Le Régent d'Alonna a disparu !

Sujet: Le Régent d'Alonna a disparu ! Dim 21 Nov 2010 - 17:34

Sujet: Re: Le Régent d'Alonna a disparu ! Dim 21 Nov 2010 - 18:57

Bâillement…

Par les cinq dieux, il était moulu ! Rompu ! Épuisé ! Claqué ! Fatigué ! Usé ! Enfin en résumé il n’aspirait qu’à retrouver son lit et s’envoyer douze heures de sommeil d’un coup. La journée avait été épuisante, mais enfin il avait mis un point final à la réorganisation des effectifs des grandes garnisons. Près de cinq cent soldats supplémentaires allaient renforcer la frontière avec Odélian et Serramire, où les troubles continuaient.

Les « hordes » du prophète, si on pouvait appeler hordes les ramassis de brigands et de fanatiques qui avait répondues à l’appel, n’étaient pas de nouveau entrées sur le territoire d’Alonna, à la grande satisfaction du régent. Un village rasé lui paraissait déjà trop. Tout ca pour dire que ca journée s’était passée en réunion avec Sargril et ses conseillers, et qu’épuisé il était rentré dans les appartements conjugaux de bonne heure.

Ainsi donc, lorsque sa chère et tendre rentra à son tour, le régent était au plumard et commençait à somnoler doucement. Il ouvrit les yeux en la voyant, se disant que peut être… la fatigue pourrait le laisser tranquille si… lui et sa femme… profitaient de leur intimité retrouvée. Mais sa chère et tendre avait elle aussi des projets, autrement plus ambitieux. Dégainant sa rapière, elle en menaça son époux et lui ordonna de la suivre sans résister.

Comment résister à l’assaut d’une lame et d’un corps de rêve hein ? Un baiser scella cet enlèvement nocturne, et le régent sauta hors du lit avec une vigueur retrouvée pour aller enfiler une tenue de voyage, sans dorure ni fioriture. Si Jena devait l’enlever, mieux valait éviter qu’un garde ne les reconnaisse. Par mesure de précaution, le régent prit son épée qu‘il rangea dans son sac de voyage… il avait beau être le prisonnier de sa femme, ils seraient cette fois seuls et devaient pouvoir se défendre en cas de besoin.

Une fois que les deux époux furent prêts, ils sortirent discrètement de leur chambre, Jena la rapière toujours à la main. Tant qu’à faire, pourquoi ne pas jouer à ce tendre petit jeu jusqu’au bout hein ? Eviter les gardes en patrouille ne fut pas franchement aisé, mais les deux époux connaissaient le rythme de leurs rondes et ils purent rejoindre les écuries sans être inquiétés. Le palefrenier mis dans la confidence par Jena les attendait avec deux montures sellées.

Les gardes à la porte durent se trouver à la limite de la panique en comprenant ce qui se passait, mais le couple leur ordonna de ne rien dire avant le lendemain. Sargril comprendrait bien ce qui se passait, inutile de réveiller la garnison pour une affaire purement privée. Et c’est ainsi qu’au beau milieu de la nuit, le régent d’Alonna et sa charmante ravisseuse quittèrent la citadelle et s’enfoncèrent au grand galop dans les ténèbres.

Sujet: Re: Le Régent d'Alonna a disparu ! Mar 23 Nov 2010 - 17:55

Une fois les murs de la citadelle loin derrière eux, Jena autorisa à sa monture une allure plus lente. Un grand sourire aux lèvres elle se tourna vers son époux. Jamais elle n’aurait imaginé qu’un jour il se retrouverait ainsi ! Fuir Alonna au beau milieu de la nuit était dès plus excitant ! En clair, Jena s’amusait comme une folle ! Bien sur elle ne s’était jamais retrouvé dehors la nuit avec une si petite escorte, mais à lui tout seul Hanegard valait bien une dizaine de garde alors elle n’avait aucune crainte. Sa seule petite inquiétude concernait sa fille. Elle culpabilisait de la laisser si tôt toute seule mais elle avait vraiment besoin de retrouver son mari, loin de la citadelle. Et puis elle ne serait pas longue, demain, voir après demain ils seraient de retour. Pas de quoi paniquer !

En silence, le couple parcourut une bonne distance en suivant la grande route, tantôt galopant, tantôt marchant à côté de leur monture, ils se retrouvaient enfin. La route traversait une petite forêt de chêne et de sapin, la rivière longée la route et le bruit de l’eau les suivait tout le long de leur voyage. Hanegard repéra vite un passage sous le couvert des arbres et le couple s’enfonça dans la forêt. Après plusieurs heures de route ils étaient courbaturés et fatigués, aussi l’homme de la situation chercha un petit coin tranquille pour qu’ils puissent mettre pied à terre. Une charmante petite clairière les accueillit et pendant que Hanegard scrutait l’obscurité, Jena s’occupa d’enlever les selles aux chevaux. Lorsqu’elle se tourna vers son époux, elle éclata de rire en voyant la mine sérieuse qu’il affichait. Elle s’approcha de lui et passa ses bras autour de son cou.

- Je suis heureuse que tu sois venue ! Toute seule ça aurait été moins drôle.

Riant toujours, Jena embrassa tendrement son époux avant de lever les yeux au ciel. Le bout de ciel qu’ils pouvaient voir était parsemé d’étoiles et la jeune femme fut ravie de pouvoir les contempler ailleurs que depuis la fenêtre de sa chambre. Cette escapade nocturne était à tout point de vue merveilleuse. Il n’y avait plus que Hanegard et Jena, plus de couple régent, plus de citadelle, plus de conseiller. Juste lui et elle. Un pur bonheur après les semaines qu’ils venaient de passer !

- Viens allons à la rivière, tu as le visage couvert de poussière et je ne dois pas être mieux !

Prenant la main d’Hanegard, la jeune femme l’entraîna à sa suite, suivant le bruit de l’eau. Ils retournèrent sous le couvert des arbres, après quelques pas ils virent la rivière dont l’eau sombre et sinueuse filait lentement. Jena se prit les pieds dans une racine mais se rattrapa de justesse en riant de sa gaucherie. Cette aventure l’amusait et elle comptait bien en profiter au maximum. Mais d’abord elle voulait retirer la couche de sueur et de poussière de son visage et boire un peu aussi. Heureusement qu’elle avait eut la présence d’esprit de natter ses cheveux avant de partir … Vous vous imaginez devoir démêler cette tignasse ? Non merci autant tout couper !

Sujet: Re: Le Régent d'Alonna a disparu ! Mer 24 Nov 2010 - 8:04

Ils chevauchèrent une bonne partie de la journée avant de chercher un endroit ou bivouaquer à la belle étoile, dans une forêt non loin de la route. Hanegard était ravi, il avait l’impression de se retrouver à une autre époque, lorsqu’il n’était pas encore le régent d’Alonna mais un simple mercenaire vendant son bras au plus offrant. Cette sensation de liberté qu’il ne ressentait plus depuis lors le grisait. Et comble du bonheur, il se trouvait avec sa tendre épouse.

Hanegard jeta son dévolu sur une petite clairière, non sans avoir vérifié qu’aucune empreinte de prédateur ne marquait le sol. Mais à part celles d’un renard et d’un cerf, il ne vit rien. Cette forêt ne se trouvait pas suffisamment loin des grandes citées de la baronnie pour constituer un écosystème isolé et les nobles devaient chaque automne en faire leur terrain de chasse. Impossible dès lors pour les loups qui rôdaient plus au Nord de s’y installer.

Ils riaient tout deux de l’enlèvement, imaginant la tête qu’allait faire Sargril et les principaux notables qui suivaient leurs mouvements chaque jour, avides de se gagner les bonnes grâces du couple régent. Ici, ils étaient seuls, seuls avec leur amour. Et l’un comme l’autre comptaient bien profiter de ces moments magiques où ils n’étaient plus le couple régent d’Alonna mais simplement deux époux aimants.

La jeune femme proposa d’aller se rafraichir à la rivière qui coulait non loin, proposition bienvenue car une journée à cheval recouvre le corps d’une couche de poussière peu agréable. Laissant leurs paquetages, Hanegard gardant juste une dague à sa ceinture au cas où, ils s’agenouillèrent près de ce qui était en fait un petit torrent de montagne, formant là une petite cuvette qui au point le plus profond ne leur serait guère qu’arrivé à la taille.

Ôtant sa tunique, le régent se mit en devoir de se débarbouiller à l’eau glacée. Brrr… glaciale cette eau malgré que l’on soit en été, elle venait vraiment directement des montagnes. Les bains bien chauds d’Alonna l’avaient ramolli, voilà ce que c’est que de vivre dans le luxe. Se tournant vers Jena, il lui dit d’un ton intéressé :

Ma chérie, pour ôter toute cette poussière, je te conseille de prendre un bain. Je t’assure que c’est très vivifiant.

