[HT Uriz] "Prends garde à ta tête, Karliik Glenn." | Malag'eyl

Finalement, le chemin qu'il avait parcouru avec Mémoire s'acheva en Anaëh. Il ignorait précisément combien de temps s'était écoulé depuis sa venue remarquable à Sol'Dorn, il savait toutefois que, tôt ou tard, ils se recroiseraient, pour une raison ou une autre, aussi sûrement qu'il reverrait chacun des trois qu'il avait déjà rencontré.
Mais désormais, il lui fallait revenir parmi les siens, un temps tout au moins, pour se reposer, pour ne pas qu'on oublie et néglige, et pour sa future compagne et la promesse qui fut faite, sa progéniture, espérait-il.

Oui, l'heure était au retour.

Cette fois-ci, point d'arrivée remarquable à dos de Tagnik'zur, point de hurlement résonnant à travers chacune des galeries du Puy... Mais plutôt tout son contraire. Il n'avait employé que deux sombres en Ithri'Vaan pour une petite mise en scène dont il avait à présent le secret. C'est ainsi que trois cavaliers pénétrèrent la Faille, celui en tête était un guerrier, sans l'ombre d'un doute, le second plus richement vêtu paraissait comme un modeste noble, quand au dernier, aux allures de guerrier, le visage couvert d'une capuche, fermait la marche.
Bien entendu, le dernier était le Premier Feu, attentif à nouveau à manipuler les sens des mages pour paraître tout autre chose qu'un Gardien, guidé plus qu'escorté par les deux hommes avec lui.

Ils passèrent les grandes portes du Puy et entamèrent leur descente vers la Chambre Magmatique, sans réellement attirer que quelques regards qui les survolèrent. Désormais c'était certain... Après près de sept années d'absence, il était de retour parmi les siens.

La descente lui sembla durer une éternité, ne se repérant que grâce à quelques éléments, comme la concentration de mages et prêtres accrues à mi-chemin, ou la diminution de la quantité des lueurs à mesure qu'on approchait de la fin.
Toujours guidé par ces hommes, ils terminèrent leur route devant le Palais où le guerrier de tête démonta pour trouver un garde.

« Mon maître possède de précieuses informations pour le Karliik Glenn... Peut-il le voir ? »

« Le Senger Zuhak s'est rendu au Temple d'Uriz, mais votre maître peut... »

Et avant même qu'il eut fini sa phrase, le Premier Feu avait posé pieds à terre, commençant à se diriger vers ce que ses sens lui indiquaient être sa destination. Il s'arrêta et se retourna un instant.

« Vous savez où vous rendre, quand je serais revenu, vous aurez votre or. »

Et là-dessus, il se dirigea, seul à présent, vers le Temple d'Uriz, et les hommes se retirèrent, sous les yeux d'un garde qui ne semblait pas comprendre.

Le Temple d'Uriz ne désemplissait pas, les préparatifs de guerre continuaient et les soldats faisaient preuve d'une piété remarquable avant de repartir au combat. En cette mâtinée, alors que le grand départ du Premier Ost était prévus pour le lendemain, les personnalités guerrières parmi les plus importantes étaient venus assister à la cérémonie. L'Obok Senger Nir M'orosh et ses plus proches officiers pouvaient être visible au premier rang des fidèles, et si elle cristallisait l'attention de la plupart des soldats de rang, les officiers partageaient leurs regards en coin avec une autre figure.

Le Karliik Glenn en personne, bien que ne faisant aucunement partis de l'armée qui quitterait le Puy le lendemain, à moins de changements de dernière minute, était également présent. L'on ne l'avait pas souvent vus au Temple, et il était de notoriété publique qu'il faisait montre d'une participation au culte tout juste polie. Cela avait sans doute été parmi ses plus grandes difficultés au cours de sa carrière, les soldats avaient vite tendance à considérer qu'un supérieur pas assez croyant attirerait les foudres de la divinité.
Aussi Malag'eyl avait toujours fait montre du respect et de la politesse de façade aux cultes, et se devait d'assister aux cérémonies les plus importantes. Celle-ci constituait toutefois une exception, puisqu'il aurait tout à fait pus s'en passer sans attirer l'attention. Néanmoins, il avait demandé audience auprès du haut-prêtre d'Uriz et, celui-ci officiant à l'autel, se devait d'attendre la fin de la cérémonie. Dès lors, il se tenait naturellement au premier rang, en compagnie des officiers les plus haut gradés, tandis que sa garde personnelle était avec les soldats de rang.

