Le Vieil Ennemi [PV Aline]

Sujet: Le Vieil Ennemi [PV Aline] Mer 10 Sep 2014 - 16:49

Enfin! Après une longue marche à travers des routes dégelées par le printemps le bastion de Montvélin était en vue! Si vous laissiez Arawn vous faire part de ses souvenirs de cet endroit il vous expliquerait sa mésaventure avec une villageoise, un cheval fou et une dizaine de gobelins qui passaient dans le coin par pur hasard. Des souvenirs impérissables, sans doute davantage pour les petits monstres que pour lui, les pauvres s'éparpillaient facilement, au sens propre...

Toujours était-il qu'il y revenait après quelques décennies sans sa vigueur d'antan et soutenu par trois karamstriens qu'il s'était décidé à faire passer pour ses petits-enfants valeureux et respectueux de l'âge. Une vertu qui, à en croire les anciens, se perdaient en ces temps de dépravation. Etrangement son propre grand-père lui avait tenu exactement le même discours à l'époque, par chance pour sa dignité, le vieillard ne s'en souvenait pas.
Sur les sentiers on voyait encore de nombreuses traces de passage d'hommes à pieds, de chevaux et de divers chariots. Les troupes du marquis semblaient, comme l'avaient indiqué les témoignages concordants de nombreuses personnes, suivies ce chemin. La question restait en suspens sur leur objectif réel, le plus évident restait encore le Nord rebelle dont chacun savait qu'il faisait de l'ombre au marquisat entier mais un détour pour rentrer dans une partie précise des Wandres n'était pas à exclure. Dans les deux cas, cette attaque devait être retardée.

Les protagonistes de ce conflit fratricide l'ignoraient, mais le désordre que créait ces conflits alimentaient la rancune des peuples envers leurs dieux, combien d'Alonnais maudissaient les Cinq après avoir tout perdu lors de la guerre civile ayant suivit la destitution de Constance, les attaques de pillards hors-la-loi ou l'assaut de Jérôme de Clairssac? Combien d'hommes et de femmes pleuraient leurs défunts ou s'égosillaient en mauvais argot sur l'incompétence de Diantra qui ne parvenait pas à reprendre une province rebelle? C'était dans ce genre de terreau de peur, d'insécurité, de fatigue, de lassitude et de pauvreté que naissait la haine de l'autorité et le rejet des institutions. Dans ces temps maudits apparaissaient les révolutions, les sectes, les ennemis internes.

Et dans ce marasme Arawn lançait ses forces à l'assaut des âmes perdues, la baronne d'Alonna dans sa sacoche, les temples pentiens débordés par la situation ou bloqués par leur propre corruption, le vieux guerrier avait bon espoir que des conversions de masse s'opèrent, peut-être même parmi la noblesse ruinée ou vaincue...
Les auspices semblaient bons, mais pour autant il devait respecter certains engagements auprès de la De Broissieux, à laquelle il avait promis son aide contre le Brochant qu'elle pensait hostile à son autorité. Il aurait pu mettre en flammes des réserves de grains des villages serrois, mais à terme ses propres cultistes auraient été affectés malgré leurs vivres personnels. Une attaque directe contre les centres de l'autorité était à exclure, les pertes auraient été élevées et le risque de voir Karamstra démasqué immense, hors leur discrétion était primordiale. En définitive le gourou avait décidé de détourner les convois de ravitaillement de l'armée pentienne, ou à défaut de les détruire. La nourriture ramenée aux affamés alonnais ouvrirait sans doute leurs oreilles à la Foi des Deux Grands.

Il n'empêchait que ce vieillard et ces jeunes hommes demandant avec un air pitoyable aux passants quand arriveraient les chariots dans la ville avait de quoi étonner! Peut-être mourraient-ils de fin malgré ce que les carrures laissaient supposer? De toute façon ils seraient oubliés dans deux jours alors pourquoi s'en soucier?