Sujet: Re: Le Régent d'Alonna a disparu ! Mer 24 Nov 2010 - 12:58

Agenouillée près de la rivière, Jena prit au creux de ses mains un peu d’eau qu’elle but avec délice. La poussière du trajet avait asséché sa gorge et l’eau fraîche lui fit un bien fou. En dehors de ses petits désagréments futiles, elle adorait cette fuite ! Son chéri était tout à elle et elle avait presque l’impression d’avoir une vie de couple tout à fait banale. Loin du rôle de couple régent d’Alonna, loin du protocole, loin des notables, loin de tout ce qui faisait leur quotidien !
Alors qu’elle se tournait vers Hanegard, elle vit celui-ci en train de se dévêtir puis entrer dans l’eau gelée. La jeune femme le regarda avec consternation. A coup sur il sortirait de là avec un rhume, tant pis pour lui. Faisant mine de ne pas l’avoir vu, Jena se passa de l’eau sur le visage et le cou pour se décrasser un peu. Sentir seulement les fines gouttes d’eau glacées dégouliner le long de ses coudes la faisait frissonner. Hors de question qu’elle mette un pied dans cette rivière. Sauf qu’il lui proposait de la rejoindre…Certes, dans une eau un peu plus chaude cette proposition aurait été des plus alléchantes à coup sur, et elle n’aurait pas hésité une seconde à prendre un bain nocturne avec lui….mais là….

- Mais elle est gelée….

Protesta-t-elle

Ah non ne me fait pas ses yeux là. Je ne mettrais pas les pieds là dedans.

Mais sa certitude se mit à fondre comme neige au soleil. Hanegard était très fort lorsqu’il s’agissait de la faire plier, seulement en la regardant. Après tout, c’était elle qui avait voulu partir à l’aventure avec lui et voilà qu’elle faisait maintenant la fine bouche parce que l’eau de cette rivière était trop froide. Bon un peu de courage, ce ne devait pas être si terrible que ça. Et puis Hanegard s’amusait visiblement de la voir hésiter, au point de la défier du regard. Bon s’il la prenait par sa fierté elle irait dans cette fichue rivière.

- Bon d’accord….mais si je suis malade après ce sera ta faute !

La jeune femme se redressa, retira ses bottes et plongea un orteil. Brrr….Elle était vraiment très froide… Mais elle n’était pas du genre à se démonter et puis le corps musclé de son époux était un puissant aimant ! Otant son corset et son pantalon, Jena resta une minute de plus hésitante et finalement elle retira sa chemise blanche. Un pied dans l’eau, deux….et puis le genoux….la cuisse…. Ahhh que c’était froid… Elle ne put retenir un petit cri de souris lorsqu’elle s’avança un peu plus.
Les derniers pas qui la séparaient encore de Hanegard furent les plus durs. L’eau vint caresser son nombril et la fit frissonner davantage. Elle gardait les bras serraient contre sa poitrine, comme si elle avait peur de les plonger dans l’eau. Comme elle regrettait les bains d’Alonna….même tiède s’était un pur bonheur comparait à cette eau gelée.

- Oh par les dieux….qu’elle est froide…. Et toi tu te baignes là dedans comme si c’était un bon bain chaud…

Jena adressa un large sourire à son époux. Voyant son air amusé, elle devina tout de suite l’idée ODIEUSE qui était en train de germer dans son esprit. Elle le connaissait trop bien, pour ignorer ce petit sourire qui précédait ses attaques. Sans attendre, elle envoya la première gerbe d’eau gelée. Eclatant de rire, elle tenta de regagner la berge le plus vite possible avant de se faire arroser à son tour, mais bon fallait reconnaître qu’elle avait très peu de chance de s’en sortir avec un seul cheveu de sec.

Sujet: Re: Le Régent d'Alonna a disparu ! Mer 24 Nov 2010 - 14:16

Allons ma jolie Jena, viens me voir. Oui c’est froid, je sais… mais tu as un gentil mari pour te réchauffer, alors un petit effort. Ah, elle est bien bloquée là, elle n’a pas d’autres choix que de se déshabiller (ce qui donna une fort jolie vue à Hanegard au demeurant…) et de rentrer dans l’eau glacée. Courage, le froid, on s’y habitue, c’est le choc thermique qui est difficile. Probablement qu’en revenant à Alonna elle prendrait un interminable bain bien chaud pour se remettre.

Le régent lui s’était réhabitué à la température de l’eau, et prévoyait déjà de taquiner Jena en l’aidant à plonger plus vite sous l’eau, mais la belle avait deviné ses intentions et elle porta la première attaque en l’aspergeant d’abondance avant de filer en riant vers la berge. Peine perdue car son époux se propulsa en s’appuyant sur un rocher qui dépassait et la ceintura, l’entrainant sous l’eau.

Ils refirent surface en riant au milieu d’une gerbe d’eau, s’éclaboussant l’un l’autre et tentant de se faire boire la tasse. Voilà bien le genre de petit jeu qui leur était interdit à Alonna… une pensée fugitive traversa l’esprit d’Hanegard qui se demanda s’il pourrait faire installer dans leur appartements une grande baignoire de la taille de ce bassin naturel. L’idée de s’y « amuser » avec sa femme était fort tentante, avec en plus leur grand lit dans la pièce à côté… c’était une idée à creuser.

Peut être en faisant sauter les appartements à côté des leurs afin d’agrandir la salle de bain. Après tout, pourquoi ne pas profiter d’être régent pour adapter ses appartements à sa convenance, hein ? En tout cas, les deux époux furent bien vite propres de la poussière de la route, et l’énergie mise dans leur arrosage mutuelle leur fit oublier la température glaciale de l’eau.

Lorsqu’ils sortirent de l’eau, Hanegard réunit rapidement de quoi faire un feu avec le bois mort tombé au pied des grands arbres. N’ayant pas de quoi se sécher, ils allaient devoir laisser faire la chaleur des flammes, ce dont ni l’un ni l’autre ne se plaignaient. Bien rapidement ils se retrouvèrent allongés à côté de la joyeuse flambée, nus sous les étoiles. Amoureusement enlacés et échangeant de tendres baisers, ils savouraient leur liberté retrouvée.

Sujet: Re: Le Régent d'Alonna a disparu ! Mer 24 Nov 2010 - 16:00

Un moment amusant mais glacial suivit la première salve tirée par Jena. Comme attendu, la jeune femme se retrouva bien vite la tête sous l’eau, ou à lutter contre Hanegard à grande giclée d’eau. Essoufflée, elle abdiqua bien vite. Elle ne s’était pas vraiment habituée à l’eau froide et ce fut un réel soulagement lorsque son chéri la laissa quitter la rivière. Elle frissonnait de la tête aux pieds pendant qu’il s’activait à ramasser du bois pour faire un feu. Jena n’eut même pas l’idée de l’aider, elle préférait restée un peu en retrait pour admirer la vue qu’il lui offrait. Bientôt de belles flammes dévorèrent le bois sec et le couple put s’allonger non loin pour se réchauffer et se câliner en même temps.
Quel bonheur de se retrouver dans ses bras, loin de tout. Elle avait rêvé de ce moment depuis si longtemps, avant même qu’elle soit enceinte ! Alors imaginait combien la jeune femme était heureuse.

Elle observait les étoiles depuis un petit moment, lorsque Hanegard, tirait de ses propres pensées, fit se balader ses mains sur son corps. Jena tourna sa tête vers lui et lui sourit tendrement avant de se redresser. Elle avait encore un peu froid et même si les idées que nourrissaient son époux auraient pu les réchauffer, pour l’heure, elle avait encore envie de savourer un peu ce moment avant d’entamer un autre combat. Tout aussi charmant.
Sa grossesse lui avait fait prendre conscience qu’il fallait qu’elle prenne plus le temps de savourer les choses. A courir à droite et à gauche, elle n’avait jamais vraiment profité des moments qu’elle passait avec son époux, ou avec d’autres personnes chères à son cœur. Devoir rester assise sur un fauteuil plusieurs semaines lui avait appris la patience et surtout à voir les choses différemment.

Serrant ses genoux dans ses bras, Jena laissa son regard se perdre dans les flammes.

- Chéri…Je suis tellement heureuse d’être ici…

Oui, vous avez bien entendu ce petit soupir… Celui qui change tout au sens de cette phrase… Celui qui signale à celui qui l’entend que quelque chose ne va pas. Si nous passons sous silence toutes les petites choses physiques qui ne vont pas (à savoir le froid, le corps épuisé par la chevauchée, les seins douloureux …), pour nous attarder sur les problèmes plus intérieur de la jeune femme, vous vous rendrez compte qu’une mère culpabilise énormément lorsqu’elle laisse derrière elle un enfant en bas âge…

- Mais je m’en veux tellement…

Là aussi nouveau soupir… Aïe, là c’est que le mal être est plus profond qu’elle ne l’avait pensé. Elle s’obstinait à ne regarder que les flammes danser devant elle. Un regard vers Hanegard et elle aurait perdu tout courage d’aller jusqu’au bout de sa pensée.

