Le soleil perçait à travers l'épais manteau de feuilles de l'Anaëh, réchauffant par endroits seulement le corps de Voronwë, encore légèrement brûlé de sa rencontre avec Estiam. Il s'en était séparé quelques heures, dans leur recherche d'Yraë, ils avaient tout deux des choses à lui dire, visiblement.
Sa Noss repartait vers Eraïson, de là elle rejoindrait la tombe du Baar'Ane ou resterait sur place, selon la situation.
L'avenir était fortement incertain. Les Ëalas étaient réveillés, redonnant une vigueur à la forêt que l'on avait plus vu depuis le précédent Voile. Partout les arbres chantaient avec entrain, communiquant avec toute la fougue que leur permettait leur corps végétal. Seulement parfois, quand Voronwë s'approchait d'un tronc, celui-ci se taisait. Aucun son n'en sortait plus et le mutisme gagnait bientôt ses voisins, condamnant l'elfe à un néant musical. L'hydre ne parlait pas, ce qui inquiétait le guerrier; au moins quand elle lui racontait des absurdités, il la savait occupée! Cette absence de réponse, de grognements, de claquements de mâchoires, lui paraissait suspect. On l'aurait pensé en profonde méditation, peut-être dans l'élaboration d'une nouvelle stratégie.
Tout cela l'inquiétait d'autant plus que la monstruosité s'était montrée capable d'une puissance nouvelle depuis le Front. C'était sans passer par son approbation totale qu'elle avait corrompue la forêt, réduit ses habitants en esclavages et volé l'humanité de sa Noss.
Etrangement, alors que son rôle de Gardien aurait été de lutter de toutes ses forces contre le monstre, Voronwë n'en ressentait pas l'utilité. Il ne ressentait plus rien. Il ne se sentait plus le courage de lutter contre les Ténèbres, contre le cortège de la folie, contre la vérité sur sa propre nature. Tout cela lui semblait un combat perdu d'avance face à un titan auquel il était incapable de porter le moindre coup.
Alors qu'il se reposait sur une pierre, laissant dévirer son esprit dans les vagues chants qui lui parvenaient encore, un aboiement de bête blessée lui arriva:
-"Lève-toi!""
Il sursauta.
-"Tu ne dors plus?"
La bête ne releva pas l'ironie dans sa voix.
-"Va au Nord, je crois avoir entendu quelque chose qui m'intrigue."
Tendant l'oreille, l'elfe perçut effectivement, très faiblement, un écho un brin différent des musiques sylvestres environnantes. Pas de quoi s'alarmer pourtant.
Il soupira et, un peu flemmard, s'y dirigea à pas lents, n'étant pas d'humeur à courir.
-"Dépêche toi!"
Le Gardien leva un sourcil. Le Baar'Ane lui demandait d'aller plus vite? Voilà qui était peu classique.
-"Je peux savoir ce qui t'arrives?"
Aucune réponse ne sorti des lèvres intangibles du dévoreur. Ainsi, le chef de clan continua sa route vers cet étrange chant. Pourtant, lui-même n'y voyait rien de très particulier. Certes, les arbres de cette partie de la forêt (un hectare peut-être?) chantaient un peu différemment de leurs frères, ils semblaient plus joyeux. Un endroit particulièrement fertile, peut-être? Des fleurs parsemaient le sol terreux malgré les arbres et ces derniers étaient grands et robustes. Sans doute un Ëala ou un mage avait-il dû jeter un sort pour fertiliser la région.
-"Voronwë... Creuse sous tes pieds."
-"Je suis guerrier, pas mineur. Et de toute façon je n'ai pas de pelle."
-"Cesse de faire l'enfant et creuse, c'est primordial!"
Voronwë souffla et saisit un gros galet. Avec celui-ci, il s'affaire à retourner la terre, étrangement meuble, à ses pieds, évitant les racines autant qu'il le pouvait. Sous les impulsions du Baar'Ane, il creusa pendant une bonne heure, créant un trou peu large mais tout de même suffisamment profond pour qu'il bute sur quelque chose de dur. Un caillou sans doute.
Il tenta de l'arracher, mais peina tant qu'il préféra le découvrir davantage. Découvrant ce qui ressemblait à un croc, il soupira. Sans doute un squelette quelconque, voilà qui expliquait la force du bois proche: il avait poussé grâce à la chair d'une créature. Elle devait être immense. Voronwë eut un demi-sourire, bien content de ne pas avoir à combattre une monstruosité pareille.
Dans sa patience d'elfe, perfectionniste comme tout ceux de sa race, i tenta de découvrir le reste du crâne. Soudain, il sentit ses yeux s'humidifier et des larmes couler. Il tâta le dessus de son crâne mais rien ne lui tombait dessus. Circonspect, il comprit qu'il était en train de pleurer, mais pourtant rien ne l'attristait particulièrement, l'ambiance était même au rire et à la joie si on en croyait la Symphonie!
Il se releva pour contempler de plus haut sa découverte. Son sourire s'évapora et son visage prit un teint laiteux.
-"Dis-leur... D'arrêter de rire..."
La haine perça si fort le voile de la pensée qu'un instant Voronwë pensa voir l'hydre sortir de derrière lui.
-"Ils rient, ils se moquent, les traîtres..."
Les larmes s'intensifiaient et l'air semblait s'alourdir. Les arbres se taisaient les uns après les autres, conscients de quelque chose que Voronwë ne voyait pas.
-"Ils le paieront tous..."
Mais pour une fois, le cœur n'y était pas. Les larmes qui coulaient et l'affreuse sensation de chagrin qui prenait l'elfe aux tripes le prouvait.
C'était la première fois qu'il voyait le Baar'Ane éprouver du chagrin. Et Voronwë ne su pas s'il devait s'émerveiller ou s'effondrer de peur.
![L'Aîné des Glorhinfarths [Solo] Empty](https://2img.net/i/empty.gif)
Sujet: L'Aîné des Glorhinfarths [Solo] ![L'Aîné des Glorhinfarths [Solo] I_icon_minitime](https://2img.net/s/t/13/06/08/i_icon_minitime.gif){kind=icon}
Dim 28 Aoû - 20:58