Sujet: Re: Le Vieil Ennemi [PV Aline] Mer 24 Sep 2014 - 17:15

Depuis que son frère avait dû partir pour la guerre, une forme de guerre à laquelle il n'adhérait pas puisqu'il se trouvait coincé entre l'enclume et le marteau (Jérôme de Clairssac et Aymeric de Brochant), Aline passait beaucoup de temps seule. Que ce soit dans sa chambre assise sur le rebord de la fenêtre à broder ou bien dans le temple de Néera à prier, la Dame de Montévlin semblait exprimer son inquiétude vis-à-vis de Jared et du futur par tous ces moments où elle délaissait son rôle de gérante pour se laisser à ses réelles émotions. Le chant n'était que peu présent et les sourires réconfortants ne se faisaient qu'en publique (mais semblaient faire leur effet). Qu'en était-il plus loin au nord ? Que se passerait-il une fois la guerre finie ? Montévlin serait-elle seulement encore debout ? Tant de questions qui ne pouvaient avoir présentement de réponses...

Ce jour-là, Aline n'était pas seule. Marchant aux côtés de son ami d'enfance Thiev, la jeune femme prenait le temps de discuter avec lui après les longues entrevues avec les gens du fief ou encore avec ceux qui l'aidaient à gérer le domaine : armée, trésorerie, politique externe... toutes ces choses qui demandaient un temps fou à tout châtelain. A ce propos, le problème des gobelins avait été réglé avant que cela ne devienne trop dangereux. Concernant la politique interne au fief, même si certains n'aimaient pas trop cette idée, la douce Aline s'évertuait à s'en charger, ne serait-ce que pour montrer sa présence et continuer à garder l'influence de sa famille. Parée de couleurs hivernales ressortant ses yeux bleus pénétrants, nombreux étaient ceux qui la reconnaissaient dans la ville et qui s'inclinaient à son passage. Aline accueillait alors cette marque de reconnaissance d'un signe de tête assorti d'un agréable sourire et c'était sans recul aucun qu'elle accordait des mots aux personnes qui souhaitaient lui adresser la parole. Maintenir le moral, toujours. Jusqu'au bout.

C'est alors que les deux amis descendaient les rues, s'arrêtant régulièrement, qu'ils entendirent quelques personnes demander quand arriveraient les chariots. L'expression de leurs visages indiquait qu'ils n'étaient pas au meilleur de leur forme et pourtant, pour le reste de leurs corps n'indiquait pas un manque de nourriture s'étalant sur un certain temps. Comédie ou vérité ? Tout ce que purent constater Thiev et Aline fut que ces gens n'étaient pas originaires de la région proche - les vieillards étant reconnus pour leur savoir et souvent pour leur sagesse, un homme de l'âge de l'humain vers lequel la Dame allait aurait été connu d'eux. Ce fut avec un certain respect pour le vieillard qu'Aline s'adressa à lui.

"Manqueriez-vous de nourriture, monsieur, pour demander ainsi quand arriveraient des chariots devant passer par cette ville ?"

Sujet: Re: Le Vieil Ennemi [PV Aline] Sam 15 Nov 2014 - 14:02

Une bien jolie jeune fille que voilà, une de ces gaillardes à la peau blanche forgée par les montagnes! Un dicton paysan disait que les filles des altitudes étaient les meilleures pour la besogne, car usant de leur expérience rocheuses pour faire durcir les hommes! Un de ces proverbes paillards qu'on se racontait en riant au coin du feu, dans une bonne taverne, après une journée de dur labeur.
Un des membres de la secte ne pu s'empêcher un sifflement d'admiration, vite réprimandé par un coup de coude dans le ventre de la part d'un autre fanatique. La situation n'était pas à la frivolité mais à l'intrigue.
Prenant sa voix la plus pittoresque, ce qui n'était pas difficile quand les cordes vocales étaient affaiblies par la maladie et le temps, le vieillard s'approcha du duo inconnu. A voir leurs vêtements ils avaient l'air d'une certaine richesse, peut-être des nobliaux de la région. Peut-être pourraient-ils l'aider s'il appuyait sur la bonne corde... Celle d'une mère et d'un père voyant leur progéniture mourir peut-être?

