Crétin [Libre]

Enfin… Le soleil de Thaar menaçait de le rôtir sur place, mais Zaahrian n’avait jamais été aussi heureux de crever de chaud. Il traversait le bazar achalandé d’un pas lent en sachant très bien que les regards attentifs allaient le reconnaître parmi la populace. C’est qu’il ne passait pas inaperçu de par sa grande taille et ses cheveux d’un blond lumineux. Tant pis, Zaahrian n’avait pas l’intention de faire de son retour un secret. Il avait dans ses poches assez d’argent pour bien vivre pendant un moment en plus de jouir de la protection d’un puissant groupe. Il se sentait invincible au point qu’il allait sans doute tirer la langue au premier qui viendrait lui chercher des ennuis.

Fraîchement débarquée du bateau, la première chose que fit l’assassin fut de mettre son argent en sécurité en n’en gardant qu’une petite partie. Une précaution nécessaire, sachant qu’il risquait de tout se faire dérober s’il ne le faisait pas. Thaar était une ville coupe-gorge, grouillante de vermines en tout genre et avide de se faire rapidement de l’argent. S’il savait se défendre, même lui savait qu’il y a des risques qui ne valent pas la peine d’être pris. Allégé d’une partie de sa fortune, il devait retrouver Guilin. Le pauvre avait surement arrêté de l’attendre depuis longtemps et Zaahrian imaginait sans mal la tête qu’il ferait en voyant son ami en un seul morceau. Son imagination suffisait à le faire ricaner tout seul. N’ayant aucune idée des allées et venues de Guilin, le blond opta pour la dernière adresse connue de son ami comme point de départ dans ses recherches. Guilin avait loué un appartement miteux comme repère dans l’un des quartiers les plus pauvres de la ville. Comme Zaahrian avait maintenant les moyens d’acheter une petite maison dans un endroit plus fréquentable, il souhaitait l’inviter à vivre avec lui. Le blond trouva sans mal l’endroit en question. Les lieux n’avaient guère changés en son absence. Tout heureux, il frappa à la porte. « Hey, joli cœur! Devinne qui vient de rentrer! Avoue que tu me pensais mort! » Pas de réponse. Zaahrian grimaça. « Pfff, ça fait des mois que je suis parti et tu oses être absent le jour où je rentre. J’aurais dû envoyer une note. Hey! » Il cogna plus fort dans la porte, au cas où Guilin serait seulement endormi. « Tu fais chier… » Refusant de se laisser abattre par ce silence, Zaahrian eut soudainement une idée de génie. Il allait simplement se glisser à l’intérieur du petit appartement et attendre sagement son retour. Au pire, il finirait par s’endormir dans son lit et la surprise ne serait que plus grande. L’assassin fit donc le tour pour atteindre l’unique fenêtre. Après quelques acrobaties, il plongea par l’ouverture et trouva une pièce sombre et aussi peu invitante qu’un cachot. « En même temps, je le comprends de ne pas vouloir passer ses journées ici… » Rien n’avait changé depuis la dernière fois qu’il avait posé les pieds ici, pourtant, il remarqua rapidement que quelque chose clochait. À l’exception des meubles, rien n’indiquait que c’était habité. Aucun restant de nourriture, pas de vêtements et même la cruche d’eau était vide. Les armes de Guilin étaient également manquantes. « Il est peut-être sur un contrat… Je risque de l’attendre longtemps. » Grimaça-t-il. Zaahrian allait repartir lorsqu’un bout de papier attitra son attention sur la table.

Zaahrian, si tu lis ce message, je t’emmerde.

Guilin

Ps : Je suis présentement en Péninsule pour te chercher, crétin.

« Crétin toi-même! » Gronda Zaahrian en jetant le message à l’autre bout de la pièce. Dans d’autres circonstances, Zaahrian aurait peut-être ri, mais là il sentait la bile lui remonter dans la gorge. Il connaissait Guilin. C’était un excellent assassin, mais sur la Péninsule… Lui-même avait survécu de justesse. Le nord était un milieu particulièrement hostile aux gens comme eux. « Putain, qu’est-ce qui t’es passé par la tête!? » Il devait retourner en Péninsule. Il ne pouvait pas laisser son ami se lancer seul dans une telle entreprise. Il allait partir et le ramener à bon port. D’un autre côté, Zaahrian n’avait aucune envie de retourner là-bas, surtout après ses derniers exploits... On recherchait sans doute un semi-elfe en ce moment même. Qu’il soit blond ou bien noir, ça n’aurait aucune importance pour eux. Ils cherchaient un coupable et ils allaient en trouver un. « J’ai besoin d’un verre... »

Plusieurs heures plus tard dans un taverne de Thaar.

Zaahrian était à moitié couché sur la table, sa tête reposant contre son bras replié, le regard vitreux. Autour de lui gisaient les vestiges d’un repas, dont une miche de pain qu’il avait éventré pour prendre la mie et la transformer en petites boulettes. Il était ivre, très ivre. Il empestait le fond de tonneau de bière à des mètres à la ronde. Devant lui, à l’autre extrémité de la table, un pichet autour duquel gisait des bouts de nourritures qu’il utilisait depuis une heure comme projectile. À côté de lui, un autre pichet, mais celui-là était encore rempli de bière. « Si… si je réussis… j’vais le chercher. » Il prit une petite boulette de pain, ferma un œil et tira la langue comme si cela allait l’aider à mieux viser, mais il ne réussit qu’à l’envoyer au sol. « Hoooon, j’crois que tu vas te débrouiller tout seul, Guilin. » Il gloussa de rire et resta immobile pendant un instant avant de reprendre. « Encore un coup… Si je réussis, j’vais le chercher... » Il tenta le coup une fois de plus et cette fois il réussit. La boulette tomba dans le pichet en faisant un petit plop. Zaahrian se redressa sur sa chaise, les deux bras en l’air, triomphants. « Yeah! J’viens te sauver Guilin! Je vais boire un coup question de fêter ça… dignement. » Il prit son pichet et le porta à ses lèvres en renversant la moitié du contenu sur sa poitrine. Plus il buvait, plus il levait le pichet et sa tête, mais tout son corps suivait le mouvement au point où il finit par basculer vers l’arrière et tomba au sol dans un grand fracas de chaises renversées. « Ouch... »

Un mois et demi.

Cela faisait un mois et demi qu'il n'avait plus de nouvelle malgré tous les efforts des agents de la Corporation, des hommes du Chacal, des diverses bandes mercenaires qu'il avait embauché ou des contacts des Repentis. Quand elle voulait disparaitre, elle savait comment s'y prendre, elle l'avait déjà prouvé plusieurs fois, mais pas en plein milieu d'un plan en emmenant son fils. Pas le jour ou elle devait rencontrer un archimage et ancien Triumvir que tous croyaient mort et qui avait lui aussi disparu pendant un temps.

Des certes violacées marquaient le visage gris sombre de Wik et une barbe de trois jours blanche comme neige lui piquetait les joues. Il ne dormait plus, ne mangeait plus que du bout des lèvres et s'était plongé dans ses recherches et ses devoirs d'Intendant jusqu'à ce plus savoir combien de jours s'étaient écoulés. Eshk'oroth ayant les choses en main à Elda, Wydrin avait fini par rentrée, à peine une ennéade plus tôt... Et depuis, elle n'avait de cesse de l'envoyer se reposer.

- Écoute, Wik. Tu ne tiendras plus longtemps et tu auras l'air bien con quand elle réapparaitra la bouche en cœur pour te demander un verre de darnab. Alors va te coucher, sort un peu. Respire. Et par pitié... va prendre un bain. Je m'occupe de tout.

Elle n'avait pas les compétences de comptable ou de manageur que le sang mêlé arborait, mais elle connaissait suffisamment bien le Palais et la Corporation pour servir de soupape pendant quelques heures. De toute façon, il n'avait plus vraiment la force de s'opposer à une femme qui était capable de le jeter sur son épaule pour le faire sortir de force du bureau d'intendance. Il avait préféré faire le chemin sur ses pieds... Et avait manqué de se prendre le linteau de la porte.

Non, on ne pouvait pas exactement dire que le gaillard allait bien.

Après un bain chaud dans lequel il était resté à moitié amorphe pendant que les serviteurs du palais s'occupaient de lui, il regagna sa chambre pour se glisser sous ses draps et dormis d'un sommeil paisible.

Jusqu'à ce que....

