Reconnaissance

7ème jour de la 3ème ennéade de Vérimios, Neuvième année du XIe Cycle

La Baronne d'Ysari avait répondu à la lettre d'Amaury et elle l'avait invité à venir dans son château. Le Vicomte s'était empressé de répondre en renvoyant un courrier annonçant sa venue pour l'ennéade suivante. Son voyage avait été mis en place, la petite troupe passerait par les terres, les voyages en mer étant d'une dangerosité trop élevé avec les tempêtes et le vent extrême qui balayaient les littoraux et les terres. L'on ne pouvait pas prendre le risque que le Vicomte ne trépasse en se noyant après que son navire ait coulé. L'hiver était la et les anciens étaient unanimes pour dire qu'il était d'une rare violence, du jamais vu de leur vivant, tout comme le froid qui vous gelez dans les heures matinales de la journée. Déjà plusieurs incendies en campagne avaient été relevé en raison d'éclairs qui avait frappé les masures ou les étables.

Ce climat exceptionnel rendait le voyage un peu plus périlleux, mais il permettait aussi de cloitrer les idées belliqueuses en attendant des jours meilleurs. Amaury en avait donc profité pour se faire accompagner par son jumeau, heureux de ne pas le laisser derrière lui pour cette fois depuis son accession au titre de Vicomte. La Baronne de Sybrondil se faisait discrète et certains la disaient même malade.

La boue et les ornières qui en avait découlé rendait la progression peu évidente. Il fallait ménager les montures, tout voyage en carrosse étant impossible, et l'avancée était lente. Il fallut donc plus de temps que prévu pour atteindre la Baronnie d'Ysari, puis sa capitale et enfin le Palais des paons comme on l'appelait par ici. Amaury se fit connaitre aux portes du château et l'introduisit avec sa petite troupe, tous firent leur toilette, crottés jusqu'à la tête par le voyage et enfilèrent leurs atours les plus beaux avant de rencontrer la Baronne Sarina de Feoda

Lorsque le temps fut venu, l'on amena Amaury, accompagné de Rafaël, son jumeau, dans un petit salon. Le Vicomte, tout en étant bien habillé, avait une allure décontractée, presque nonchalante. Le couple de la baronnie était présent. Amaury se demandait ce qu'il ressortirait de cette rencontre. Bien que ce fut Sarina qui était Baronne et son époux ayant accédé au titre par le mariage, c'est lui qui prit les devants et commença la conversation. Le Vicomte se demandait si c'était une stratégie ou si celle-ci n'était qu'une femme et que c'était son mari qui régnait. Il préféra se méfier et ne pas faire d'impair et il répondit en regardant tour à tour les deux, les prenant sur un pied d'égalité l'un envers l'autre

"En effet, nous aimerions grandement lier des accords commerciaux avec Ysari. Quand à mes motivations, elles sont multiples. Pour commencer, cela sera fort lucratif pour nos deux terres, ce qui n'est pas négligeable. On a tous besoin de toujours plus de richesses afin de pouvoir satisfaire nos sujets. Un pont, une route en meilleure état, et ce sont des marchands plus rapide et des paysans reconnaissants de ne pas casser une roue de leur charrette. Cela atteste de la prospérité de nos territoires et de la bienveillance de leur seigneur à leur égard. Et un homme qui apprécie son seigneur et un homme qui ne lui cherche pas d'ennuis."

Amaury faisait tous les efforts du monde pour ne pas garder son regard uniquement sur la Baronne, femme fatale de par sa beauté. Son ventre démontrant sa grossesse ne freinait en rien l'attirance qu'elle dégageait, rendant hommage au proverbe disant qu'une femme enceinte rayonne. Rafaël, quand à lui, était resté en arrière, silencieux comme à son habitude lorsqu'on ne lui demandait pas son avis, mais posant son regard partout afin de déceler les failles dans les attitudes

"Nous avons fait bon voyage malgré les intempéries, votre Honneur, je vous remercie de l'attention. Je trouve attristant que vous soyez surprise lorsqu'un voisin direct vous écris. Cela prouve que les relations entre nos deux territoires sont inexistants et je compte bien mettre un terme à cet état de fait. Et si ma lettre vous a procuré du plaisir, c'est une joie"

Amaury aimait jouer sur les mots, leur donnant un double sens

"Dois je en conclure que mon offre a reçu une oreille intéressé et que mon offre vous intéresse."

Amaury fut surpris, même s'il n'en montra absolument rien, par les mots qu'il entendit. Il semblait qu'il ne doive pas lutter pour faire entendre sa proposition. Est ce que pour une fois, un dirigeant avait la sagesse de voir les avantages de l'offre faite sans mettre un nombre incalculable de doutes sur les bonnes intentions, imaginant le pire complot inexistant. Certains mots de la part du Baron furent surprenant, comme la possibilité de maltraiter un marchand. Il n'y avait que ces rustres du nord pour avoir de tels pensées. Il répondit d'abord à Sarina

"Votre honneur, nous ne demandons aucune contrepartie, juste l'autorisation d'installer un comptoir commercial au port. L'intensité du commerce sera accrue entre nos deux terres, enrichissant nos maisons et les marchands, tout comme notre population. Plus il y aura de commerce et plus il y aura besoin de main d’œuvre pour décharger les marchandises, donc du travail et de l'argent. Il va de soit que tout cela va accroitre les échanges par la voie des terres également. Sans doute qu'investir les premiers gains dans une route mieux entretenue entre nos deux territoires seraient une bonne chose."

Au fond de lui, Amaury se moquait du peuple, tout ce qui l’intéressait, c'était son argent et sa tranquillité. Et sa tranquillité passait par un peuple qui ne grondait pas. Il se tourna ensuite vers Sysiphe

"Il n'est pas dans les coutumes sybrondes de molester les marchands, ils sont toujours la bienvenue. Le commerce étant la principale source de richesse, ils sont accueilli les bras grands ouverts. Nous intensifierons les patrouilles sur nos terres afin d'assurer encore une meilleure sécurité, même si nos routes sont déjà sures. Je gage que vous en ferez autant de votre côté."

Amaury désirait mettre en place cet accord le plus rapidement possible, c'est pourquoi il enchaina

"Si nous sommes d'accord, sans doute serait il possible de débuter l'installation du comptoir dès mon retour à Sybrondil, et de profiter de l'hiver pour ne pas perdre de temps lorsque le printemps arrivera."

Les hivers n'étaient habituellement pas trop rigoureux dans le sud mais celui qui s'annonçait n'était pas des plus agréable. Déjà la navigation était difficile et pourtant, l'on n'en était qu'au début de cet hiver