Nous sommes le dard distillant le venin des Jumelles | Na'ri

>>Suite de sur l'autoroute des vacances

Deuxième jour de la Seconde ennéade de Verimios,
An 17 du Onzième cycle

Le froid.

Quelle désagréable surprise de quitter le sel et le sable pour se retrouver nez à nez avec la neige et le mistral. Enveloppé dans des fourrures au milieu d’une cité estivale, Ilm’Ryn observait. Ses yeux suivirent les pérégrinations des humains, jugeant autant qu’ils puissent faire ce peu, les comportements des marchands et des femmes de petite vertu. Ses lèvres ne remuèrent que pour laisser entrer un air froid et sec dans ses poumons lorsque ses narines furent trop frigorifiées pour le faire.

Mais déjà le froid lui brûle la gorge et sentant le rhume arriver, le serviteur de Kiran se replia dans l’auberge qui daigna l’accepter, lui et le reste de la troupe diplomatique. Sans un mot ni un regard pour les insectes présents, il rejoignit ses appartements qui n’étaient autre qu’une petite pièce dans laquelle se trouvaient un lit, une chaise et un bureau. Il s’assit sur le matelas et se mit à tester la résistance de l’édredon en fronçant les sourcils. Aucun bruit saugrenu ne s’échappait de l’ensemble et ce fût assez pour lui arracher un sourire de satisfaction.

Mlezziir resta quelques minutes sur cet édredon, pensif, réfléchissant à l’avenir ou plutôt aux avenirs possibles qui s’offriraient à lui. Trois fois hélas, il fut dérangé par le bruissement d’une respiration et le craquement du parquet. L’Elfe à la peau sombre se leva difficilement pour ouvrir la porte peu avant que la source du bruit ne passe devant.

Na’ri en était la source. Cela lui fit plaisir mais aucune émotion ne parvînt à son visage. Il se contenta de poser son regard sur la guérisseuse.

_ Ce n’est pas prudent de vagabonder seule dans une ville grouillant d’assassins... Tu risquerais de leur faire peur.

Cette phrase n’était là que pour meubler.

Le froid.

C'était assez récent et pourtant elle connaissait le froid. Elle savait à quel point il pouvait mordre et blesser. Dans ses chairs, il s'y était inscrit. Sinueux, lisse et implacable. Ce n'était qu'une brulure. Certains diront une de plus. Et pourtant…
Le feu aussi, elle connaissait. Le feu des déserts, le feu des piments, le feu des flammes et le feu magique. Mais la blessure par le feu, contrairement à celle du froid, ne l'avait pas dû tout rendu plus sensible à l'élément.

Il y avait de cela plus de cent jours que la prêtresse avait reçu un manteau avec la notification que le temps n'était pas clément. Et c'était peu dire… Une main de basalte sortit de la chaude doublure pour réajuster le châle en soie noire sur les épaules.

La marche forcée dans les rues de Thaar ne l'avait pas réchauffé. Bien au contraire. Elle avait appris au marché que les hommes étaient tout aussi fous, voir bien plus que les siens. Des gens étaient morts parce qu'ils avaient travaillé avec… une corporation qui était soit disant à la solde des Eldéens. Comme beaucoup de Vaanis, ces gens n'avaient fait que vivre de leur travail. Ils avaient des connaissances et des compétences qui avaient été reconnue par d'autres personnes. Et ils étaient morts juste pour cela ? Pas tout à fait… juste parce que la Princesse Marchande était aussi la Reine d'Elda.

C'était injuste, puant et répugnant. Même pour une société où tout les moyens étaient bons pour progresser. C'était inutile car il n'y avait rien à y gagner. Juste des mains rougies par de sang et surement un échauffement des esprits. Petits comme des grands. Les affres du hasard avaient fait que la Reine était morte. Thaar ne s'en sortira surement pas grandit par les évènements.

Inquiète, la grande prêtresse de Kiran était revenue les bras chargés de tissus divers à leur hôtel. Shyn'taë était absente alors c'était vers son homologue qu'elle se tourna. La porte s'ouvrit bien assez vite sur une chambre propre mais dont le lit était légèrement dérangé.