Jusqu'à ce que rien du tout, il écrasa durant plus de douze heures d'affilées et nous le laisserons donc à ses beaux rêves, tout comme le fit la gargouille vêtue de blanc qui était perchée sur le point le plus haut du toit du Palais d'Argent. Une flèche. Un contrat de plus dans l'avenu qui passait devant la formidable demeure. Il aurait bien prit le temps de se reposer un peu dans les jardins luxuriants - surtout qu'il avait une passion pour les fontaines - mais il n'était pas du genre à prendre inutilement ce genre de risque... Et en plus il avait beaucoup trop mal à l'épaule. Pour le deuxième mois consécutif, il avait trouvé plus de contrats qu'il ne l'escomptait. A croire que les meilleurs assassins de la ville avaient brusquement disparus... Enfin les freelance et autres organisations neutres entre les querelles princières et les guerres de gang.

En sautant dans la rue qui bordait le mur d'enceinte et les communs de l'immense palais, l'assassin se disait qu'il avait quand même un sacré bol. Son épaule lui faisait mal au point qu'il avait pratiquement fait la fortune de l'herboriste près de chez lui à cause des tirs de précision répétés qu'il devait effectuer à l'arc long, mais il n'avait jamais eu autant d'argent. Pour l'instant, il réinvestissait la plupart de ses biens dans son fond de commerce, mais encore un ou deux ans comme ça et il pourrait acheter une maison près du marché Libre ! L'idée de passer de l'odeur de merde et de vase à celle du sang le réjouissait au plus haut point.

Il continuait pourtant à marcher, mine de rien. Et entra tout naturellement dans une arrière boutique trois rues plus loin, juste avant qu'une patrouille du guet ne lui mette le grappin dessus. En deux gestes, il avait retiré son manteau blanc, détaché ses longs cheveux noirs et troqué l'arc qui faisait sa taille contre deux bandoulières de petit couteaux de lancés. Il pris sous son bras un immense mantel noir et vert orné d'écailles et de plumes ainsi qu'un masque en métal et peau de serpent. Il était en retard pour la répétition et cette fois, il allait vraiment se faire engueuler !

Ce n'était vraiment pas de tout repos de devenir le meilleur assassin de Thaar sur son temps libre...

Trois heures plus, il arrivait devant sa chère maison d'enfance... pour voir un malade mental frappé comme un dément à la porte de quelqu'un deux maisons plus loin. Un jeune blondinet qui avait sûrement bu étant donné l'état dans lequel il se mettait face à la porte close.

Sans y prêter plus d'attention, il entra dans sa propre bicoque. .Sa mère était en tailleure sur le parqué, ses pieds nus tenant le bout d'une fine corde de chanvre que de longues mains habimés par l'âge tressait et ornait avec soin.

- Je ne fais que passer. Je suis en retard " il posa un baiser sur la tempe de la vieille femme, lui arrachant un sourire et un encouragement, et se précipita à l'étage via l'étrange hybride d'échelle et d'escalier qui faisait le lien entre les deux pièces de leur demeure.

En haut, il ferma la fenêtre, repoussa le matelas rafistolé qui lui tenait lieu de lit, souleva une latte du planché et en tira quelques pièces. Une fois tout remis en ordre, il se débarbouilla à l'eau froide - bon sang ce qu'il aimait les grosses chaleurs de l'été - posa son costume de scène dans la malle et en sortit un vêtement en grosse toile. Il attacha ses cheveux noirs avec un lien de cuir, passa une main satisfaite sur sa barbe de trois jours et fonça vers les docks ou il travailla entre trois heures pour dépanner Talzad avant de se redébarbouiller et d'embrayer sur son service de nuit à la taverne du Poussin Flambant.

Sur les trois serveurs, il était le seul homme et il savait pertinemment que la tenancière le gardait autant pour son efficacité que pour régler les disputes occasionnelles en forçant les poireaux à aller se battre dehors. Mais ce soir, ça avait été plutôt calme. Plus d'alcool et de vomi que de sang à éponger. Une fois la livraison du matin rangée dans la réserve et le tonnelet de bière remplacé derrière le comptoir, il s'accorda enfin une pause en s'épongeant le front d'un revers de main. Une grimasse crispa ses traits à cause de son épaule, mais il ignora superbement la douleur grâce à la grande bière fraiche que venait de poser Esmelda devant lui avec son grand sourire de maman pas commode.

Il n'avait pas pris deux gorgées qu'un fracas de chaise et un concert de rire et de cris retentissait derrière lui.Il soupira. Là, il devait l'avouer, il était un chouilla fatigué et prendre à bras le corps deux abrutis pleins comme des huitres ne lui disait pas grand chose. Il se leva pourtant, se retournant en composant un air patibulaire... Et s'apperçu que ce n'était pas le début d'une bagarre mais un type tout seul qui s'était rétamé sur le sol en se couvrant de bière au passage. Le jeune serveur se pencha au-dessus du comptoir pour attraper une serpillère propre. Jenny lui adressa un sourire de connivence. Il lui répondit d'un soupire amusé et s'approcha jusqu'au type qui essayait tant bien que mal de se relever pour... Lui lâcher glorieusement la serpillère sur la tête.

ça aurait pu être parfaitement voulu et contrôlé... ça aurait pu...

S'il n'avait pas glisser sur la flaque de bière. S'il avait récupéré son équilibre au dernier moment, ses mouvements désordonnés d'une classe folle avaient fait voler l'épais chiffon pile sur le crâne du blondinet. Le...

- He mais... Vous êtes le type qui était à deux doigts de défoncer la porte de mon voisin. " ça lui avait échappé... Avant qu'il ne s’aperçoive de l'énormité de la situation. Il se baissa pour récupérer la serpillère et aider le bonhomme à se redresser par la même occasion. Bof. Avec un peu de chance, il était trop beurrer pour s'en formaliser... mais tout de même... " Pardon. Vous vous êtes pas fait mal au moins ? "

Zaahrian, glorieusement empêtré dans un chaos de tabourets renversés, ne réagit même pas lorsque la serpillière lui tomba sur la tête. En fait, il en eut vaguement conscience qu'au moment où l’odeur du vomi préalablement nettoyé par la chose lui monta au nez. Sur ce, il grimaça et jeta un regard de biais à l’homme qui, pour toute introduction, le pointa du doigt en l’accusant d’être celui qui a presque défoncé la porte de ton voisin. « Pour défoncer la porte de ton voisin, faudrait que je sache qui est ton voisin… Or, j'me rappelle pas de t’avoir déjà vu... » Zaahrian baissa les yeux, l’un de ses pieds était coincé entre les pattes d’une chaise. « Mon pied est coincé. » Fit-il remarquer. Il l’agita pour le libérer, mais sans succès. Avec son autre pied, il poussa la chaise, mais elle se renversa sur son ventre. « Putain... » Il finit par rouler sur lui-même avec la grâce d’une vache qui tente de se lever sur une surface glissante. Il n’avait aucune coordination et ses membres menaçaient de partir dans tous les sens. Naturellement, il se vautra un peu plus dans la flaque d’alcool. Il parvint à se mettre à quatre pattes, mais en voulant se lever, il s’écrasa face première sur le mur. « Aide-moi surtout pas! » Gonda-t-il à l’intention du serveur, probablement occupé à rire comme tous les témoins de la scène. Après moult efforts, Zaahrian fut enfin sur ses pieds chancelants, un sourire triomphant sur les lèvres. Ce sourire s’évanouit rapidement, juste avant de se plier en deux pour vomir le contenu de son estomac aux pieds du serveur. « Ah… Y’a un truc qui n’a pas passé... J’me sens beaucoup mieux!»

Il avait bien essayé d'aider le gus à se stabiliser, mais sa gueule pleine de bière et les hoquets nauséeux qui le secouaient avaient mis le serveur sur ses gardes. Aussi, lorsqu'il se plia en avant pour rendre sa liberté à l'océan d'alcool qu'il avait dans l'estomac, le jeune homme aux cheveux noirs bondit littéralement en arrière... Enfin presque. Foutue flaque. Sentant son pied dérapé, il reposa rapidement le second et ses bottes furent redécorées à l'éthanol pur... Et il avait l'air satisfait en plus cet abrutit.

Bon... Zen. Professionnel. Il se tourna d'abord vers le bar et fit signe à Jenny qui lui répondit d'un hochement de tête. Puis reporta son attention sur le type qui frollait le coma éthylique. Sans prêter attention à la bière qui empoissait son col, il posa sa grosse paluche sur l'épaule du client. " Content que ça aille mieux l'ami, mais je crois que t'as assez bu pour ce soir. " Sa trogne de latino rayonna d'un sourire des plus amical. " Viens, je te raccompagne. "

Si le gus acceptait de sortir de la taverne, cela enlèverait déjà une bonne grosse épine du cul de la patronne.

