[MdO2019][Souffle prisonnier] Rass 4 - La visite qui Tyra l'Aurore du sommeil

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Rp de rassemblement N°4

9e jour de la 4e ennéade de Karfias ~ été
11e année du XIe Cycle
L'Aurore

Règles spécifiques à ce RP :

• Pas de longueur de poste minimale
  
• Double posts acceptés
  
• Libre à tous ceux qui veulent jouer dans l'évènement "Le Chant du Souffle Prisonnier"
  
• Pas de tour de parole
  
• Seules les informations qui seront partagées dans le RP seront considérées comme connues de la troupe et pourront servir à organiser le reste du voyage

Information à respecter sur la période de RP :

• Exceptionnellement le RP Rassemblement N°3 peut se prolongé (comme il concerne plutôt des évènements et vécus personnels que des étapes fondamentales de la quête)

Les joueurs participant à l'évènement sont priés de ne pas ouvrir de RP se déroulant après la date de ce RP jusqu'à la clôture de celui-ci.

Sujet HRP de l'évènement

Clôture : Dimanche 30 Septembre à 23h

Ceux qui voulaient s'aventurer dans un nid de mage étaient venus, mais ils étaient bien peu. Anthoine encore en convalescence, Renard avait remis son équipage et son navire aux mains de son second et personne n'avait trouvé à y redire. Les marins n'iraient pas plus loin. Cécilie et son oncle avaient donc pris la route avec leurs plus étranges compagnons en direction de la première destination que leur avait conseillé la Haute Prêtresse de Tyra.

Ils n'avaient envoyé personne pour prévenir de leur arrivée et ne s'était présenté à Naélis que comme une troupe agissant pour le compte du clergé de Néera. Une troupe sacrément disparate, mais une troupe quand même. Depuis les funérailles des six malchanceux de l'attaque pirate, ils avaient réunit quelques provisions et des chevaux pas trop couronnés pour les porter sur le chemin de l'Aurore.

Comme pour s'accorder à leur humeur, l'été chaud avait éclaté en orage un peu moins d'une heure avant leur arrivée à destination. Le vent de la côte rabattait les capuchons et l'eau imbibait les vêtements des voyageurs au point d'en faire une seconde peau, lourde et détrempée, sur leurs épaules. A intervalle irrégulier, le ciel se déchirait en une myriade d'éclair dont les traines de tonnerres prouvaient la proximité. Les chevaux trépignaient, rétifs et frémissant. Les cavaliers les moins émérites avaient du se résoudre à monter avec les plus aguerrit ou à descendre pour tenir la bride de leur monture. Comme si ça ne suffisait pas, le vent semblait s'arranger pour les prendre au mieux par le travers, au pire bien en face.

Trop loin de Naelis pour faire demi tour, étrangers en une région inconnue, la petite troupe ne pouvait cependant qu'avancer. Perchée sur un hongre prune, Cécilie et Renard continuaient à chevaucher tête basse. Ils entendaient leurs camarades progresser autour d'eux et les distinguaient plus qu'ils ne les voyaient. Tyra semblait véritablement leur en vouloir, heureusement, les autres dieux les avaient probablement à la bonne car une tour apparue enfin dans le ciel noir.

Après des heures de voyages, les sabots résonnèrent bientôt sur un sol de pierre. Un pont. Ils avaient atteint un pont menant vers un îlot un peu en marge de la côte. Pourtant on leur avait dit que l'Aurore était au bout de cette route et ils avaient fait attention de ne pas s'en éloigner ! Un vent de doute éparpilla un peu les membres de l'expédition. La voie était large mais le tout restait bien peu rassurant.

La terre avait disparue derrière eux. Le sel de l'Olienne se mêlait à la pluie. Quand leur destination se dévoila. Immense, l'Aurore creva les nuages et le rideau de pluie alors qu'ils étaient déjà suffisamment près pour en compter les fenêtres. A la fois dangereuse et salutaire, l'ombre mystérieuse de ce repère de mage était malmené par l'Olienne à ses pieds autant que par le ciel qui lui enserrait la tête. Ses murs ruisselaient, donnant une étrange impression de mouvement à ce caillou déchiqueté. Même les forteresses des anciens comptes péninsulaires n'auraient pas rendu hommage à l'effet dramatique de cette entrée en matière.

Malgré tout, ils suivirent la route bordée d'arbre qui montait jusqu'aux imposantes portes et le premier que la cohorte désordonner se précipita sur les heurtoirs pour obtenir l'asile dont ils avaient besoin... Et les réponses s'ils en avaient l'occasion.

Toujours juchée sur sa monture, recroquevillée vers l'avant et respirant à grandes goulées, Cécilie était trempée comme une soupe. Ses cheveux lui retombaient en partie sur le visage, l'ombrageant encore plus que la capuche qui n'avait tenue que grâce aux épingles qui y étaient piquées. De toute façon, elle était tellement gorgée d'eau qu'elle ressemblait plus à une serpillère qu'autre chose. Vivement qu'ils puissent se mettre au sec !

La daedhel tirait sur cette satanée sangle de cuir avec fermeté, en conchiant allègrement le sombre idiot qui avait sellé sa monture. Le palefrenier, qui observait discrètement la scène depuis le couvert des caisses entreposées dans le fond de l’écurie, penchait entre l’admiration pour cette maîtrise inédite du juron oliyan et la curiosité pour ce faciès hors du commun. Après tout, ce n’était pas tous les jours qu’on croisait une drow atteignant tout juste le mètre soixante-dix, bien trop pâle pour ses origines, dont les cheveux n’avaient pas blanchis et surtout avec des yeux non pas rouges, mais d’un bleu acier saisissant.
Dans un énième juron, voilà qu’enfin la sangle s’avouait vaincue ! Défaire la selle n’était désormais plus chose compliquée, en quelques instants la daedhel la portait déjà sur le bras. Sa monture, une jument alezane en pleine force de l’âge, s’ébroua, ravie d’être enfin libérée d’une selle détrempée. Lorsque la noirelfe s’approcha d’elle à nouveau, ce fut pour lui retirer la bride et les mords. Elle commença ensuite à brosser la crinière ruisselante de l’animal, son geste était précis, mesuré, attentionné. De l’autre main, elle caressait le musculeux poitrail équin, murmurant des paroles que le jeune palefrenier ne parvenait pas à saisir. À mesure des chuchotements, « Biscotte », car c’est ainsi qu’elle avait été nommée, se calmait, sa respiration se faisait de plus en plus lente et cadencée. Malgré la tempête et la pluie battante au-dehors, son agitation s’était envolée, balayée par une complicité toute particulière entre le destrier et sa cavalière.

