par la critique : « Les feux de l’amour d’Alonna ».

Une autorisation spéciale nous a été accordée afin que nous puissions assister aux premières loges au tournage d’un épisode… suivez moi… je crois que cela a déjà commencé. Le coiffeur officiel de dame Jena, un chevalier d’Ysari dénommé Nicolaï KalonErc’h, vient de sortir du plateau, signe que la star est désormais prête.

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Une légère brise faisait voleter les longs cheveux de Jena, qui regardait son époux avec inquiétude. Le soleil estival s’était voilé, comme reflétant l’humeur de la jeune femme suite à l’annonce de l’inquiétant contenu de la missive de Dyarque. Une guerre n’est jamais bon signe lorsque l’on est mariée à un militaire de carrière, qui plus est lorsque le mari en question est également le régent d’un territoire frontalier.

Non, Jena, tu n’as pas à t’inquiéter.

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A ce stade, je dois vous faire un rapide résumé des derniers épisodes, car cette saison s’inscrit en relation avec les superproductions drows actuellement sur vos écrans. Comme vous le savez, dans le film désormais culte, « le Puy contre-attaque », les osts sombres ont lancé l’assaut sur Fort Ellyrion. A ce sujet il faut préciser que le troisième film, « le retour de Dyarque », est en projet et que le tournage devrait débuter sous peu.

Quelques semaines avant le début de ce film, Dyarque, seigneur protecteur des elfes, avait envoyé aux barons humains de la frontière une missive leur indiquant l’avancée des osts drows et leur conseillant de préparer leurs propres armées pour le cas où la guerre s’étendrait aux terres humaines. Jena craint donc que son époux ne soit obligé d’aller porter secours aux elfes, la laissant seule alors qu’elle est enceinte de ses œuvres.

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Le régent et sa dame allèrent s’asseoir sur un canapé placé sous une large ombrelle, suivis par un chaton curieux qui hésitait à trop s’approcher du colosse tout en ne désirant pas s’éloigner de sa nouvelle maîtresse.

Enlaçant tendrement l’élue de son cœur, Hanegard entreprit de la rassurer :

Nous n’aurions pas le temps de nous porter au secours des elfes, les armées drows sont trop près du Fort. Dyarque nous prévenait de leur offensive, pour le cas improbable où ces maudites créatures continueraient vers l’Ouest une fois Ellyrion tombé. Mais cela est très peu vraisemblable, ce serait une pure folie de leur part.

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Pour nos téléspectateurs qui suivent assidûment ces deux acteurs, sachez que Hanegard et Jena tournent également des films avec Drow Entertainment, et qu’on les voit apparaître dans la trilogie de la guerre des Forts.

Portons un coup d’œil rapide au décor avant de revenir aux acteurs… la citadelle d’Alonna est admirablement bien reconstituée dans ces studios. On se croirait réellement au cœur de la puissante forteresse, le plateau des jardins a été le lieu de toutes les attentions des décorateurs.

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Une pure folie en effet. Même les armées drows au grand complet ne pourraient tenir contre une alliance des elfes et des humains. Le royaume pouvait s’il le fallait mobiliser des centaines de milliers d’hommes, et même les nains ne resteraient peut être pas inactifs dans le cas où les forces du Puy d’Elda chercheraient à provoquer une guerre généralisée. Toutefois, les drows n’étaient pas connus pour faire preuve de bon sens lorsque leur haine parlait.

D’un geste, Hanegard fit signe à un serviteur qui attendait de l’autre côté du jardin de s’approcher.

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Nos équipes ont interviewé le figurant qui tenait le rôle du serviteur dans cet épisode afin d’en savoir plus sur ce qu’était un tournage auprès de ces deux stars. Il nous a expliqué que si Hanegard se révélait un gaillard plutôt austère et à l’abord parfois difficile, Jena était une jeune femme « charmante et adorable » selon ses propres dires. Nous tenterons d’ailleurs de vous procurer une interview spéciale de la star dans un prochain numéro.

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Prévenez Sargril de réunir un conseil de guerre pour ce soir.
A vos ordres.

Le serviteur fit demi tour pour aller porter le message du régent à son ancien second du temps où Hanegard commandait encore les légions noires de Serramire, et qui était désormais devenu son chef d’état major. Sargril avait obstinément refusé d’être promu aux grades supérieurs, estimant que les galons pressaient la tête et en faisait sortir le bon sens. Amusé, Hanegard avait donc accepté de laisser un simple capitaine diriger l’état major… et il devait admettre que Sargril y réussissait admirablement bien.