Puis la cérémonie se termina et, tandis que la foule commençait à quitter le lieu ou tout au moins à se disperser plus petit groupe, un prêtre d'Uriz, manifestement un haut-responsable au vu du luxe qu'arboraient ses vêtements, s'approcha du Karliik Glenn et lui glissa quelques mots. Celui-ci s'en retourna vers ses soldats, lui fit signe de l'attendre dans la salle principale ou au dehors du temple et suivit le représentant divin qui l'entraîna rapidement dans les couloirs peu fréquentés de la gent ordinaire.
Partout les représentations d'Uriz et de l'art de la guerre s'étalait dans ces couloirs tout de rouge, couleur de prédilection du culte. Les deux drow croisèrent nombre d'initiés et de prêtres qui pour la plupart les saluèrent avec déférence, auxquels ils ne répondirent que par quelques hochements de tête. Ils ne se souciaient guère des autres puisqu'on s'écartait sur leur passage, avec tout le respect qui leur était dus.

Malag'eyl portait en cette occasion une tunique ocre, maintenu à la taille par un large ceinture dorée. A son épaule gauche la spallière d'airain de sa fonction et une cape rouge sang qui pendait jusqu'au sol. Un harnais de cuir noirci, rehaussé de pièces de métal noir, recouvrait son torse et deux gantelets d'acier ornait ses avant-bras. Il portait également un pantalon noir et une paire de bottes de cuir, elles-aussi recouvertes de plaques de métal qui s'entrechoquaient à chaque pas, rythmant sa marche du tintement de l'acier. Dans son dos, libérée de la cape, le fourreau de son cimeterre descendait de son épaule droite jusqu'à ses cuisses.
Finalement, on l'arrêta devant une porte où stationnait deux gardes, vêtus d'armures complètes et équipés des imposants marteaux de guerre du culte. Deux armes plus ostentatoires que dangereuses, car ces deux mastodontes étaient de toute évidence des moines du culte et leur pouvoirs de pyromanciens étaient bien plus à craindre, au vu des nombreux braseros qui éclairaient les couloirs du temple. Malag'eyl attendit patiemment son guide. Il était aussi immobile que pouvait l'être une statue et, de lui ou des gardes, il était difficile de dire qui bougeait le moins. Puis le prêtre revint et lui fit signe d'entrer avant de se retirer.

Le Karliik Glenn ne se fit pas prier et passa les portes pour pénétrer dans le bureau du haut-prêtre. L'endroit était moins grand que ce à quoi il s'était attendus. Le haut-prêtre l'attendait assis dans un fauteuil à l'autre bout de la pièce, à côté d'une bibliothèque particulièrement fournie. Il lui fit signe de venir s'asseoir dans un fauteuil en face et le Karliik Glenn s’exécuta, effectuant au passage un salut très cérémoniel auquel le haut-prêtre répondit, peut-être un peu froidement.

« Seigneur Zuhak, je me demande à quand remonte la dernière fois que vous avez foulés de vos pas le sol de ce temple.

« Sans doute lors de la cérémonie de mon retour d'Abyssea. Étant donné qu'aucune cérémonie n'a encore été prévue pour ma nomination.

« Hum, c'est cela en effet. Vous avez délaissé la Mère moins longtemps il me semble.

« Mes affaires avec la haute-prêtresse de Teiweon ne sont pas à l'ordre du jour.

« Si vous le dites... Dans ce cas, expliquez-moi donc la raison de votre présence, j'avoue ne pas la saisir.

« Rassurez-vous, elle ne vous tiendra pas occupée longtemps. Il s'agit simplement... »

Trois coups sourds, donnés à la porte du bureau interrompirent le Karliik Glenn au milieu de sa phrase. Le haut-prêtre se redressa un peu dans son siège, guettant la porte, puis autorisa d'une voix sonore au nouvel arrivant d'entrer.