-"Ah, chers enfants! Vous ne pourriez comprendre la souffrance d'un aïeul! Cette guerre, personne ne la voulait! Notre marquis court à sa perte seul, Oësgard est une région maudite!"

Il fit mine de rentrer la tête dans sa manche pendant qu'un de ses fidèles allaient lui donner un morceau d'étoffe qu'Arawn sembla utiliser pour sécher des larmes de crocodiles.

-"Ce sont mes deux petits-neveux et mon petit-fils, ils ont acceptés de m'accompagner pour accomplir ma dernière tâche de fou sénile... Le ban a été levé en Serramire, dont je suis natif et où ma famille coulait des jours paisibles jusqu'à ce que mes quatre autres petit-fils ne soient embrigadés de force dans l'armée pour être envoyé comme appât à flèches de l'autre côté de ces montagnes! Les pauvres enfants!"

Dissimulant un sourire, le sectateur le plus proche prit le prophète dans ses bras pour le réconforter, murmurant en direction de la Dame des mots d'excuses.

-"Pardonnez-le, il s'emporte, c'est l'âge..."

-"Qu'importe l'âge, garnement! Comment le marquis peut-il envoyer nos enfants se faire tuer contre ce trou pourri qu'est Oësgard? Ah! Si le marquis voulait tant une armée, il n'avait qu'à entraîner plus de soldats au lieu de demander à ses gens d'aller se battre dans une guerre qui ne les concerne pas!

Enfin, voilà que j'ai eu une idée, beau messire et belle dame, je devais suivre la troupe, savoir où passent les ravitaillement, aller voir les caravaniers et les convaincre de la folie de ce conflit! Si le marquis ne reçoit plus de vivre il sera obligé de faire marche arrière! Je pourrai alors revoir le sang de mon sang! Ils n'ont pas d'expérience du combat, ils sont condamnés comme tant d'autre si je ne les aide pas!"

Son suivant se précipita comme pour le faire taire.

-"Grand-père, je pense que tu importunes trop ces nobles sires..."

Arawn secoua fatalement la tête.

-"C'est que je me désespère de conflit, mon enfant. A Alonna j'ai ouï dire que la population souffrait de la fin, et à côté de ça le marquis fait envoyer de la nourriture à des hommes dont le seul désir est de rester chez eux à protéger leur famille des dangers du monde! Ah! Que tout est mal fait! Mais je me dois d'essayer."

Sujet: Re: Le Vieil Ennemi [PV Aline] Sam 15 Nov 2014 - 19:03

L'arrivée de la jeune noble provoqua un sifflement admiratif chez l'un des adultes, ce qui avait automatiquement mis Thiev sur ses gardes, plus qu'il ne l'était déjà. Aline elle resta d'un grand calme, certains diraient même d'une grande douceur. Ce n'était pas pour rien que des gens s'amusaient à lui accorder l'adjectif "douce" ni même que les gens du fief la surnommaient la Pieuse d'Or : son accueil était toujours assorti d'un sourire et son état d'esprit était tout à fait en accord avec le culte de Néera, sans compter le fait qu'elle passait beaucoup de temps au temple à prier. C'était bien là une raison du fait que la populace l'appréciait ainsi que certaines gens de sa classe sociale. Mais là seule son apparence avait provoqué le sifflement et seule sa question avait provoqué la longue tirade du vieillard.