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Il faut noter que la production avait cherché un acteur déjà celèbre pour tenir le rôle de Sargril, mais ce projet n’a pas abouti, permettant peut être ainsi à des inconnus de tenir un rôle important dans la série.

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Se préoccupant de nouveau de sa femme, toujours lovée au creux de ses bras, il lui déposa un baiser sur le front, un autre sur le nez, le suivant sur la bouche, et pendant quelques minutes les deux époux furent trop occupés pour penser encore à la guerre et à cette sourde menace qui bruissait dans la lointaine Aduram. Lorsqu’ils eurent repris leur souffle, Hanegard murmura :

Les drows ne viendront sans doute pas jusqu’ici, toutefois je dois me montrer prudent.

Mais la matinée n’était qu’entamée, et le régent comptait bien passer la suite de sa journée auprès de sa dame. Il l’avait quelque peu délaissée ces derniers jours, affectant involontairement son humeur, la rendant triste et morose… non, il n’allait pas la laisser seule encore aujourd’hui.

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Cet épisode se termine sur cette scène, merci de nous avoir suivi, et à bientôt pour une nouvelle émission de « la face cachée de Miradelphia » !

/HRP/ Merci pour ce post spécial ! /


Les horreurs des guerres récentes frappèrent Jena brutalement. Une sorte paralysie venait de la gagner. Ses yeux fixaient un point invisible, la jeune femme voyait défiler toutes sortes d’images qu’elle avait tenté d’oublier. Des cadavres mutilés, des villages brûlés et les cris….déchirant…
Servir Dame Camillia lui avait au moins permis d’échapper à la mort. Elle lui avait assuré une protection non négligeable. Sans elle, Jena n’aurait pu traverser les comtés pour se mettre en sécurité lors du raid drow à Alonna. A cette époque les Barons et les Marquis fermaient leur frontière, ne laissant nulle âme passer. Sauf les plus influentes.
Et dire que Hanegard s’était trouvé là bas, qu’il avait combattu…Il avait du voir bien plus d’horreur qu’elle.
Relevant les yeux vers son époux, Jena sentit une fine larme couler sur sa joue. Cette nouvelle la bouleversait plus qu’elle ne l’aurait cru. Elle avait pensé naïvement que la paix reviendrait définitivement et que rien ne viendrait perturber son bonheur… Mais les drows n’étaient pas le genre de race à apprécier vivre heureux jusqu’à la fin des temps. Leur seule satisfaction n’était-elle pas de voir le sang couler à flot ? C’était à ce le demander.

- Les Drows sont justement connus pour leur folie, leur pure folie… dit-elle sombrement pour répondre à son mari.

Il essayait de la rassurer, mais dans l’état ou elle était, s’était totalement inutile. Le mot GUERRE était imprimé dans son esprit en caractère gras. Elle ne voulait pas voir Hanegard partir loin d’elle, elle refusait même d’envisager la possibilité qu’il aille jusqu’à la frontière pour superviser son armée au cas où il faudrait intervenir.
La dernière fois qu’il était partit loin d’elle alors qu’elle ne cessait de lui dire de rester, il avait fallut qu’elle aille le chercher elle-même au fin fond d’une mine.

Au moment où elle allait à nouveau parler, Clarys surgit de nulle part, passant la porte vitrée à grand pas, les bras chargés. D’un coup d’œil elle repéra le couple et s’approcha. Une révérence pour le régent, un large sourire pour son épouse puis elle ne put se retenir davantage.

- Ca y est Jena ! Elles sont terminées !

A ses mots le visage de Jena s’éclaira légèrement. Visiblement elle savait parfaitement de quoi parler sa demoiselle de compagnie et elle se leva aussitôt pour voir si ce qu’elle disait était vrai. Sa précipitation lui valut une demi-seconde de vertige pendant laquelle elle vit des étoiles s’agiter devant ses yeux, suivit d’une quinte de toux. Lorsqu’elle cessa, Jena évita soigneusement de croiser le regard de son époux, qui ne devait pas masquer son inquiétude.

- C’est vrai ! Montre les moi, s’empressa-t-elle de dire à Clarys afin d’éviter tout commentaire, elle voulait également oublier les terribles nouvelles que venaient de lui donner Hanegard.