Si la médecin n'avait pas autant été si préoccupée, elle aurait rit à la blague d'Ilm'Ryn. Et le pire dans cette histoire était qu'il avait raison. Elle avait une vague conscience qu'elle avait la forme d'un cylindre avec ses nombreuses couches, son éternel turban, son foulard et ses écharpes. Seuls ses yeux de grenat trahissait son origine.

"Puis-je entrer, j'aimerai vous montrer quelque chose. " A ses mots, elle leva légèrement son stock de toiles.

_ Puis-je entrer, j'aimerai vous montrer quelque chose.
_ Je t’en prie, fais.

Le prêtre s’écarte et invite sa collègue à pénétrer dans la pièce. Il referme la porte en bois derrière elle et se retourne. La chambre était petite et comportait peu de mobilier, ce n’était point un lieu digne d’un serviteur des Dieux. Mais c’est ainsi et il ne peut faire autrement sans argent.

_ Je me serais bien excusé de te recevoir dans ce lieu miteux mais j’ai bien peur que ce soit la norme au sein de cette ville archaïque. Ce n’est pas commun de se glisser dans la chambre d’autrui, qui plus est d’un collègue. Que puis-je pour toi ?

Il s’amusa de l’atmosphère qu’il fit consciemment planer sur la conversation. Et d’ailleurs, il se dit qu’il n’était point le seul à penser ainsi. Néanmoins Ilm’Ryn s’efforça de corriger son rictus et s’adossa contre le mur gris-passé en face du lit. Il croisa les bras et pencha la tête sur le côté gauche, attendant que Na’ri lui montre ce qui semblait si important.

Malgré sa relative solitude, Mlezziir n’était pas en manque d’information sur les grands noms du Puy. En partant de ceux-ci, il lui était facile de remonter des pistes et de connaître le passé d’un de ses congénères sans ne jamais l’avoir rencontré. Toutefois, ses connaissances sur Na’ri sont le fruit d’une méthode différente. Sans jamais s’être véritablement impliqué dans la vie de sa communauté, il laissait toutefois traîner une oreille indiscrète au détour d’une conversation. Il la savait peu orthodoxe et compétente mais surtout, il devinait en elle la même passion qui l’anime.

Des discussions à venir, il espère la cerner et peut-être trouver en elle la connaissance qu’il lui manque. Et puis, il ne se voilait point la face, elle était plaisante à regarder.

La Grande prêtresse entra dans la chambre. Des lieux miteux, elle en avait vu et cette chambre n'en faisait pas partie. Frustre, minimaliste, oui. Mais pas encore miteuse : il n'y avait pas plus de puces dans le matelas que sur un prêtre de Leetha. Bien qu'elle n'ait pas encore testé la literie, elle en était certaine. Une intuition.

Soigneusement, elle posa ses trouvailles du jour, une à une, sur le lit. Elle mit de côté une étoffe rouge. Elle était épaisse et rouge. Un rouge vif, plus qu'un rouge sang. Les autres étaient de couleurs différentes du sombre comme du clairs. C'était des lainages, pour avoir bien chaud cet hivers.

"A Sol'dorn nous avons surtout connu le printemps et l'été. Le désert n'était jamais bien loin avec son air lourd et harassant. Tout comme le Puy d'ailleurs. "

La Grande Prêtresse venait de finir de poser sa dernière étoffe. Elle savait que son collègue devait se posé bien des questions au pourquoi du comment, mais elle savait qu'il y avait une vertu qui devait être enseignée : la patience.

"A Naëlis, nos soldats vont d'abord connaitre le froid. Peut être qu'il y aura… comment les humains appellent ça déjà ? La pluie solide et blanche ? " Na'ri pencha la tête sur le côté. Elle portait encore son manteau et ses châles.

" La né… la néné ? Non… La neige ! " Dit elle en oliyan. " Merci."

En défaisant son turban, elle révéla son visage à son collègue. Elle souriait. Puis elle poursuivit lentement son effeuillage. Elle prenait soin ou un plaisir coupable à égrainer ses mots. Graduellement, elle révélait le fils de sa pensée.