Voyant que la daedhel entreprenait de curer les sabots de son cheval, le palefrenier intervint :

- Je vais m’en occuper ! Lança-t-il en s’avançant d’un air assez jovial. Vous la retrouverez aussi fringuante qu’en arrivant.

- En meilleure forme j’espère ! Répondit-elle en relâchant le sabot. Nous avons fait un sacré chemin pour venir jusqu’ici. Et par ce temps, je gage qu’elle doit être à bout de force.

- Euh… Évidemment ! Fraiche et reposée.

- Je vous remercie, fit-elle dans un hochement de tête en déposant le cure-pied là où elle l’avait pris, prenez bien soin d’elle. Et mh... Son nom est Biscotte.

- Bis... Ce sera comme si c’était mon propre cheval ma dame.

- T’sisra Do’ath. Se présenta-t-elle en inclinant poliment la tête. Le temps est-il toujours aussi imprévisible sur cette côte ?

- Du tout ! Rétorqua-t-il en agitant l’index, tout en attrapant à son tour le cure-pied. Je vous l’accorde, aujourd’hui on dirait bien que les cinq ont décidé de nous tomber dessus. Des déluges comme ceux-là, on en voit, mais pas souvent.

- Alors disons que je suis arrivée un mauvais jour. T'sisra marqua une pause. Sur ce, je vais trouver le chemin de l’âtre le plus proche.

- Vous faites bien, traversez la cour pour rejoindre le bâtiment central. Expliqua le garçon d'écurie en pointant du cure-pied la direction approximative qu'il lui faudrait prendre en sortant.

- Bon courage ! Lança-t-elle en disparaissant dans l’embrasure de l’étable.


À l’extérieur, la colère des vents gonflait l’ardeur de la tempête. Le fracas assourdissant des vagues qui s’écrasaient contre les récifs en contrebas aurait pu couvrir les assauts assourdissants et incessants de la pluie. Au loin, T’sisra apercevait des zébrures déchirer l’épais voile nuageux, qui pourtant lui paraissait déjà bien assez sombre et menaçant comme ça. Elle tressaillit, quand elle entendit l’un des gardes hurler après l’autre. On ouvrait les grandes portes de bois du fortin dans la précipitation pour y accueillir les audacieux voyageurs qui eux aussi bravaient la tempête.
Le Palefrenier était déjà dehors, indiquant la gauche par de grands signes à ceux qui passeraient la porte. Il guiderait leurs montures aux écuries. Tandis que les baroudeurs en quête d’un abri n’auraient plus qu’à courir jusqu’au bâtiment central.
La daedhel, qui n’avait pas pris la peine de se couvrir sous sa capuche étant donné que la violence des rafales venteuses l’aurait rabattue aussi tôt, s’était postée près du palefrenier et entendait bien l’aider à faire rentrer les chevaux à l’abri le plus rapidement possible.

~ La foule est une solitude ~

Yenaël n’avait pas fait de coups d’éclat depuis l’épisode de l’Eulalie. Il faut dire que son intervention magique lors de la bataille avec les pirates avait été remarquée par certains. Lorsqu’il avait eu le désarroi de constater que des victimes étaient à déplorer parmi l’équipage en provenance de la péninsule, le jeune homme avait profil bas. Non pas qu’il se sentait coupable de la moindre chose, mais tout simplement parce qu’il ne savait pas comment réagir face à ce genre d’épreuves. L’étalage de sentiments, c’était très peu pour lui.

Alors il avait vécu le passage à Naélis dans l’ombre du groupe. En profitant pour visiter succinctement la ville et trouver deux trois magasins qui l’intéressèrent. Ce n’est qu’en parcourant les rues de la cité estréventine que le jeune mage s’était rendu compte qu’il était déjà venu ici. Certainement durant son apprentissage … C’était difficile à dire pour lui. Il avait tout oublié de cette période, sa mémoire s’étant focalisé sur les nombreux savoirs magiques qu’il avait dû assimiler durant cette période.

Puis la troupe avait pris son départ pour la guilde de l’Aurore. Tous n’étaient pas venus. En fait, c’était une bonne nouvelle pour Yenaël. Ainsi, le jeune homme aurait moins de difficultés à se rapprocher de certains de ses camarades. Il avait déjà remarqué certains qui lui semblaient sympathiques mais sa timidité n’avait pas spécialement aidé à entamer la discussion avec eux. Peut-être que cette nouvelle étape serait plus propices à certains rapprochements …

« L’aurore », Yenaël avait déjà entendu parler du Firmement. Il était certain de n’être jamais venu ici. Chose étrange pour un jeune mage humain originaire des pays d’estrévent. Mais il ne s’était jamais trop posé la question du pourquoi. Il espérait trouver des choses et surtout des personnes intéressantes ici. Les pluies diluviennes indiquèrent rapidement que le premier contact avec la guilde serait assez froid. Pourtant, un acte magique vint changer la donne. Etait-ce celui qu’on nommait « Nakor » qui en était à l’origine ? Yenaël avait lu beaucoup de choses sur lui, que ce soit dans des livres d’histoire ou alors dans des essais bien plus théoriques. Après tout, n’était-ce pas le plus illustre de tous les hommes ?