- J’ai l’impression d’être plus heureuse dans cette vie que nous menons depuis à peine une journée …que dans celle que je vis tous les jours à Alonna…

Ah, ben là pour le coup, même elle, elle ne l’avait pas vu venir. Comme quoi les psychanalystes ont raison de dire qu’il faut toujours réfléchir aux problèmes à haute voix… C’est parfois la meilleure façon de faire parler son cœur plutôt que sa tête. Mais bien sur, elle était heureuse aussi à Alonna, elle était heureuse d’avoir une fille et d’être mariée à un homme comme Hanegard… Mais elle aimait tant cette vie au grand air, sans personne d’autre que eux… Etait-ce mal de penser une chose pareille ?

Sujet: Re: Le Régent d'Alonna a disparu ! Jeu 25 Nov 2010 - 10:08

Le silence se fit, juste brisé par le glouglou de l’eau et… et je sais que glouglou n’est pas un terme qui me fera rentrer à l’académie française mais tant pis… le glouglou de l’eau donc, qui ponctuait les réflexions et méditations des deux époux. Le petit coup de déprime de Jena semblait avoir jeté un froid, chacun réfléchissant à ce que serait leur vie dans d’autres circonstances. Les yeux dans le vague, Hanegard murmura :

Tu sais… je dois admettre que moi aussi parfois je regrette la liberté d’antan, avant que le roi ne me nomme régent, à une époque où je n’avais ni frontière ni obligations. Mais, ajouta t’il dans un baiser, aussi une époque où je ne te connaissais pas, et je bénis les dieux chaque jour de t’avoir rencontré.

Et oui, car si Hanegard n’avait pas été nommé régent, Dame Camillia n’aurait pas envoyé Jena dans son lit et nos deux héros ne seraient pas tombé amoureux. Et ils ne seraient pas les heureux parents de l’adorable petite Liliana. Alors ne déprimons pas. Se relevant, le régent attrapa ses vêtements, passa les siens à Jena et se rhabilla. Son estomac commençait à gronder doucement et certains fauves doivent être nourris avant d’en libérer d’autres.

Ayant éteint le feu, ils retournèrent dans la clairière où paissaient leurs chevaux et y installèrent leur campement. Un nouveau brasier, les couvertures, leurs selles comme oreillers, les grands pins pour couper le vent… un endroit idyllique pour des amoureux. Par mesures de précautions, ils placèrent leurs dagues sous les selles afin de pouvoir les saisir rapidement en cas de problèmes. Peu de bandits hantaient la région, mais depuis le Voile plus rien n’était sur.

Dire que la nuit précédente ils quittaient la forteresse d’Alonna, et que désormais ils erraient au gré de leurs envies, comme un couple d’aventuriers. Une telle vie ne leur aurait sans doute pas déplu, même si les lits douillets et les pièces bien chauffées de leurs appartements ne devaient pas être dénigrés. Les escapades en pleine nature sont agréable l’été, mais Jena aurait sans doute peu apprécié de faire cela en plein hiver.

Cela rappela au régent la campagne contre Oësgard menée par le Duc Merwyn l’hiver précédent, campagne à laquelle lui-même avait participé dans capitaine dans les légions noires. Le souvenir des congères de neige et des nuits passées blotties contre les autres soldats à lutter contre le froid glacial n’en rendait que plus agréable cette escapade avec sa femme. Que de chemins parcourus depuis lors n’est-ce pas ?

Fouillant dans ses sacoches de selle, le régent en sortit du lard pris aux cuisines avant leur départ qu’il mit à griller sur le feu de bois. Dommage qu’il n’ait pas eu le temps de tendre des collets, un lapin bien savoureux aurait été délicieux. Mais ils ne resteraient pas si longtemps loin de chez eux, et la nuit suivante aurait plus de chances de se passer dans une taverne qu’en pleine nature.

Sujet: Re: Le Régent d'Alonna a disparu ! Dim 28 Nov 2010 - 19:59

Un tendre sourire vint illuminer son visage. Hanegard avait raison, ils avaient tellement de chance de s’être rencontrés, d’avoir une vie si agréable, une fille si merveilleuse….pourquoi se plaindre ? D’autres n’avaient pas la moitié de leur chance. Elle faillit rajouter quelque chose, mais elle se retint et attrapa les vêtements qu’il lui tendit. Lentement elle se rhabilla pendant qu’il regagnait la petite clairière. Jena resta un instant seule, elle voulait soulager sa poitrine douloureuse et pour ça, elle n’avait franchement pas besoin de la présence de son époux. Lorsqu’elle eut terminée, elle le rejoignit pendant qu’il installait leur petit camp. Un nouveau feu diffusait une agréable chaleur et Jena n’attendit pas davantage pour se rapprocher de ses flammes. En souriant elle regarda Hanegard sortir de quoi manger. Un homme a faim tout le temps c’est bien connu, elle s’installa alors près de lui en attendant qu’il ait terminé de manger. De son côté elle picora tout juste son petit bout de viande. Le trajet l’avait un peu trop secoué pour qu’elle ait encore faim.

Se calant contre l’épaule d’Hanegard, la jeune femme ferma un instant les yeux, appréciant le moment. Elle entendait les bruits familiers des forêts, le crépitement du feu…et la mastication de son époux. Ne pouvant se retenir Jena éclata de rire en se tournant vers celui qui troublait son petit moment de bonheur.

- Quel ours tu fais ! Je suis sure qu’on t’entend à des lieux d’ici.

Se relevant, Jena se plaça devant son époux et s’installa à califourchon sur celui, toujours en rigolant. Elle passa ses bras autour de son cou et le regard amusé. A ses yeux il était le plus beau des hommes, ses yeux bleus lui faisaient toujours autant d’effet et elle était heureuse que sa fille en ait hérité. Lentement elle fit revenir sa main pour caresser la joue, enfin la barbe surtout et le cou d’Hanegard. La jeune femme céda à son envie en réduisant l’écart qui la séparait encore des lèvres de son mari. Ils échangèrent un long baiser, tendre, passionné… Un vrai baiser comme elle les aimait.

- C’est le moment que je préfère dans les enlèvements, murmura-t-elle avant de l’embrasser à nouveau.

A n’en pas douter, la suite s’annonçait des plus intéressantes. Depuis combien de temps ne s’était pas retrouvée si intimement serrait contre Hanegard ? Des semaines…plus de deux mois même…. Et c’est long deux mois….très long…
Surtout lorsqu’on est jeune, qu’on adore justement ce genre de rapprochement. Mais elle n’allait tout de même pas regretter sa grossesse. Elle était ravie d’être mère, seulement pour le prochain bébé ils attendraient un peu plus. Elle ne supportait pas se sentir incapable de bouger ou même seulement de marcher normalement.

Ses mains glissèrent du cou où elles s’étaient attardées pour caresser les épaules, puis le torse d’Hanegard, pour finir par se glisser sous l’étoffe de sa chemise et rencontrer sa peau chaude et lise. Ses doigts rencontrèrent quelques unes des cicatrices de guerre de son ex capitaine des légions noires. Elle les connaissait toutes par cœur. Elle avait vu chacune d’entre elle, et pour la plupart elle avait eut un récit détaillé sur la raison de leur présence.

Sujet: Re: Le Régent d'Alonna a disparu ! Lun 29 Nov 2010 - 10:01

Hmm… la régente se faisait entreprenante ma foi… ses mains glissant sous la tunique de son époux pour commencer à explorer son corps… voilà qui était fort agréable…

D’ailleurs, puisqu’elle parle de cicatrices, le moment est peut être venu d’en faire l’inventaire non ? Enfin un inventaire non exhaustif, contentons nous des principales.

Sur l’épaule gauche, une balafre marquait le jour ou à Beremas, lors de la victoire remportée par les troupes de Serramire menées par Hanegard, un cimeterre drow avait failli mettre fin à ses jours, se glissant à l’interstice de l’épaulière et de la cuirasse là où seule une cotte de maille protège la peau. La qualité de la lame drow avait percé la cotte et entaillé l’épaule, sans toutefois pouvoir s’enfoncer plus avant car à cet instant le propriétaire du cimeterre s’était retrouvé avec la dague de son adversaire dans le cœur. Le régent en gardait une légère raideur et des douleurs par temps humide.

Une autre cicatrice lui barrait le côté droit du torse le long des côtes. Plus ancienne, il n’en restait qu’une longue balafre blanchâtre. L’auteur de ce beau coup ? Orsk, le chef du village d’Hanegard avant que celui-ci n’en soit banni, l’homme qui avait tué sa première femme. Cette cicatrice venait d’un entraînement « viril » comme les affectionnent les guerriers des clans, cicatrice rendue par Hanegard au centuple quelques jours plus tard puisqu’il avait décapité Orsk suite à l’assassinat de Liliana.