" A Naëlis, ils seront plus loin du Puy, plus loin de Sol'Dorn. Ils seront entourés par au mieux des Vaanis neutres, au pire par des Vaanis traîtres. Dans tout les cas ils seront isolés. "

Elle suspendit son geste. En équilibre, l'écharpe en soie d'araignée glissa. Voluptueusement, elle épousa les courbes étouffées de la noirelfe.

" Ilm’ryn Mlezziir ? Rejoindriez vous les forces du Second Ost ? Que pensez-vous de Naëlis ? "

La médecin savait que son collègue était un civile mais peut être que S'arg l'avait appelé. Peut être que son homologue avait envie d'essayer des choses… Et si elle ne le demandait pas, elle ne le saurait jamais.

En ce moment, la plupart des demeures en deçà de son niveau de vie au Puy lui paraissaient miteuses. Beaucoup de choses étaient d’ailleurs « miteuses » à ses yeux. Il pourrait critiquer la moitié du continent qu’il n’aurait pas assez d’une vie pour étaler ses griefs envers le moindre insecte. Mais Na’ri ne releva point ses paroles, se contentant de sortir un tissu à la couleur pétante. Ilm’ryn ne bougea pas, observant l’objet et écoutant sa collègue.

L’Eldéen resta patient. Le seul mouvement venant trahir son visage est le battement de ses cils. Il ne bougea point ses mains, ni sa bouche, fermée. Ses poumons se gonflaient lentement et l’expiration fut encore plus longue. Tout était au ralentit. Il écoutait.

Elle défit son turban révélant son visage et un sourire. C’était un beau visage, un visage calme et serein. Mlezziir aurait pu se sentir à l’aise à ses côtés, elle dégageait une aura complice. Toutefois son jeu si particulier avec les mots le titillait, elle était si longue à amener la chose qu’il en sourirait presque. Presque.

_ Ilm’ryn Mlezziir ? Rejoindriez-vous les forces du Second Ost ? Que pensez-vous de Naëlis ?

C’était donc ça. Traîné hors de chez lui, hors de son laboratoire et loin de ses expériences dans un voyage qui n’était pas le sien pour rejoindre une guerre. Une guerre par Uriz. Il laissa le silence s’installer. Quelques secondes tout au plus, assez pour mettre ses idées en ordre et préparer sa réponse. Une fois prêt, il leva les yeux au ciel et se mit à faire un pas, puis le suivant et ainsi de suite. Alliant le geste à la parole, il répondit à son interlocutrice.

_ Une ville. Entourée d’Elfes, d’Hommes et d’eau. Une ville à des ennéades de nos frontières. Une ville intenable. Voilà ce que j’en pense.

Il s’était déplacé jusque derrière elle, de l’autre coté du lit en marchant lentement, par grands pas, les mains croisées dans le dos. Puis il s’arrêta, pivota et se remis en marche tout aussi lentement.

_ Une guerre alors. Vous marcheriez à travers le désert d’abord, puis vous traverserez les terres thaaries et les Sept Monts pour enfin poser le siège devant Naelis ? Encerclés de toutes parts ? Devrais-je prendre part à une telle… aventure…? Selon toi ?

Il s’arrêta devant elle cette fois. La dominant de sa taille, il posa un index sous son menton pour l’encourager à lever les yeux pour croiser son regard doré. Le visage grave du mage mua en un rictus farceur qui soulignait l’ironie de sa question.

_ Ai-je tort ?

Certains d’être dans le vrai, il entretenait une curiosité malsaine à voir comment Na’ri saurait le convaincre de participer à cette folle aventure qu’il venait de décrire avec un réalisme et un pragmatisme froid.

C'était enfin au tour du sombre de prendre la parole, alors seuls ses doigts de la daëdhelle s'agitèrent et poursuivirent le déshabillage. Il fallait dire que la couche de vêtements, si elle était protectrice, elle n'en était pas moins contraignante. Et normalement, l'auberge était chauffée.

Les oreilles effilées de la médecin suivaient approximativement les mouvements de son collaborateur. Elle voulait tout entendre, si ce n'est plus. Mais quand elle sentit le contact d'Ilm'ryn sur son menton, elle tressaillit légèrement. C'était avec étonnement qu'elle constata que la main était douce. Le soignant, ne s'entrainait pas plus que cela avec une arme qui pouvait tanner la peau et former des cales. Non, il n'irait jamais sur le front. Ce n'était pas sa place. Qu'avait elle crû ?