Son chemin à travers le temple s’était fait dans la plus grande discrétion. Et si les mages présents se retournaient en sentant la présence d’un « archimage », ou apparaissant comme tel, c’était tout.
Il demanda à être guidé vers le Karliik Glenn, et, de fait, on l’amenait au Haut Prêtre qui s’entretenait avec, apparemment. Et après qu’on l’eut annoncé sans en révéler l’identité, que les portes s’ouvrirent, il s’engouffra, non sans faire tomber le camouflage magique et faire profiter dès lors le Haut Prêtre autant que le Puy tout entier de son retour.

« Oh mais, ne vous interrompez pas pour moi, poursuivez, comme si je n’étais pas là. »

Ce comportement qui put paraître surprenant, il l’avait déjà testé auprès des prêtres de Sol’Dorn. Toujours désireux de bouleverser les choses qui paraissaient comprises, il se plaisait à occuper, depuis toujours, une place à l’inverse de son prédécesseur. Si Illiva’ere avait incarné, du fait de son statut particulier, la figure religieuse du Trium’Virat, pour diverses raisons, le Premier Feu s’évertuait à n’occuper aucune place, et ne prétendre à aucune autorité du fait de son rang singulier.
Il appartenait à une hiérarchie propre ne comprenant que deux individus, le Père et lui-même, ne se liant à aucun autre arbre, sinon par le respect dû, non par l’autorité.

Mais le message ne dut être ni clair, ou plutôt pas très à propos, au vu de la situation. Un revenant de sept années d’absence, dont la dernière action ici avait été un régicide, ou tout comme, qui plus est le Gardien d’Uriz… Inutile d’espérer pouvoir se glisser là sans attirer l’attention.

« Mais tout de même, je tenais à adresser, en mon nom propre, mes félicitations aux successeurs des Naerth. »

La précision du nom propre était importante, que ne se mêle pas la considération que le Père félicite à travers lui. Seul le Prima Sanguis s’exprimait là. Mais l’intérêt de son propos était dans sa façon d’être… Comme si son absence n’était qu’une invention.

Pour une surprise. Ne venait d'entrer dans le bureau rien de moins que Tebirahc Zaurahel, Prima Sanguis, ancien Obok Senger du Premier Ost, Gardien d'Uriz et accessoirement régicide. Mais ce dernier point restait sujet à nuance, puisque ne pouvait être considéré comme un crime ce qui relevait de la volonté du Père. Et certainement pas en ces murs. Qu'est-ce qui avait bien pus ramener ainsi une telle personnalité, dont on n'avait plus de nouvelles depuis plusieurs années, depuis que la tête de Brylyan avait roulé au bas de son trône à dire vrai ?
S'il convient de reconnaître une qualité au haut-prêtre et à Malag'eyl, c’est l’aplomb avec lequel ils prirent la chose. Passé un fraction de seconde de surprise, en partie dus pour le religieux à l'aura du Gardien brusquement révélée, ils contemplèrent le nouveau venus avec un calme fascinant. Il aurait été indigne d'eux de se précipiter dans quelques questions sur ce qui l'avait tenus éloigner, et surtout pourquoi il remettait enfin les pieds au Puy.
Au lieu de cela, le haut-prêtre l'invita bien évidemment à s'asseoir, et s'il ne jetait pas sa curiosité en pâture, nul doute qu'il allait essayer de la satisfaire tôt ou tard, tandis que Malag'eyl le remerciait d'un salut respectueux pour les félicitations qu'on lui adressait. Une fois le Premier Feu assit, Malag'eyl reporta son attention sur le Haut-prêtre. La présence du Gardien ne le gênait, ou cela ne se voyait pas, mais il se demandait néanmoins si leur rencontre était ou non le fruit du hasard. S'adressant au Haut-prêtre, il poursuivit néanmoins normalement.