La guerre, encore la guerre... Le vieil homme avait vu ses petits-fils emportés dans l'armée du marquis de Serramire, Aymeric de Brochant, pour une terre que l'homme considérait comme maudite. Peut-être oui, Aline n'était pas de ces croyances. Tout ce qu'elle savait était que deux nobles - ou plutôt la Couronne et d'autres gens de pouvoir - se querellaient ce petit royaume après qu'il ait été reconnu par la Couronne elle-même et que sa famille se retrouvait entre le marteau et l'enclume dans ce conflit. Le vieil homme souhaitait arrêter cette guerre, rouspétait contre le marquis, voulait retrouver ses ascendants quitte à priver toute une armée de nourriture... Aline ne dit tout d'abord rien, ne s'étant pas attendue à ce que son interlocuteur parte ainsi en colère. Elle fit juste un geste rassurant au petit-fils pour qu'il n'emporte pas son grand-père ainsi, qu'il ait le temps de finir de parler. Son regard à elle ne faisait que voir sans regarder.

Les dires de l'aïeul se répercutaient en elle, lui faisant remémorer le jour où Aymeric de Brochant était monté jusqu'ici lui prendre son frère et nombre des hommes armés. Son frère qu'elle adorait, avec qui elle avait toujours été fortement liée... Si des larmes avaient pu couler à l'intérieur de son propre corps elle les aurait laissé perler en elle tant son frère lui manquait, tant cette situation pesait sur ses épaules. Pire que tout était cette affection qu'elle avait pour le baron d'Etherna, dont elle portait encore aujourd'hui dans sa longue chevelure l'anneau qu'il lui avait offert. Il lui manquait, lui aussi, un peu. Elle espérait que les deux protagonistes de cette guerre trouveraient un terrain d'entente avant qu'il ne soit trop tard, s'il ne l'était pas déjà...

Aline sortit de sa torpeur, se rendant alors compte qu'il avait dû se passer quelque temps entre la tirade du vieil homme et cet instant précis. La jeune montagnarde eut un nouveau sourire, plus triste que le précédant. Thiev n'eut aucun mal à reconnaître à quelles émotions il était associé aussi la prit-elle doucement par le coude, lui faisant ainsi signe qu'ils pouvaient continuer leur route si elle n'allait pas bien. Mais elle lui fit signe que tout allait bien, il n'y avait pas foule autour d'elle donc elle ne risquait pas de perdre conscience. Puis elle se retourna vers l'aïeul.

"Vous n'êtes pas seul à endurer cette guerre, monsieur, notre propre châtelain a dû partir pour ces terres où sont les membres de votre famille, ainsi que de nombreux hommes. Si vous souhaitez les revoir priez pour que le sort leur soit favorable et que la sagesse éclaire l'esprit des belligérants, plutôt que d'essayer d'affamer les troupes - chose que je ne pourrai vous laisser faire, de quelque manière que ce fut. Vous ne feriez que tuer bien plus d'hommes que vous ne le pensez, dont vos propres petits-enfants..."

Elle regarda son ami d'enfance, lui demandant silencieusement de reprendre la route, de rentrer au château. Elle retenait cependant qu'il lui faudrait demander de surveiller ces quatre personnes, pour qu'ils ne fassent pas ce qu'ils ont l'intention de faire.

Sujet: Re: Le Vieil Ennemi [PV Aline] Dim 16 Nov 2014 - 14:12

Ainsi le châtelain était absent? L'homme fort du bourg se trouvait loin en territoire ennemi, incapable de donner ses instructions... C'était à prévoir, la majorité des seigneurs de Serramire avaient dû partir avec le marquis pour la guerre, coupant la chaîne de commandement de la région. La situation était bien meilleure que n'importe quelle autre période, tout était en place pour une percée spectaculaire du Culte de Karamstra. Ces chariots il les aurait, de gré ou de force, il les ramènerait à Alonna et achèterait le peuple par l'estomac.

Mais voilà que cette catin blanche refusait son prestigieux raisonnement en invoquant qu'il causerait plus de morts qu'autre chose? Ces femmes n'y comprenaient vraiment rien à la guerre et à la politique. Les sectateurs se fâchaient derrière lui, prêts à dégainer et trucider les idiots pentiens. Pour autant il n'était pas encore trop tard pour faire changer la dame d'avis. Tentant de se faire rapide, Arawn se précipita pour barrer le chemin à la belle et son serviteur, qui faisait une drôle de tête d'ailleurs.