Docilement, elle se laissa remonter le menton et croisa le regard d'or. Le sourire perdit de son éclat tandis qu'une boule au ventre se forma. Deux yeux d'or… deux yeux jaunes. Jaune de colère, jaune d'excitation…

Alors, elle ria jaune. Il n'allait pas s'en sortir comme ça.

" Je n'aurait qu'un seul argument et je doute qu'il fonctionne. Pour le défit. Relevez le défit et laissez le regard du Père se poser sur vous. Peut être qu'il vous accordera le Nahali. "

Elle prit délicatement la trop douce main dans la sienne. Son regard de grenat était encore dans l'or. Les paillettes d’argent de l'œil gauche avait des reflets glacials.

" Mais puisque que vous n’avez nulle envie des étoffes pour un manteau chaud pour cet hiver, laissez moi vous présenter un autre toile… "

Lentement, elle promena les doigts sur le tissus rêche et usé de la robe de Kiran. Ses doigts la frôlèrent plus qu'ils ne la caressèrent. Arrivés aux niveau des hanches, ils furent libérés. Si délivrés de l'emprise de la noirelfe, ils reprennent leur vagabondage, ils trouveront des rondeurs suspectes. Mais si la magie est utilisée, elle signalera des êtres vivants. Vivants et en forme. Vivants et capable de donner la mort.

" Venez avec moi à Sol'Dorn pour travailler dessus. "

Le sourire reprit de son éclat : il était devenu mutin.

_ Je n'aurais qu'un seul argument et je doute qu'il fonctionne. Pour le défi. Relevez le défi et laissez le regard du Père se poser sur vous. Peut-être qu'il vous accordera le Nahali.
_ Il m’est arrivé de me battre et de soigner sur la ligne de front. Fût un temps. Aujourd’hui j’aspire à quelque chose de plus grand… Et puis… Je suis excessivement mauvais une arme à la main, ma caresse est plus mortelle qu’un carreau d’arbalète.

C’était bien évidemment faux, il n’était pas excessivement mauvais. Il était seulement mauvais. Ou très moyen en fonction de l’évaluateur. Ses arcanes lui permettent d’accroître sa force et sans aller jusque-là, le médecin sait comment tuer sans avoir à bouger le petit doigt. Malgré cela, il ne comptait pas prendre le risque de mourir, ni même rechercher l’œil du Père. Son destin est tout autre, Ilm’ryn croit en ses travaux et ceux-ci sont plus importants que son avenir après la Mort. C’est peut-être un sacrifice nécessaire à ses yeux.

Elle prit délicatement la main dans la sienne et la guida sous le regard inexpressif du mâle. Le visage de Na’ri trahissait un engouement pour quelque chose… quelque chose qui ne tardera pas à être découvert.

_ Mais puisque que vous n’avez nulle envie des étoffes pour un manteau chaud pour cet hiver, laissez-moi vous présenter une autre toile…

Ce quelque chose ne fut rien… au commencement du moins. Rien d’intéressant. Puis l’arcaniste sentit la chose, leurs mouvements, leur vie et leur composition. Une sensation, un picotement, quelque chose qu’il connaissait peu finalement. Sa collègue le prit par surprise.

_ Venez avec moi à Sol'Dorn pour travailler dessus.

Il les sentait, il les voyait, toutes et tous dans leur nature la plus simple. Il ne put percevoir leurs effets, les données qu’il perçut étaient trop imprécises et impossibles à relier à ses trop faibles connaissances dans le domaine des pathogènes. Son impassibilité se mua en surprise et ses lèvres s’entrouvrirent ; conscient de l’image qu’il renvoya, Mlezziir se reprit et ferma ses yeux quelques secondes pour les rouvrir en alliant un sourire confiant à son regard devenu joueur. Sa main rebroussa chemin pour se poser sur le torse de sa camarade et la fit basculer sur le lit en suivant le geste de tout son corps jusqu’à la surplomber.

_ J’aspire à une chaleur plus agréable que de pathétiques fourrures.