Sur la cuisse gauche, une vilaine entaille demeurait de la fracture ouverte qu’avaient causés les mauvais traitements subis lorsqu’Ilinsar l’avait capturé puis torturé. Suite à son évasion, un prêtre de Néera avait soigné ses blessures, réduisant les dégâts et faisant disparaître les multiples traces de coups qui lui marbraient le corps à cette époque pas si lointaine, mais Hanegard lui avait demandé de ne pas utiliser son art pour effacer sa cicatrice à la cuisse. Cette cicatrice, la seule dont il n’avait jamais voulu expliquer l’origine à sa femme, demeurait pour lui rappeler qu’il avait une ennemie mortelle encore en vie.

Cet enlèvement ci était autrement plus agréable. Et comme Jena l’avait si bien dit, ils arrivaient au meilleur moment, celui où la méchante ravisseuse abuse de sa pauvre victime. Bon, parler d’abus est peut être… abusé. Qui ne désirerait pas être enlevé par Jena, hein ? S’allongeant sur le dos, Hanegard l’attira contre lui, l’enlaçant tendrement et déposant de petits baisers sur le visage rieur de sa femme. D’un ton faussement mélodramatique démentit par son regard heureux, il soupira :

Que puis-je faire pour résister ? Rien… ma ravisseuse a toutes les cartes en main.

Sujet: Re: Le Régent d'Alonna a disparu ! Mar 30 Nov 2010 - 12:14

Jena se laissa attirer contre son époux lorsque celui-ci décida qu’il serait plus à l’aise coucher. Ne cessant de le couvrir de baisers et de caresses, la jeune femme apprécia chaque parcelle de peau qu’elle touchait. Ils avaient depuis longtemps perdu ce genre de proximité et redevenir à nouveau aussi intime qu’autrefois, était un excitant de plus.
De plus? Et bien oui ! Il aurait été difficile de résister au charme et aux baisers de sa moitié. L’instant était parfait ! Personne ne viendrait frapper à la porte pour leur annoncer une énième catastrophe, Liliana ne se mettrait pas à pleurer à l’instant crucial, et aucun pigeon ne viendrait gâcher l’érotisme de la situation.
Rien ! Rien ! Et rien !

Déposant des baisers dans le cou d’Hanegard, Jena glissa lentement ses mains sous sa tunique pour la remonter et offrir à ses yeux le torse nu de son époux. S’amusant de pouvoir ainsi profiter de la situation, Jena prit tout son temps. Embrassant un téton, le nombril, chaque fine cicatrice qu’elle croisait… Bref elle faisait durer le suspense ! Et elle s’amusait à faire languir Hanegard.
Remontant jusqu’à lui, Jena ferma quelques secondes les yeux, profitant des caresses qu’il lui prodiguait. Elle aimait sentir ses mains sur elle, ça la faisait frissonner.

- Pourquoi donc voudrais-tu résister ? Céder est la seule option raisonnable qu’il te reste chéri, et je te jure que tu ne seras pas déçu !

Souriant, Jena scella ses paroles d’un baiser, plus passionné que les précédents. Une agréable sensation se répandait en elle. Elle sentait la chaleur monter et son désir suivre à mesure. Elle avait envie de profiter de son époux. Et pas seulement en passant sa journée à cheval à ses côtés! Elle voulait l’avoir que pour elle, physiquement parlant ! Elle se souvint d'une matinée lors de sa grossesse où elle avait cru....du moins elle avait été persuadé ce jour là que Hanegard avait une maîtresse. Et le pire dans tout ça, c'était que malgré la douleur qu'elle ressentait en y pensant, elle trouvait presque normal qu'il n'ait plus envie d'elle lorsqu'elle faisait dix kilos de plus.

Sa main, fine et agile, descendit, lentement mais sûrement vers l’objet de son désir. Bien sur dans un coin de sa tête, la jeune femme pensait à sa fille qu’elle avait laissé seule à la citadelle. Elle eut un pincement au cœur en se disant qu’elle devait être une bien mauvaise mère. Mais pour l’heure elle était toute à son plaisir et le petit diable sur son épaule gauche lui murmura qu’à défaut d’être une bonne mère, elle pouvait être une excellente amante. Et il n’avait pas tort ! Elle reverrait sa fille très bientôt, le lendemain peut-être car elle avait déjà du mal à être loin d’elle… Elle ne pourrait sûrement pas supporter une nouvelle journée éloignée d’elle.

Sujet: Re: Le Régent d'Alonna a disparu ! Mar 30 Nov 2010 - 19:14

En effet cette fois ils ne risquaient pas d’être interrompus. Heureusement d’ailleurs car l’imprudent qui aurait osé intervenir durant ces instants de bonheur serait mort atrocement, gavé de cassoulet toulousain jusqu’à éclatement de la panse. Quand au pigeon qui avait osé briser non plus la vitre mais un aussi tendre moment, il aurait fini au four avec des petits légumes et une gousse d’ail. Lorsque notre régente adorée veut un peu d’intimité avec son époux, mieux vaut se tenir à carreau.

Roulant sur le dos, Hanegard laissa Jena lui remonter sa tunique pour attaquer les préliminaires au combat imminent et sans pitié entre la ravisseuse et la victime. Tandis que sa chérie déposait de doux baisers sur son torse et son ventre, s’amusant à lui mordiller les tétons ou à suivre ses cicatrices du bout de la langue, il fit glisser sa tunique et la jeta au loin. Ce qu’il faisait chaud d’un coup dites donc ! Il faut se mettre bien à son aise.

Ce n’était plus la jeune fille terrifiée que Dame Camilla lui avait impitoyablement jeté en pâture lors de son arrivée à Alonna, espérant s’attirer ses faveurs ; mais une jeune femme ardente et tentatrice. Une amante délicieuse bien décidée à briser leurs deux mois d’abstinence forcée. Car admettons le, depuis qu’ils se connaissaient, ils n’avaient pas eu tant de temps que cela pour profiter au lit l’un de l’autre, Jena étant tombée enceinte assez rapidement. Mais ni l’un ni l’autre ne le regrettait car la petite Liliana était un vrai bonheur pour eux.

La main de sa douce ravisseuse descendit peu à peu, se faufilant dans son pantalon pour empoigner son… glaive. Ledit glaive qui avait fort envie de retrouver son chaud fourreau. La langue de Jena se glissa dans le nombril de son prisonnier tandis que d’une main elle faisait sauter le bouton de son pantalon sautait. La dernière porte de la forteresse tombait. Forteresse qui ne résistait pas beaucoup, il faut être honnête et admettre ce point.

Un gémissement d’aise échappa à Hanegard lorsque les mains de Jena remontèrent vers son torse. La belle ne voulait pas donner le coup de grâce à sa victime trop rapidement. L’enlaçant, le régent unit ses lèvres aux siennes, tout en lui ôtant sa ceinture et sortant sa tunique de son pantalon. Jena ne fit pas de résistance lorsque son époux fit glisser ladite tunique de ses épaules et l’envoya rejoindre la sienne. Nus jusqu’à la taille, les deux époux échangèrent un regard empli d’amour et de passion avant de reprendre leurs ébats.

Les ébats du couple régent d’Alonna resteraient gravés dans leur mémoire. Cette nuit fut magique. Ils retrouvèrent le corps de l’autre avec délice et passion. Appréciant chaque caresse, chaque baiser pour rattraper le manque causé par de longues semaines d’abstinence. La nuit s’achevait presque lorsque les deux amants, haletants, fermèrent enfin les yeux. Jena reposait, sa tête sur le torse de son époux, berçait par sa respiration la jeune femme s’endormie bien vite.

Quel plaisir de ne pas être réveillée par les cris d’un bébé affamés ! Le chant des oiseaux et les rayons du soleil étaient mille fois plus agréables. Le jour était à peine levé quand Jena ouvrit les yeux. Hanegard dormait toujours mais lorsqu’elle fit un mouvement pour se redresser, elle le sentit bouger également. Même endormi il devait être sur le qui-vive. Quittant la chaleur de ses bras, Jena ramassa ses affaires éparpillées et se rendit près du ruisseau à l’abri des arbres. Elle dérangea une biche qui était venue boire, la bête resta un moment sans bouger, et la jeune femme l’admira sans ciller. Lorsqu’elle se décida enfin à quitter les lieux d’un bon, Jena s’autorisa à respirer à nouveau.
L’eau du ruisseau était glaciale, mais Hanegard avait raison, c’était vivifiant. Un peu trop peut-être, elle risquait de ressortir tout bleue ! Prenant son courage à deux mains, elle plongea la tête sous l’eau. Le petit frisson qu’elle ressentit fut de courte durée. Maintenant qu’elle était entièrement mouillée, elle supportait mieux la fraîcheur de l’eau. Assise sur un caillou plat, près de la rive, elle avait de l’eau jusqu’au épaule, ainsi elle se tenait loin du courant qui venait juste chatouiller ses pieds.

Un agréable moment oui ! Peut-être aurait-elle du prévenir Hanegard qu’elle se trouvait là, le pauvre pouvait vite paniquer s’il ne la trouvait pas près de lui à son réveil, mais bon, elle serait sûrement retourner près de lui avait qu’il ne cesse de ronfler ! Elle pouvait donc profiter encore un peu, chantonnant doucement les berceuses qu’elle avait l’habitude de fredonner à sa fille pour l’endormir.