Yenaël s’était imaginé rencontrer le vieux mage. Il ne savait que trop peu comment il réagirait une fois mis en situation. Alors, il préféra chasser cette idée de son esprit et se rapprocher d’un de ses comparses de voyage.

- Euh … Grayle, excusez-moi. Vous avez l’air perturbé. Tout va bien ? Rien ne peut vous arriver ici, nous pouvons rester ensemble si ça vous rassure.

Le jeune mage était stressé. Loin d’être inquiet, il avait peur de ne pas savoir se comporter une fois rapproché de celui que tout mage pouvait considérer comme un modèle.  

Elle avait toujours apprécié l'eau, d'aussi loin que remontait sa mémoire. Aussi futile que cela paraisse pour une aveugle, elle avait apprit à nager avec Maélyne et Lyanna dans les rivières de Beaurivages et elle avait adoré cela. Les jours de pluie étaient autant de fêtes où les soupires des gens normaux s'accordaient au rythme des goûtes sur la pierre, sur le toit de la calèche ou sur la surface de sa capuche. Mais jamais elle n'avait été trempée à ce point pendant un voyage...

En posant pied à terre dans les écuries, la respiration poussive comme si elle avait marché elle-même le long de la côte, elle avait retiré sa cape avant toute chose et repoussé les cheveux échappés de la tresse qui lui coulait dans le dos jusqu'aux cuisses. Sa robe était aussi trempée que le reste et fort peu présentable. Dans des conditions normales, elle aurait sans doute prié pour que son décolleté ne soit pas trop outrageux ou ses formes trop mises en valeur, mais à cet instant, elle s'en moquait.

Renard lui mit dans la main gauche son bâton de marche chaussé de fer tandis que la droite vérifiait l’étanchéité d'un étui rectangulaire pendu à sa ceinture. Tout allait bien. Son contenu semblait intacte. Elle dut réprimer un éclat de rire tant le soulagement était grand. Renard fronça les sourcils dans sa direction mais s'occupa plutôt d'aider les palefreniers que de lui faire une quelconque remarque.

Seule dans un coin pour éviter de gênée le passage, la musicienne eut tout le temps de revenir de sa joie et d'écouter le balais des chevaux qui déchargeaient leurs cavaliers peu à peu. On leur indiqua que le chef de la guilde les recevrait de l'autre côté de la tour. Tant mieux. Au moins pourraient-ils avoir des réponses rapides.

Plus les secondes s'égrainaient, plus elles s'allongeaient. Le froid se creusait un passage jusqu'aux os de la jeune femme qui serrait les doigts sur sa longue canne ouvragée. L'eau collait le tissus sur sa peau... Mais il n'y avait pas que ça. L'air même semblait... La gratter. Les Mélodies d'ici n'avaient rien d'habituelles. Il y avait quelque chose... comme un cor de chasse qui ne se taisait jamais. Elle avait d'abord cru que ce n'était qu'un bourdonnement, mais plus elle lui prêtait l'oreille, plus il était envahissant. Les restes d'un son d'une telle intensité qu'il écrasait et déformait le reste. Elle n'avait jamais sentit autant de magie et de mages au même endroit... Et à cette pensée, une sueur froide lui coula le long du dos.

Elle porta par réflexe la main à son étui de ceinture. Elle savait être la seule à L'entendre chanter. Elle L'avait apprivoisé. Mais elle ne savait pas quelles étaient les capacité du mage qu'ils venaient voir. Pourquoi n'y avait-elle pas réfléchi avant ? Elle déglutit et souffla doucement.

- Cécilie ? " La main de son oncle sur son épaule la fit tressaillir. Il était surement temps d'y aller. " Tu es glacée!
- Tout va bien mon oncle. C'est seulement la fatigue du voyage. Un bon feu et il n'y paraitra plus. "

Saisissant sa main, elle le laissa la guider à l'extérieur... Sans qu'une seule goute de pluie ne leur tombe dessus. Les harmonies étaient encore plus fortes. Elle les auraient entendu même en voulant s'en couper. La Péninsule était un monde de murmure à côté de cette forteresse. Elle dont la sensibilité était l'un des points forts, elle se retrouver à serrer les dents sous la puissance oppressante de ce qui lui chatouillait l'oreille. Des murmures incrédules la suivaient de près.

- ... Magique...
- ... C'est le vieux barbu qui fait ça ? ...
- Ferme-la.

Leurs pas atterrirent de nouveau sur un carrelage plus ou moins sec. Les claquements des bottes se répercutaient entre les piliers.

- Merci Sire ! " Lança le Capitaine Renard du haut de son guilleret profile de vieux beau au bouc aussi blond que ses cheveux gorgés d'eau. " Si j'en juge par cette prouesse, vous devez être le fameux maître des lieux ? "
- Pardonnez-nous cette visite impromptue, Messire. Nous venons de loin pour profiter de vos talents sur les conseils de la Haute Prêtresse de Tyra et de la Haute Prêtresse de Néera que nous avons consultées à Diantra. Je me nomme Cécilie, Comtesse de Missède, et voici mon Oncle, Renard d'Ormant ainsi que nos compagnons : Grayle, Yenaël, Elia ainsi que Jennad et sa femme que vous devez connaitre étant donné qu'il appartient à cette guilde. Dame Jena de Kastelord et son protecteurs devaient également nous accompagnés mais ils ont été retenus au Palais de Naelis. " La voix clair et posée de la petite femme à la peau claire et aux grands yeux bleus étrangement fixes portait sans soucis, une conséquence de ses années en tant que ménestrel de cour. " Nous sommes sur le chemin de Nisetis à l'endroit ou l'autre-monde s'est ouvert pendant le Voile, pour trouver un moyen de venir à bout d'un étrange phénomène qui agite la barrière qui sépare notre monde de celui d'après. En notre nom à tous, je vous demande humblement votre aide. "

Des grands mots, même elle trouvait cela désuet et inutile, mais elle préférait que leur petit groupe s'entretienne de la nature exacte de leur périple dans un cadre moins publique.