Sa main trouva la joue de la Noirelfe qu’il flatta. Ses doigts glissèrent avec une habileté toute particulière jusqu’à titiller les oreilles. Les faibles lueurs de la lampe s’agitèrent sur leurs corps et projetèrent des ombres sur le mur de la chambre. A l’extérieur, la foule s’était dispersée depuis longtemps et seul le bruit du vent était audible.

_ Combleras-tu mes lacunes en la matière ?

Il laissa la question en suspens, la guérisseuse sera la seule juge de l’interprétation qu’elle donnera à cette question… Et maîtresse de la suite des événements.

Na'ri jouait quand Ilm'ryn restait de marbre. Jusqu'à… ce qu'il sembla comprendre. Alors elle ne dit rien et le laissa découvrir ses rondeurs. Elle avait fini de jouer, elle en était à réfléchir sur les prochaines étapes à venir, sur le travail.

Ce fut par surprise, sans qu'elle n'eut le temps de faire quoi que ce soit, elle était déjà sur le matelas pas si moelleux que cela. Les cheveux éparses veinaient d'argent les étoffes foncées.

_ J’aspire à une chaleur plus agréable que de pathétiques fourrures.

Il était au dessus d'elle et il la flattait de la main. C'était doux. Alors elle ferma un instant les yeux. Milles et une pensées la traversèrent, nombreuses furent celles qui la lacérèrent. Elle eut l'impression d'être une demeure aux fenêtres ouvertes dont le vent s'engouffrait, jouant avec les voiles des rideaux, agitant des bibelots sonores et la traversait de part en part.

Elle n'avait pas bougé, rien dit. Alors son compagnon de voyage poursuivit. Il avait une main posé sur son cou.

_ Combleras-tu mes lacunes en la matière ?

Une phrase. Une question. Un espoir. Un avenir. Un éclair. La pièce venteuse prit une toute autre dimension dans la lumière trop blanche du flash. Elle aussi avait des lacunes. Tant… et qui pour les combler ?

Elle ouvrit les yeux et les plongea dans l'or des prunelles de son vis-à-vis. Elle avait initié le jeu, c'était à elle de le finir… D'un mouvement, elle renversa la situation. C'était au tour du sombre de goûter à l'épaisseur de la couche. A nouveau, son visage était fendu d'un sourire.

Lentement, elle se baissa jusqu'à ce que son nez touche celui du mage. La sombre descendit vers la joue, le caressant et la frôlant du bout de ses lèvres. Voluptueusement, elle prit entre la nacre de ses dents le lobe de l'oreille et le suçota.

"A Sol'Dorn, j'ai dit. " souffla t'elle. " Et j'aurai mes cordes. "

Vivement, elle se redressa et délaissa le lit, son collègue pour réunir toutes les toiles qu'elle avait essaimé dans la petite chambre. Il restait tant à faire.

" Par quoi voudras tu commencé ?"

Il s’était rendu maître du jeu et le voici de nouveau distancé. En quelques gestes précis, Na’ri parvînt à le faire basculer et à renverser la situation. Le mage se retrouva à son tour sur le dos, victime de l’épaisseur de l’édredon. Il pouvait sentir la moindre latte, la moindre boule de laine agresser son échine. Il en était certain, il dormira mal.

Sous l’assaut des incisives de la femelle, il entrouvrit les lèvres et se mit en quête de son dos pour y passer la main. Hélas l’étreinte n’eut le temps de naître que la guérisseuse s’était levée. Vive et sans un mot, elle se détourna et rassembla son barda. Le Sombre se redressa sans pour autant quitter sa position assise. Son index droit vînt chasser une poussière qui s’était lancée à l’assaut de son œil.

_ Par le commencement. Leur effet, leur durée de vie, l’environnement adéquat et leurs limites. J’ai beaucoup lu à propos des agents pathogènes sans jamais n’en avoir manié aucun. Je manque de pratique.

Le Drow se revendiquait comme un puit de science tout bonnement parce qu’il passait ses journées à lire, ce qui ne manquait pas de déranger ses congénères ainsi que ses supérieurs. Malgré sa soif de connaissance, il ne passait que rarement à la pratique, se contentant de fantasmer un champ de possibilités. C’est peut-être dû à son immortalité. Conscient des siècles qui se présenteront à lui, Mlezziir envisage un temps incommensurable devant lui, un temps précieux mais infini. Et en une infinité d’années, on a bien le temps de passer à la pratique.