« Comme vous le savez fort bien, le Premier Ost s'apprête à lever ses troupes pour partir mener la guerre en Anaëh. Comme vous vous en doutez peut-être, il ne s'agit encore que de préparatifs visant à dégager la voie à un assaut de plus grande ampleur. Je me demandais donc si le culte d'Uriz était désireux de participer à ces opérations, et si oui de quelle manière, que je puisse accorder mes ordres suivant les circonstances. »

« Karliik Glenn, le Culte d’Uriz a toujours soutenu et participé au campagne que menèrent les Osts, notre Gardien ici présent saurait en témoigner. Nous appuierons vos troupes en hommes et en prières, joignant à chacun de vos Osts qui partiront quelques uns de nos prêtres. »

Si le nouveau Karliik Glenn n’avait pas le Culte en haute estime, se contentant depuis tant d’années du minimum de présence pour éviter de susciter trop de rumeurs et de remarques nuisible à sa carrière, il ne pouvait nullement contester l’apport des prêtres d’Uriz, dont la fonction allait bien au-delà de cantiques à prononcer, portant l’armure et maniant les armes avec une efficacité au moins égal à la ferveur de leurs croyances, à faire pâlir nombreux guerriers de métiers au-delà des précieux sorts soutenant et renforçant les troupes.

Un tel professionnalisme surprit autant que déçut le Premier Feu car passé la surprise et le choc, ils semblaient être revenus au point de départ, et il ne put que constater avec une déception invisible, que son entrée avait été un flop. Avait-il disparu depuis tant d’années qu’on l’avait oublié ? Les Hautes Sphères peut-être, certainement l’absence d’un Gardien « Régicide » eut été une aubaine à saisir, et son retour attristerait autant qu’il inquiéterait certaines figures.

« Pardonnez l’intrusion, mais si vos desseins, vos regards, se portent vers nos chers cousins des bois, prenez tout de même en compte une information nouvelle que je vous apporte. Il est, dans le Jardin de l’odieuse et mauvaise Mère, une rose nouvelle. Une fleur toute jeune mais préférée par la Mère, à peine éclose et qui n’a pour défense que de maigres épines encore en train de se former qui, sans être négligeable, ne sauraient trop sérieusement vous blesser. Elle vous effrayera peut-être, fera hésiter les mages, un temps car le parfum qu’elle dégage est fort… Ne reculez pas, poursuivez vos pas, elle frappera fort, c’est certain, mais s’essoufflera bien vite. Et la Mère, je vous le garantie, ne se risquera pas à intervenir, car alors, notre Père et son Premier Feu seront là, et elle ne le souhaiterait pas. »

Petite façon plaisante, à qui comprendrait le sens des mots, d’avertir de la présence d’une nouvelle Gardienne en Anaëh, mais également de la stratégie qu’il faudrait alors adopter, et de l’assurance qu’en cas d’une intervention trop visible, trop importante de la Déesse, Uriz, le Père, ne manquerait pas de la contraindre à ne pas poursuivre ses interventions trop lourde dans les affaires mortelles.

Malag'eyl opina du chef avec un sourire de remerciement à la déclaration du haut-prêtre. Il considérait, dans un généralisation abusive qu'on ne lui connaissait guère, la plupart des prêtres d'Uriz comme des va-t'en-guerre irascibles et instables, mais dans son habitude à ne sous-estimer ni ennemi ni allié, il reconnaissait volontiers en cette troupe des guerriers parmi les meilleurs que comptait la société drow. En plus de leurs talents martiaux développés, il s'agissait tous de pyromanciens accomplis. Et pour lui qui ne voulait pas se contenter de frapper les elfes, mais la forêt elle-même, le feu allait devenir son plus précieux atout. Il se tourna ensuite vers le Premier feu, qui semblait détenteur d'informations inconnues au Puy, mais ne voulait visiblement pas les révéler sans quelques camouflages. Néanmoins il pensait les comprendre.