-"Mais Dame, vous ne semblez pas comprendre la situation. Je voudrais que nous en discutions davantage, peut-être pourrais-je trouver les mots ou le stratagème à mettre en place qui vous convaincra. Cette guerre s'achèvera par un bain de sang si nous ne l'arrêtons pas. Il ne s'agit pas de votre châtelain ou de mes petits-enfants, j'agis pour tous ceux qui vont perdre un être cher dans cet Oësgard en ruine. Pourquoi vont-ils mourir? Sinon pour un tas de boue condamné?"

Avec mépris il chassa ses trois "descendants" venu le "faire taire" avant qu'il n'en dise trop. Chacun souriait en quoi sous l'action.

-"Trouvons un endroit où discuter et parlons ma Dame, ne me laissez pas voir ma descendance mourir sans avoir tout fait pour la sauver... Je remarque que je ne me suis pas présenté ma Dame, je suis Jugulain, pour vous servir..."

Sujet: Re: Le Vieil Ennemi [PV Aline] Dim 16 Nov 2014 - 19:32

Oh que si qu'elle comprenait la situation ! Et elle aurait préféré qu'elle ne soit jamais là, cette situation ! Croyait-il qu'il était facile pour elle de la gérer, d'agir en sachant son frère comme pris en otage avec toute une partie de l'armée ?! Elle eut du mal à ne pas regarder l'homme avec colère, tant sa peine était grande. Cela ne lui ressemblait pas, contrairement au fait de reculer dun pas lorsque la famille du vieillard vint essayer de le faire arrêter de parler - mais pourquoi ? - et ce non pas parce qu'elle avait peur qu'on lui saute à la gorge mais parce que cela lui donnait l'impression de monde trop près d'elle. Elle détestait les foules, ne pouvait même pas les supporter, au point qu'il lui était déjà arrivé de perdre connaissance. Thiev lui mit sa main à la poignée de son épée, prêt à la sortir s'ils s'approchaient trop de son amie. Il s'était toujours méfié des étrangers, grand bien lui fasse. Et là ces personnes n'étaient pas d'ici, au point qu'ils semblaient ne même pas savoir à qui ils parlaient !

"Trouvons un endroit où discuter et parlons ma Dame, ne me laissez pas voir ma descendance mourir sans avoir tout fait pour la sauver... Je remarque que je ne me suis pas présenté ma Dame, je suis Jugulain, pour vous servir...

Aline ne répondit pas tout de suite, préférrant réfléchir à ses propos avant d'énoncer quoi que ce soit. Et puis elle remarquait que l'attention était sur elle pour ceux qui passaient dans la rue, ce qui la mettait mal à l'aise... cette mauvaise impression d'étouffer, ce n'était pas le moment ! Respirant profondément, elle réfléchit à la possibilité que les convois de nourriture n'arrivent pas à destination et quelles seraient les possibles résultats d'un tel acte : une fin plus rapide de la guerre certes, mais également le massacre de ceux de son peuple. Et se devait de les protégers de ces géants qui prenaient tout dans leur gueule, y compris les vies... et les deux seigneurs devaient discuter, au mieux trouver une solution à ce conflit, laisser Jared choisir son camp final. Elle avait beau douter de pouvoir réellement se fier à la parole d'un homme, elle savait ne pouvoir se permettre le moindre écart.

-A la guerre comme à la guerre... Elle soupira. Sachez, monsieur Jugulain, que vous vous tenez en face de la Dame Aline de Montévlin et que je ne pourrai accéder à votre requête pour des raisons que vous ne semblez pas estimer. Si je puis vous dissuader de toucher au ravitaillement alors soit, parlons. Sinon veuillez reprendre votre route et ne plus revenir avec de telles intentions en tête."