Mieux… Enfin, Zaahrian avait toujours l’esprit aussi embrouillé, mais les roulis de son estomac s’étaient calmés. Heureusement, le type sur lequel il avait vomi ne s’était pas énervé, car Zaahrian était toujours prêt à se faire de nouveaux amis et tout le monde sait que tu n’es pas vraiment copain avec quelqu’un si tu ne lui as pas dégueulé une fois sur les pieds. Comme on dit, y’a rien de mieux pour souder des liens! « Ah non non… j’peux pas partir, pas maintenant. J’ai pas encore décidé si je dois aller sauver mon ami ou pas. Peut-être que si, mais j’me souviens pas. En cas de doooouuute, mieux vaut pas prendre de chance! » Pour s’assoir, il devait encore se pencher pour ramasser le tabouret renversé et soudainement, ça lui paraissait comme une tâche insurmontable. « Vois-tu, l’imbécile a décidé d’aller me chercher en Péninsule. Je lui ai dit que j’allais revenir! Juste… je savais pas quand. La vie est pleine de surprises! Un an plus tard… Stu un an? En tout cas, j’étais pas la pendant longtemps pis il a décidé d’aller me chercher, le con! Quand un mec disparaît pendant un an, tu vas pas le chercher. Y’a toutes les chances d’être mort… Sauf moi, évidemment! Vois-tu, moi je crève pas facilement. Plusieurs ont essayé et je suis ENCORE là! Héhé! » Il leva le bras pour être certain que tout le monde puisse le voir. « Y vas pas survivre là-bas. Ce sont des animaux! Ils vont le capturer et faire un exemple avec lui. P’têtre que je ferais mieux de me faire un autre ami… Copain! » Il passa ses bras autour de son nouvel ami, consentant ou pas. « En plus t’es vachement mignon vu de près! C’bien, j’aime les gens décoratifs. Tavernière! Une bière pour mon nouveau meilleur ami! » Il gloussa de rire avant d’ajouter. «C’quoi ton nom déjà? Moi c’est Za… Zaaah… appel-moi Zaz!»

Oh oui, tout le monde le voyait. Il était même le centre de toute l'attention, goguenarde ou mécontente de tous les clients. Ce n'était pas tant l'affiche qu'il se tapait que l'haleine de chacal et la bière colante qui venaient de lui sauter au cou pour lui faire un câlin que le serveur regrettait le plus. " Le prend pas mal, mais je préfère les hommes avec un peu moins de vomi sur le menton." Il était bon pour relaver l'intégralité de ses fringues. Bordel... Il avait fait la lessive hier... Mais bon. Pour la patronne et pour l'honneur, il ne devait pas s'énerver.

S'accrochant à son professionnalisme comme d'autre à la bouteille, ravala la moutarde qui lui montait au nez en sentant qu'il ne faudrait pas que l'autre insiste trop lourdement. Il décrocha le blondinet et lui colla deux bourrades dans le dos tout en le retenant de l'autre bras au cas ou ces petites tapes le poussent à s'écrouler une seconde fois. " Zaz. C'est sympa comme nom. ça swing bien. " lui servit-il en ignorant les trois quatre de ses baragouinages d'ivrogne. " Viens. On va se dégourdir un peu les jambes et tu va me dire ce qui cloche avec le copain sur tu veux sauver. " Sali pour sali, il passa son bras sous l'épaule du croquignole pour le soutenir tout en l'entrainant vers la sortie. " Bon sang... Il faisait vraiment des boulots de merde parfois... La fatigue plus l'agacement, ça allait être difficile de se coltiner un autre abruti bourré ce soir.

Note à lui-même : demain soir, relâche. Il allait claqué un peu de fric bêtement pour une fois !

« Ah, mais si c’est juste ça… Ça s’arrange facilement! » Sur ce, il s’essuya la bouche avec la manche de sa tunique. « Voilà, ni vu ni connu! » Zaahrian était vraiment dans un drôle d’état. S’il buvait souvent, il était plus rare qu’il se mette dans un état pareil pour la simple et bonne raison qu’il était incapable de se défendre. Comme il était l’ennemi de plusieurs, il valait mieux pour lui de garder ses sens en alerte. « En fait, il est plus long, mais j’suis pas capable de le prononcer… co correctement. J’te l’dirai quand j’aurai dessoulé. » Zaahrian protesta lorsqu’il le poussa vers la sortie, mais comme il n’était pas en état pour en venir au poing et gagner, il se laissa guider jusqu’à l’extérieur où la nuit plus fraiche lui donna un p’tit coup de fouet, mais pas assez pour le dégriser. « C’est mon frère… “fin, s’pas vraiment mon frère, on vient pas de la même bite puis j’suis nettement plus beau que lui, mais on a grandi ensemble et j’ai décidé que c’était mon frère. J’voulais aller rejoindre mon père chez les elfes. Lui aussi c’est un semi-elfe… j’parle de mon ami… papa est un elfe, un vrai… Un putain de monstre de muscles. C’est p’tête de lui que je tiens ma belle gueule. J’lai pas trouvé chez les elfes… juste un p’tain de serpent d’vingt mètres de long qui a essayé d’me bouffer. Va pas là-bas! Tout veut te bouffer là-bas… Bref, j’étais pas tout seul. J’étais avec Yenaël… Un humain… Mignon, vraiment mignon… pis avec un beau cul aussi. Gentil, très gentil… Bref on a décidé d’aller en Péninsule parce que… pourquoi pas tsé. Dans la vie, si tu veux faire de quoi, fais-le! Mais on s’est fait chier. Les humains là-bas sont aussi accueillants que le cul d’une vache, surtout si t’as les oreilles pointues. Éventuellement, j’ai voulu revenir… pis Yenaël a pas voulu… Je sais plus trop… J’suis p’têtre partis juste parce que je suis con… Tout ça pour dire que Gu-i-lin y’était pas là quand je suis arrivé. J’ai cogné à la porte… personne. J’ai pas défoncé la porte, mais j’ai défoncé sa fenêtre! Y’étais pas plus là… » En disant cela, il semblait vraiment triste.

Ce type - était - tout bonnement - dégueulasse.

Et pourtant, il avait affaire à un docker, serveur, assassin, jongleur, videur. Niveau trucs crades et étranges, il avait eu son compte. Peut-être était-ce pour ça qu'il n'était pas surpris par le comportement d'homme bourré qu'il avait sous les yeux. Pas surpris. Seulement... gniarf...

Heureusement, il avait réussit à le trainer dehors et la dernière chose qu'il vit en passant la porte fut le sourire reconnaissant de Jenny qui s'approchait de la marre crée par le blondinet. Dehors, la très légère brise malgré l'air lourd de l'été rendait l'odeur plus supportable. Le pauvre soulard était de moins en moins compréhensible. Un frère demi elfe qui n'avait pas la même bite. Un père elfe... a croire que toutes ces putains d'oreilles pointues étaient des queutards finis dès qu'ils sortaient de leur forêt. Un serpent géant qui mangeait tout ce qu'il y avait en Anaëh. Un gentil humain avec un beau petit cul que ce blaireau alcoolisé avait visiblement lâchement laissé tombé dans un pays étranger comme il avait laissé son frère pour retrouver un père qui s'était sans doute barré sans la moindre explication. Ce n'était pas particulièrement clair, mais ce mec avait tout l'air d'un connard de première. Un connard emplit de tristesse comme tant d'autres qui venaient noyer leur chagrin. Mais contrairement à beaucoup, ses remords, sa dérision et sa bonhommie teintait de compassion la pitié qu'il s'attirait avec ses cheveux collés par la bière. Et puis il avait l'air trop jeune pour déjà toucher le fond.

- T'as vachement bourlingué, dit moi." ponctua le serveur en le soutenant toujours pour faire quelques pas devant l'auberge.
- Tout ça pour dire que Gu-i-lin y’était pas là quand je suis arrivé. J’ai cogné à la porte… personne. J’ai pas défoncé la porte, mais j’ai défoncé sa fenêtre! Y’étais pas plus là… »

Alors comme ça son pseudo-frère s'appelait Guilin et c'était lui le prorio de la baraque à côté de celle qu'ils occupaient sa mère et lui. Ouais, ils l'avaient pas vu depuis longtemps ce type. Un grand brun s'il se souvenait bien... Ou un type avec les cheveux blancs... Il n'était pas certain. Fallait dire qu'on ne faisait pas vraiment attention à ses voisins quand ils ne restaient pas longtemps.

Le blondinet devait à peine entendre les quelques réponses de sa béquille vivante. De plus en plus abattu, de plus en plus déprimé, lorsque le jeune brun lui coula un regard en biais sa mine pâteuse aurait eu de quoi rivaliser avec la bouille d'un clébard larmoyant. Il n'aurait pas été surprit que le jeune inconnu se mette à pleurer... Et il ne lui en aurait pas tenu rigueur le moins du monde.

Pour lui faire face, le videur l'aida a s'asseoir sur un rebord de bois tout en le retenant par les épaules pour l'empêcher de basculer en avant ou en arrière. Il prit même le temps de chercher son regard vaseux.