- Et un bon feu ne serait pas de refus non plus. " sourit de nouveau Renard, s'attirant un soupire de la part de sa nièce. Il était comme ça... Il tentait de vaincre le stress et l'angoisse de se retrouver entouré de mages par l'humour et la légèreté. Il n'y avait plus qu'à espérer qu'il ne sombrerait pas dans les calembours.

- Vous êtes aussi prévenant que talentueux, Magistère. Je vous remercie. " répondit la jeune femme sans se forcer à la moindre exagération. Suivant l'invitation du vieux mage qu'elle savait désormais être muni d'une longue barbe, elle allait suivre leur guide lorsqu'un nouvel élément fut présenté presque en passant, comme si cela ne revêtait pas d'importance.

La surprise se lisait sans mal sur le visage de Cécilie. Un mage elfe spécialiste du Voile. Un elfe. Et le premier mage maîtrisant l'immatériel qu'elle croisait mis à part son cher maître. elle n'aurait pas du être si surprise, elle était dans une guilde de mage après tout. Mais elle ne s'y attendait pas. Elle avait beau savoir que l'estrévent était peuplé de toutes les races, les rencontrées était bien différent.

N'entendant ni pas, ni mouvement qui aurait pu lui indiquer ou se trouvait l'homme en question, elle se tourna vers Nakor lui-même.

- J'espère que vous serez des nôtres ce soir, Sire Dunraël ? "

Les chevaux furent menés l’un après l’autre dans l’écurie. T’sisra mettait la main à la patte, guidant autant que faire se peut les bestiaux dans les box que le palefrenier leur attitrait à chacun. Le jeune homme était dans son élément, un véritable chef d’orchestre qui menait tout ce monde équin à la baguette et avec justesse. Le concert de percussions des sabots fut bien vite terminé, T’sisra s’en allait rejoindre le bâtiment principal. Au-dehors, la pluie tombait toujours drue, mais plus sur le chemin. L’un des mages avait dû traficoter quelque chose, puisque les gouttes s’écrasaient désormais sur un plafond invisible au dessus de sa tête. Dans un sourire, elle allait s’élancer sur le chemin désormais délimité par deux rideaux de pluie, lorsqu’un homme jeune et bien plus grand qu’elle vint l’alpaguer.

T’sisra ouvrit légèrement la bouche pour la refermer aussitôt. L’un de ses sourcils se souleva, elle observait, incrédule, ce drôle de type qui était venu lui demander de but en blanc de lui conter quelques histoires concernant le Puy. Elle avait l’habitude des regards en chien de faïence et de la rudesse des mots ou des regards qu’on pouvait lui adresser, mais très certainement pas d’être abordée de manière aussi inattendue.
Alors qu’elle reprenait le dessus sur la surprise et réfléchissait à la manière de détendre l’atmosphère, son interlocuteur, qui sentait le malaise lui peser sur les épaules, commença par reculer d’un pas puis murmura des excuses et un nom : Grayle.
La noirelfe le laissa filer sans trop savoir que dire de plus. Elle n’aurait pas pu le retenir de toute manière, puisqu’il n’avait pas l’air d’en avoir très envie pour le moment. Dès qu’il eut le dos tourné, la nécromancienne haussa les épaules et s’en alla talonner le groupe qui avançait vers l’entrée de la bâtisse principale. N’ayant pas laissé son bien le plus précieux sanglé à la selle de son cheval, elle tenait son arme par le fourreau, une épée d’une longueur peu commune, dans la main gauche.


La tête pensante du groupe avait pris la parole lorsque T’sisra pu discerner correctement ses paroles. Elle savait parler, ça ne faisait pas un pli. Polie, précise et concise. Se déplaçant lentement vers la droite pour observer en biais les faciès présents, elle ne put s’empêcher de reconnaître un certain élémentaliste qu’elle n’avait plus revu depuis des lustres. Un fin sourire se dessina sur son visage, mais sans avoir eu le temps d’aller à sa rencontre, le vieux grigou qui les accueillait ne parvint pas à rester sage et créa la surprise une nouvelle fois. Il commanda aux éléments, en seulement quelques instants l’humidité fut absorbée et la chaleur retrouvée. Pour une personne étrangère à la magie, cela devait être rudement impressionnant, peut-être même à la limite de l’effrayant. Et c’est ainsi qu’il entama les salutations de ses invités arrivés à l’improviste, un mot pour chacun, les uns après les autres.

- Enchanté de vous accueillir dans ma maison. Lui avait-il dit dans un drow on ne peut plus parfait.

- On me l’avait décrit facétieux et hospitalier, ce n’était pas qu’une simple rumeur. Répondit la daedhel avec une pointe d’amusement et ce, dans un oliyan, certes bon, mais avec un accent à couper au couteau.


Lorsque tout le monde fut enfin à l’intérieur, à l’abri des vents violents et des caprices de la nature, Nakor présenta au groupe un mage qui se tenait éloigné, appuyé contre la pierre. La daedhel porte son regard sur celui-ci, détaillant rapidement l’individu encapuchonné, il ne semblait pas vouloir se présenter de bon cœur, ni même se mêler à qui que ce soit d’autre. Ses yeux verts qu’on discernait à peine témoignaient d’une solide idée et d’un but déjà fixé. Un chemin tracé qu’on suit sans accorder d’intérêt particulier au reste. Étrange et mystérieux personnage, il laissa à T’sisra une impression toute particulière.

La noiraude se détourna de l’elfe pour attirer l’attention de Yenaël, se faufilant dans le dos des voyageurs pour venir lui tapoter doucement l'épaule.

- Heureuse de vous rencontrer à nouveau Yenaël. Il semble que nous soyons beaucoup ici à chercher les mêmes réponses. Lui lança-t-elle dans un sourire discret.

- Je répondrai avec plaisir à toutes vos questions si les discussions de ce soir vous laissent sur votre faim. " sourit Cécilie avant de prendre congé avec le reste de leur troupe.

