Unus pro omnibus, omnes pro uno. [RP mjité]

Cycle XI, Printemps de l'an XIV, deuxième ennéade de Favriüs.

La nouvelle avait voyagé à la vitesse de l’éclaire : l’ost royal était levé et marchait pour Merval. Une nouvelle délicieuse, particulièrement délicieuse qui fut rendue d’autant plus agréable par une autre nouvelle : les troupes de Missèdes bougeaient sans même attendre les troupes du roi. Et en plus de ça ils passaient par les marais. Une journée comme les autres venaient d’être considérablement embellie. Quel dommage que Gaël n’ait pas fait appel à Griffon, lui qui connaissait les marais comme sa poche il aurait pu assurer à l’armée missédoise de passer sans encombre. Un sourire illumina le visage du châtelain : l’erreur de Gaël allait paver sa monté sur le trône qu’il convoitait tant avec des cadavres missédois, que demander de plus ? Il fallait remercier le jeune homme d’une façon ou d’une autre et Griffon avait sa petite idée sur la façon de procéder. Il se leva de son siège et, coupe de vin à la main, demanda de quoi écrire et fit mander son fils pour qu’il serve de scribe, encore une fois dans l’idée de lui apprendre un ou deux trucs. Et puis parce que le seigneur de Sorault n’aimait pas écrire. Après s’être assuré que Theodoric était prêt à écrire ce qu’il allait lui dicter, Griffon avala une gorgée et commença.

« Je ne doute pas que vous avez également entendu que notre bon roi, puisse Néera lui accorder sa bénédiction, a jugé bon, et à raison, de châtier Merval. Un châtiment qui, à mon humble avis, n’a été que trop long à venir. Alors vous vous doutez bien que ma surprise a été grande lorsque j’ai appris que Missède a bougé avant même que l’ost royal ne se soit mis en route. Quel enthousiasme ! C’est admirable mais voilà, la fougue est souvent à proscrire dans une campagne ; comme je suis certain que vous le savez parfaitement. Dans son désir de porter la guerre à l’ennemi, ce bon Gaël de Beaurivage est passé par les marais pharétans. Ce qui n’aurait pas été un problème s’il m’avait consulté à ce sujet, malheureusement ce n’est pas le cas et je crains que les mervalois ne profitent de son inexpérience pour le punir. Les flammes vertes que j’ai pu voir depuis les remparts de mon castel m’indiquent que c’est malheureusement déjà le cas. Ainsi il nous faut agir vite pour éviter un autre désastre, j’aimerai beaucoup accourir à sa rescousse mais voilà : je n’ai pas les troupes nécessaires pour repousser l’armée mervaloises c’est pour ça qu’il me faut votre aide, pour sortir les missédois de ce mauvais pas. Gaël de Beaurivage compte sur votre promptitude pour le sauver, plus les jours passent et plus les pertes missédoises vont se faire lourde. Avec mes connaissances du marais et vos soldats, l’armée mervaloise, si Othar et Néera le veulent, sera promptement vaincue. »

Griffon passa derrière son fils pour regarder s’il avait bien tout écrit.

« Théodoric essuie ta plume quand tu écris ! » L’adolescent regarda le parchemin, l’air contrit et tendit la main vers une autre feuille pour réécrire la lettre au propre, sans les tâches d’encres. « Non laisse, c’est pas grave, celle-ci sera pour Alcion mais pour les autres seigneurs langecins tu as intérêt à ce que les missives soient soignées. Signes et passes-moi la lettre. » Après avoir signé et sablé ladite lettre pour en enlever l’excès d’encre, Griffon fit fondre de la cire et après en avoir fait couler sur la lettre il imprima son blason grâce à son anneau sigillaire. Ils répétèrent l’opération pour toutes les lettres afin que chaque seigneur important, principalement ceux qui siégeaient au conseil de régence, ait la sienne.

La lettre:

Au bon seigneur de Sorault, enfant des Cinq, nous vous saluons.

Veuillez, cher Monsieur, trouver ci-après la bonne réception de votre note. Si votre verve n’a d’égale que votre courage, nous serons fort aise de vous offrir ce que vous cherchiez ; à cœur vaillant rien d’impossible. Alors le Langecin ne laissera pas ses vassaux mourir avant d’avoir ramené dans son giron maternel le Mervalois. Cette terre séditieuse ne doit demeurer sans muselière, et nous ne pouvons fermer les yeux sur la détresse de notre cadette.

Par la présente réponse, nous espérons annihiler toute envie intestine de gloire. Nous pensons vos mots comme l’expression sincère d’une redevance envers vos terres. Afin de nous accorder plus avant sur quelques campagnes à même de bouter l’ignominie de cette gênante voisine, veuillez Monsieur vous rendre au plus prompt face à notre sage conseil. Ci-fait nous pourrons attester de la sincérité de votre âme, et nous discuterons des modalités d’une telle démarche.

Puisse les Dieux nous sauver tous,
Pyerre de Sévigne, notariat de la cour Langecine, sous la dictée des seigneurs du conseil.

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