- Écoute Zaz. T'es pas plus con qu'un autre. Et je suis sûr que ce Guilin peut vraiment compter sur toi. Tu as l'air de vraiment tenir à lui et tu dois être un minimum débrouillard si tu as voyagé à l'étranger. Mais c'est pas en te mettant une race à en dégueuler partout que ça améliorera les choses. On doit pouvoir trouver une solution à tes soucis. Je connais des gens qui se feraient un plaisir de te donner un coup de main, mais avant...

Sur ce, il lâcha l'épaule du blondinet et le poussa fermement en arrière, le visage impassible. Il n'avait pas peur que le type se face mal, tout simplement parce que le rebord de bois sur lequel il l'avait installé n'était autre que le rebord du long abreuvoir qui rafraichissait les montures des passants en journée et faisait une magnifique pub pour l'auberge. Le pire qui pouvait lui arriver était de se cogner un peu la tête ou de s’érafler pendant le décrassage express à l'eau froide... Et en cas de soucis, notre joyeux videur n'était pas un mauvais bougre, il le tirerait de là.

Bourlinguer? Ouais, trop sans doute. En revenant, Zaahrian avait réalisé qu’il s’était peut-être fait un peu trop oublié dans le milieu. Naturellement, il reprendra vite ses aises sauf s’il doit retourner en Péninsule chercher l’autre imbécile. Autant il était fâché contre Guilin, autant il était touché de savoir que son ami cherchait à le retrouver. Juste pour cette raison, il se devait d’aller le chercher. Il avait besoin de lui pour fonder sa guilde. « Mouais, j’ai vu pas mal de choses… Si jamais tu vas là-bas et que tu vois sur un chemin plein de bites gravées sur les arbres, c’est moi! Ça manquait de touche artistique! » Une lueur malicieuse brillait dans son regard. Éventuellement, son nouvel ami le fit assoir sur le rebord de quelque chose qui nécessitait d’avoir plus d’équilibre qu’il lui en restait vu son état alcoolisé. Zaahrian écouta l’autre parler et un sourire niais apparut sur son visage. « Guilin m’aurait mis son poing à la figure en me traitant de crétin! T’es p’têtre mieux que lui! » Et en disant cela, l’autre le poussa vers l’arrière et Zaahrian bascula dans l’abreuvoir plein d’eau. Déjà, il se cogna la tête pour la deuxième fois dans la soirée ce qui ne pouvait pas lui faire de bien. Ensuite, comme il ne s’attendait pas à être poussé dans l’eau, il n’eut pas le temps de s’y préparer. Du coup, il but la tasse comme on dit si bien chez nous et une grande gorgé d’eau d’un abreuvoir à animaux, ce n’est pas la plus fraîche qui soit. Du coup, Zaahrian se débâtit comme un beau diable dans un espace plutôt restreint, l’eau et ses membres volant dans tous les sens quand soudainement, il cessa de bouger. Pas un mouvement, pas même de petites bulles d’air dans l’eau, juste une longue paire de jambes qui pendait mollement sur le bord de l’abreuvoir. Pouvait-il être mort?

- Ah bah bravo..." ne put s'empêcher de murmurer le jeune homme brun en voyant les jambes du soulard retomber. Avec un soupire, il fit le tour de l'abreuvoir en se disant que non, il ne devait pas être mieux que ce fameux Guilin. Sans hésiter, il chopa la tunique du noyé et le tira d'un coup sec hors de l'eau, passant son autre bras derrière son dos pour lui éviter une nouvelle brasse coulée.

Le poids du blondinet n'était pas plus tôt retombé sur lui qu'il grogna de douleur. Putain. Son épaule. Conneriiiiie ! Mais il réussit à ne pas le lâcher et le tira hors du bac d'eau, paré à lui foutre quelques bourrade dans le dos s'il respirait encore. S'il ne respirait plus et qu'une tarte bien sentie ne le faisait pas cracher la mer et les petits poissons, il vérifierait qu'il n'avait rien dans la gorge et passerait au bouche à bouche. Ses mouvements étaient si blasés qu'on aurait put croire qu'il s'ennuyait... ou qu'il noyait des gens tous les matins. Bon, si la situation s'éternisait, il allait commencer à sérieusement flipper, mais on en était pas encore là.

- Allez mon grand. Ouvre les yeux. " gromela-t-il

Il était costaud le petit serveur, car Zaahrian n’avait rien de la petite demoiselle en détresse. Son père était un géant parmi les elfes et fiston tenait sa taille de lui. Bon, il n’était pas aussi grand que papounet, mais assez pour se démarquer parmi les hommes. Tout ça pour dire que, inconscient, il devait peser autant qu’un veau mort! Les yeux fermés et le visage paisible, Zaahrian prenait des airs angéliques, mais avec lui, il faut se méfier des apparences. Quelques claques ne suffirent pas à le ramener d’entre les morts. Était-ce réellement la fin pour l’assassin? Zaahrian savait que la mort viendrait à lui bien assez tôt, mais mourir noyé dans un abreuvoir pour animaux, il y a plus glorieux comme fin quand même. Ce n’est pas de celles dont on se vante dans l’autre monde!

+++

Pendant ce temps, dans la tête de Zaahrian…

Rien, il n’y avait rien du tout, seulement une lumière qui l’entourait. Zaahrian se tenait là sans savoir ce qu’il faisait là ni où il était. Il avait l’impression d’être sur un plancher solide, mais il ne voyait rien sous ses pieds. Il fit un pas en avant, puis un autre. « Mais merde, il y a rien ici. Qu’est-ce que je suis censé faire, au juste? Hey oh! Il y a quelqu’un? » Zaahrian sentit sa présence avant de le voir. Une silhouette se dessina dans la lumière, puis Guilin apparu, pareil à lui-même avec son absence de sourire. Zaahrian, par contre, souriait d’une oreille à l’autre en le voyant, les bras grands ouverts pour lui faire un câlin. « Hey! Guilin! Ça fait un bail! Maintenant que tu es là, tu peux me dire ce que tu fais en Péninsule? » Guilin haussa un sourcil interrogateur, comme s’il ne croyait pas ce qu’il entendait. « Crétin… » Puis il le frappa et tout devint noir.

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Retour à la réalité...

Après une longue minute où rien ne se passa, le corps de l’assassin se cambra soudainement et il cracha tout le contenu de ses poumons au visage de l’autre dans une violente quinte de toux. « Putain, je suis vivant! » Croassa-t-il comme s’il n’y croyait pas lui-même. « J’ai rêvé que Guilin me donnait une claque… Tellement typique de sa part. S’il m’avait embrassé, là j’aurais été surpris! » Malgré l’humour sous-jacent, Zaahrian fronça les sourcils comme s’il sentait que quelque chose n’allait pas... «En tout cas, ce n'est pas grace à toi que je suis là.»

Sans se formaliser de l'eau qu'il avait reçu dans la figure, le serveur aida Zaz à se pencher sur le côté en lui frictionnant le dos pour l'aider au mieux à recracher jusqu'au dernier poisson que sa grande bouche avait pu avalé. Il prit une graaaaande bouffé d'air et recoiffa les cheveux noirs qui s'étaient échappés de son catogan. Dieux qu'il se sentait mieux !

Laissant le blondinet finir de tousser tout seule face au pavé, il se redressa, restant tout de même à genoux. Il respirait mieux. Un moment, il avait vraiment cru qu'il avait tué cet imbécile. Il allait essayé de s'essuyer le visage avec sa manche... quand il se rendit compte que sa tunique était totalement détrempée tout comme l'avant de son pantalon. ça lui apprendrait à se mouiller pour des crétins !

-En tout cas, ce n'est pas grâce à toi que je suis là.»

Hein ? Quoi ? A oui. Le jeune homme se passa une main sur la nuque avec un sourire à la fois gêné et soulagé.

