Un verre, Trois verres... Quatr... Oh zut...

Printemps - 9e ennéade de Barkios
12e année du XI Cycle

Le soleil venait de se coucher, mais dans le ciel d'un noir de geais brillait de pâles lueurs blanches... Et Halya regardait le sol, les lèvres appuyées sur son poing pour reprendre contenance maintenant qu'elle était enfin descendue de la barge qui l'avait menée d'Ardamir à Alëandir. Que soient maudis les soigneurs qui lui avaient interdits de chevauché à cause de son état.

La fraicheur du printemps avait fait place à une douce chaleur durant la journée, mais les nuits étaient toujours frisquette. Elle avait promis à Sandriel qu'elle ne trainerait pas en route et l'arrivée était prévue dans l'après-midi, mais au final, une harde de flornithorynques en pleine parade les avaient obligé à attendre quelques heures avaient de pouvoir continuer à descendre la rêveuse. Son calvaire n'en avait été que plus long.

Elle détestait les machins flottants.

Passé les premières minutes sur la terre ferme, assise sur une large caisse et son sac à ses pieds, elle parvint à respirer un peu mieux. Enfin, elle pouvait lever le nez vers les deux lunes et respirer à pleins poumons. Il fallait qu'elle marche pour se remettre...

Avant de se relever, elle s’étira un peu sur le côté pour accomplir la tâche ô combien technique de ramassé son sac sans se pencher en avant. Elle était à deux doigts d'y parvenir quand une grand main se referma sur la longue bretelle pour le soulever à sa place et un bras robuste se proposa comme appui pour l'aider à se relever.

- Vous faites pas mal. " sourit l'un des trois matelots qui s'étaient relayé pour barrer le long de la route.
- Ne vous en faites pas, il me faut juste un peu plus de temps qu'à vous.

Elle avait le teint rayonnant, légèrement rosé par l'air nocturne et sa chevelure ramenée à l'arrière de sa tête était un peu éméchée par le voyage. Enceinte jusque au fond des yeux, son ventre la précédent d'un bon pas, elle rendit son sourire au jeune homme qui n'osait pas faire le moindre geste un tant soit peu brusque. Depuis qu'elle avait annoncé sa grossesse c'était toujours ainsi et elle s'en amusait. En l'espace d'un an, elle était passé de guerrière meurtrière à future mère fragile comme du verre.

- Je peux vous accompagner quelque part ? Nous sommes arrivez plus tard que prévu et vous devez être fatiguée.
- Tout comme vous. Allez reposer vos bras, tout va bien. Je suis une grande fille et mon sac n'est pas lourd, vous voyez ? "

Et ce n'était que pure vérité. Elle n'avait emmené qu'un livre de médecines, quelques vêtements et un cadeau traditionnel qui valait bien le coup. Le reste, elle pourrait le trouver ici.

Pour être certain de ne pas la laissée seule dans les dédales du port, le matelot accompagna tout de même Halya jusqu'aux larges avenues dégagées. Puis, sur un signe de la main, ils se séparèrent. Elle n'avait plus qu'à marcher tout droit. Une demie heure. Une heure peut-être. Mais la terre ferme lui faisait du bien et elle allait à son rythme. Jusqu'à l'entrée du trône blanc.

Immédiatement, les gardes s'enquirent de la raison de sa venue, portant son sac et la guidant à l'intérieur du palais pendant que l'un d'eux partait d'un pas rapide pour prévenir le roi. Artion les avaient prévenu qu'une amie arriverait dans l'après-midi et moins buttés que Killen, ils avaient étendu leurs ordres à la nuit qui commençait.

Arrivés au couloir des appartements royaux, ils virent au loin l'homme qu'ils avaient envoyé en avance parler à un jeune gringalet blond en gesticulant. Il était près de la porte du roi et avait déjà frappé pour le prévenir.

En approchant, Halya entendit la grosse voix du garde baisser d'un ton pour éviter de s'attirer les regards de leur visiteuse.

- Par Kÿria. Carré ! C'est pas rectangulaire une fois sur deux ! On va plus avoir la place de mettre la deuxième pile. " termina-t-il tout de même avant qu'il n'estime la bedonnante rouquine trop près.

Le jeune blondinet en livré de la garde s'excusa et entra à nouveau dans le réduit en coulant un regard à la fois surpris et stupéfait à la femme enceinte qui s'approchait ainsi de la sacrosainte chambre du roi, son baluchon porté par un garde de la porte en tenue de plate complète. Il se forçait a attraper les couvertures du réduit pour refaire la pliure avec une application qui ne pouvait que le rendre invisible à tout ces regards importants lorsque la voix de l'étrangère s'exclama :

- Bonsoir ! Désolée pour le retard. J'ai mis un peu plus de temps que prévu. Comment vas-tu ?

Son pan de tissus tomba à moitié lorsque la femme aux cheveux roux sauta aux cous du roi-colosse, l'obligeant à se pencher en avant pour épargner son ventre.

- C’est vraiment dommage que tu ne sois pas plus proche d’Halyalindë. J’aurais aimé pouvoir partager ce moment avec vous deux.

Tu confies à Kaëlis, pensif, mais détendu. Au cours des années, force d’apprendre à connaître d’abord la fille, puis le père, tu comprenais amplement le malaise qu’il pouvait y avoir entre ton épouse et ton amie, mais malgré tout, tu ne peux t’empêcher de souhaiter qu’il ne fut pas là.

- Ce n’est pas un souci Artiön. Nous sommes mariés, pas menottés. elle laisse échapper un rire léger, empreint d’une certaine mélancolie Je n’attends pas de toi que tu sois à mon bras en tous temps… et j’espère que tu n’attends pas de moi que le sois pour toi.

Tu soupires. Elle avait raison. Tu t’en faisais probablement plus que de raison pour cette histoire. Tes amis n’avaient pas à être ceux de ton épouse, les amis de ton épouse n’avaient pas à être les tiens, et Halyalindë, famille ou pas, n’était qu’une amie à toi parmi d’autres. Tu n’attendais pas de Kaëlistravaë qu’elle apprécie particulièrement Maltlin ou Cìryon après tout.

- Mais elle reste ta cousine ! En tant qu’elfe ayant récemment renoué avec une part de sa famille, crois-moi, ça fait un bien fou.