Les installations de l'Aurore étaient simples mais agréables. Elia sur ses talons, elle installa ses maigres affaires au coin d'un lit et fureta dans la forteresse, discutant avec ses habitants autant que possible. Ses yeux fixes brulaient de curiosités et son sourire était des plus sincères. Tout ici était nouveau et intrigant. Elle pouvait parler sans crainte de ses capacités. Même sur le navire qui les avaient amené à Naelis ou pendant leur pause dans la grande ville, elle n'avait pas ressenti cela. Si elle ne parla pas une seule fois du Livre, elle passa même dans la bibliothèque, respirant la poussière, l'encre et le vieux papier qui flottaient entre les rayonnages. Elle mourrait d'envie de connaitre le contenu des ouvrages entreposés là. Elle les imaginaient à porté de main, par milliers, couvrants des étagèrent de bois brute du sol au plafond. Mais à défaut d'oser déranger quelqu'un pour lui faire la lecture, la concentration et le silence qui régnaient là étaient propice à la réflexion, à l'exercice et même à la méditation.

Le repas du soir arriva presque trop vite à son goût, mais la perspective de parler de leur buts avec deux mages aussi intrigants que ceux qu'elle avait rencontré un peu plus tôt compensait tout le reste. Alors que le diné touchait à sa fin, l'impatience de la comtesse devenait difficile à contenir. Elle avait l'impression de retrouver la passion propre à la jeunesse qu'elle était sensé encore avoir à son âge. Elle ne savait pas où aurait lieu la rencontre ni comment on leur ferait parvenir l'information, mais elle gardait l'oreille dressée tout en continuant à converser avec les autres convives.

La magie, ce lieu était empreint de magie. Etonnement, Yenaël se sentait tout petit ici. Il avait pris l’habitude de fréquenter davantage des non-initiés plutôt que des adeptes durant ces derniers mois ce qui lui avait donné l’impression que ses aptitudes étaient impressionnantes. Mais force était de constater que Nakor était … Encore bien différent. Le sort qu’il venait de pratiquer pour sécher ses convives avait quelque chose d’extrêmement pratique mais également de spectaculaire. Et puis transformer l’eau en feu, quelle prouesse ! Le jeune homme était ébahi. Tellement ébahi qu’il avait passé plusieurs fois sa main dans ses cheveux afin d’être sûr qu’il ne venait pas de vivre un rêve et qu’il avait bien été séché des pieds à la tête.

Alors que la troupe s’avançait timidement vers l’antre de l’archimage, Yenaël fut surpris qu’une personne aussi importante que Nakor prenne le temps de saluer ses invités un par un. Etonnement, il semblait en savoir beaucoup sur chaque membre de la troupe. Se pouvait-il que le vieil homme arrive à utiliser les éléments mais également la magie de l’immatériel pour sonder les esprits de ses convives ? Ici, tout semblait probable. D’ailleurs lorsque le vieux barbu s’adressa à lui, il surpassa sa timidité pour lui répondre.

- C’est un honneur de faire partie de cette troupe ainsi que de vous rencontrer, Archimage. J’espère que j’aurais l’occasion d’apprendre de nombreuses choses en ces lieux.

Le jeune homme sourit. Au fond de lui, il espérait également se faire repérer grâce à sa pratique de la lave. Quelque chose d’original pour un élémentaliste. Quoique vu le niveau du maître des lieux, rien ne devait sembler original ici.

Lorsque la troupe fut réfugiée à l’intérieur, quelle ne fut pas la surprise de Yenaël quand quelqu’un vint l’interpeller. Nul doute n’était possible, il s’agissait de l’étrange drow magicienne qu’il avait rencontré quelques mois plus tôt dans la forêt d’Heda, en pays odélianais. Le jeune mage était content de la revoir, elle lui avait laissé une bonne impression avec son combat pour la cause animale.

- Je suis également heureux de vous, enfin de te revoir, T’sisra. Je pense que nous aurons bien besoin de tes aptitudes. Je pense qu’avec quelqu’un comme toi à nos côtés, nos chances ne peuvent qu’augmenter !

Le jeune homme espérait avoir l’occasion de vivre d’autres péripéties aux côté de la mage drow. Il faut dire que ses capacités magiques étaient impressionnantes et fondamentalement différentes de celles du jeune homme.

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Le repas arriva rapidement, il faut dire que ce voyage avait creusé l’appétit du jeune homme et cela n’était pas pour lui déplaire. Yenaël avait bon espoir de pouvoir être assis aux côtés d’autres mages. Il faut dire que la magie se faisait de plus omniprésente dans les conversations au fur et à mesure qu’ils s’éloignaient de la péninsule. Certains non-initiés dans la troupe devaient se trouver de plus en plus esseulés.  

La daedhel avait pris ses aises dans la chambre qu’on lui avait indiquée. À peine entrée, elle avait balancé son sac dans un coin de la pièce et s’était jetée, malgré son armure, sur le lit. Un lit, enfin. Après des ennéades à voyager de bosquets en forêts et de marais en plaines, à dormir à la belle étoile contre une souche ou allongée dans l’herbe, ce matelas était une véritable bénédiction. Et le reste de la chambre était tout aussi sympathique, une table basse où déposer ses effets personnels, une armoire usée par le temps et dont le battant droit grinçait un peu, un large tapis vert égayant un peu la pièce, mais n’allant pas du tout avec les rideaux rouges qui bordaient la fenêtre. La voyageuse n’aurait pu rêver mieux.
T’sisra passa de longues minutes sur le dos, la tête enfoncée dans l’oreiller, une jambe en dehors du lit. Jusqu’à s’endormir tout habillée. Son sommeil fut paisible et court, puisqu’elle en fut rapidement tirée par le bruit incessant de la pluie qui frappait au carreau. La daedhel en profita pour ranger ses armes et ses affaires dans l’armoire, puis enfiler des habits plus adaptés à l’endroit que l’armure et l’attirail qu’elle portait habituellement. C’était un lieu d’étude après tout, pas une caserne.