- Ouais. On peut dire que tu m'as foutu une trouille bleu. Mais vois le bon côté des choses. Puisque t'arrives à prononcer le nom de ton ami en une seule fois, c'est que l'adrénaline doit t'avoir au moins un peu dégrisé." Il en était presque à lever les épaules en signes d'impuissance. " Scuse... d'habitude, les gens n'arrivent pas à se noyer... Enfin... " Mieux les excuses. Mieux... Bon il avait encore des progrès a faire mais c'était mieux que lorsqu'il avait essayé de s'excuser auprès d'Esmelda la semaine passée... Allé... Des efforts. Il se leva en tirebouchonnant l'avant de sa chemise de toile beige pour en faire dégorger autant d'eau que possible. Puis il tendit la main au blondinet. " ça va ? Tu tiens le coups ? Tu peux te lever ? "

Zaahrian se sentait effectivement un peu plus lui-même comme si le brouillard s’était soudainement levé de son esprit. Son estomac se révoltait et il avait un terrible mal de crâne, mais il était lucide. Enfin, autant que Zaahrian puisse l’être vu les circonstances. Il avait vaguement l’impression qu’une charge de cavalerie lui était passée sur le corps. « Ne sous-estime jamais ce que je peux faire... » Il jeta un coup d’œil à l’abreuvoir en question. Du coup, il était trempé, mais sentait encore mauvais. Comme si ça allait remplacer un pain de savon et un décrassage en règle? Zaahrian resta assis pendant un moment, essayant de remettre de l’ordre dans ses idées. C’était comme essayer d’attraper à main nue de la fumée. Il se massa les tempes en grognant. « J’ai l’impression que mon crâne va fendre... » Il attrapa ensuite la main tendue du petit serveur et se leva sur ses pieds. Le monde tourna dangereusement autour de lui avant de se stabiliser. Zaahrian lui fit signe d’attendre un instant. « Ça va! Ce n’est pas un… ou deux coups sur la tête qui vont m’arrêter. On a toujours dit que j’avais la tête dure! » Du coup, Zaahrian lui adressa un sourire séducteur et passa un bras autour des épaules du semi-elfe. Semi-elfe oui, l’assassin venait de remarquer les oreilles pointues de l’autre et sa barbe aussi… En fait, il ne l’avait pas vraiment regardé avant maintenant et il le trouvait mignon. Bon, en fait, s’il avait passé son bras autour de ses épaules, c’était pour éviter de s’écraser au sol comme une merde et si ça lui permettait aussi d’admirer la vue au passage… « J’ai loué une chambre… quelque part par là-bas. » Il pointa au hasard devant lui, fronça les sourcils avant de se raviser et de pointer plutôt vers l’est. « Enfin, on trouvera bien! Deux têtes valent mieux qu’une! » Zaahrian lui donna une petite tape affectueuse sur le torse tout en lui offrant son plus charmant sourire.

Le jeune homme avait garder la main tendue, au cas ou le blondinet ne tangue un peu trop. Il tenait bien le coup le bougre. Son sourire aussi charmeur qu'approximatif fit rire à demi celui qui lui avait éviter un coma éthylique tout en manquant de le tuer. S'il avait d'abord mis les avance du grand échalas sur son état de serpillère mentale mais même un peu moins torché, il restait très affectueux. Enfin... l'alcool qu'il avait dans le sang était quand même loin de s'être envolé.

- Ouais... Surtout deux têtes dont l'une arrive à différencier sa droite de sa gauche. "

Il assura sa prise sur la bras que son comparse avait passé autour de lui pour pouvoir le retenir si jamais il se prenait les pieds dans quelques chose. Au moins, comme le blondinet était plus grand que lui, il n'avait pas à le soulever à moitié, ça lui éviterait de trop tirer sur sa propre épaule endolorie. Parfois, il admirait son propre professionnalisme. Sérieusement. Soit il était complètement demeuré, soit il était au moins un saint pour se taper ces petits boulots sans en prendre aucun par dessus la jambe. Bon... Il n'oubliait pas non plus que ce type avait l'air de chercher quelqu'un et qu'il semblait du genre à se foutre dans les ennuis rien qu'en respirant, ce qui en faisait un très bon client potentiel.  Et puis il n'était pas mal non plus. Il avait un petit quelque chose de l'autre forgeron qu'il avait croisé un moi plutôt dans la basse ville... la classe péninsulaire en moins. Un peu trop elfique mais on ne pouvait pas tout avoir.

- Essaie de mettre un pied devant l'autre et on devrait s'en sortir. "

Ils firent quelques pas dans la direction indiquée par Zaahrian avant que son sauveur ne les fasse bifurqué vers une destination bien précise. Tout en marchant, il passa son bras autour de la taille du fêtard... Pour éviter qu'il ne se ramasse sur le pavés inégals, évidemment.

- Au fait, tu peux m'appeler Cob'. " sourit-il en se tournant un instant vers le visage brumeux qui bordait le sien.

Zaahrian gloussa de rire. Il leva sa main gauche. « Main droite et l’autre c’est la gauche. » Il regarda ensuite ses mains pendant un instant. « Peu importe, j’ai une chance sur deux d’avoir raison, de toute façon... » Il haussa les épaules comme si ça n’avait aucune importance. « Merci, mais je sais marcher! » En disant cela, il posa un pied devant lui et se genou, le traître, ploya sous son poids et envoya valser Zaahrian qui s’accrocha à sa béquille humain. « Ouais bon, j’ai eu une dure journée. Ça arrive à tout le monde! Tu dois en voir tous les jours avec ton métier… Mais c’est pas tous les jours qu’ils sont aussi sexy quand ils te vomissent dessus. » Oui bon, dégrisé un peu, mais pas encore tout à fait là. « Cob... » Il fronça les sourcils. « Ça sonne pas un peu bizarre? Cob Cob Cob Cob! » Il lui donna une tape virile sur l’épaule.

Le duo improbable marcha dans les ruelles de la ville. Plus d’une fois, Zaahrian changea de direction, mais ils finissaient toujours par revenir sur leur pas d’une façon ou d’une autre. « Je suis certain que c’est par là! Je reconnais la bâtisse là-bas avec les arcs. » Il entraîna le pauvre Cob avec lui, retrouvant peu à peu son aplomb, mais pas son sens de l’orientation. « Il faut voir cela comme une aventure! Bon, ça ne vaut pas le serpent de 20 mètres, mais on ne peut pas toujours affronter des dangers mortels! Plus tu affrontes de dangers mortels, plus tu risques de mourir, logique! » Ils passèrent une rue marchande, les commerces fermés à cette heure du soir. Zaahrian entendit alors une voix. « Zaahrian » le blond s’arrêta net. « Dit… t’as entendu ça? » Il tourna la tête à droit et à gauche. « Ça vient de là, j’crois... » Il s’agissait de l’échoppe d’un vendeur d’armes. « Je connais cet endroit… Je crois que ça vient de l’intérieur. » Il se dirigea vers la porte et commença à jouer avec le loquet. Naturellement, elle était verrouillée. « Faut que je rentre à l’intérieur… Maintenant... » Délaissant l’entrée principale, il entreprit de faire le tour de la bâtisse pour trouver une seconde entrée.

HRP:

- Ouais, ça fait un peu poulet mais j'ai rien d'autre en stock. " ricana le jeune homme avant d'étouffer un grognement de douleur lorsque le blondinet lui donna une claque sur son épaule endolorie. Il faillit lâcher son fardeau mais heureusement, son bras valide était lui aussi accroché en parade. " molo sur l'épaule. " grinça-t-il en rouvrant les yeux, papillonnant des cils pour chasser discrètement l'humidité qui s'y était former.

Malgré tout, il suivit les indications du blondinet, le laissant déblatérer ce qui lui faisait plaisir en y prêtant qu'une oreille à demie attentive. Mais il s'arrêta si soudainement que Cob faillit se manger le pavé. " Entendu quoi ? ". Sous les yeux médusés du serveur, le blondinet s'attaqua à une porte. " Non mais ça va pas ? " Puis il s'éloigna pour en faire le tour. " Et mais...! " il voulait vraiment y rentrer ce fou ?! Au pas de course, Cob rattrapa le blondinet pour le saisir fermement par le bras. "Hey. Arrête tes conneries. On ne rentre pas par effraction comme ça chez les gens. " bien moins grand que Zaahrian quoi que d'une taille correcte pour un humain, le semi elfe profita de sa musculature de docker-videur-amuseur-assassin pour tirer son comparse à plusieurs pas de la porte de la réserve. " Allé vient. On va arrêter les conneries. Je connais une très bonne adresse ou tu pourras passer ce qu'il te reste de nuit. "

« On ne tue pas les gens pour de l’argent et c’est pourtant ce que je fais. Ce mec peut s’estimer chanceux que je cherche uniquement à entrer dans sa boutique… Pour l’instant. » Zaahrian avait parlé sans réfléchir, mais il disait vrai. Il ne savait pas pourquoi il devait entrer à l’intérieur de cette échoppe, mais il devait le faire. Quelque chose l’y attirait et ce n’était pas juste cette voix qu’il n’était pas certain d’avoir entendue de toute façon. En un instant, son attitude avait changé du tout au tout. Il était passé de l’ivrogne sympathique à un sérieux désarmant et calculateur. L’alcool n’avait pourtant pas quitté son organisme et il lui fallait toute la concentration dont il pouvait faire preuve en cet instant, mais on comprenait en le regardant que cet homme pouvait être extrêmement dangereux.