Par les cinq, qu’elle lui manquait. Elle avait tout de même hâte de la retrouver et de la serrer dans ses bras. Elle espérait que rien de grave ne s’était produit, que tout allait bien. Ses seins lui faisaient mal mais elle ne s’inquiétait pas pour les repas de la petite, le lait de sa nourrice lui convenait déjà très bien lorsque Jena avait du cesser de l’allaiter les jours suivant son accouchement. Mais si ce petit détail ne gênait pas la petite Liliana, Jena ne pouvait pas en dire autant, la sensation était désagréable au point qu’elle était elle-même obligée de se tirer le lait.
Bien qu’elle adorait ses moments en tête à tête avec son époux, il lui tardait de retrouver sa fille !

Lorsqu’Hanegard se réveilla se matin-là, il était parfaitement… heureux. La nuit avait été magique pour le couple qui s’était redécouvert charnellement après ces mois d’abstinences. Seuls dans cette petite clairière, sans les contraintes qui pesaient sur eux à Alonna, ils avaient pu vivre leur amour sans retenue. Décidément, cet enlèvement constituait une brillante idée, il faudrait qu’il se fasse enlever plus souvent…

La flamberge fièrement brandit face au soleil levant, avec des arbres des deux côté, le régent se fit la réflexion que cela ferait une excellente photo pour le prochain calendrier des « dieux du stade de Mira ». Hmm, mais ce serait une bonne idée cela, il faudra mettre le staff à contribution… janvier : le Karliik Glenn les fesses à l’air dans la chambre magmatique… février : le roi et Nakor avec une feuille de vigne sur la plus haute tour du palais de Diantra, etcetera.

Bon, redevenons sérieux.

S’étirant comme un chat, Hanegard constata que ses réflexes baissaient. Certes il se souvenait vaguement avoir senti Jena se lever, mais sans que cela le tire de son profond sommeil. Il aurait pu faire jouer l’argument comme quoi la jeune femme l’avait épuisée (saine fatigue au demeurant), mais pas de doute, la vie au grand confort à Alonna entrainait une baisse de son attention. Sans doute s’assagissait-il ?

Se levant et enfilant son pantalon, il prit la direction de la rivière où il se doutait de pouvoir trouver sa femme. En effet, elle prenait un bain bien glacée dans le petit torrent de la veille, chantonnant des berceuses comme si Liliana était là. Sa fille devait lui manquer, et de fait elle manquait aussi au régent. Mais deux jours seuls, juste entre eux… ils le méritaient bien.

De toute façon, ils allaient devoir s’en retourner à la citadelle, ils n’avaient plus de rations pour passer une deuxième nuit en forêt, et de toute façon une absence prolongée pourrait poser problème. S’asseyant au bord de la rivière ou Jena faisait trempette, mais à distance raisonnable d’une possible éclaboussure, le régent se passa une main sur la joue… mal rasée.

Chérie, nous pourrons déjeuner discrètement dans une auberge ce midi et être de retour à Alonna à la nuit.

Absorbée comme elle l’était, Jena n’entendit pas son époux approcher. Elle avait les yeux rivés sur les reflets du soleil se miroitant dans le ruisseau. Sa berceuse finie, elle entendit le clapotis de l’eau légèrement derrière elle, tournant la tête, elle croisa le regard d’Hanegard et aussitôt un sourire vint fleurir à ses lèvres. Il avait le même visage que le soir de leur rencontre, elle se souvenait s’être occupée elle-même de lui tailler la barbe ! Frigorifiée d’être restée si longtemps dans l’eau glacée, Jena se leva et regagna la berge à la manière d’une équilibriste, les deux mains tendues de chaque côté de son corps. Une fois les pieds dans l’herbe, la jeune femme se mit à frissonner tandis qu’elle enfilait rapidement ses vêtements. Alors qu’elle finissait de nouer son corset, Hanegard lui fit savoir qu’ils pouvaient manger à une auberge le midi et être de retour à Alonna pour la nuit. C’était à se demander s’il lisait dans ses pensées. Se rapprochant de lui, elle se pencha pour l’embrasser tendrement. Elle n'aurait pu exprimer le bonheur qu'elle ressentait à l'idée de retrouver sa fille dans la soirée.

- Oui on peut faire ça.

La jeune femme se redressa et s’étira de tout son long, appréciant de sentir ses muscles se détendre un peu. Y’a pas à dire, les lits d’Alonna sont quand même bien plus confortables qu’une couverture posait sur le sol ! Un petit sourire ravi sur les lèvres, elle s’installa à côté de son chéri. Après une petite seconde de réflexion, elle s’allongea même perpendiculairement à lui pour pouvoir poser sa tête sur sa cuisse. Le regardant d’en bas, Jena poussant un long soupir de plaisir. Son plus grand bonheur résidait décidément dans les choses simples. Lui, elle…leur fille…tout était parfait…

- Je suis heureuse que nous ayons enfin eut notre voyage de noces.

Il était souvent de tradition que le couple fraîchement marié, parte quelques jours en voyage. Parfois chez des parents (mais là pour Hanegard et Jena on oublie tout de suite) parfois dans un comté différent pour découvrir de nouveaux endroits, voir même juste une journée dans la ville à côté ! Bref tout ce qui pouvait dépayser un peu. Ils avaient réussit à se retirer loin de tout et avait pu apprécier le simple fait d’être ensemble. Mais le besoin de retrouver Liliana était plus fort pour la jeune mère qu’elle était. Plus les heures passaient, plus son inquiétude augmentait. Bien sur il y avait peu de chance pour qu’il soit arrivé quoi que ce soit à la petite mais … il y avait toujours un risque !

- Liliana me manque, finit-elle par murmurer les yeux fermés.

Elle savait que pour Hanegard c’était pareil, mais peut-on réellement comparer les sentiments d’un père et d’une mère par rapport à leur enfant ? Non probablement pas. Du point de vue typiquement féminin, on peut imaginer que la mère ressent plus le besoin d’être auprès de son enfant…Et puis ce point de vue ne dérange pas tant le père lorsqu’il s’agit d’aller bercer et nourrir le bébé à trois heures du matin !

Les deux époux levèrent le campement alors que le soleil était encore bas sur l’horizon. La petite clairière, théâtre de leurs ébats nocturnes, redevint calme et peu à peu les habitants des lieux s’y aventurèrent de nouveau. Un renard entreprenant vint grignoter les restes du repas de la veille, comme quoi rien n’est jamais perdu dans la nature.

Mais Hanegard et Jena était déjà loin. Ayant repris leurs montures, ils s’étaient engagés de nouveau sur la grande route menant à la citadelle d’Alonna. Malheureusement, ils ne purent avancer aussi vite qu’ils l’auraient désirés, car avec la fin du Voile, nombres de chariots prenaient la direction des grandes villes afin de réapprovisionner les étals des marchés.

Maugréant contre ce retard, Hanegard du faire signe à sa femme de le suivre et de chevaucher dans un pré labouré bordant la route. Au moins ils n’étaient plus dans les embouteillages mais leur progression ralentissait à chaque haie ou bosquet et lorsque le soleil fut au zénith, force leur fut d’admettre qu’ils étaient encore à plusieurs heures de chez eux.

Arrêtons nous au prochain village pour manger un morceau, mon estomac crie famine.

Il faut admettre que la nuit avait été des plus agitée, et qu’après une telle dépense d’énergie, le corps réclame à grands cris de la nourriture.

A défaut d’une auberge gastronomique classée au Michelin, nos deux héros s’arrêtèrent dans la taverne du premier village qu’ils traversèrent. Il n’y avait ni poule lâchant ses fientes dans le tonneau de bière, ni rat courant dans la salle, et la jonchée était fraîche. Somme toute un établissement tout à fait honorable, loin des standards de la citadelle d’Alonna, mais plus que suffisant pour Hanegard qui avait connu les rations de soldat ou pour Jena qui vivait assez chichement auprès de Dame Camilia.

Une fois installé à une table un peu à l’écart et deux assiettes de ragout commandées, le régent savoura sa bière en regardant.. sa chère Jena bien sur… mais aussi la salle. En vieil habitué des tavernes, il savait que mieux valait repérer immédiatement les fauteurs de troubles éventuels.

Plusieurs colporteurs mangeaient, leurs sacoches serrées contre eux comme s’ils craignaient qu’on la leur vole, un groupe de nains buvait force bière en chantant le fameux tube «　de l’or de l’or de l’or de l’or　», quelques mercenaires fusillaient les clients du regard, la main sur la poignée de leurs armes, à croire qu’ils en voulaient au monde entier, et deux soldats taillaient un bout de gras au comptoir avec le tavernier.

Bon, dans l’immédiat aucun problème ne s’annonçait.