« Et bien, je ne comptais pas nous laisser arrêter par une nouvelle rose, toute gonflée de divinité qu'elle puisse être, mais il est profitable d'en être avertis à l'avance. Le Premier Ost n'est pas encore partis, j'avertirais de cela son Obok Senger dès que l'occasion se présentera.
A moins que vous ne désiriez peut-être le faire vous-même, si jamais vous souhaitez rencontrer votre successeur, même si je pense que vous le connaissez déjà.
Quoiqu'il en soit, et puisque nous sommes là, votre retour est des plus surprenants, et je pense que nous sommes tous deux -il désigna le haut-prêtre d'un geste de la main- très curieux de savoir ce qui a pus vous décider à revenir en ces temps que certains jugent mouvementés. A croire qu'ils n'ont encore rien vus. »

Pour sûr, il était prêt à leur promettre des temps bien plus mouvementés encore, lorsqu'il ferait converger les quatre osts sur l'Anaëh. Le peuple sombre s'embourbait depuis trop longtemps, et l'inertie incroyable avec laquelle certains se mettaient en branle dans la machine de guerre drowique en était le témoin le plus direct. Six ans avaient passé et certains semblaient les voir encore devant eux. Ils apprendraient rapidement que ce n'était pas le cas.

Que voilà un Karliik Glenn très sûr de lui... Son nouveau titre lui avait-il offert suffisamment d'arrogance pour même considérer comme un moindre mal ce que sont les Gardiens ? Il avait beau la dépeindre, lui, comme une moindre embûche, il ne pouvait que constater le mépris du sombre. Était-ce ce même mépris qui l'avait amené à si vite retrouver son « professionnalisme » et ignorer la présence du Premier Feu ?

Mais il mit de côté cette réflexion, se penchant sur le reste, mais gardant en tête la future menace autrement plus concrète et sérieuse que le crédit qu'il semblait accorder aux Gardiens.
Il sauta donc ces mots de la part du sombre et en vint à la suite, et cette mention de son successeur. Il profita de fait de l'occasion et de la proposition pour faire ce qu'il aurait fait quoiqu'il arrive... Mais autant laisser à un autre le soin de s'en charger, surtout que sa légitimité n'était plus, désormais qu'il était Premier Feu, non Obok Senger d'Thalack.

« Il ne m'appartient pas de lui communiquer pareilles informations, c'est votre campagne, après tout, non la mienne. Mais lorsque vous la verrez, remettez lui ceci, aussi bien de ma part que pour rétablir des traditions qui n'ont que trop laissé la place à l'auto-proclamation sauvage, certes nécessaire, qui n'a plus lieu d'être aujourd'hui. »

Il n'avait pas changé sur ce point... Toutes traditions qui n'empêchaient pas la marche en avant, se devaient d'être conservé avec le plus grand soin. Et à l'instar d'Alder'Aak, il était connu pour être l'un des plus strictes défenseurs de la véritable tradition.
Là-dessus, il sortit de sa poche, enroulé dans un linge, l'anneau serti de saphir, symbole de l'autorité du Senger du Premier Ost, et le lui remit.

« Kaherith, dans sa déchéance, ne rendit jamais le sien, bien qu'indigne de le porter. Je n'aurais pas le même mépris que lui. Il ne m'appartient plus de le posséder ou de le porter. »

Et par ce geste, il se séparait réellement de l'une des parts de son héritage. Il n'en avait plus besoin, malgré ses projets à venir, il ne nourrissait pas le désir de reprendre les rennes du Premier Ost. Il formerait ses héritiers, lorsqu'il en aurait, pour cette tâche, mais pendant les prochains siècles, il n'aurait pas de Zaurahel à sa tête.

« Quant à ce qui m'a décidé à revenir... Une promesse, et le besoin de retrouver mes racines. Sept années durant, j'ai voyagé... Me rendant dans chacun des royaumes, et d'autres encore qui ne paraissent sur aucune carte... Quittant même le monde des vivants, rencontrant mon ancêtre, Elda Men'Arohel ainsi que tant de ceux qui nous précédèrent, avant même que nous ne nous installions par delà les Terres Stériles.