- Et je veux bien te croire, mais il faut que tu me laisses le temps. Tu sais, les choses sont plus complexes qu’elles en ont l’air. C’est vrai que mon père a son caractère, mais c’est un homme bon. Si voir Eörim s’acoquiner d’une Ornedhelle a été aussi difficile pour lui, c’est parce qu’il sait les valeurs de la lignée Yasairava, et qu’il avait peur pour son frère. elle soupire Le reste n’est que malentendus et disputes dont tu n’auras certainement pas de mal à imaginer la teneur.

- Mais et Halyalindë et toi dans tout ça ? C’est dommage de vous priver l’une de l’autre à cause de différends entre vos deux pères.

- Halyalindë est la concrétisation d’un litige que nos deux pères n’auront jamais eu l’occasion de résoudre. C’est difficile pour nous deux qui avons grandi dans cette atmosphère de simplement passer outre. Mais si ça peut te rassurer, elle reste mon sang, et je l’aime comme mon sang. Nous ne sommes juste pas particulièrement proches.

Tu envoies ton bras en arrière, attrapes l’épaule de ton épouse et la tire vers toi. Kaëlistravaë se penche sans interrompre le mouvement répétitif dans lequel sont plongées ses mains depuis beaucoup trop longtemps maintenant. Tes lèvres se posent sur ses lèvres un court instant, et chacun reprend place. Toi à tes études, elle à ta tresse.

- Tu es absolument sûre que ça ne te dérange pas ?

- Pas le moins du monde, je te le promets.

- J’espère que ce n’est pas le même genre de promesse que celle que tu m’as faite quand tu as dit que me coiffer irait vite !

- Si tu avais la moindre idée de ce que c’est que de tresser une tignasse pareille, tu te rendrais peut-être compte que j’ai été très rapide ! C'est qu'avec ta frisure, c'était difficile de deviner que tu en aurais jusque dans le bas du dos !elle lève les mains, victorieuse Terminé !

- Ah ! Enfin !

Tu te lèves d’un bond, te retournes vers elle, et fonds sur ta proie. Tu enfermes Kaëlistravaë entre ton buste et le canapé sur lequel elle était, jusqu’à il y a quelques secondes à peine tranquillement assiste, pour lui couvrir le cou de petites bises. Vous gloussiez tous les deux comme un jeune couple au premier jour quand l’avertissement des gardes retentit à la porte.

- Ah la voilà !

- Amuses-toi bien, Elnorui.

Tu ouvres la porte comme un enfant ouvrirait un cadeau, et ton visage déjà rayonnant peine à trouver moyen de plus s’illuminer pour accueillir la rouquine. Tes bras vinrent chercher le dos d’Halyalindë pour lui rendre timidement son enthousiaste embrassade. En temps normal, tu l’aurais soulevée sans broncher, et peut-être même fait quelques tours sur toi-même pour la forme, mais c’est qu’ils étaient deux à présent !
Ton regard se relève dans le dos de l’ex-Protectrice pour remercier le jeune garde en formation, dont les yeux s’attardent plus sur ta tenue qu’ils ne le devraient. Il faut dire que cette fois au moins, de tenue, tu en portais une. Certes, l’absence de manches de ta tunique te laissait les bras à l’air, et le « v » de ton col te plongeait jusqu’à ta seconde rangée d’abominaux, mais c’était un début. À partir de là la large ceinture qui servait de harnais à ton focaliseur te marquait la taille déjà fine, soulignant le musculeux galbe de ce qu’Eowald surnommait joyeusement – parce qu’il faut croire que les cours d’anatomie n’avaient jamais été son fort – ton fessier de femme. Ce dernier d’ailleurs se trouvait ; pour tout le plaisir de ta bien-aimée d’ailleurs, qui ne t’avais jamais caché – non pas que les deux ne lui furent pas agréables – trouver ton pile de plus d’attrait au regard que ta face ; redessiné par les pantalons ajustés de coton épais que tu portais sous tes chausses.

- Tu arrives juste à temps en réalité. Tigilidënya vient de terminer de me coiffer. tu te penches légèrement sur le côté, laissant à Kaëlis loisir d’adresser de timides salutations à sa cousine Je vais bien. Les choses commencent enfin à véritablement s’organiser de mon côté. Mais la question devrait plutôt être de savoir comment toi tu vas ! Tu es grosse comme une belle prune !

Tu t’écartes légèrement pour poser les yeux sur l’énorme ventre de l’Ardamirie, et qui l’eut cru, le Roi-Guerrier aurait presque laissé échapper un gémissement d’attendrissement. Ta main se pose contre les rondeurs de la rousse, et tu ne peux t’empêcher d’ouvrir l’oreille. Quelques reliquats de ta magie s’étiolent en de discrets filets de lumière autour de ta main, alors que tu t’imprègnes de la pulsation de l’enfant. Et puis tu te retournes vers Kaëlistravaë.

Ta main lui souhaite une bonne soirée. Tes lèvres lui disent au-revoir. Tes yeux quémandent tout autre chose. Et au vu de son expression quand elle te rend tes salutations et ferme la porte dans ton dos, elle est loin d’être dupe.

- Je voulais te proposer une sortie au Teluimë… tu jettes un œil à son bagage, entre les mains de l’un des gardes, en pensant à la distance Tu veux que je te porte tes affaires ? le coin gauche de tes lèvres se soulève Ou peut-être que tu préfères que je te porte ?

Coiffure d'Artiön ( mais avec la tresse jusque dans le bas du dos ):

- M'en parle pas ! " sourit-elle, plus enthousiaste qu'elle ne l'aurait dû à la salutation fruitière de son ami. " La prune, la pomme, la pèche... j'ai même eu le droit au kiwi. T'y crois ça ? " ajouta-t-elle en tirant la langue tandis qu'il reculait d'un pas.

Elle fronça le nez en le voyant approcher la main de son ventre sans lui demander et lui donna une petite tape sur le revers. " On demande avant de tripoter les gens. Que dirais Fenris ? " le gronda-t-elle gentiment, un éclat taquin dans les yeux. Mais cela n'avait qu'une vague ressemblance avec un véritable reproche. Avant qu'il n'éloigne vraiment la main, elle attrapa ses gros doigts, constatant une fois de plus que les siens avaient bien changés depuis qu'elle maniait l'aiguille plutôt que l'épée. Doucement, elle l'invita à étaler sa main sur le côté de son ventre à l'endroit ou le petit habitant pesait légèrement et plissa du même coup les pan libres de tunique blanche qui la serrait en dessous de la poitrine.