Leur avancée avait été plus longue que prévu et le soir venu ils étaient encore bien loin de la citadelle. Bien qu’elle n’en montra rien, Jena était déçue de ne pouvoir retrouver sa fille. Elle avait espéré toute la journée pouvoir la prendre dans ses bras et voilà qu’elle devait attendre encore une journée. Mais après tout elle gagnait une nuit de plus seule avec Hanegard… Quoi qu’elle risquait d’être bien moins tranquille que la précédente au vu des guignols attablés dans la grande salle de l’auberge. Jena tenta de se faire toute petite, il fallait qu’ils passent inaperçus…Bon vous me direz celui qu’on remarque le plus c’est quand même Hanegard avec ses deux mètres de haut et son corps tout en muscle….Comment ça j’exagère ? Mais laissez moi fantasmer un peu bon sang !

Bref nous en étions donc au moment où les deux tourtereaux s’installent devant une assiette pleine de ragoût fumant. Il n’avait pas l’air très appétissant mais à la première bouchée, les papilles (d’une française pointilleuse sur la gastronomie régionale) de la jeune femme furent agréablement surprises. Un pur régal.

- Chéri, murmura-t-elle en souriant, si ça vire à la bagarre je t’interdis d’y participer !

Et oui, elle voyait ses yeux turquoises briller comme chaque fois qu’une situation lui plaisait. Elle était persuadée que cette escapade au grand air lui avait rappelé le temps ou il avait l’habitude des bastons dans les auberges. Alors mieux valait réfréner ses envies de cogner !
Une nouvelle cuillère de ragoût et Jena fut caler. Maintenant elle avait sommeil. Cela faisait des heures qu’ils montaient à cheval et elle avait mal partout ! Mais en un sens, heureusement qu’elle n’était pas à Alonna, il aurait encore fallut qu’elle fasse la conversation à une poignée de noble surexcitée, qu’elle se réveille toutes les trois heures pour nourrir sa fille, et qu’elle se lève au petit matin… Là elle avait juste besoin de calme.

Et visiblement ces messieurs ivrognes n’en avaient pas décidé ainsi. Une malheureuse phrase du déclencher la première baffe, auquel le petit homme répondit instantanément aidé par deux copains. Un banc fut renversé, les assiettes s'envolèrent, bref un joyeux bordel s’annonçait. Jena ferma les yeux sentant qu’elle n’aurait pas droit à son petit moment de calme et de relaxation.
Ce fut probablement à cet instant qu’elle reçu en pleine tête une choppe de bière encore pleine. Evidemment elle laissa échapper un cri de douleur car la choppe en question n’était pas en papier hein ! Ses cheveux étaient trempés et elle empestait la bière. Elle voulut se tourner pour fusiller du regard celui qui avait eut l’outrecuidance de lui envoyer son verre dans la tête mais un nouveau projective vola droit sur elle. A croire qu’elle les attirait. Bien heureusement tout de même elle parvint à éviter la fourchette.
Passant sa main dans ses cheveux elle en ressortit ses doigts légèrement rougis de sang. Aïe. Il ne l’avait pas raté le gredin.

- Nous devrions peut-être …

Une nouvelle salve, cette fois du ragoût encore chaud, se répandit à quelques pas d’elle. Oui il était vraiment temps de faire quelque chose, mais la bande d’abrutis se battait pile dans l’entrée. Impossible donc de sortir par là.
Tandis qu’un liquide chaud couler le long de sa nuque, Jena se leva et vint se placer près d’Hanegard. Ben quoi il avait juré de l’aimer et de la protéger non ? Et bien voilà pour la protection c’était maintenant ou jamais. D’autant plus qu’elle commençait à avoir très mal à la tête.

Oui, il faut rappeler qu’Hanegard ne mesure pas tout à fait deux mètres de haut. La dernière fois qu’il est passé sous la toise il m’a été indiqué par le Comité des Seigneurs Alonniens (CSA) qu’il ne mesurait qu’un mètre quatre-vingts dix-huit. Bon, ca n’en demeurait pas moins un colosse peu amène lorsque l’on s’attaquait à sa chère petite femme. Or là, justement on s’y attaquait, même si le tir de chope restait fait au hasard et le la visait pas particulièrement…

La bande de mercenaires avinés repérée un peu plus tôt avait commencé à se bagarrer entre eux, une chope avait atteint le casque d’un nain, qui furieux avait répliqué par un lancer de hache de jet. Un colporteur avait flanqué un coup à son voisin, un chasseur avait lancé une chaise dans le tas, et au final toute la taverne avait commencé à s’en mettre sur la gueule. Les deux gardes qui buvaient au comptoir avaient tenté de séparer les combattants mais l’un s’était pris un coup de couteau dans le ventre et l’autre un direct à la mâchoire, ce qui les obligeait à battre en retraite.

Au début Hanegard ne comptait pas intervenir, mais lorsque Jena se prit une chope dans la figure, le régent fit place au mercenaire qu’il était autrefois. Aux grands mots les grands remèdes… allons-y pour la séquence « action ».

Restes bien derrière moi, grogna-t-il.

Bandant ses muscles, le régent souleva la table à laquelle ils avaient mangé et la jeta au beau milieu de la mêlée. Sous le choc, deux mercenaires s’effondrèrent comme des poupées de son et un nain roula sur lui-même avant de se relever en s’ébrouant. Un colporteur hérita d’un direct au menton qui l’envoya valser à travers la salle et un autre nain gicla par la fenêtre, ce qui, à entendre sa bordée de jurons, ne suffit pas à le mettre hors de combat.

Ayant vérifié du coin de l’oeil que Jena était à l’abri, Hanegard sortit son fourreau, pour éviter d’utiliser le tranchant de son épée, et en flanqua un bon coup dans le premier visage qui apparut dans la mêlée. Un gaillard, apparemment ivre, se jeta sur lui poignard au poing mais un coup de pied dans l’entrejambe le calma net. La bagarre commençait à être bien amusante lorsque la garde arriva en force dans l’établissement en braillant aux pugilistes de jeter leurs armes.

Retournant aux côtés de Jena qui avait trouvé refuge sur un tabouret dans un recoin à peu près protégé, Hanegard releva les cheveux de sa femme pour examiner son front. L’entaille causée par la chope volante saignait encore, mais cela ne semblait pas grave. Plus de peur que de mal heureusement.

Le sergent commandant le détachement de miliciens semblait bien embêté et se demandait apparemment s’il devait ou non arrêter toute la taverne. L’idée lui plaisait probablement, mais le groupe de nains avec leurs haches à la main risquait de causer des problèmes car à les voir ils ne comptaient pas se laisser embarquer sans réagir. En bon diplomate, et selon les méthodes du capitaine Lecouard et du lieutenant Tremblote, le soldat finit par ordonner à ses hommes de ramasser tous les combattants assommés pour les emmener dessaouler au poste.

Le régent eut un soupir intérieur en comprenant qu’il n’aurait pas à révéler son identité pour éviter de se faire embarquer. Prenant sa femme dans ses bras, il la souleva et l’emmena dans leur chambre, la meilleure de l’auberge leur avait affirmé l’hôte en voyant les pièces d’or qu’Hanegard avait posé sur le comptoir un peu plus tôt.

Comme il fallait s’y attendre Hanegard ne put résister à l’appel de la bagarre et pendant que Jena trouvait, bizarrement, refuge sur un tabouret, son époux y allait de bon cœur le poing levé. Bref il s’ensuivit une belle petite scène comme on les aime, durant laquelle à peu près tout vola à travers la pièce. Finalement ce fut la garde qui fit irruption dans l’auberge et qui remit un peu d’ordre dans tout ça. Du moins c’est ce qu’elle crut comprendre, parce qu’avec son mal de tête, son équilibre précaire et sa fatigue la pauvre Jena avait du mal à tenir debout. D’ailleurs Hanegard la prit dans ses bras pile au bon moment. Posant la tête contre son épaule, elle ferma les yeux et soupira. Quand elle les rouvrit, ils étaient dans une chambre et elle était allongée sur le lit. Enfin le retour à la civilisation !
Non pas que ça lui avait énormément manqué, mais bon, après une chevauchée comme celle qu’ils avaient mené aujourd’hui, elle n’aurait pas du tout aimé dormir par terre.

Laissant échapper un ‘aïe’, Jena se redressa et passa sa main dans ses cheveux. Diable que ça faisait mal. Avait-elle idée, elle, de jeter des choppes pleines de bière à la tête des gens ? !
En plus de la douleur, elle puait la bière et l’odeur la rendait malade. Quelle horreur ! Elle qui détestait l’alcool…voilà qu’elle s’en retrouvait toute arrosée.

- Je rêve d’un bon bain chaud….

Elle avait certes fait trempette le matin même dans un ruisseau mais la journée à battre la poussière, les champs et maintenant les choppes de bière….elle avait l’impression d’avoir traîné des semaines sans se laver. C’était insupportable.
Elle croisa le regard inquiet de son époux et elle tenta de lui sourire, mais la douleur n’était guère plus supportable que cette impression de saleté. Elle voulait se laver, retirer toute cette crasse, enlever cette horrible odeur de bière…et finir dans les bras de morphée.