Ainsi, lorsque l’heure du dîner arriva, T’sisra prit en filature ceux qui lui semblaient les plus affamés, ceux attirés par l’odeur alléchante des cuisines. Elle fit irruption dans la pièce, pieds nus, vêtue d’un pantalon de cuir qui lui descendait jusqu’au-dessus des genoux et laissait voir les scarifications ethniques sur ses mollets. Sa chemise blanche avait sans aucun doute été conçue pour un homme, étant trop large et trop grande pour elle, la noiraude avait fait un nœud de tissu sur le côté au niveau de son ventre pour garder l’étoffer près du corps et remontés les manches jusqu’aux coudes, mettant à nu des tatouages qui dansaient sur sa peau jusqu’aux poignets.

Reconnaissant quelques têtes du groupe de cet après-midi, elle alla prendre place à leur table, choisissant de s’installer dans un des quatre coins en bout, sans oublier de saluer poliment les convives d’un signe de tête. Sans se faire prier, elle attaqua les hostilités en se servant dans les entrées présentes, son voyage avait été long et ses derniers repas frugaux. Difficile de résister quand une telle occasion de s’en mettre plein la panse se présentait !
Son assiette fut rapidement vidée, elle se redressa contre son dossier pour observer l’assemblée et c’est avec une oreille qui s’affaissait qu’elle entamait la discussion avec un accent à couper au couteau :

- Il semblerait que tous ceux présents autour de cette table aient une destination commune. Destination qui, comme chacun le sait, est on ne peut plus dangereuse… Même les puysards s’y risquent rarement et quand bien même nécessité se fait sentir, ils y vont en armes et en nombre. Commença-t-elle par souligner en insistant sur les mots « armes » et « nombre ». Je suppose aussi que nous souhaitons nous y rendre pour les mêmes raisons, puisqu’il semble bien que quelque chose… T’sisra marqua une pause et cherchait un équivalent à ce qu’elle souhait dire en oliyan. « Merde ». Quelque chose merde. Affirma-t-elle en remerciant intérieurement Dagobert pour ses précieuses leçons de langue oliyanaise. Je me disais que ce serait l’occasion de… Faire connaissance, partager des informations et apprendre à se connaître au moins un peu. Faire l’état global des capacités de chacun, par exemple… Afin que nous puissions au moins avoir une idée de comment procéder rien que pour entrer et sortir vivant de cette cité antique. Ce qui ne sera déjà pas une mince affaire.

T’sisra balaya les convives du regard, sa seconde oreille s’affaissait au rythme des secondes qui s’égrainaient en silence. Lorsque quelqu’un prit enfin la parole, ses deux oreilles se redressèrent et un très léger sourire se dessina sur son visage.

Tien. La voix qui s'installa a leur table lui disait vaguement quelque chose. Son accent... Elle avait du la croiser dans l'après-midi.

- Ainsi vous voulez faire route avec nous ? Pourquoi aller là-bas si ce n'est pas indiscret ? Vous avez un plan ? "

Elle reposa le morceau de pain qu'elle projetait de tremper dans la sauce qu'un des convive lui avait très généreusement servit avec quelques morceaux de viande. Elle ne savait même pas encore si le rituel qu'ils étaient venus chercher ici serait efficace pour trouver un moyen de rééquilibrer les mondes suptiles alors la femme qui parlait de Nisetis avait sûrement une idée de marche a suivre. Et puis il y avait autre chose qui aiguillonnait sa curiosité...

- Pardonnez-moi mais votre accent m'est inconnu... Et je ne peux pas vraiment m'appuyer sur votre apparence pour satisfaire ma curiosité. " ajouta-t-elle avec un sourire sympathique. " D'où venez-vous ? "

- Et bien, tant qu'à faire, mieux vaut voyager en groupe que seul, surtout lorsque la destination de chacun est la même. Quant à ma motivation, elle est devenue personnelle depuis cette nuit, il y a quelques ennéades, lorsque nous descendions la Sirilya, il y avait deux fantômes qui cherchaient à passer de l'autre côté, selon toute vraisemblance. Commença-t-elle par expliquer en tapotant son index sur la table. Je sais bien que ça peut paraître étrange, après tout ça peut même sembler complètement fou, mais c'était bien réel. Deux souffles prisonniers d'un monde qui leur était désormais interdit, c'est une chose difficile à ignorer et ça l'aurait été encore plus de continuer ma route comme si rien ne s'était passé.

La daedhel marqua une pause. Il est vrai que, même si elle n'avait pu communiquer avec eux, elle s'était mise en tête de trouver une solution. Pareil événement était loin d'être commun, le fief des Souffles appartenait à une déesse. Aussi, tout cela n’annonçait rien de bon.

- Enfin, je n'apprécie guère les dogmes et les religions, mais les dieux existent, c'est un fait. Leurs royaumes aussi en conséquence, tout autant que leurs caprices j'imagine. Lança-t-elle avec une pointe d'ironie. Et la dernière fois que nous avons eu droit à un événement divin, les nains ont reniés un dieu et compté leurs morts, par exemple. Expliquait la drow avec une pensée pour Balir. Les dégâts sont considérables. Si quelque chose devait advenir à nouveau, je me sentirais bien mal de n'avoir rien tenté pour l'empêcher. Quant à un plan... T'sisra laissait échapper un très léger rire. Nisétis est célèbre pour ce qu'elle abrite, je dirai plutôt que j'ai une piste. Mais j'avance à l'aveugle, comme souvent d'ailleurs.