La petite échoppe était adjacente à une étroite ruelle si sombre qu’il était impossible d’en deviner la profondeur. Zaahrian prit sa dague, sachant trop bien que les ombres pouvaient cacher bien des menaces dans une ville comme Thaar. « Il doit y avoir une autre entrée, sinon une fenêtre en hauteur… Ah, voilà ce que je cherche. » Il y avait bien une petite fenêtre hors de la portée des passants à moins d’être un minimum doué en acrobatie. Il se tourna vers Cob en lui faisant signe. « Allez, viens m’aider! Je te promets, on entre et on sort… Je dois juste aller voir... » Normalement, Zaahrian n’aurait jamais demandé de l’aide pour quelque chose d’aussi simple, mais son pied n’était pas assez assuré à cause de l’alcool. Sa tête souffrait déjà suffisamment comme ça pour ne pas qu’il la cogne une troisième fois.

Non d'un Fern... Il avait tiré le gros lot.

Cob fronça les sourcils et son regard se fit plus méfiant.

Non seulement c'était un voyageur mais ce type était un assassin. S'il avait de la chance, c'était un freelance étranger venu à Thaar pour retrouver son frère, le Gulin là. S'il avait pas de chance, c'était un affilié d'une guilde et il faisait semblant depuis le début pour repérer le mystérieux freelance qui montait  à grande vitesse dans la cours des grands de la Cité... Enfin qui croyait monter rapidement dans la cours des grands.

Le blondinet tira une dague... Et le jeune serveur ne su s'il devait plus flipper de le voir aussi agile avec une lame alors qu'il tenait à peine debout ou qu'il veuille entrer dans la première boutique d'arme qu'ils croisaient en disant qu'il n'avait pas ENCORE prévu de tuer qui que ce soit. C'était trop gros. Il y avait baleine sous gravier et c'était un docker qui le disait. Il avait pas signé pour aider un meurtrier !

- J'arrive. " dit-il simplement en s'approchant du blondinet, visiblement prêt à lui faire la courte échelle... Mais au dernier moment, la main qu'il tendait pour aider le blondinet à se hisser reparti vers la tempe de l'oreille pointue. la mandale claqua avec force... Et Cob manqua de se flinguer l'épaule une fois de plus en voulant éviter que Zaz ne se rétame sur le sol comme une crêpe suzette prête à être flambée.

Nom d'Arcam il était grand et lourd le lascar ! Qu'est-ce qu'il allait faire de lui maintenant. Il ne voulait pas avoir d'ennui avec les guildes ou avec une quelconque faction. Le mieux serait de lui trouer la peau. Il le posa donc doucement par terre et ramassa la dague avec autant d'hésitation qu'il en éprouvait lorsqu'il tirait la corde de son arc. Souplement, il mis un genou en terre à côté du jeune blondinet, regarda un rayon de lune glisser assez poétiquement sur sa lame, leva la main et... Et se rappela soudain que cet homme, quel que soit ses affiliations dans la Cité, ne pouvait pas être envoyé pour lui. Il n'avait pas fait semblant de se noyer. Il avait vraiment faillit y rester. Deux fois. Bordel.

Le visage fin et encore humide de l'étranger était totalement relâché. Il était plus mignon comme ça qu'entrain de vomir ses tripes, c'était sûr... Mais il n'avait pas l'air serein pour autant. Comme ça ils étaient deux. Cob soupira en passant l'arme à sa ceinture. Il ne pouvait pas. Il voulait devenir un assassin, pas un meurtrier. La déontologie ! Merde!

A la place, il se releva. En grinçant sous l'effort, le jeune homme parvint à le hisser sur son dos comme un gros sanglier. La sueur perlait sur son front et ses cheveux en étaient à moitié détachés avec ces conneries. Mais, après avoir assurer sa prise sur le corps inerte, il s'éloigna à bon pas en direction de son quartier.

- Désolé mais j'ai pas envie de me retrouver avec un carreau d'argent dans l'oreille. Interférer avec les affaires de la Corporation, très peu pour moi. Les elfes, les drows, tous les même ces vieux dégueulasses. " grommela-t-il au type inconscient sur ses épaules tout en respirant comme un bœuf tout au long de sa progression. " T'as pas intérêt à ouvrir un oeil avant qu'on soit arriver, sinon je t'en remet une. Je te jure... T'as du bol que j'ai pas encore arrêté ce boulot à la con. "

Arrivé dans la petite rue aux façades plates et aux fenêtres étroites qui sentaient les fruits blettes et le choix, Cob hésita un instant... Puis passa devant sa propre porte pour s'arrêter deux maisons plus loin. Ouais. C'était bien là qu'il l'avait vu gueule comme un putois. Il posa le comateux sur le sol, confisqua ses armes les plus visibles pour les passées à sa propre ceinture, fit le tour de la bicoque pour trouver la fenêtre cassée, entra en grimpant sur la façade, traversa le salon poussiéreux et déverrouilla la porte de l'intérieur. Il ne lui resta plus qu'à tirer le blondinet à l'intérieur et à l'étendre sur le seul lit miteux de la maisonnette. La porte fut refermée, il utilisa les reste de bois pour allumer un feu dans l'âtre parce que la fraicheur des nuits était traitre, surtout quand on était trempé comme une soupe, et profita enfin de longues minutes de récupération amasser distraitement son épaule en observant le blond. Un elfe. Il avait du tomber sur un elfe assassin bourré...

Fils de pute.

Qu'est-ce qu'il allait faire de lui maintenant ?

Son boulot ne lui en demandait pas plus. Techniquement, il avait même le droit de se servir ici avant de repartir. Mais si ce type était un assassin qui avait pas mal bougé et qu'il n'était pas envoyé par les guildes du coin, il représentait une sacré chance. Un compagnon d'arme, ou juste quelqu'un qui pourrait lui apprendre quelques tours de plus, lui présenter deux trois personnes. ça serait déjà beaucoup. Avec de la chance, il aurait besoin d'un coup de main pur ce fameux Guilin. C'était une occasion comme une autre. Et puis il se sentait peut-être un peu responsable de l'état de ce type. Il avant manqué de le tué et il l'avait assommé dans la même soirée. Il serait peut-être pas très jouasse au réveil mais une petite voix lui disait qu'il aurait déjà de la chance s'il se réveillait.

Il se passa une main sur la nuque et refit son catogan à la va-vite. Bon... Il ne partait pas alors. Il avait toujours été trop gentil... ça le perdrait un jour ou l'autre.

Avant de s'installer pour veiller le soulard, il enleva ses bottes et procéda à une fouille minutieuse du blondinet, jusqu'à ce qu'il soit sûr qu'il ne lui reste plus une lame ni une arme sur le corps et étendit une couverture sur lui. Puis il rassembla les armes sur une table à bonne distance et se planta sur la chaise la plus confortable qu'il arriva a trouver. Ouais... Beaucoup trop gentil...

Restait plus qu'à tenir éveiller jusqu'à ce qu'il se réveille... ça allait pas être une sinécure ça...

Et ça ne le fut pas.

Harassé par l'humidité de ses vêtements, le transport du blondinet, l'escalade de la fenêtre, son service de serveur, son travail de docker, sa représentation, sa répétition, son contrat et sa lessive, ses muscles perclus rendirent les armes en moins de deux heures. Il sombra dans le sommeil, la tête en arrière contre le mur et les bras croisés.

Un coup, il suffit d’un coup pour envoyer Zaahrian au doux pays des rêves. Après la nuit de déchéance et les deux précédents coups sur la tête qu’il avait eus, il n’en fallait pas plus pour le mettre hors service pour le restant de la nuit. Il aurait été facile de le tuer. Zaahrian ne se serait rendu compte de rien. L’histoire se serait terminée pour notre blond national sans que son nom n’entre dans la légende. Pourtant, Cod fut assez gentil pour le laisser vivre. Tant mieux, car mourir après une nuit de beuverie et s’être pratiquement noyé dans un abreuvoir pour animal, ce n’est certainement pas une fin digne de Zaahrian. Étendu dans le lit de son ami, il fit des rêves étranges, remontant dans des souvenirs et dans des lieux de son passé.