- On a eut de la chance que les gardes interviennent ! J’aurais eu du mal à les contenir encore quelques minutes, déclara-t-elle en rigolant doucement.

Se levant tant bien que mal, elle se dirigea vers la commode sur laquelle était posé une serviette blanche, une bassine en porcelaine et une cruche remplie d’eau. Elle en versa la moitié dans le récipient et y trempa un bout de la serviette qu’elle utilisa pour se tamponner le côté de la tête. Bien vite le bout de serviette se teinta de rouge, mais elle avait déjà vu pire ! Il suffisait qu’elle se remémore le lendemain de son accouchement !
- Si je retrouve l’imbécile qui m’a envoyé son verre à la tête…. Se tournant vers Hanegard elle s’interrompit et finit même pas retrouver son sourire….je lui enverrais mon très cher époux !

Certes elle était en colère d’avoir été aussi stupidement blessée, d’autant plus qu’elle était sure d’avoir un mal de tête horrible même à son réveil, mais elle avait de la chance que rien de plus grave ne leur soit arrivé. Revenant près du lit où s’était assis Hanegard, elle s’installa sur ses genoux en passant un bras autour de son cou. L’autre main lui servait toujours à appuyer sur sa tête la serviette imbibée. Elle avait très mal mais c’était une petite coupure en comparaison de son accouchement. Depuis, elle pouvait endurer beaucoup plus de chose ! Même une plaie ouverte sur le côté du crâne. Eh ben quoi, à Toulouse quand on plaque c’est la tête la première qu’on y va !

Hanegard aussi rêvait d’un bon bain chaud… avec Jena. Mais pour ce soir, les câlins ne semblaient pas de rigueur, la jeune femme semblait surtout vouloir dormir. Certes il est connu que la migraine est le contraceptif le plus utilisé par les femmes, mais pour une fois ce n’était pas du cinéma. Une choppe en pleine poire, c’est douloureux.

Bon, ben à défaut de faire la bête à deux dos avec Jena, j’ai remarqué qu’il y avait des belles de nuits dans la taverne. Pas forcément de toute première fraîcheur mais bah, à la guerre comme à la guerre ! Elles se sont éloignées pendant la bagarre mais nul doute que le régent pourra…

AÏE !

[Suite à la réception d’un ballon de rugby en pleine figure, le narrateur décide de laisser de côté l’idée des belles de nuit.]

Bon ben à défaut, lui aussi allait pouvoir se reposer. Une bonne bagarre ca vous fouette les sangs mais en pleine digestion cela reste déconseillé, et l’estomac du régent grommelait contre les mauvais traitements. Toutefois, avant de dormir, un petit rafistolage de régente serait utile non ? Nous n’allons pas laisser notre héroïne dans cet état tout de même ?

Écartant la serviette, Hanegard regarda la plaie à la tempe. Pas franchement beau à voir, mais les plaies au crâne pissent toujours le sang, il ne faut pas s’en inquiéter tant que l’os n’est pas fracturé. Or là il ne l’était pas, fort heureusement, et même le saignement ralentissait. Se levant, il ouvrit son paquetage et en sortit une petite bande de gaze emmenée justement pour ce genre de cas.

En deux temps trois mouvements, la jeune femme se retrouva avec un bandage autour du crâne qui lui éviterait d’en mettre plein les draps ou de rouvrir la plaie par un geste réflexe dans son sommeil. Un baiser sur le front et au dodo ma belle !

Tandis que sa femme sombrait dans un profond sommeil, le régent sortit sur la pointe des pieds et alla jeter un coup d’œil dans la grande salle de la taverne afin de vérifier qu’une autre bagarre ne risquait pas de démarrer durant la nuit.

Mais tout semblait calme. Des servantes et des marmitons nettoyaient les débris, quelques ivrognes finissaient leur dernière choppe et la bande de nains continuaient leurs chansons. Hanegard s’acouda à la rambarde de l’étage et écouta quelques temps les grands classiques « de l’or de l’or de l’or de l’or de l’or de l’or », la nouvelle vague « de l’or de l’or de l’or de l’or de l’or de l’or », mais il retourna dans sa chambre lorsque les nains entamèrent un nouveau chant un peu trop osé à son goût : « de l’or de l’or de l’or de l’or de l’or de l’or ».

Se glissant sous les draps, le régent ne fut pas long à dormir d’un sommeil aussi profond que Jena.

De toutes les coïncidences malencontreuses qu'Ilinsar a put rencontrer de toute sa vie, celle-ci était certainement la meilleure _ et par opposition, la pire.

Elle avait quitté Ysari de nuit après avoir délivré son adorable petit message à son pire ennemi. Perchée sur une colline, elle avait observé quelques colones d'humains partir à sa recherche, mais pas sa némésis. Elle en aurait hurlé de frustration si elle n'avait pas fait halte dans un petit patelin quasi-désert et assouvi alors sa soif de sang. Mais cela n'avait en rien effacé sa fureur.

La drow avait alors décidé de se rendre directement à Alonna, histoire d'attendre Hanegard de pied ferme. Parce qu'en plus, cet ours mal léché avait trouvé le temps de se marier et, à ce qu'elle avait pu voir, sa femme était (Yerk!) enceinte!!! Non vraiment, c'était de l'insouciance pure et simple. Mais malheureusement pour elle, la citadelle était trop bien protégée pour qu'elle s'y faufile sans alerter la garde. Il fallait reconnaître qu'Hanegard avait fait du bon boulot à ce niveau, un peu trop d'ailleurs. Il étaot loin le temps ou une partie de jambes en l'air suffisait à convaincre ces abrutis d'abandonner leur poste! Et pas question d'attaquer seule les convois de retour d'Ysari un peu plus tard bien trop gardés eux aussi. Non, cette fois, elle devrait attendre.

Ce qui la menait à ce soir. Combien de chance y avait-il pour que le couple régent vienne s'installer juste sous son nez, dans la même auberge, pour passer la nuit? Très peu? Jusqu'à la veille, Ilinsar aurait même dit aucune. Mais visiblement, les dieux commençaient à avoir pitué de leur humble servante (yerk!) et lui amenaient ses proies sur un plateau.

Assise dans l'ombre la plus complète, à sa place habituelle, elle les avait observé roucouler tranquillement à leur table avec un écoeurement proche de celui qu'elle ressentait face à une certaine friandise moelleuse et sucrée... Comment s'appelait-elle déjà? Ah, oui, de la guimauve! Non, vraiment, ce petit couple était bien trop guimauve pour les yeux. Alors, lorsque la petite bagarre traditionnelle commença, sa choppe de bière vola droit sur le couple... et toucha la fille. Elle en aurait rit face à ce hasard. Non, vraiment, comment avait-elle pu viser inconsciemment si bien? Ca valait bien la perte de cette bière à peu près correcte. Et puis, une idée sublime avait surgit dans un coin de son cerveau.

Depuis une petite semaine, elle avait effleuré du bout des doigts l'idée d'enlever la petite Liliana (yerk!) de l'influence de ses parents, de l'éléver à sa façon et de faire en sorte qu'elle assassine elle-même ses propres parents... Fufufu... Quel drame ça aurait été. Oui, certes. Si elle ne détestait pas tant les enfants. Si la môme n'avait pas été si bien gardée. Et si elle avait été plus patiente. Mais là, elle avait la propre femme d'Hanegard pour ainsi dire à sa merci. Ils étaient seuls, sans escorte, dans un coin reculé. Dans l'antre de la bête, et mieux, non loin de ruines qui feraient une cachette sympathique pour quelques jours... Oh oui, elle allait bien s'amuser.

Ilinsar suivit silencieusement le couple dans les escaliers, repéra leur chambre puis redscendit droit vers les écuries. Là, elle redoubla les noeuds de chaque cheval et détaha le sien. Le temps que quelqu'un parvienne à libérer un cheval pour le régent, elle serait loin. Oui, tout se passerait bien.

Lorsque la tête de Jena toucha l’oreiller la jeune femme dormait déjà. Elle était tellement fatiguée qu’elle aurait pu dormir deux jours d’affilés. Pourtant, son sommeil fut troublé par un cauchemar terrifiant. Elle se voyait, avançant dans sa chambre à Alonna, s’approchant du berceau de Liliana. Ses yeux se posaient alors sur le lit vide dans lequel aurait du reposer sa fille. Mais elle n’était plus là… Elle avait disparu. Elle sentait alors son cœur se nouait, en elle s’ancrait la certitude qu’on lui avait volé son enfant. Qu’on l’avait emmené loin d’elle.
Se redressant brusquement, en sueur et haletante, Jena eut besoin de quelques secondes pour que ses yeux s’habituent à l’obscurité qui l’entourait. Bientôt elle put distinguer les contours des meubles qui se trouvaient dans la chambre de l’auberge. Elle n’était pas chez elle, sa fille était en sécurité…elle ne devait pas en douter. Pourtant son rêve lui avait paru si réel….
Quittant le lit sans faire de bruit pour ne pas réveiller son époux, Jena enfila rapidement ses vêtements et quitta la chambre. Elle avait besoin de prendre l’air. Seulement quelques minutes. L’auberge était vide et seules les braises dans la cheminée éclairaient la pièce.
La porte menant à l’arrière cours était ouverte, elle eut donc tout le loisir de sortir à l’air libre sans aller réveiller l’aubergiste. Dehors la nuit était sombre, la lune n’apparaissait que sous la forme d’un fin croissant brillant et seulement quelques étoiles venaient éclairer la petite cour.