- Pardonnez-moi mais votre accent m'est inconnu... Et je ne peux pas vraiment m'appuyer sur votre apparence pour satisfaire ma curiosité. " ajouta-t-elle avec un sourire sympathique. " D'où venez-vous ? "

- Oh. Je comprends mieux, d'habitude on me jette des regards en coin. J'aurais dû m'en douter, il y avait anguille sous roche. Fit-elle en riant. Je viens d'ici et d'ailleurs, je n'ai pas vraiment d'habitation fixe. Mais je suis originaire du Puy d'Elda. Et bien qu'on puisse me confondre avec un sang-mêlé, mes deux parents étaient bien des drows. Je m'appelle T'sisra Do'ath. Et vous, d'où venez-vous ? S'enquit-elle en se resservant un peu de salade. Avez-vous des pistes plus précises ?

Tout en écoutant l'histoire de l'étrangère, Cécilie avait repris son repas. Finalement elle était bien sur la même voie qu'eux et n'en savait pas beaucoup plus... Mais quand le mot "drow" fut prononcé, sa gorge émis un curieux bruit semblable à un glapissement et elle sentit le morceau de qu'elle mastiquait partir sur la mauvaise voie avec un mélange de douleur et de peur.

Une quinte de toux la plia en deux. Elle recula brusquement sa chaise et se couvrit la bouche d'une main, sa respiration se bloquant sans qu'elle ne puisse rien y faire. Son autre main restait fermement appuyée sur son ventre tandis que son teint virait au rouge violacé.

T'sisra s'était penchée vers l'avant, les oreilles dressées comme celle d'un lapin prêt à détaler. Elle s'apprêtait à faire usage de la magie afin de venir en aide à l'humaine qui jouait les arcs-en-ciel de l'autre côté de la table, quand le maître des lieux intervint et régla le problème avec brio, non sans une teinte d'humour tout à fait inappropriée et donc très appréciable.
Vint alors ce pauvre Jean qui fit une crise complètement imprévisible et surprenante. Le Firmament promettait des moments bien étranges et des situations très cocasses. Comme lorsque le vieux mage sortit une théière de sa barbe. La daedhel l'observait avec des yeux ronds, et lorsqu'il la rangea, toujours fumante, entre ses longs poils gris, elle ne put s'empêcher de rire aux éclats.

"Vous avez bien meilleure mine mes chers amis. Un peu de chaleur, un peu de paix, un petit repas ... je ne connais pas remède plus efficace contre les maux des longs voyages. Je n'ai pu m'empêcher d'entendre votre envie de vous rendre en Nisetis pour enquêter sur des perturbations du Voile. Je vais vous demander d'être sincère ... car je crois qu'aucun groupe ne peut faire un si long voyage en se mentant les uns aux autres. Je vais donc tout simplement vous écouter m'expliquer les vraies raisons de votre voyage avant de vous donner d'éventuels conseils sur Nisetis. Vous n'êtes pas savoir que j'y ai grandi et vécu pendant plusieurs siècles, j'ai donc quelques bonnes connaissances sur le sujet. Libre à vous de prendre la parole."

« Je n'ai rien à dire pour l'instant. » Déclara le mage elfe le plus platement du monde.

La daedhel tourna brièvement la tête vers lui, avant de plonger son regard perçant dans les yeux sans âge du maître des lieux.

- Moi non plus, je n’apprécie guère les cachotteries. D’autant que le voyage est périlleux. Ainsi, comme je le disais, les derniers événements divins ont causé des dégâts considérables et coûté la vie à bien trop de monde pour que cela se reproduise à nouveau. Expliqua-t-elle une fois encore, mais pour Nakor ce coup-ci. Les perturbations concernant ce Voile sont donc extrêmement inquiétantes, cela ne peut annoncer rien de bon. Vous pourrez me rétorquer que cela reste hypothétique, mais si vous souhaitez un exemple concret je peux vous en donner un.

T’sisra jeta un œil à la Comtesse, elle n’avait rien dans la bouche, le champ était libre pour une nouvelle révélation.

- Étant versée dans la nécromancie, je peux vous assurer que les façonneurs de goules s’en donneront à cœur joie. Imaginez, lança-t-elle à l’assemblée, tous ces Souffles, toutes ces âmes coincées ici, à portée de main. Les efforts à déployer pour les arracher de cet entre-deux monde et les coincer dans une carcasse sont drastiquement réduits. Le pire étant qu’une fois le travail terminé, ils peuvent laisser leurs créatures aller et venir, faire des ravages, sans s’en occuper particulièrement. C’est un problème qui a des conséquences immédiates.

La noiraude revint à la Comtesse, elle se sentait dans l’obligation de lui en dire un peu plus. Après tout, elle avait bien failli passer l’arme à gauche sous le coup de la surprise.

- Quant à moi, certes, je suis une nécromancienne, du Puy qui plus est. Et je ne peux nier avoir été élevée pour la guerre, mais croyez-moi, si vous pouviez voir à quoi je ressemble, vous comprendriez aisément que mon parcours est bien différent de ceux des autres drows qui vous effraient tant. T’sisra pris une inspiration, tandis qu’un léger sourire se dessinait sur son visage. La plupart de mes amis habitent au Zagazorn, nous avons fondé la Guilde des aventuriers. Lors de mes voyages, je suis même allée chasser le nécromant jusqu’en Apreplaine, et j’y ai rencontré le Baron. Un homme très sympathique d’ailleurs. J’ai eu l’autorisation de financer l’ouverture d’une taverne qui accueille aujourd’hui les aventuriers de passage dans la région du Médian. Et nos principes sont simples, nous venons en aide aux gens qui en ont besoin, sans distinction de race, sans attendre de compensations particulières, nous nous tenons loin des guerres et des idéologies, nous nous contentons simplement de lever nos lames face aux intentions mauvaises et cruelles. Nous allons là où personne n’ose aller, nous prévenons du danger, nous essayons d’être une avant-garde, d’être une lueur qui trace le chemin dans l’inconnu.

Son regard se posa sur Yenaël.