Mais vous êtes la cause de mon retour, Karliik Glenn. Alors que mes pas m'éloignaient de l'Anaëh et de la Gardienne que j'y laissais brisé, ils croisèrent le murmure de votre élévation. La promesse que j'avais formulé à quelqu'un qui m'est précieux me revint, et ainsi qu'il fut promit, dès lors que me parviendrait la rumeur du succès de cette quête que j'ai initié en raccourcissant celui qui vous a précédé, je retournerais au Puy... Et me voici. »

Cela fourmillait de détails qui n'intéresseraient certainement pas le sombre, mais tout cela n'avait pour but que d'amener, discrètement, ce qui suivait. Car la réflexion qu'il s'était faite fut ramenée au premier plan, et il était temps d'y offrir une réponse. Et si ses traits et son regard avait paru s'égarer dans le vague, ils revinrent se fixer sur la lueur qu'était le Karliik Glenn, offrant une dureté qui contrastait violement.

« Mais revenons-en à la Gardienne, est-ce ainsi que vous m'avez considéré, Karliik Glenn ? N'ai-je été, depuis ce jour, qu'un sombre gonflé de divinité ? Et dites la vérité, je n'ai cure des mensonges et des flatteries, et il sera douloureux pour vous d'en user, je vous prie de me croire. »

Et la menace, sans dissimulation, semblait des plus sérieuses.

Malag'eyl récupéra précieusement l'anneau que lui tendit Tebirahc, et le glissa dans une poche de sa propre tunique. Il le remettrait à l'Obok Senger du Premier Ost dès qu'il en aurait l'occasion. Pour l'heure, tout cela était un peu embrouillé pour pouvoir faire la digne cérémonie normalement de rigueur. Dès que la situation se calmerait il faudrait sans doute célébrer l'ascension de toute une nouvelle Olath Blada. Il en profiterait pour léguer l'anneau d'émeraude qu'il possédait encore, d'ici là une figure se serait sûrement hissée au premier plan de l'ost. Il l'espérait en tout cas, les soldats avaient besoin d'une telle figure, Malag'eyl ne pouvant plus commander cet ost en personne.

Il écouta avec attention, bien qu'elles lui parurent particulièrement obscures sur certains points, les explication de Tebirahc sur les raisons de son absence et de son retour. Les seules informations qui l'intéressaient furent que le Gardien semblait porter un certain intérêt au titre de Karliik Glenn, sans trop détailler ses motivations, et qu'il avait semble-t-il fait une promesse. Là non plus il ne fut pas prompt à détailler et l'identité de ce débiteur restait inconnue.
Puis, le visage du gardien se posa sur lui, plus dur qu'auparavant. Et vint la question.

« Vous voulez savoir ce que je pense de vous ?
« Et bien oui, je pense que vous n'êtes rien de plus que le drow que vous fûtes par le passé, c'est à dire un général talentueux et un guerrier respecté par ses pairs dont certains exploits résonnent toujours et résonneront sans doute encore longtemps, mais remplis d'une puissance magique plus grande que tout ce que l'on connaît.
« On vous dit le messager du Père, et que cela soit vrai ou non je n'en ai cure, il n'est pas mon rôle de juger ces choses. Ce que je sais c'est que vous n'obéissez plus aux lois communes et que vos actes ont déjà eut des répercussions plus grandes que ce que peuvent l'imaginer les gens du commun. En ce qui me concerne, comme vous ne vous donnerez sans doute jamais la peine de prévenir et que vous arrêtez semble difficilement concevable, je me suis résigné à vous concevoir comme un phénomène naturel aussi inévitable que pourrait l'être par exemple une pluie torrentielle sur le champ de bataille.
« Quant à cet autre gardienne, sur laquelle ma remarque semble vous avoir interloqué, je ne crains ni sa déesse de pacotille ni ce qu'elle fut par le passé. Elle peut déployer toute la magie qu'elle veut, elle ne m’impressionnera ni ne me fera le moins du monde renoncer à mon but. Prenez ça pour de la vantardise, de l'arrogance, de la témérité ou de l'idiotie, mais je ne considère pas la magie, quelque soit son origine, comme un obstacle infranchissable. Chaque problème a une solution. Si ce n'est pas le cas, il ne s'agit pas d'un problème mais d'un facteur inévitable et la seule chose à faire est alors de relever son col et d'avancer malgré la tempête ou abandonner.
« Et je m'y refuse. »

C'est un sourire qui accueillit la conclusion de la réponse que lui offrit le Karliik Glenn. Voila un sombre comme il en fallait pour diriger les Osts, il en était à présent convaincu. Il nourrissait la même ambition et la même volonté qui avait amené les Zaurahel aussi loin. L'idée qu'une Déesse aussi puissante et ancienne que Kÿria demeurait un adversaire accessible, qu'on pouvait finalement faire plier, quelque soit le prix qu'il fallu payer pour y parvenir.