Un baquet d’eau froide attendait près de la porte et lorsqu’elle se pencha pour boire une louche, elle vit son reflet et eut un demi sourire amusé. Sa main remonta jusqu’à sa tête et elle fit glisser le bandage que lui avait mit Hanegard. Sa blessure était toujours douloureuse mais elle s’était refermée. Après avoir rangé le morceau de tissus dans la poche de son pantalon de voyage, elle se servit une louche d’eau fraîche pour se désaltérer un peu.

Les images de son cauchemar étaient encore présentes dans son esprit, elle voyait toujours avec autant de netteté le berceau de Liliana vide, les couvertures froissées. Si elle n’avait pas été persuadée que sa fille était en sécurité, elle serait sûrement montée immédiatement à cheval pour rejoindre la citadelle le plus vite possible. Mais cela ne servait à rien de céder à la panique. Ce n’était qu’un mauvais rêve après tout. Elle était persuadée qu’Hanegard lui aurait dit ça. Donc pas la peine de le réveiller.

N’ayant plus envie de dormir, Jena resta un moment debout près de la porte, puis finalement elle fit quelques pas et s’assit sur les marches en bois qui menaient à la cour. Elle n’entendait pas un bruit à part ceux provenant de l’écurie en face d’elle. Les chevaux s’agitaient légèrement, sûrement à cause de la présence de rongeur dans leur foin…ou une chose dans ce style. En tout cas, vous l’aurez compris, Jena était bien loin de se douter de ce qui allait lui tomber dessus.

Ilinsar avait tranquillement attendu que le silence s'abatte sur l'auberge. Assise en tailleur sur le lit de la chambre qu'elle réservait depuis près de trois semaines, elle patienta en aiguisant ses armes, en rééquilibrant ses flèches ou en vérifiant l'état de son arc, sa courbure, la corde... Tout, mais elle ne devait pas songer à ce qu'elle allait faire. L'impatience risquait d'avoir raison d'elle aussi sûrement qu'un incendie dans la paille. Lorsqu'elle en eu terminé avec ceci, elle exécuta quelques étirements, puis des pas de danse. Et le silence était tombé, à son plus grand bonheur. Un peu plus et elle aurait été à court d'idées.

Aussi silencieuse qu'un chat, elle refit ses paquetages avec soin, enveloppant chaque objet dans une couche de tissu pour atténuer les tintements de l'acier. Son sac bouclé sur le dos, elle déverrouilla sa fenêtre, passa à l'extérieur jusque sur le toit de l'écurie. Sa bonne étoile (ou celle des drows, à choisir) veillait sur elle, de toute évidence. Elle fixa solidement son bagage sur l'arrière de la selle de sa jument, et caressa le doux poil noir avec satisfaction.

Des clapotements la firent sursauter. Qui pouvait se trouver dehors à cette heure de la nuit? Qui oserait la déranger dans l'accomplissement de la vengeance!?

La jeune drow jeta un coup d'oeil par une lucarne... et manqua de s'éclater le front contre le montant sous la stupéfaction. C'était...

La régente.

La femme d'Hanegard.

Sa proie.

Seule.

Sans arme.

La femme d'Hanegard.

Seule...

MAIS ON SE MOQUAIT PAS UN PEU DE SA TETE, LA????

Ilinsar n'était pas souvent surprise. En général, elle arrivait à garder un contrôle suffisant sur ses émotions. Mais là...là... c'était Noël avant l'heure, la bénédiction divine, le cadeau surprise tout enrhubanné sur le plateau d'argent...

Le bonheur.

Ilinsar profita du fait que la jeune femme lui tourne le dos pour s'abreuver et fondit sur sa proie tel un mystérieux faucon jubilant de la naïveté du lapin qui pensait pouvoir lui échapper sur ses terres... MOUHAHA! Pauvre petite fille naïve! Néanmoins, elle chosit de ne pas prendre de risque comme la fois ou ce ù^çè_é"' d'Hanegard lui avait filé entre les pattes.

D'une main féroce, elle baillonna la femme et de l'autre, la piqua d'une charmante aiguille, à la manière dont elle avait capturé son mari... fufufu... Que de plaisir. Elle la laissa s'effondrer sur le sol, puis mit en place sa petite mise en scène. D'un aller-retour rapide, elle trancha la robe de dessus de Jena pour l'alléger. Puis sa lame traça une ligne rouge sur la peau si pâle, si blanche par rapport à la sienne. Sa main trempa dans le faible filet de sang et s'imprima dans le mur proche. Pas besoin de message, cette fois-ci. La robe suffirait amplement pour qu'Hanegard sache de quoi il en retourne. Et le sang inquiéterait suffisemment de monde pour que le vacarme réveille même la pire des bûches.

Sans bruits, la drow hissa sa proie sur son épaule et la mena jusqu'à son cheval. Les montures s'agitèrent un peu à l'odeur du sang frais, mais s'apaisèrent assez vite. Ilinsar plaça Jena en travers de la selle et lui noua poignets et chevilles par une corde passée sous le ventre de la bête. Ceci fait, elle enveloppa les sabots dans des morceaux de robe déchirrée avec une jubilation intense. Mais il ne fallait pas trop se presser, au risque de tout faire rater.

Elle poussa la jument jusque dans la rue, guetta la patrouille, puis, ne distinguant rien de la vue comme de l'ouïe, elle enfourcha sa bête et partit au petit trot. Son objectif, un certain poste de frontière abandonné où elle se ferait un plaisir de ligoter sa prisonnière à sa façon. Enfin, si personne n'était repassé par là depuis.

La drow fit claquer sa langue une fois sortie du village et lança sa monture au galop, disparaissant dans la nuit.

Bâillement…

S’étirant comme un chat, le régent ouvrit les yeux, pas mécontent d’avoir si bien dormi. Épuisé par la nuit précédente, et vous savez pourquoi, ce repos lui faisait le plus grand bien. Il lui fallut environ une seconde pour se rendre compte qu’il était seul dans le lit, deux pour constater que le jour n’était pas levé, et trois pour comprendre qu’il avait été réveillé par des cris venant des écuries.

Une bagarre, encore ? Et où était Jena ?

Sautant hors du lit, il attrapa un pantalon pour éviter de se balader à poil et descendit d’un pas rapide les escaliers. La cour de l’auberge ressemblait à une fourmilière, et l’hôte se précipita au devant de lui en se tordant les mains, l’air désolé.

Qu’est-ce qui se passe ?
Je… votre femme a été agressée dans les écuries… elle a disparu.
Quoi ?

Bousculant le bonhomme, le régent fonça dans ladite écurie et devint plus blanc qu’un linge. Ce morceau de robe déchirée, cette trace de sang sur le mur représentant une main. S’approchant Hanegard vit que c’était la forme d’une main, et qui plus est pas d’une main humaine. Trop effilée…

Le monde se mit à tourner autour de lui lorsqu’il comprit ce qu’il se passait. Son esprit refusait d’admettre les faits, mais tout paraissait si évident. Qui pouvait enlever Jena dans une auberge sans se faire repérer et en ayant une main aussi fine ? Un seul nom répondait à cette question, et cette réponse était : Ilinsar.
Ne pas paniquer… ne pas paniquer…

Paniquer ! Sa femme captive de son ennemie mortelle, d’une drow aussi cruelle qu’impitoyable. L’arrivée d’un détachement de la garde venue enquêter obligea Hanegard à se ressaisir. Plaquant son sceau qu’il portait au doigt sous le nez de l’officier, il se fit reconnaître et la fourmilière qu’était l’auberge devint cent fois plus animée.

Moins d’une heure après l’enlèvement, des coursiers fonçaient au triple galop vers toutes les forteresses, tous les avant-postes de la baronnie avec un ordre de mobilisation générale et de fermeture des frontières. Personne ne devait pouvoir entrer ou sortir d’Alonna sans être soigneusement dévisagé. Mais connaissant Ilinsar et sa soif de vengeance, le régent doutait qu’elle cherche à quitter Alonna, cela ne correspondait pas à son attitude habituelle.

Il y avait dans la région bien des endroits où se cacher avec sa prisonnière, et si elle agissait avec Jena comme avec lui, c’est dans un tel endroit qu’elle l’emmènerait. L’armée allait fouille rode fond en comble de tels endroits, mais combien de temps faudrait-il pour passer au peigne fin les cachettes possibles. Des jours ? Des semaines ? Combien de temps restait-il à vivre pour Jena ?

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