- Elle est calme pour l'instant. Elle attend que j'essaie de dormir pour faire la java. "

Ils ne s'attardèrent cependant pas plus que ça. D'un geste hésitant, Halya salua Kaëlis, mais elle n'était pas mécontente que la porte les séparent pour la soirée. Elle n'avait rien contre elle, sinon elle ne l'aurait pas choisie comme Main, mais hors de leur devoir commun c'était toujours un peu étrange.

- C'est pas toi qui porte un autre elfe en permanence je te rappelle. D'ici à ce que j'ai aussi à te porter toi, il n'y a qu'un pas dont je me méfie... " Elle attrapa son sac au bras du garde, le remerciant plus chaleureusement qu'il ne devait en avoir l'habitude, et le passa pourtant à l'épaule du grand roi avant de lui donner le bras. Heureusement qu'elle était grande, sinon elle aurait vraiment été toute tordue dans cette position.

- Et pour répondre à ta question, je vais parfaitement bien ! Je hais les bateaux. Je comprends de plus en plus pourquoi la quasi totalité des vieux guérisseurs sont acariâtres. Je n'arrive pas à faire partir les tâches d'herbe à fuseaux. " Elle leva sa main droite, révélant des doigts dont les dernières phalanges étaient encore d'une teinte bleue clair un peu passée. "... et je vais finir par frapper tous ceux qui se comportent comme si mon ventre était une propriété publique. Mais je n'échangerait ça pour rien au monde.

Ils reprirent le chemin qui les séparaient de l'extérieur, marchant au rythme de la rouquine dont le pas était nettement moins rapide que d'ordinaire bien qu'il ne soit pas croulant pour autant. Cette fois, ils ne passèrent pas par la grand-porte... Ils auraient déjà assez d'yeux braqués sur eux une fois dans les rues. Soudain, l'Ardamirie se félicita d'être arrivée tard.

- Tu as une adresse en tête ? J'avais l'habitude d'aller à la Flute de Cèdre mais... disons que je préférerai qu'on y mette pas les pieds... Et sinon tu parlais d'organisation ? "

Tu roules des yeux d’amusement. C’est que mademoiselle Yasairava était une femme indépendante capable de marcher sur ses propres pieds ! Pas une enfant ! Et que dirait Fenris ! Et tu es un Roi marié ! S’amuser à transporter dans tes bras une femme enceinte qui n’est pas la tienne à travers Alëandir… ce n’était décemment pas raisonnable. Effectivement, ce ne l’était peut-être pas, mais c’était amusant ! Et c’était le but de cette soirée non ?
Malgré tout, sachant les potentielles complications pouvant venir avec une grossesse, surtout qu’il semblerait bien qu’elle ne soit plus bien loin de son terme, tu es rassuré de savoir que ta cousine – il y a quelque chose de plaisant à pouvoir l’appeler ta cousine – aille pour le mieux. Même si pour le coup, en faisant la même erreur que beaucoup trop d’autres avant toi, tu auras contribué à l’approcher de la limite de son seuil de tolérance.

- Pour ma défense, je suis de la famille maintenant, tu lèves les mains comme pour t’innocenter j’espérais que ça m’autorise une certaine proximité avec le bébé. tu mets les mains sur les hanches et tu lèves le menton, les jambes bien ancrées et la poitrine bombée Mais en ellon digne de ce nom, je suis prêt à assumer les conséquences de mes actes. Si ça peut sauver le suivant, je suis prêt à encaisser ta juste fureur ! Heri Halyalindë.

Ton visage faussement solennel lui arrache un rire, mais tenant sa parole, l’ancienne Protectrice fait fi de l’hilarité, et quitte votre position bras-dessus bras-dessous pour déverser son impitoyable rage. Et dans un geste théâtral, tu mimes l’insupportable douleur à laquelle fait face ta pauvre épaule complètement – et pour de vrai tu le jures – démise.

- C'est mon ventre, malpoli!

Vous riez tous les deux, vos bras se raccrochent, et vous reprenez le chemin au pas de ballade jusqu’à l’extérieur du palais. Et une fois les rues en vue, l’Ardamirie pose la judicieuse question de là où vous alliez exactement. Parce que tu dois bien le dire, tu n’y avais pas pensé plus longuement que cela avant qu’elle ne le pointe du doigt. Ta réponse vint tout de même presque du tac au tac.

- Leurs boissons ne sont pas les meilleures, mais pour commencer la soirée, je t’aurais bien proposé l’Òmaril. L’ambiance est toujours excellente, et pour ce qu’il s’agit de manger, leur restaurant fait partie de ceux qui proposent des portions dignes de ce nom. machinalement ta main libre vient chercher ton ventre J’espère que tu n’as pas déjà mangé !

Si elle avait déjà mangé, alors tu regretterais pour sûr d’avoir laissé l’intégralité de ton fameux ragoût de tétra à Kaëlistravaë. Bien qu’en réalité, après quelques dizaines de minutes seulement dans le restaurant-bar musical, dans tous les cas tu doutes qu’elle réussisse à se passer de consommation. Et au pire, t’entendre mettre à profit les cours-de-diction-faits-cours-de-chant dont tu auras bénéficié ces derniers mois vaudrait largement le détour. Non ?

- Mais pour en revenir à cette histoire d’organisation, je commence enfin, - il était temps – à prendre mes marques au Trône Blanc. Anorn faisait le travail paraître facile, mais entre les débats sur la restructuration des Cités à gérer pour qu’ils ne s’enlisent pas purement et simplement, le traitement des informations qui nous reviennent d’Annon, la gestion des échanges entre les armées dans les quelques Protectorats et quand tu dis quelques, tu veux dire deux qui ont accepté de jouer le jeu… je suis loin de tout gérer seul c’est vrai, mais en réalité, même en déléguant, c’est parfois difficile de ne pas mentalement s’épuiser.
Et puis… pour ma santé physique et mentale, il faut que j’arrive à me caser du temps pour moi. On ne cultive ni ça tu lèves ton bras libre et pointes du pouce le focaliseur dans ton dos ni ça ton pouce vient rejoindre tes autres doigts pour refermer ton poing, et grossir ton biceps en faisant de la politique !