_ Quelle sera leur cible ?

Il n’avait pas bougé. Ses pieds ancrés au sol, son séant sur le matelas, il la suivait du regard. Perplexe. Les possibilités étaient immenses et il hésitait à y croire.

Alors qu'elle cherchait ses tissus, dans son dos, la voix d'Ilm'ryn s'éleva.

"Par le commencement. Leur effet, leur durée de vie, l’environnement adéquat et leurs limites. J’ai beaucoup lu à propos des agents pathogènes sans jamais n’en avoir manié aucun. Je manque de pratique. "

Un fin sourire étira les lèvres de la médecin. Elle posa des tissus au sol et elle s'assit dessus.

- Il était une fois, cela doit faire déjà quelques année mais pas encore un siècle. C'était un temps où …"

La sombre contait son histoire, apportait des détails historiques, biologiques, tandis que le soignant écoutait. Elle avait posé sur ses genoux l'étoffe rouge. Ses doigts caressaient le drap, presque amoureusement tandis que son visage était calme et serein.

" Mes Orbb'aphyon, je les alimente simplement avec du sang. Elles semblent aimer cela. Comme les Dieux."

Ce n'était pas blasphémateur, ou du moins elle n'en avait pas l'impression. En effet, un bon nombre de sacrifices pour les Dieux, Uriz le premier, demandait du sang. Ce n'était pas précisé qu'il fallait le sien ou celui d'un autre. Tout comme l'origine du sang que donnait la prêtresse à ses pathogènes.

" Et pour les manier, il suffit de respecter tout un nombre de règles. Déjà les gestes barrières, avant et après leur manipulation. Cela vous parle bien j'espère ? Et après c'est surtout du bon sens : ne pas manger, ne pas boire, ne pas fumer, ne pas inhaler, ne pas aimer, ne pas s'inoculer, signaler tout accidents, manquements, ou constatation de symptômes inhabituels, pour soit et ceux qui sont assez proches au moment de la manipulation. Idéalement, il faut travailler à côté d'une flamme. Sinon, avec de la magie, il faut veiller a ce qu'il n'y ait pas d'autres pathogènes qui prennent le dessus dans la fiole. "

La medecin haussa ses épaules.

" C'est assez simple finalement."

Elle attendait les questions suivantes, qui, elle le savait viendrait inexorablement.

Elle expliquait bien et il s’était tu durant toute la longueur de l’exposé. Sans ne rien laisser paraître, Ilm’ryn analysa le moindre mot, le moindre effet, la moindre supputation sans jamais perturber la réflexion de sa collègue. En revanche la Sombre ne put cacher le pétillement dans son regard. Lancer une épidémie sur la surface de Miradelphia est un rêve qu’il caresse depuis bien des années mais ayant une vie fort longue devant lui, le prêtre n’a jamais cherché à se presser ni à se faire mal dans ses recherches. Selon lui, chaque domaine doit être correctement maîtrisé avant de passer au suivant, en ce sens le religieux a toujours su se contenter de ses travaux plastiques sans pour autant brider sa curiosité dans d’autres domaines.

La dernière phrase de Na’ri fit sourire le Noirelfe.
Simple.
Tout est simple quand on connaît les rouages. Faire disparaître ou apparaître une tumeur est si simple pour lui. Il pourrait amener l’aubergiste au trépas en une nuit sans qu’il ne s’en rende compte. Les pathogènes, il connaît, il a lu. Beaucoup. Mais la lecture ne suffit pas, il faut pratiquer pour apprendre à sentir la Vie et la Mort.

L’opportunité qui se présentait au prêtre était unique et pleine de promesses, tellement qu’il se mit à appréhender la chose ce qui se traduisit par un silence pesant dans la pièce. Il resta là, sans bouger, Na’ri s’occupait dans son coin et l’on aurait pu croire si le contexte nous était inconnu, à une fin de dispute de couple. Finalement, il parla.

_ Très bien. Semons la Mort.

C’est tout ce qu’il dit. Et c’était déjà bien assez.

» [Velmonè] Nous nous sommes déjà rencontrées... [pv Angelina]
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