- Par ailleurs, je connais déjà l’un des vôtres. Nous nous sommes rencontrés il y a plusieurs mois dans la forêt d'Heda, à l’époque, je traquais une petite bande de mercenaires qui, après les guerres, s’étaient réorientés sur une carrière oscillant entre le meurtre d’innocents, le viol et l’infanticide. Sans compter le braconnage d’espèces quasiment éteintes. Alors oui, j’avoue ne pas avoir eu énormément de pitié pour ces gens-là. Mais à ma place, votre justice les aurait sans aucun doute pendus pour leurs exactions. Voyez, j’ai beau être originaire du Puy, j’ai des principes et je ne suis pas dénuée de sens moral.

« Pardonnez-moi,madame » m’adressais-je à la Drow « …Dites moi….Vous ne ressemblez pas une drow ! Ma mère dans son journal avait rencontré un drow ! Il avait une peau noire ! Des cheveux blancs ! Et des yeux rouges. »

T’sisra posa les yeux sur la petite brune, son sourcil s’arquait à mesure que la gamine rougissait et continuait son exposé détaillé quant à la norme physique en vigueur chez les drows.

« Bref, « l’ami » de mère était un drow. Pourquoi vous ne ressemblez pas comme vos frères ? Vous êtes comme les humains ? Vous avez plusieurs couleurs ? »

Le regard de la daedhel passa de la petite, à Cécilie puis à Nakor pour revenir à nouveau vers son interlocutrice.

- J’aurais bien aimé être un arc-en-ciel, cependant, je n’ai qu’une couleur. Fit-elle dans un hochement de tête, visiblement amusée. Et je ne suis pas plus humaine que vous n’êtes drow. Quant à savoir pourquoi je ne ressemble pas à mes congénères…

La nécromancienne ne s’était jamais réellement posé la question. Elle était comme elle était, point à la ligne. Il n’y avait aucune raison particulière qui aurait pu altérer le grain de sa peau, la couleur de ses yeux ni celle de ses cheveux. Et c’était sans parler de sa taille réduite à côté des autres. Dans un haussement d’épaules suivi d’un lent mouvement de tête négatif, elle rétorqua :

- Je suis simplement mal foutue. Oui, confirma la daedhel en appuyant ses propos d’un geste de l’index, c’est ça. Ni plus, ni moins. Il n’y a pas de raisons particulières, c’est simplement arrivé.

La réponse était satisfaisante et n’appelait pas à la contre-argumentation ni à d’autres questions. Aussi, Elia portait sa tasse à ses lèvres, visiblement comblée. Ou presque…

« Au fait, c’est quoi la nécromancie ? »

Une fois encore, la daedhel reporta son attention sur l’enfant qui se mêlait de discussions d’adultes. Ses doigts tapotaient rapidement et dans un rythme régulier contre la table de bois massif. La question ayant jeté un léger froid, c’était tout ce qui faisait office de fond sonore, jusqu’à ce que la concernée réponde.

- Un certain type de magie, peu apprécié en général, puisque bien trop de ses adeptes ont la fâcheuse tendance à être de sombres personnages à la morale biaisée. Et c’est bien dommage qu’on en ait un tel à priori ! S’exclama-t-elle en coulant un regard tout aussi entendu à chacun des convives, que le ton sur lequel elle avait lancé l'affirmation. La magie est un outil, au même titre qu’une épée. On peut choisir d’agresser tout le monde à vue, ou alors… On peut la brandir pour se défendre et protéger autrui. Il en va de même pour la magie, la nécromancie en l’occurrence. Développait T’sisra sans lâcher la gamine du regard cette fois-ci, bien que ce plaidoyer fût dirigé à l’attention de tous. Malheureusement, sans doute par crainte, les gens ont l’habitude de nous mettre tous dans le même panier. C’est comme si j’avais considéré, après ma rencontre avec cet infâme abruti qui dirige Krahof, que tous les nobles de la Péninsule avaient, à son image, l’intelligence d’une huître malade et la morale d’un vide-gousset de bas étage. Ce qui est, à mon sens, est une erreur, non ? S’enquérait la drow en redressant le buste pour parcourir des yeux cette tablée atypique.

La noiraude remarqua le regard insistant que le jeune brun aussi massif qu'un docker lui adressait, elle se contenta d’arquer un sourcil interrogateur à son attention.

Yenaël était resté plutôt silencieux. Les échanges avaient été rapides, Cécilie s’était fait remarquée, Nakor était arrivé, T’sisra avait pris l’ascension sur les autres convives. Grayle, quant à lui, restait aux côtés du jeune mage. Son attitude était un peu étrange. On aurait dit qu’il se tenait proche de Yenaël car c’était le membre de la troupe qu’il craignait le moins. Mais pourquoi s’être embarqué dans une pareille aventure si c’était pour en craindre tous les protagonistes ? N’ayant ni le temps ni l’envie d’éclaircir cela maintenant, le jeune homme se contenta de rebondir au commentaire que lui avait adressé T’sisra.

- J’ai en effet déjà rencontré T’sisra. J’étais surpris, comme vous tous, d’écouter son histoire et de découvrir son sens de la morale. Je pense qu’il est plus simple d’accepter les choses comme elles sont et de … Profiter du fait que quelqu’un de sa trempe se joigne à nous ?

La fin de phrase se voulait un peu fébrile. Même si certaines personnes de l’assemblée avaient des questions, ce n’était ni le lieu ni le moment pour les poser. En effet, un repas avec des monstres de sagesse comme Nakor ou Dunraël, ce ne serait pas demain la veille qu’ils pourraient en faire un nouveau.

- Je pense que nous devrions profiter de la présence de maitre Nakor pour lui poser certaines de nos questions. Peut-être pourrions-nous commencer par lui décrire plus en détail les différentes manifestations anormales que nous avons pu constater ?

Yenaël n’était pas vraiment concerné car il n’avait pas pu constater grand-chose de ses propres yeux. Il s'était contenté d'écouter les dires de Cécilie. Mais il était tellement curieux et avide d’entendre le vieux mage parler qu'il n'avait pu se retenir de tenter de recentrer la conversation.