Le temps t’était précieux, et tu étais quand même là avec elle à arpenter les rues de la capitale sous les deux Lunes. C’était donc une double déclaration que tu faisais en cette occasion.


Premièrement : Les chantiers démarrés sous ton règne avançaient assez pour que tu puisses te le permettre.

Deuxièmement : Passer un peu de temps avec elle était assez important à tes yeux pour que tu y consacres une partie de ton précieux temps libre.

Tradoc:

- Mangé... Je suis venu en bateau comment veux-tu que j'ai mangé quoi que ce soit ? Va pour l'Omaril ! "

Grâce à leur retard de quelques heures, elle avait put descendre sur la berge et faire un repas consistant, mais pour le reste la navigation n'était vraiment pas son fort. Elle se demandait s'ils avaient des plats avec beaucoup de menthe... Cela faisait des jours qu'elle en avait une envie folle...

Chemin faisant, elle écouta son comparse lui faire l'état des lieux. Les façades blanches croulantes de plantes grimpantes les dominaient de tous leurs étages, profitant du calme douillet que ne connaissent que les villes elfiques en l'absence de la lumière du jour. Depuis qu'elle était enceinte, elle comprenait bien mieux le bonheur qu'éprouvaient la plupart des elfes à rester dans ces havres de paix et de sécurité.

- Alors c'est un honneur que tu aies pu prendre un peu de temps sur ta routine d'abdo-fessier. " sourit-elle aux explications gestuelles d'Artiön. " Je sais ce que c'est de se retrouver du jour au lendemain derrière un grand bureau. Mais sans blague, tu reçois vraiment tant de message que ça de l'Annon ? Il n'y pas posé trois pierres et même Naelis n'est pas encore au courant de notre nouvelle présence... "

Ce faisant, ils arrivèrent dans les rues plus animées de leur quartier cible.

- Ne sous-estime jamais la capacité d’un chercheur Lanthaloran à disserter sur la forme d’un caillou ou sur la couleur d’une fleur ! Tu ris, rentrant en duel avec les clapotis des fontaines Mais plus sérieusement, la majorité de l’information venue d’Annon dont je supervise la redistribution sont des études comparées de la faune, de la flore et de la géologie des lieux face à celle de l’Anaëh. Les plus ambitieux se tentent à explorer le rôle joué par les faiblesses de la Symphonie aux frontières dans cette différence… mais tu imagines bien qu’en quelques ennéades, tout ça n’est qu’extrêmement tentatif.

Tentatif et passionnant. Tes yeux se perdent un instant dans l’incessant scintillement né des étoiles, des Lunes et de leurs reflets sur l’eau courant dans les rues. Si gérer le partage des recherches entre les différents Protectorats selon les spécialités locales était une tâche titanesque, pour rien au monde tu n’aurais voulu abandonner l’opportunité qu’elle t’offrait de directement accéder au travail brut de ce colloque improvisé. C’était finalement l’occasion de s’instruire de force.

- Pour ce qui est plus pratico-pratique, en réalité, les concernés sont plutôt autonomes.

Ton regard se détache du paysage pour retrouver Halyalindë, et son visage en particulier. Ses joues un peu plus rondes, sa peau légèrement rougie ; la grossesse la travaillait ce point, mais il n’est pas une seule image d’elle qui te revienne en mémoire qui ait l’air aussi heureuse. L’enfant ? La compagnie de Fenris ? Sa nouvelle vocation ? Une combinaison des trois ? Probablement une combinaison des trois. Combinaison que tu remerciais profondément d’ailleurs, parce que de la tranquillité de l’Ardamirie tu tirais à ton tour une certaine quiétude. Il n’y a décidément rien de mieux qu’une bonne humeur contagieuse.

- Mais toi qui en quitte un, de bureau, tu jettes un coup d’œil au bout de ses doigts en dehors des taches d’herbe à fuseaux, comment se passe ta conversion ? Tu ne regrettes pas l’épée ?

Et ce pourrait être une question étrange finalement, parce que le bon guerrier n’aime pas la guerre. Obtenir le droit de poser les armes devrait n’être qu’une pleine et entière délivrance. Seulement, le fait est que pour beaucoup d’entre vous ces armes sont devenues des extensions de vous-mêmes. Laisser s’émousser votre maîtrise c’est comme s’handicaper, et les déposer c’est comme s’amputer, même lorsque vous ne comptez plus mettre le pied sur le champ de bataille.
Totalement abandonner ce pour quoi tu as travaillé toute ta vie serait une situation extrêmement difficile pour toi. Poser ton sceptre, te départir du pouvoir accumulé, pour toi ce serait finalement comme accepter que tu n’as plus ta place parmi les tiens. Et à ton âge, tu aurais bien du mal à t’extirper de ton trou pour t’en creuser un nouveau.

En effet, vu sous cet angle, il avait de quoi passé un sacré bout de temps à remuer des informations, même sans prendre en compte les éventuels contacts avec les Noss ou les extérieurs.

- Envoie un de tes conseillers là-bas pour qu'il s'occupe du dispatche et t'envoie seulement les résumés pertinents, tu t'épargneras un sacré poids. " lança-t-elle sans imaginer qu'il pouvait avoir envie de se plonger jusqu'au cou dans des rapports concernant des cailloux. Les plantes spécifiques à la régions et les cartes topographiques, mettons, mais les différentes races de cailloux...

Halya n'était pas particulièrement curieuse de nature, ne s'intéressant qu'à ce qu'elle jugeait utile et n'amassant le savoir qu'en ayant un but en tête. C'était en parti pour cela qu'elle n'avait jamais eu la patience d'étudier la magie, à la grande tristesse de son père qui avait toujours soutenu mordicus qu'elle avait " une perception magique naturelle au moins aussi bonne que celle de Kaëlis ". Ha ! Comme si elle pouvait rentré de façon aussi éhonté en compétition avec la fille unique de son frère détesté. Ce manque de curiosité lui avait évité tout un tas d'autre ennuis que celui là, aussi était-elle plutôt contente de pouvoir se satisfaire du monde qui l'entourait.