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Zaahrian se tenait au milieu de la cour. Les bâtiments qui l’encerclaient lui étaient familiers. Évidemment, il ne pourra jamais oublier cet endroit. C’est là qu’il est devenu ce qu’il est aujourd’hui. Il n’y avait personne. Le soleil brillait au-dessus de sa tête et il n’y avait aucun vent. En fait, c’était très silencieux. Même les oiseaux ne chantaient pas. « Hey! » Zaahrian se retourna. Plus loin, appuyé contre le chambranle d’une porte, Guilin l’observait. « C’est déprimant comme endroit... » Déclara Zaahrian en s’avançant vers son ami. Guilin haussa un sourcil. « Tu n’y penses pas à l’occasion? » Le blond sourit. « J’essaie d’éviter. Quand j’y pense, j’ai juste envie de boire jusqu’à ce que ma tête se vide et qu’il n’y reste que des vapeurs d’alcool. »

Guilin abandonna son cadre de porte pour aller rejoindre Zaahrian. « J’appelle ça fuir ses problèmes... » Fit remarque le brun d’un ton égal. « Non, au contraire! Je refuse simplement d’y accorder trop d’importance… Sinon c’est vrai que je serais dans mon coin à déprimer et à être aussi sinistre que toi. » La réaction de Guilin fut immédiate et lui donna un coup dans le ventre sans afficher une once de regret. « Toujours aussi violent… C’est ça que j’aime chez toi, l’amour vache. Avoue que t’aimes ça! »

« J’adore! Qu’est-ce que serait la vie si je ne pouvais pas te frapper ? » Ronronna Guilin dans une tentative maladroite d’être séducteur. Zaahrian éclata de rire. « Ne fais pas ça! Ça ne te va pas du tout! Laisse le côté séduction à un pro! »

« Donc pas à toi, j’ai compris. » Ce fut un tour de Zaahrian de lui donner une claque derrière la tête. Les deux jeunes hommes sortirent de la cour et longèrent un mur jusqu’à atteindre un espace dégagé au milieu duquel se trouvait une pierre entourée d’herbes desséchées. « Tu dois au moins penser à elle? » Demanda Guilin en tournant la tête vers Zaahrian. « Pas tant que ça… Quand j’ai rencontré mon père… Je me suis rendu compte qu’il y avait pas mal de choses que je ne connaissais pas d’elle. Je suppose qu’on ne connaît jamais vraiment une personne entièrement, pas même nos parents. C’est aussi à cause d’elle que je suis… ce que je suis. »

« Tu n’es pas quelqu’un de mauvais. » Lui assura Guilin. « Crétin et irréfléchi, mais pas mauvais. Tu m’as gardé en vie autant que je t’ai gardé en vie. » Zaahrian haussa les épaules. « Je détruis tout ce que je touche. Regarde Yenaël… Je l’ai abandonné… J’ai fui, car j’étais convaincu que je ne le méritais pas et c’est le cas… Il aurait fini par mourir à cause de moi et je ne pouvais pas l’accepter. J’ai donc pris ce putain de contrat pour fuir la Péninsule… Et quand j’arrive ici, je découvre que tu es parti là-bas pour me retrouver. Merci de me faciliter la tâche. » Guilin regarda Zaahrian. « Tu sais que je ne suis pas sur la Péninsule... » Zaahrian secoua la tête. « Tu m’as laissé un mot, tu te rappelles? J’ai bien l’intention de te retrouver et te ramener par la peau du cou jusqu’à Thaar, compris? » Guilin ouvrit la bouche pour protester. « Ah, la ferme, tu veux bien!? »

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Zaahrian ouvrit les yeux. Il faisait clair, le soleil entrait par la fenêtre quelque part au-dessus de sa tête. Il porta une main jusqu’à son front. Il avait mal… En fait, une partie de son visage était même sensible comme si on l’avait frappé. Il regarda prudemment autour de lui. Il connaissait cet endroit : la maison de Guilin. « Guilin? » Il y avait bien quelqu’un d’autre dans la pièce, mais ce n’était pas son frère. L’homme dormait toujours, assis sur la chaise. Zaahrian se redressa lentement du lit tel un prédateur. Il se souvenait de lui, vaguement. L’assassin était raisonnablement certain que c’était lui qui l’avait frappé et ça lui suffisait pour cogner à son tour et poser les questions ensuite. Lorsqu’on réfléchit trop, les occasions nous glissent entre les doigts. Zaahrian se leva donc du lit, traversa la pièce en deux enjambées et saisit l’inconnu par la gorge avant de le plaquer au sol en maintenant fermement son emprise. « Alors, joli cœur, bien dormi? Maintenant tu vas m’expliquer ce que tu sais sur Guilin et pourquoi tu m’as frappé? »

- Argggrglp !!! " tenta-t-il vainement de protester lorsqu'une main se ferma sur sa gorge alors qu'il venait tout juste de se réveiller en étant littéralement jeté sur le sol. Sa tête sonna douloureusement. Ses cheveux détachés n'avaient pas pu amortir le choc le moins du monde. Il sentait la barbe de son menton brosser le poignet du blondinet qui le surplombait et devait avoir la tête approchant d'une grosse tomate étant donné le traitement du réveil.

Il mis quelques instants à reprendre ses esprits, et quand enfin ses yeux noirs parvinrent à se poser sur le blondinet, il hésita entre autoflagellation et une trouille bleue. Il s'était endormi ! CRETIN!!!

- Calme toi, ok ? Je tiens à ma gorge... et au reste. Tu étais armé, tu étais bourré et tu voulais entrer sans raison dans la boutique d'un marchand d'arme sous la protection de la Corporation d'Argent. Je t'ai sauvé la peau du con. " oups... Cob referma la bouche avec l'air de ceux qui viennent de se rendre compte qu'ils ont dit une grosse connerie. Il essaya de se racler la gorge, s'étouffa à moitié à cause de la poigne du blondinet et essaya de contenir au mieux la quinte de toux qui suivit pour éviter de craquer ses poumons à la figure de l'assassin qui le tenait pour l'heure à sa merci. Mis à part le fait qu'il venait de gagner une couleur rouge pourpre, il parvint à continuer. " Écoute. Tu était ivre mort à la taverne ou je travaille comme ange gardien. C'est mon boulot de ramener les clients les plus amochés dans un endroit sûr avant qu'ils tombent dans le coma. Tu m'as dit que tu cherchais ton frère, Guilin, et... Pas mal d'autres trucs... "

D'un coup, il se contorsionna pour déséquilibrer le blondinet. Ce qui réussit... moyennement bien. Au lieu de réussir à prendre l'avantage et de plaquer le semi-elfe au sol, il parvint tout juste à le repousser pour se redressé, assit sur ses talons, se prenant un méchant coup au passage qui le fit grogner. Face à son hôte, il garda les mains bien en évidence et décerna un sourire aussi rayonnant que charmeur.

- Notamment qu'on travail dans la même branche. " Tout doucement, il repoussa le paquet de cheveux noirs qui lui était tombé sur la figure en se relevant " Je suis un indépendant, j'ai pensé que deux belles gueules comme nous pourraient se filer un coup de patte ? ... A moins que tu sois affilié à une guilde et là, je viens probablement de signer mon arrêt de mort. Mais on a rien sans rien. "

Ce fut un réveil mouvementé pour le pauvre Cob. Heureusement pour lui, malgré la brutalité de Zaahrian, ce dernier n’avait pas l’intention de le tuer dans l’immédiat. Il voulait quelques réponses à ses questions avant de décider si oui ou non il l’éliminerait. Ainsi Cob prétendait lui avoir sauvé la vie? « Tsss, je suis un pro. Même bourré, il n’aurait probablement rien remarqué… Et puis, la Corporation d’argent? Ça me dit vaguement quelque chose... » Zaahrian ne relâcha pas tout de suite son emprise sur le jeune homme. Il n’avait que de vagues souvenirs de la veille et ce que l’autre lui racontait semblait concorder. Chaque fois qu’il buvait, Zaahrian parlait trop. Un jour, il finira sans doute par être tué. « Je t’annonce que j’ai bien l’intention d’y retourner, mais de jour cette fois. Tu sais, si on s’arrête toujours à ce qui pourrait arriver, on ne ferait jamais rien... »

C’est à ce moment que Cob tenta de déstabiliser Zaahrian, mais il manqua de technique et réussit plutôt à se faire mal. L’autre se sentait clairement désavantagé devant la magnificence de blond, car il lui adressa son plus charmant sourire. Zaahrian aurait révélé au cours de sa beuverie être un assassin et Cob souhaitait maintenant se joindre à lui tout en espérant que Zaahrian ne soit pas affilié à une guilde, car cela signifierait son arrêt de mort. « Dis-moi, si tu savais que j’étais un assassin, pourquoi n’as-tu pas pris la peine de m’attacher pendant que j’étais inconscient? À mon réveil, j’aurais pu te trancher la gorge et tu ne l’aurais même pas remarqué… Débutant... » Zaahrian n’était guère impressionné jusqu’à maintenant par les accomplissements du jeune homme. Il avait fait une grave erreur de débutant, rien pour convaincre le blond de le prendre avec lui. « Mettons une chose au clair tout de suite, je suis nettement plus séduisant que toi. » Il se leva et fit rouler ses épaules dans l’espoir de retrouver un peu de souplesse. « Ensuite, tu es chanceux, car je ne travaille pour aucune guilde et je n’ai pas de contrat, mais je n’aime pas non plus qu’on me marche sur les pieds. J’ai été absent trop longtemps, j’ai l’impression que les gens m’ont... » Et il grimaça avant de prononcer le mot, comme s’il lui brûlait les lèvres. « Oubliés... » Il alla s’appuyer contre le mur en face de Cob. Le soleil qui entrait par la fenêtre créait des ombres sur les traits aiguisés de l’assassin. « Je m’appelle Zaahrian. Je m’étais bâti une sacrée réputation dans le milieu au point d’être obligé de partir pendant un moment… Je suis de retour maintenant et j’ai bien l’intention de le faire savoir... »

- Et j'aurai put trancher la tienne hier soir au lieu de te ramener. " marmonna Cob en se massant le cou, plus pour lui que pour interrompre son hôte. Dessoulé, il était nettement plus vaniteux... Et incroyablement frais alors que le brun s'attendait à ce qu'il ait la plus grosse gueule de bois de sa vie.Il avait agit comme un débutant... Ouais bah il ÉTAIT débutant... dans un certain sens. Deux ou trois mois c'était pas tant que ça. Et il se débrouillait rudement bien. Il avait des supers contrats qui lui rapportait bien assez d'argent pour nourrir sa mère et des contacts loyaux. Et ce type revenait de l'étranger pour le regarder de haut. Pfuh. En plus il avait un couteau dans sa manche. Il aurait très bien put se défendre mais ça aurait été une mauvaise idée de menacer un allier potentiel. Enfin... c'était une mauvaise idée dans le monde dans lequel il vivait encore.