La demoiselle de compagnie ne se fit pas prier davantage et posa son tas de tissus sur l’accoudoir du fauteuil. Une par une, elle déplia trois robes qu’elle montra à tour de rôle à la jeune femme. Le tissu était simple mais les broderies le rendaient presque précieux. Voilà donc à quoi Clarys occupait son temps loin d’elle, elle avait des doigts de fée et ces coutures devaient lui avoir prit de nombreuses heures.

- Elles sont magnifiques ! s’exclama Jena. N’est-ce pas chéri ? Regarde celle-ci (robe bleue !), oh, celle-ci aussi est superbe (robe pourpre !)…mais d’entre toute je préfère celle là ! (robe blanche !)

Jena avait prit l’une des robes qu’elle tenait devant elle pour voir l’effet que cela donnerait une fois qu’elle la porterait. Dans un velours bleu nuit, les fils argentés et les dentelles rajoutées par Clarys donnaient à la robe une élégance et un raffinement digne des plus grandes Dames du royaume. La posant, elle fit la même chose avec la robe pourpre et la blanche au reflet de nacre. Un magnifique tissu que celui-ci ! Relevant un visage à nouveau souriant vers son époux visiblement étonné, Jena s’empressa de l’informer davantage et de le rassurer.

- Ce seront mes robes pour les Bals en Ysari. Mais ne t’inquiète pas je n’ai rien dépenser pour ses étoffes, nous avons juste trouvé ce dont nous avions besoin dans les malles de…de Pearla.

Les anciennes affaires de la Baronne recelaient de vrais trésors, notamment le rouleau de tissu blanc nacré qui avait servit pour la dernière robe. Il avait suffit de fouiller un peu les quelques affaires qui étaient restées sous clé. Jena ne se serait jamais permis de dépenser une seule pièce pour se payer le tissu de ses robes. Il était hors de question pour elle que les habitants d’Alonna paye des impôts pour l’habiller. Et puis les étoffes qu’elle avait récupérées étaient en excellent état.

Hanegard voyait bien que Jena demeurait inquiète, malgré sa tentative de la rassurer. Et de fait, une guerre, même lointaine, reste une idée préoccupante. Après la chute de Fort Ellyrion, car à lire le message de Dyarque, cette chute semblait inévitable, qu’allaient faire les drows ? Sans nul doute le seigneur protecteur des elfes se préparait lui aussi à la guerre et les osts du Puy ne passeraient pas aisément à travers l’Aduram… mais si ?

Mais si les elfes étaient vaincus ? Leurs anciens frères semblaient décidés à provoquer l’explication définitive, à régler leur antique querelle une bonne fois pour toutes. Et le régent d’Alonna savait bien que si les elfes tombaient, les drows se tourneraient contre le royaume. Les territoires nains étaient loin au nord, mal placés du point de vue de l’approvisionnement logistique, et Kirgan demeurait quasiment imprenable.

Alors que les riches terres arables d’Alonna, de Serramire et des environs constituaient une proie tentante pour préparer un assaut vers Diantra. Grâce en soit rendue aux dieux, la situation n’était pas rendue à ce point catastrophique… toutefois le régent comptait bien garder un œil attentif sur les événements de l’est… et maintenir son armée en état d’alerte jusqu’à ce que les nouvelles soient plus rassurantes.

Heureusement, Clarys arriva à cet instant pour sortir les deux époux de leur mélancolie en venant présenter à Jena les robes qui serviraient lors du grand bal d’Ysari qui s’annonçait. Sa femme avait été enthousiasmée à l’idée de se retrouver ainsi parmi toute la noblesse du royaume, et son époux se réjouissait de la voir ainsi heureuse. Quand aux robes… diantre, elles étaient magnifiques !

Jena expliqua à son époux qu’elles venaient des affaires de l’ancienne baronne, qui avait laissé des rouleaux de tissu jamais utilisés. Les couturières s’en étaient servies pour préparer des robes que Jena porterait à Ysari. Hanegard eut un fin sourire en réalisant que sa femme n’avait pas voulu grever les dépenses du couple régent en achetant de nouvelles étoffes… surtout quand on connaissait le prix qu’en demandait les guildes de tisserands.

Enlaçant tendrement sa belle, il murmura d’une voix douce :

Ces étoffes sont superbes… et toi tu es merveilleuse. Tu seras la reine de ce bal.

La suite de la journée se passa ma foi fort agréablement, à s’occuper des derniers préparatifs du départ de Jena, qui se rendrait à Ysari quelques jours avant son époux afin de pouvoir se reposer.