« Voila des mots emplis de bon sens, et me voici rassuré quant à l'avenir, les Osts seront correctement dirigés, amenés sur une voie des plus convenables. La tête qui est tombée ne l'aura pas été en vain, et c'est avec un plaisir sincère que je mets réellement un terme à cette... quête.
Désormais, il ne tient plus qu'à vous d'y demeurer, sans jamais vous en détourner. »

Il pouvait par conséquent amener bien plus sereinement la conversation sur un tout autre sujet. Et la présence du Haut Prêtre était finalement bienvenue, ainsi, les deux principaux concernés, à ses yeux, seraient au courant.
Il fallait maintenant en réfléchir la forme, ne pas être trop direct...

« En présence de ces signes encourageants pour la suite, il me faut vous avertir d'une autre nouvelle. L'annonce à tout autre que vous viendra bien assez tôt, aussi vous faudra t-il tenir votre langue, sans quoi... Je repousserais l'annonce et n'hésiterais pas à chèrement punir une langue qui serait alors que trop pendue. »

Et il se lança.

« Je décline. Tout du moins, ne suis-je qu'un Premier Feu destiné à s'essouffler trop tôt, condamné à ce sort depuis le Voile et le premier jour où il brûla, pour des raisons qui demeureront à la discrétion du Père. Dans les prochains jours, ainsi qu'il fut convenu avec Lui, je cesserais d'être son Vaisseau, demeurant toutefois l'un de ses Feux, ainsi mon existence se prolongera et avec elle, le temps qu'il me sera dévolu pour servir son Œuvre.
Le signe de ce changement, mais également de ma place préservée à ses côtés, sera dévoilé à tous et à chacun de ceux qui seront venus, des plus hautes sphères jusqu'à la fange.»

Les choses étaient posées, comme prévu.

« Je compte donc sur votre silence, et ne doutez pas de la menace que je représente encore. Il faudrait bien des années au rythme de cette dernière, qui me vit croiser deux autres Vaisseaux, pour me voir m'éteindre. Je vous l'annonce à vous, avant les autres, afin que vous puissiez commencer à vous y préparer, ni plus, ni moins. »

Malag'eyl ne put s'empêcher de se sentir honoré des compliments que lui adressait Tebirahc. Non parce qu'il était le Gardien et la voix du Père desBatailles, en fait, mais tout bêtement parce qu'il était Tebirahc justement. Un Zaurahel, et si Malag'eyl n'accordait aucune importance à la lignée -lui-même ne pouvait s'enorgueillir de la sienne- force était de reconnaître le talent de celle-ci lorsqu'il s'agissait d'élever des guerriers et des généraux réputés. Et le dernier né n'avait pas faillis à la réputation de sa famille.

Les autres nouvelles, amenés par le Vaisseau qui n'en serait bientôt plus, furent moins bien accueillis. Enfin, disons que si Malag'eyl n'avait pas une haute estime de la religion, il comprenait tous les enjeux politiques et militaires qui étaient liés à un Gardien. Le perdre ne présageait guère de facilités. Il avait beau se tenir en dehors du Puy depuis des années, son retour puis sa déchéance, car elle serait partie vue ainsi, ne pourraient que faire réagir et inquiéter, en particulier la plèbe qui ne voyait pas au-delà des pseudos-signes divins. Et il n'avait pas envie d'une populace inquiète à l'aube d'une guerre.
Après certains parlais de mauvais présage, et tout le monde devenait d'un coup beaucoup plus pieux et beaucoup plus lâche. Il méprisait les faibles qui se tournaient vers la superstition plutôt que de faire face aux obstacles. Pensaient-ils réellement que les dieux allaient régler leurs problèmes pour deux volailles sacrifiées sur un autel ou quelques offrandes au temple ? C'était d'un orgueil incommensurable.

