La procession qui fit trembler Oësgard

« Mère ! » Pouvait-on entendre du haut des marches qui menaient au château de Lourmel.

La petite s’empresse de les descendre, affichant un sourire des plus radieux avant de s’élancer dans les bras de la Dame. Trois bonnes ennéades ont passés depuis la dernière fois où Maélyne vit sa fille, ce fut long, bien trop long mais qu’importe, ce déplacement était nécessaire et Aline le comprenait très bien.

« Je suis de retour. » Dit-elle tendrement à sa fille alors qu’elle lui caressa le visage.

Néanmoins la joie de la petite fillette se transforma bien vite en une triste mine.

« Mère… Grand-Oncle... Il… »

Elle n’arriva point à terminer sa phrase que des larmes lui coulèrent sur les joues.

« Je sais, ma fille, je sais… L’on m’a prévenu par missive. Que dirais-tu d’aller le voir, ensemble ? »

Main dans la main, elles remontèrent les marches, s’engouffrant dans le château pour se diriger vers les appartements de l’intendant de Lourmel. Là, se trouvait un vieil homme, allongé dans son lit. Le Seigneur de Forgestrange avait mauvaise mine.

« Que vous-arrive-t-il donc mon cher oncle ? » Lui demanda posément la Dame.

Aucun mot ne sortit de sa bouche. Alors que la gamine pleurait encore à chaudes larmes, une servante vint les retrouver. Un échange eut lieu entre les deux jeunes femmes et alors que Maélyne reposa le regard sur son grand-oncle, ses yeux se mirent à briller avant d’afficher un léger sourire, qu’elle le lui offrait, comme pour le rassurer. Elle en reçut un en retour, ce qui la raviva un tant soit peu.

« Je prierais la Damedieu pour qu’elle vous accorde sa clémence, mon oncle. »

Elle sortit de sa chambre, emportant sa fille avec elle, veillant à ce que les meilleurs soins lui soient prodigués. Elle resta le temps d’une journée, avant d’enfourcher à nouveau son cheval. Cette fois-ci sa destination était bien plus proche et restait à l’intérieur des frontières Serramiroises. En effet, elle comptait bien rejoindre le Marquis, qui s’était remis depuis son retour d’Oësgard.

Quelques jours plus tard, l’escorte arriva à hauteur de la procession qu’ils remontèrent sans mal. Face au Marquis, celui-ci l’aida à descendre de sa monture. Pied à terre, la jeune femme embrassa son sceau.

« Votre excellence. » Commença-t-elle pour le saluer. « Cela serait un plaisir de vous aider à exterminer cette vermine des terres d’Oësgard mais je suis malheureusement une piètre guerrière. » continua-t-elle en réplique à son brin d’humour. « Je suis néanmoins peinée que notre première rencontre depuis votre intronisation se fasse dans de telles circonstances mais ravie de vous savoir sur pieds à nouveau. » Elle fit une légère pause. « Votre excellence, si je me suis permise de vous rejoindre c’est avant tout pour vous parler de mon déplacement en pays Berthildois et de ma rencontre avec Messire Godefroy de Saint-Aimé.  J’ai quelques inquiétudes à vous faire part. Puis-je donc bénéficier d’un peu de votre temps ? »

Maélyne se trouva dorénavant face à cet homme, son suzerain. Elle n’avait de cesse de repousser cette rencontre  comme si elle craignait qu’il tienne rigueur de ses erreurs passées. N’était-elle pas sagement assise sur le trône qu’il occupait lui-même aujourd’hui alors qu’il croupissait tel un rat dans une geôle du château ? La traitrise de sa mère, Victoire, lui sera sans doute impardonnable, mais arrivera-t-il à ne point juger Maélyne ? Arriverait-il à comprendre qu’elle n’a été que le pion de sa mère ? Au final, la Dame de Lourmel éviterait tout simplement le sujet. Serramire était en guerre, une menace plane sur le nord tout entier du Royaume, l’heure n’était donc pas venue aux règlements de comptes qui datent de plus d’une année. Peut-être qu’un jour, il souhaiterait s’expliquer, ou peut-être a-t-il décidé de tout simplement oublier.

Ils avaient décidé de marcher, comme si l’urgence se trouvait devant eux, comment si l’Oësgard les attirait malgré l’importance d’une nouvelle capitale. Il l’avait ensuite invité à s’expliquer mais d’un coup, la Dame se demandait par où elle devait commencer. Elle craignait perdre ses moyens devant lui et ce fut chose faite. Lorsqu’il se montra plus insistant, Maélyne s’excusa puis prit la parole.

« Dès mon départ de Cantharel, j’ai envoyé une missive à son excellence Dame Mahaut. Vous en a-t-elle fait part ? »

Sa question était plutôt légitime, il était dorénavant sur pied mais la Dame ne savait pas depuis combien de temps c’était le cas, si cette lettre lui a été directement transmise ou si Dame Mahaut avait oublié de lui en faire part.

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