Elle leur laissait le choix, le ton plus ferme que précédemment, mais vu la tension qu'elle avait perçue avec son premier refus, elle s'apprêta mentalement à riposter si jamais cette rencontre tournait mal. Elle vit du coin de l'oeil Thiev qui faisait de même, imperceptible mouvement que seule elle savait reconnaître chez son ami.

L'idiote ne comprenait toujours pas à quel point sa situation était précaire. Un vieillard et sa famille? Un maître de secte et ses adeptes prêts à tuer et à mourir pour lui? Quelle différence, vraiment? Les pentiens étaient si fragiles, si simples, des enfants qu'Arawn se plaisait à berner. Elle avait accepté de lui adresser la parole, là était sa première erreur. Elle avait accepté de l'écouter parler, là était sa seconde erreur. Si cette sotte connaissait la véritable identité de son interlocuteur, la peur prendrait sa gorge et la terreur emplirait son âme, car la Voix du Culte n'acceptait jamais une troisième faute.
Que son rang soit reine, duchesse, baronne ou simple paysanne, il n'y avait pas d'exception. Tous devaient prêter allégeance aux Deux Puissants et ceux qui ne le faisaient pas...

Rapidement, avec une maladresse toute sénile, Arawn se pencha en avant pour saluer bien bas la dirigeante des lieux, intimant à ses recrues de faire de même.

-"Oh ma dame, je ne savais pas à qui je m'adressais! Pardonnez-moi... Mais si vous ne parlez que pour me convaincre de renoncer, alors vous perdez votre temps... Je suis un vieillard, des menaces de coups ne m'effrayeront pas, pas plus que celles de mort. J'ai sincèrement servi les puissances célestes et je sais que mon destin est de rejoindre le sommeil réparateur de l'autre-monde... Pourtant je ne puis rester les bras croisé quand ma descendance souffre!"

Derrière lui les disciples grincèrent des dents, sincèrement cette fois. Ils se doutaient que l'ancien avait un plan et en tant que guerriers du Karamstra ils ne pouvaient craindre des pentiens... Tout de même, eux seuls contre la garde d'une place-forte, même réduite...

-"Si vos oreilles sont insensibles aux arguments de la sagesse de l'âge et de la volonté de préserver notre futur, tant pis! J'attendrai ici, seul s'il le faut, en espérant que les caravaniers seront moins naïfs sur la volonté réelle du marquis: affaiblir les troupes de ses vassaux pour obtenir un pouvoir plus grand!"

Sous leurs capuches, leur barbes et leur moustaches, les assassins haussèrent les sourcils et écarquillèrent les yeux. Voilà qui était inattendu!

-"Le fait que votre seigneur soit parti avec lui ne fait que confirmer ce que ce Marquis maudit prépare! D'abord il lève les troupes de toutes ses châtellenies puis il en prend les maîtres pour les emmener avec lui! Cela ne vous paraît-il pas étrange, ma Dame? Je ne suis pas un vieillard naïf! J'ai été un grand capitaine mercenaire pendant trente années! J'ai parcouru le monde, j'ai vu les plus belles femmes des harems d'estrévents, affronté les plus grands gladiateurs des arènes de Thaar, trompé les elfes dans la forêt d'Aduram et vaincu en combat singulier un héros nain de Kirgan! Et pendant tout ce temps on me payait pour combattre tel ou tel puissant!

Et savez-vous ce que j'ai appris, ma Dame? Que la guerre était la meilleure excuse pour se débarrasser de ses opposants internes! Tout concorde! Quand je suis revenu, l'on m'avouait à mi-mot que le marquis était malade, impuissant à faire régner sa loi sur ses terres. Et puis quoi? Il se réveille, se sent pris d'un appel d'Othar pour aller combattre une région rebelle qu'il n'aurait qu'à cueillir, morte et impotente, dans quelques mois? Le tout en emportant ses châtelains? Non je vous le dis, tout est clair! Aucun des hommes qui lui sont opposé n'en reviendra, ils resteront sur le champ d'honneur et il prendra soin de les remplacer par des êtres plus fiables.