« Cruel farce du destin. Puis-je vous demander ce que vous comptez faire par la suite ? Vous parler de continuer à servir le Père, si je vous suis bien, mais pourrions-nous en savoir plus sur vos projets ? »

HRP:

Dernière édition par Malag'eyl le Dim 3 Fév 2013 - 18:47, édité 1 fois

Ses projets... Il en avait quelques uns, comme se reconstruire, et s'occuper de son nom et de sa demeure qu'il avait ces dernières années, de fait, négliger, même si sa mère s'en était probablement chargé. Mais c'était à lui d'offrir la notoriété, quoiqu'il faudrait d'innombrables siècles d'inaction pour entamer le nom des Zaurahel, tant il était ancré de la meilleure des façons dans l'Histoire.

« Et bien... Sans avoir d'idées précises encore, les choses sont nouvelles, je mettrais à votre disposition mon expérience, bien entendu. Il ne tiendra qu'à vous de décider de la meilleure façon d'en disposer, quoique je garderais évidemment le droit de vous offrir une réponse négative, vous en conviendrez. »

Car il ne considérerait pas le Karliik Glenn comme un maître, ou un véritable supérieur. Il demeurerait Feu, servitude du seul Père et consacré à son Œuvre, tout du moins, la part qui concernera les Sombres.

« Mais n'attendez pas de moi que je sois un chien docile, obéissant à un maître, ni un pantin hochant misérablement de la tête à chacune de vos décisions. Si vous devez m'employer, c'est en sachant que je pourrais devenir le plus féroce des opposants si je considère la chose nécessaire pour la prospérité des nôtres, et que vous vous brûlerez si vous prétendez pouvoir me mater. »

Ainsi était-il prévenu, et il pouvait ensuite se reposer sur les « on-dit » qui lui offrirait au moins l'idée qu'il n'abuserait pas de ce comportement, à tord et à travers, s'en tenant à la juste et réelle nécessité.

« Réfléchissez-y en sachant cela. »

Mais l'heure n'était pas encore à prendre cette décision... Pour l'heure, il demeurait Gardien mais l'heure du changement ne tarderait pas à venir, il le fallait. Demeurer trop longtemps entre deux eaux pouvait s'avérer néfaste.

Spoiler:

Le Premier Feu, puisqu'ainsi il demeurait encore, resta assez flous sur ses prochaines actions, mais fit part de sa plus ou moins grande disposition aux services que pourrait lui demander le Karliik Glenn. Lequel s'en réjouit intérieurement, il ne pouvait retirer que du bien d'une alliance avec l'un des plus illustres généraux du Puy. Du moins tant qu'il assurerait ses arrières, même si on lui associait un certain honneur. Désormais le retour était confirmé, ce qui arriverait au Premier Feu en connaissance des autorités militaires du Puy et il était sus qu'une nouvelle Gardienne avait vus le jour pour défendre l'Anaëh. Cette information se devait d'ailleurs d'être au plus rapidement transmise.
Aussi Malag'eyl se leva-t-il de son siège, puis salua tour à tour le Gardien et la Haut-prêtre, expliquant qu'il lui était désormais temps de se retirer et que de nouvelles obligations l'attendait. Il invita également Tebirahc à venir le voir dès qu'il en aurait le temps. Sur ces mots, il quitta la pièce puis le temple et rejoignit prestement les casernes du Premier Ost pour informer son Obok Senger du nouvel ennemi qu'elle avait. Il attendait aussi au plus tôt des nouvelles d'Haldren, partis sur le front d'Ardamir pour ''tester quelque chose d'inédit qui pourrait nous faire remporter cette guerre'' d'après son messager.

HRP:

» [HT Uriz] Au Temple d'Uriz
» [Palais] Un Barra et un Karliik | Lyme
» [HT d'Uriz] Une elfe chez Uriz [Haeldra, Tebirahc]
» Un tête à tête dans les ruines [Haldren]
» Dîner en tête à tête | Victoria di Maldi

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