Il se releva en gardant les armes et le blondinet dans son champ de vision et découvrit qu'il avait de drôles de priorités... Plus séduisant ! Avec sa gueule d'elfe ?! Et ses cheveux pâles ! Non mais je vous jure ! Cob en était à ce point outré qu'il avait un instant oublié qu'il n'était pas encore certain de garder la vie sauve. Alors quand il apprit que ce type était lui aussi un freelance, il fut à la fois surpris et soulagé. Puis re-surpris par la suite.

- Zaa... Zaahrian. J'ai déjà entendu ton nom. Il y a un peu moins d'un an. Deux mois peut-être. L'un de mes commanditaires pestait que quelqu'un s'en était pris à la guilde qu'il avait l'habitude de contacter et que c'était surement toi... Rassure-moi... Avant de partir tu t'es mis qui à dos ?... Et avant que j'oublie. " il fronça  les sourcils " La Corporation d'argent est l'organisme qui tient presque tout le trafique d'arme de Thaar. Il y a deux ans sa fondatrice - GriffeArgent- a une purge de tous les contrebandiers, passeurs et revendeurs qui n'avaient pas passer de contrat avec elle. Et elle est pas réputée pour être plus douce avec les voleurs et les assassins. Alors pourquoi tu veux entrer dans c'te putain de boutique ?! "

« Et tu ne l’as pas fait! Je t’en remercie! » Ce fut à son tour de lui offrir son plus charmant sourire. Zaahrian avait la pire gueule de bois de sa vie. Il avait si mal à la tête qu’il pouvait presque voir la douleur dans ses yeux si cela pouvait être possible. Son niveau de patience frôlait le zéro absolu et il n’avait pas du tout envie d’être complaisant, surtout pas devant un débutant qui gonflait ses plumes comme le ferait un coq. « Pas mal de monde et pour plusieurs raisons. Déjà, j’ai éliminé mon chef de guilde, ce qui ne se fait pas dans la milieu, mais je l’ai fait pareil, car cet imbécile méritait amplement de crever. En fait, j’aurais voulu le voir crever dans sa propre merde, mais Daeron était un semi-elfe et je n’avais pas la patience d’attendre qu’il devienne vieux. Du coup, les guildes voulaient faire un exemple avec moi, mais cet assassinat a aussi eu l’avantage d’attirer l’attention des commanditaires. Tu sais, l’apprenti qui tue son maître… Bref, j’ai eu droit à des contrats bien juteux. Puis bon, j’ai p’tête fait quelques conneries ici et là… Les gens sont tellement susceptibles parfois. Quand je suis parti, j’avais des mercenaires aux fesses… » Zaahrian se gratta le menton, pensif. « Quand j'étais en Péninsule, j'ai remplis un contrat important avec des mecs... Je ne sais pas trop qui ils sont, mais ils ont de l'argent et je suis maintenant sous leur protection. Du coup... Je comprends mieux pourquoi on me laisse tranquille...» Il plongea la main dans sa poche et en sortie la pièce qui prouvait cette alliance.

« Dis-moi, cette femme, GriffeArgent, elle n’aurait pas un autre nom, par hasard? Avant de partir, j’ai travaillé pour une drow du nom de Krish Al’Serat, une forgeronne avec une obsession pour tout ce qui coupe. Ce truc, ça serait totalement son genre… » Il soupira. « Je ne sais pas… J’ai cru entendre mon nom et j’ai voulu y entrer. Je dois y aller, c’est tout. J’ai fait plus dangereux comme truc, tu peux me croire. »

" Euh... Si... C'est le nom de la Princesse... Mais... " De surprise en surprise. Enfin ce coup ci c'était plus de la surprise, c'était de l'incrédulité. Mais c'était quoi ce mec... ? Les bras ballants, Cob' eut toutes les peines du monde à se secouer. Il fallait qu'il se renseigne sur ce type avant de s'embarquer dans un truc mille fois trop gros pour lui. L'idée d'avoir un professionnel qui soit allé si loin dans les soucis inter-guildes lui filait doucement les foies, mais d'un autre côté, c'était d'autant plus alléchant. Pour reprendre contenance, il alla jusqu'à la chaise sur laquelle il avait étendu ses chaussettes la veille et se prépara a enfiler ses bottes.

- Bon et bah... De toute façon c'est pas comme si je pouvais te dissuader de te remettre dans la merde dès ton retour avec cette boutique. Si t'es encore en vie après et qu'tu veux un coup de main pour retrouver ton pote Guilin, t'auras qu'à demander Cobra a n'importe quel saltimbanque de la ville. Il me passera le mot. " puis, poussé par un éclat d'orgueil professionnel. " Pendant que certains essayaient de se faire oublier, d'autre bossent. Être une vieille prime ne t'aidera pas a comprendre les enjeux d'aujourd'hui. Le milieux change vite, nous le savons tous les deux. " Ses lacets noués, il se releva, épousseta sa chemise, remonta ses manches et noua ses longs cheveux noirs. " Oh. Et tu n'es pas plus séduisant que moi, gueule pointue. Surtout quand tu vomis sur les pompes des gens. " Ses bras se croisèrent un instant sur son torse large. Son visage archétypal des humains d'Ithri'Vaan malgré ses oreilles pointues était éclairé d'un sourire de défi. " Tu peux rouler des mécaniques tant que tu veux maintenant, la vérité sort de la bouche des ivrognes. Et ta vérité, c'est que t'as tellement les boules de pas retrouver ton frangin que tu t'es mis dans un état que même un débutant comme moi ne risquerait pas. "

Il faillit ponctuer sa déclaration d'un "baltringue" bien sentit mais s'arrêta... Oh merde. Trop loin. Il était peut-être aller trop loin... Si ça passait, il quitterait la pièce en essayant de pas trop se démonter au passage.

Zaahrian haussa un sourcil et bientôt un autre. Il écoutait le jeune homme et son teint tourna rapidement au rouge vif comme s’il était sur le point d’exploser. Et il explosa, de rire. Zaahrian renversa la tête vers l’arrière, rugissant. C’était littéralement le truc le plus drôle qu’il avait entendu depuis un bon moment. Il riait tellement qu’il s’en tenait les côtes et était incapable de parler. Ce ne fut qu’après un instant qu’il fut enfin capable de faire une phrase intelligible. « Honnn, je vois… tu veux te rendre indispensable. C’est mignon… comme si je ne pouvais pas me débrouiller sans toi. Ahahahah. » Il riait aux larmes au point d’en avoir mal au ventre. Il n’avait pas ri autant depuis tellement longtemps. « Jouer la corde sensible… Ahahah! » Il finit par se calmer. Zaahrian se leva alors sur ses pieds, se massant le ventre en grimaçant. « Oh merde… ne me fais pas rire comme ça… Ça fait trop longtemps... » Zaahrian soupira. « Tu sais, je fais ce métier depuis très longtemps… Guilin, on a grandi ensemble, on est devenu assassin ensemble au terme d’un processus que tu ne peux même pas imaginer, donc oui… je veux le retrouver. Je sais aussi qu’il ne peut pas survivre sur la Péninsule. » Il sourit. « Je n’ai pas peur de ce qui pourrait m’arriver, j’ai peur de ce qui pourrait lui arriver. Doooonc, si tu viens avec moi, tu deviens mon apprenti et je te forme en conséquence. Toutefois, garde en tête que ça ne sera pas une partie de plaisir, ta vie sera certainement en danger et il y a même une chance que tu y laisses la peau. À toi de voir, soit tu retournes à te petites vies en cumulant je ne sais pas trop combien de petits boulots, soit tu me suis et ta vie sera nettement plus excitante... »