Comment, en sachant tout cela, pouvez-vous encore le soutenir? Laissons-le sans vivres, forçons le à faire demi-tour avant qu'il ne soit trop tard! Mes petits-enfants en souffriront, mais notre seigneur, au Sud, était connu pour être opposé au Marquis... Alors je préfère les voir souffrir de la faim que de rester assis à pleurer leur décès!"

Sujet: Re: Le Vieil Ennemi [PV Aline] Sam 3 Jan 2015 - 14:54

"Les caravaniers ne feront rien de leur propre chef, vous devriez savoir cela, vous qui avez vu le temps passer et qui avez tant voyagé.

Son ton était dur, en allait presque à la réprimande, et face à ces hommes Aline se tenait droite. Elle comprenait qu'ils ne changeraient pas d'avis, sans pour autant seulement imaginer que cette demande du vieillard n'était qu'une partie d'un vaste plan organisé par un culte qui a ses yeux relevait d'un lointain passé. Quoi qu'elle puisse laisser paraître, les paroles du vieillard l'avaient suffisamment touchée pour qu'une réflexion intense se fasse en son esprit. Elle avait pu voir la cohorte d'Aymeric de Brochant, ces membres plus ou moins lointains de sa famille être montés jusqu'à Montévlin voir son frère, lui demander de les accompagner dans une guerre liant Histoire et pouvoir. Enfin... bien plus qu'une demande, ce fut au final sous forme d'ultimatum que cette proposition fut faite. Son cher frère ayant décidé d'éviter de sacrifier son peuple d'une façon qui lui semblait folle, il préféra accompagner le marquis, comme un otage... A savoir ce qu'il advenait de lui maintenant, Jared étant tiré par deux partis opposés : Aymeric de Brochant et Jérôme de Clairssac.

La confiance de la Dame de Montévlin n'allait pas vers De Brochant, le peu qu'elle avait vu de ce personnage ainsi que de sa famille lui avait amplement suffit... elle comprenait d'ailleurs pourquoi son père ne s'était pratiquement jamais entendu avec eux. Le doute persistait donc dans son esprit, la sûreté qu'elle pouvait en temps normal avoir n'étant malheureusement pas au rendez-vous. Et si le but du marquis était bien plus que de montrer que Jérôme n'était pas sur le droit chemin, se défaisant de l'ennemi que pouvait être Jared et trouvant à prendre de façon politique Montévlin ? Et si son frère ainsi que ses hommes avaient tous été condamnés dès le début ? Et si c'était le cas, pouvait-elle empêcher qu'une telle chose arrive ? C'était bien possible, oui, notamment par les cargaisons. Mais si elle faisait cela ou quoi que ce soit de cet acabit la faute retomberait sur Montévlin et dans ce cas elle mettrait en danger ceux qu'elle protégeait. Et cela elle ne pouvait se le permettre ; elle ne sacrifierait pas les siens pour des suppositions.

Des larmes auraient pu remonter jusqu'à ses yeux pour après perler sur ses douces joues blanchies par l'hiver tant l'incertitude et les émotions la prenaient mais ce ne fut pas le cas. A la place elle prit une profonde inspiration et clôt le dialogue entre elle et le vieil homme.

-J'ai beau comprendre vos raisons, je ne me permettrai pas de faire une telle chose. Si vous désirez tant arrêter l'armée du marquis il vous faudra aller loin au-delà des montagnes, vers l'Oësgard ou vers Serramire. Montévlin ne vous aidera pas dans votre entreprise... aussi je vous prie de partir au plus tard demain matin à la première heure et de vous tenir loin de tout ce qui pourrait avoir trait à ce que vous convoitez. Vous devriez pouvoir arriver à Nored avant que la nuit ne recouvre ces terres."

Puis elle se détourna, gardant tout de même cette famille d'hommes à l’œil, afin de retourner au château. Qu'elle ait osé frustrer un homme considéré comme sage ou pas, elle avait pris une décision et elle s'y tiendrait.

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