Peut-être était-ce également en parti pour ça qu'elle avait pu prendre des décisions que d'autres jugeaient impossibles.

- L'épée me manque un peu. Le bureau, pas du tout. La vue de mes appartements du Palais un peu, mais certainement pas le bureau. " sourit-elle tout d'abord, même si, bien sûr, c'était plus compliqué que ça n'en avait l'air.

Artion savait déjà qu'elle avait longuement discuté avec Sandriel et Fenris avant de faire sceller son épée et de tourner définitivement le dos aux combats, que ce soit comme maître d'arme ou militaire. Il savait aussi que le Haut-Conseil durant lequel elle avait publiquement discrédité par ses pairs avait été un coup de tonnerre aussi violent que la bataille d'Eraison, pour elle. En revanche, elle était toujours discrète sur son ressenti durant les deux mois d'enfermement et les décisions qu'avaient prises Ardamir à ce moment là. Elle n'avait jamais publiquement soutenu le Conseil de la cité des arbres lors de son retrait du trône blanc, mais elle n'avait pas ouvert non plus la bouche en faveur du pardon jusqu'à ce qu'Artiön vienne en personne demander audience aux Conseillers... Et encore, elle était restée relativement en retrait par rapport à son implication dans la vie quotidienne des habitants de sa ville natale. La période avait été complexe.

- ça a été un peu compliqué. Déjà que certains n'acceptaient pas que je ne veuille pas récupérer le titre de Protectrice, le fait que je quitte le service actif... N'a pas été très bien perçu par certains. Tu sais comme les Ardamiris s'emportent facilement quand on touche à ceux qu'ils considèrent comme des héros... " Elle étouffa un rire jaune.

Figure officieuse de la cité, ses hauts faits militaires, le discrédit du Trône Blanc et le lien très étroit qu'elle avait établit entre Eteniril et Ardamir malgré les accusations qui pesaient sur elle, en avaient fait une figure du peuple... Et bien des sourcils s'étaient froncés en apprenant qu'elle renonçait à sa vie de chef de guerre. Sa transition ne s'était pas faite simplement sur un choix personnel, elle avait été impactée par bien des réactions. Les Ardamiris étant d'un naturel plus passionnés que la majorité des citadins, les insultes avaient fusées pour la déserteuse, ce qui avait tendu les relations entre civiles et vétérans pendant quelques ennéades. Elle ne doutait pas que le nouveau roi puisse avoir ce genre d'information pourvu qu'il tende l'oreille.

- Heureusement, avec mon mariage et ma grossesse, une espèce de rumeur à explosée, selon laquelle ma reconversion serait le signe d'une volonté de pousser notre peuple à chercher une nouvelle ère de paix et d'amour. "  Il y avait un peu de dérision dans sa voix. Après tout ce n'était pas du tout pour ça qu'elle avait fait son choix... mais l'idée lui mettait des étoiles dans les yeux... Parce qu'il y avait peut-être une once de vérité ? " Pas que ça me déplaise, hein. Mais ça rend pas la choses plus facile au quotidien. " finit-elle par admettre, répondant enfin au vrai sens de la question de son ami. " L'affrontement me manque. La fraternité militaire me manque. La beauté du maniement d'une épée me manque. La sensation de puissance lorsque je me rendais maître de la vie de quelqu'un d'autre me manque. Tout comme la satisfaction que je commençais à avoir à l'idée de détruire ceux qui nous font tant souffrir... Et c'est pour ça que je devais m'arrêter. " Inconsciemment, elle porta la main à son ventre rond. " Il y a des jours où j'ai envie de tout envoyer en l'air et de me contenter de danser de temps en temps avec les Prêtres d'Arcamenel, mais je sais que ça ne me suffira pas à long terme, alors je mémorises ces foutues tableaux de principes actifs contenus dans les végétaux. " Avec une grimace, elle donna un petit coup à son sac, alourdit d'un des livres en question. " Et puis j'ai mon quota d'adrénaline. Mes mentors étaient presque terrifiés de voir le sang-froid avec lequel je réagissais dès les premiers jours... Mais ça tu dois connaitre ça par cœur avec ta magie en plus. De conseils pour la jeune apprentie que je suis ? "

Elle doutait que la formation des médecins et des mages de la vie utilisés sur les champs de bataille soit la même... Mais sait-on jamais.

- C’est que je suis en présence d’une véritable icône.

Tu laisses échapper après qu’elle ait mentionné l’idée que son enfant ait été fait un si fort symbole, le ton à moitié plaisantin seulement. Être fait parangon d’une quelconque cause est loin d’être une partie de plaisir. Diriger les soldats Daranovans au combat te l’aura bien appris. En tant qu’Enda’Otha, celui qui referme les plaies sur le champ de bataille, chaque blessure grave, chaque handicap irréparable, et chaque mort, devenait en partie ta faute. Et en tant que Mainyth, cette responsabilité ne s’en trouvait que renforcée.
Comme tous elfes faits symboles de belles causes, Halyalindë était flattée, et remplie d’espoir, son regard ne s’en cache pas, à l’idée d’inspirer d’autres à rechercher le meilleur d’eux-mêmes. Seulement tu as bien peur que le poids qu’elle assume par la même occasion, elle n’en ait jamais voulu. Halya est forte. La question n’est pas de savoir si elles sera capable de le supporter. Plutôt c’est de savoir si c’est là une responsabilité qu’elle décidera de pleinement assumer ou de feindre d’ignorer qui t’occupe l’esprit. Et tu espères qu’elle fera le bon choix, pour la santé de son propre Souffle.

- Méfie-toi des psychotropes... tu tires sur le côté les bordures de ton col pour dévoiler entièrement ton pectoral droit et des patients torpides.

Barrant ton muscle de l’intérieur de ta clavicule jusqu’à sous ton téton est l’une de deux seules cicatrices que tu conserves encore aujourd’hui. Quatre larges marques de griffes que tu dois à l’une des bêtes sauvages les plus dangereuses qu’il t’ait été donné de rencontrer. Un elfe qui aurait pu mourir avant son heure, et qui dans son refus du sommeil, avait jusqu’au bout lutté contre l’anesthésie.

- Ou alors assures-toi de leur couper les ongles ! tu ris à l’idée du visage confus qu’affiche maintenant l’homme dès qu’il te croise Mais plus sérieusement, je suis bien plus à mon aise en anatomie et en chimie du corps qu’en herboristerie. tu lèves un sourcil J’ai plus étudié les effets des principes actifs en eux-mêmes, de manière à pouvoir utiliser ma magie pour les répliquer dans la mesure du possible que les plantes qui les possèdent. Par contre, je garde un souvenir très marquant des plantes aux effets les plus drastiques, donc si tu veux, je peux te faire un rapide tour des essences interdites.

Le coin gauche de tes lèvres se soulève haut, comme s’il y avait quelque ironique fierté à tirer de la connaissance de plantes-médicament à fort potentiel létal. À vrai dire, c’était surtout de la traversée de l’expérience de cet apprentissage qui rendait un elfe digne de se blottir dans sa fierté. Pour faire l’étude de certains mécanismes du corps, l’observation d’effets aussi virulents que ceux de ces plantes étaient nécessaires. Et des plantes aux effets aussi virulents que celles-ci, on n’en utilisait que lors des cas de médecine les plus graves. Les Vitalistes de Guerre comme toi étiez un nombre extrêmement infime d’elfes qui aviez à la fois eu la chance et le malheur de participer au traitement de maux et de plaies que bien peu de guérisseurs sont capables de traiter. Et ceux d’entre vous qui se tenaient aujourd’hui toujours la tête haute, c’est que leur âme avait été assez forte pour ne pas succomber à l’horreur de ce que vous aviez pu voir.

- Tiens, nous y voilà.

Un grand établissement à la décoration sobre et chaleureuse, où règnent les arômes épicés de plats atypiques et les odeurs fruitées de jus et de liqueurs. Instantanément, tes yeux se posent sur la scène où le Luth, la flûte, la viole, la harpe et le tout récent clavecin se partagent entre amateurs de plus ou moins de talents, à la joie des curieux et des artistes d’un jour. Ensuite ton regard se porte sur la mezzanine, d’où les clients apprécient le curieux spectacle avec un intérêt non dissimulé, les joues de certains déjà légèrement empourprées par l’alcool.

- Au sol ou à l’étage ?

Le rez-de-chaussée serait le choix logique pour une femme dans la condition d’Halyalindë… mais si les Yasairava t’avaient appris une chose, c’est qu’elles étaient butées. Et en digne Ardamirie, la rouquine risquait de voir d’un bien mauvais œil l’idée de ne pas observer le spectacle depuis la meilleure place.

Comment ça les patients dans le coaltar pouvaient être dangereux... Elle qui rendait visite une fois par mois au soigneur qu'elle avait fait sombré dans le coma à Eraison se demandait bien pourquoi... Mais le partage d'Artion partait d'une bonne intention et ses anecdotes firent le reste.

- L'anatomie ça va. Mon style de combat était en grande partie basé sur la connaissance de tous les points de fragilité du corps. Va pour la liste des plantes toxiques. " Elle pourrait mettre à jour la liste de celles qu'elle avait apprit à reconnaitre hors d'Anaëh. Les experts en traumatologie qu'étaient les guérisseurs militaires avaient forcément vu des cas très différents des maux courants d'une cité grouillante de vie.

En arrivant devant la façade, elle poussa un léger sifflement appréciateur. " Joli ! Je ne connaissais pas du tout. " Les endroits où elle sortait du temps de sa vie dans la capitale n'étaient pas du même côté du quartier, mais la devanture était sacrément prometteuse et l'odeur tout aussi alléchante. Son estomac émit un grondement mécontent et elle échangea un regard innocent avec le grand gaillard qui l'accompagnait.

Sur la scène des instruments de toute sorte. Dont des prototypes assez récents.

- En haut ! " s'exclama-t-elle, souriante, en se dirigeant vers l'escalier.

S'il y avait bien une chose qui ne faisait pas peur aux ardamiris c'était les escaliers... Mais bon, même si ça n'avait pas été le cas, Halya était le genre de femme à essayé de convaincre ses médecins de la laisser faire deux jours de cheval à quelques ennéades de son terme pour se rendre à la capitale. En l’occurrence, elle n'avait pas pensé une seconde que la question déguisée testait sa prudence.

Une main sur la rambarde, l'autre soutenant légèrement son ventre elle gravit doucement les marche jusqu'à la mezzanine. Après quelques instants de recherches, elle avisa deux places vides qui leur permettrait de parfaitement voir la scène. Par habitude, elle prit le siège qui lui permettait d'avoir le moins de gens possible dans le dos, et s'assit avec un soupire de soulagement pour ses jambes. Pendant que son ami prenait place, elle se massa un peu les genoux et roula des chevilles.

- Tu as l'air de bien connaitre. Tu me conseilles de prendre quoi ? "

Une idée lui traversa l'esprit et elle attrapa la bretelle de son sac pour le hisser jusqu'à ses genoux. Tout en restant attentive à ce qu'Artiön lui disait, elle l'ouvrit pour fouiller à l'intérieur.

- Je l’aurais parié !

Tu attends qu’Halya commence son ascension, prenant place derrière elle avec une proximité de sécurité. Tu doutes fort que vous soyez malchanceux ce soir au point qu’un souci de dernière minute ne vienne lui faire perdre l’équilibre, ou l’empêche de gravir les marches jusqu’au bout… mais il vaut mieux prévenir que guérir. Tu essaies malgré tout de te faire le plus discret possible, feignant d’être seulement pressé d’arriver à l’étage, que la Dame – qui voyait certainement clair dans ton jeu – puisse se consoler à se dire qu’il y avait au moins la volonté chez toi de lui laisser un peu d’autonomie.

Arrivés à destination, vous choisissez une table proche du balcon, et tu tires la chaise que semblait s’être choisie Halyalindë avant de prendre place en face d’elle. Tu passes une main dans ta nuque, et te saisis de la grosse tresse nouée par Kaëlistravaë pour la passer devant tess épaules. Ton dos finalement trouve la place de reculer et de s’installer contre le dossier d’un siège qui malgré sa taille tout à fait standard, devant ton envergure paraissait quelque peu petit.

- Ici… tu poses une seconde tes doigts contre ta bouche ils font une excellente fricassée de phalènes, tu marques une courte pause, d’hésitation mais c’est possible qu’ils n’en aient pas ou très peu avant la fin Verimios. Sinon ils font une salade de riz épicée qui vaut le détour, et c’est la parfaite saison si tu veux pouvoir goûter de la très occasionnelle soupe de Crotrifua. tu lèves un sourcil Je pense que j’opterai pour la soupe personnellement. Donc si tu hésitais avec un autre plat, sans t’en libre. On partagera.

Tu jettes un œil sur la scène depuis le haut du balcon, appréciant le jeu virtuose mais tentatif du claveciniste, que suivaient de moins en moins péniblement ses camarades amateurs au fur et à mesure que la pièce improvisée s’écrivait.

- Ah et puis, la véritable spécialité de l’endroit c’est sa scène. Pour peu que tu t’en sentes l’envie et que nos artistes du moment aient eu leur tour, tu t’approches, tu proposes ce que tu as à offrir, et la gérante de la scène tu pointes du bout du nez une grande elfe très mince te donnera son accord ou pas.

En espérant que dans son état, elle ne se mette pas dans l’idée non seulement de redescendre immédiatement les escaliers, mais de se lancer dans quelque acrobatique chorégraphie quand la musique y serait propice.

- Je vais tenté le riz et je gouterai ta soupe alors ! " lança-t-elle déjà alléchée par la perspective de ce repas.

Suivant les explications d'Artion, ses mains s'immobilisant dans son sac, elle observa la scène plus attentivement. C'est vrai qu'elle était bien centré et tout le monde avait l'air particulièrement enthousiaste. Halya aurait sourit deux fois plus si c'était possible. Elle adorait la musique et l’ambiance festive n'aurait pas dépareillée dans sa ville d'origine. Pourtant, elle lança un regard en coin à Artïon.

- Ils sont sacrément bon ceux-là déjà. Peu de chance que je tente le coup, mais fait toi plaisir si tu en as envie. " et elle ajouta à l’œillade qui lui jeta. " C'est vrai que tu ne m'as jamais entendu chanté... Crois moi, il vaut mieux que ça reste comme ça. "

Trouvant enfin ce qu'elle cherchait, elle tira de ses affaires un petit livret sommairement relié. Les feuilles étaient écrites par une même plume grâce à de l'encre de sèche. Les lettres penchées et effilées semblaient avoir été écrite à la hâte tout en étant parfaitement lisibles.

Halya tendit le document à son comparse, ponctuant son geste d'un " Tien. C'est un cadeau. " des plus laconiques. En haut de chaque page, un nom et une fonction. Seulement des figures connues de la scène politique d'Anaëh. Des ambassadeurs, des Grands Prêtres, des Protecteurs, des militaires important. Sur le reste du feuillet, plus ou moins remplit selon les cas, il figurait quelques commentaires sur les opinion, la personnalité, les préférences d'expressions, les sujets à éviter ou à aborder sans crainte. Autrement dit, des notes personnelles sur la façon d'interagir avec toutes ces personnes en mettant toutes les chances de son côté. Un condensé d'expérience.

- Je voulais te l'offrir depuis ton couronnement, mais ce n'est pas le genre de chose qui peut se transmettre aux yeux de tous. " sourit-elle tout en rebouclant son sac. " Ce sont mes propres observations des cinquante dernières années - quand j'ai été affecté à la protection de Dragan à peu près. A la fin y a aussi quelques notes sur la différence de certains diplomates entre leurs actes et leurs discours, ça t'évitera de prendre leur parole au pied de la lettre, comme j'ai pu le faire au début. Je me suis dit que ça te serait utile étant donné que tu débarque un peu dans tout ça. "

- C’est que j’ai envie de savoir à quoi je réchappe maintenant. tu ris doucement Peut-être quand il y aura moins d’oreilles indiscrètes tu lances un sourire complice je te ferai même l’honneur d’y mettre la danse s’il le faut !

Ah la danse… c’était un comble. Que quelqu’un d’aussi conscient de son corps que toi, et de généralement aussi adroit, se retrouve absolument perdu pour peu que tu n’aies pas un meneur sur lequel calquer tes pas. Et c’était encore plus étrange de constater à quel point la présence d’un meneur pouvait complètement transformer ta manière de te mouvoir !
Mais le sujet s’effrita bien vite. De vos talents d’artistes amateurs il se réorienta bien vite sur vos situations professionnelles. Il avait suffi d’un présent. Un minuscule livret que tu avais accepté avec joie, sans véritablement savoir ce qu’il en retournait. Un petit livret que tu avais ouvert machinalement alors qu’Halyalindë décrivait ce que tu y trouverais. Et Par I Mingêly, ce que tu y avais trouvé ! Le raclement de gorge d’un rire retenu résonne dans tes narines au fur et à mesure que tu tournes les pages. Certaines des observations qu’avait pu faire Halya, tu n’avais pas eu besoin de bien longtemps pour en constater la véracité. D’autres, plus subtiles, remettaient en cause les discussions que tu avais pu avoir avec certains.

- C’est tu t’exclames à mi-voix un véritable filon de gemmes ton histoire !

Et rendu curieux par les quelques remarques assez sèches qu’avait pu faire l’Ardamirie sur une poignée de ces grandes figures, tu en étais venu à te demander si ton nom y figurait quelque part. Après tout, même si cela ne faisait pas bien longtemps que vous vous connaissiez, durant plus de 40 ans tu as été connu comme le Mainyth de la Cité des Armes, et depuis longtemps avant, tu as été une figure de proue de l’armée Daranovane. Peut-être s’était-elle forgée de loin une opinion de toi dans le temps. Surtout que, proches ou pas, voilà presque trois siècles que sa cousine et toi entreteniez une relation. Tu étais bien curieux de savoir à quel point sa représentation de toi aurait pu changer durant ces dernières années.

Mais tu n’en aurais pas le temps.

- Heri ; Heru, vous avez fait votre choix ?

- Et bien… tu ranges machinalement le livret dans la petite sacoche pendue à ton corset de mon côté j’ai opté pour une soupe de Crotrifua si vous le voulez bien.

Le serveur semble attester d’un choix judicieux alors qu’il se retourne vers Halyalindë, attendant de prendre sa commande à son tour.

- Ah, et ce n’est pas la peine de presser ma commande, je pense faire un passage sur scène avant de manger si possible.

- Alors vous devriez vous dépêcher. J’ai cru comprendre que vous vouliez chanter, les musiciens sur place attendent une voix masculine pour les accompagner.

- Ah ! tu souris à Halyalindë en te levant Je me dépêche alors.

Tu descends les marches quatre à quatre juste devant le serveur, et à la suite d’un court entretien avec les gestionnaires de scène et les musiciens, tu prends une profonde inspiration. Les premières harmonies instrumentales de la ballade s’éparpillent dans la salle. Tu attends ton moment pour faire entrer la mélodie… et dans une sérénité qui n’est jamais que celle des elfes, l’assistance se demande à quoi ressemble la voix de son Roi.

Un timbre extrêmement léger, et pourtant emplissant l’espace sans le moindre apparent effort. Des graves voilés et mystérieux, un solide médium, le haut chantant d’une voix de poitrine portent l’essentiel d’une première chanson. Et parfois une voix de tête au son presque comme celui d’une flûte, et des mélismes encore maladroits, tirant des sourires amusés aux musiciens au détour d’une cadence, viennent se tenter à décorer l’œuvre originale.

Oh, il y figurait le bougre ! Halya était encore une enfant lorsqu'il avait commencé sa relation avec Kaëlis, aussi était-ce déjà passé dans les mœurs lorsqu'elle était revenu s'installer en Ardamir et avait assidument suivi Dragan... Qui n'était pas un grand fan de l'idée d'avoir un gradé Daranovan lié sa vie à une Yasairava... Mais qui n'en avait jamais rien dit publiquement étant donné qu'il était lui même marié à une Maleringeoise... dont la mère était officieusement de sang drow.

La page concernant l'actuel roi commençait même assez mal. Clinquant, exubérant, exhibitionniste, autoritaire, refusant d'écouter les éventuelles récriminations de ses hommes... Mais ayant un sens des responsabilité et une droiture exacerbée. Une phrase constatait son passé à la fois flou et d'une lignée glorieuse. Ici, c'était une note sur sa franchise. Là une propension à n'accepter l'échec ni de lui, ni des autres, quitte à en venir aux mains.

Halya passa commande comme prévu... Et précisa qu'ils pouvaient apporter la sienne tout de suite, avec deux jus de fruits recommandés par le chef et une bouteille de liqueur de noix. Puis elle s'accouda à la rambarde, laissant glisser de nouveau son baluchon au sol pour poser son attention sur la scène. C'est vrai qu'il avait un joli brin de voix le roi. Les doigts de l'ardamirie accompagnèrent la mélodie, cliquetant sur le garde fou de bois, ce qui lui évitait de succomber à l'envie de fredonner. Le petit être qui grandissait dans son ventre réagit presque instantanément, semblant particulièrement apprécier l’œuvre. Il réagissait presque autant qu'en entendant son père jouer de la viole.

Ainsi perchée, elle était aux premières loges pour assister au spectacle... Et voir le serveur qui fit un brusque écart vers la scène pour éviter un hôte se relevant de sa chaise a une vitesse mal calculée. Tombera... tombera pas ? En tout cas son plateau chargé de trois pichets d'un bon litre tanguait dangereusement.

L’intensité de la ballade arrive à son comble, les lignes instrumentales s’entrecroisent dans une folie chromatique, ton timbre résonne puissamment dans la salle, tendu jusqu’au haut de ta voix mixte, étiré sur un passage beaucoup trop long que tu te refuses à simplifier malgré la fatigue qui commence à te glisser jusqu’aux pommettes. Le serveur d’une adroite pirouette appuie le climax de la pièce, vous volant la vedette au moment le plus dramatique, dans son sauvetage d’un côté des breuvages qu’il était chargé de distribuer, et de l’autre l’intégrité de son habit. Et enfin arrive la cadence rompue, et une relance toute en douceur. Tu redescends dans des graves aussi discrets qu’aguicheurs le temps de quelques mesures. Ta voix s’éteint. Cadence parfaite. La musique s’éteint.

Ni ta mâchoire découpée au couteau ni le bleu glacial de tes yeux ne sauraient retirer de sa chaleur au radieux sourire de satisfaction que t’aura tiré ce tout relatif silence. Tu as la tête qui tourne légèrement, ton souffle est encore inégal, et ça, les musiciens s’en rendent bien compte. Le harpiste se lève lui aussi tout sourire, pour dans le geste le plus naturel du monde te prendre dans ses bras.

- Sacrée performance ! il frappe doucement ta poitrine de la paume de la main Un peu plus de constance dans la respiration et ce serait presque parfait.

Tu souris, encore trop dans l’émotion pour répondre. Entre les souvenirs que t’évoquait l’amour que tu venais de chanter et l’étourdissement que la performance t’avait infligé…

- Tu tiens le bon bout ! l’original se tourne vers la salle avec une moue taquine Aran Lîn a bien mérité son repas ! il déclame à la salle entière Qu’en dites-vous ?

Ta remontée jusqu’à ta table se sera faite sous des applaudissements partagés entre une véritable admiration et une mesquinerie toute enfantine. Et tu en ris gaiement. Tu pourrais célébrer ton triomphe en attaquant le repas encore tout chaud et le pichet de crème de cassis gracieusement offert par la maison au même moment.

- Il faudrait vraiment que je travaille mon second passage. Autant ce n’est pas bien utile pour les chants militaires, autant pour les compositions destinées à de véritable vocalistes c’est plus compliqué. tu soupires, pour te forcer à quitter ta voix perchée de chanteur et retrouver le calme de ton timbre parlé Mais pour le coup, j’avoue que je suis quand même plutôt fier de moi. Habituellement j’ai beaucoup plus de mal à tenir ce genre de passages.

Tu t’assieds lourdement, et empoignes joyeusement tes couverts. Plutôt que de lancer les hostilités cependant – l’honneur est à ton invitée – tu fais nonchalamment tourner ta fourchette entre tes doigts comme tu l’aurais fait avec ton focaliseur ; mais moyennant moins d’effort bien sûr.

- J’espère avoir réussi à te mettre en appétit. tu poses un œil gourmand sur les replètes portions face à vous De mon côté, après ça, je pourrais certainement avaler un silure en entier.