L'Hallali blanche

Il existait autant de vallons que de sommets dans cette partie là du monde.

Pour le profane, les sentes qui menaient entres les cimes n'existaient tout simplement pas : il fallait disposer d'un œil d'initié pour en discerner les courbures, les penterolles et les accès. Même ceux étant née sous-la-terre et se clamant fils du Père, même ceux la pouvaient sans douter s'égarer et aller jusqu'à en perdre la vie ; la faim, le froid, la soif, la violence et l'acier, une diversité de causes pouvant chacune éteindre la braise.

Et pourtant, il existait un danger plus grand que les autres dans cette partie là du monde.

Dans le val que ses habitants surnommaient Zorn Uzkul, s'égayaient une bête parmi les bête, un monstre parmi les monstres. Chef des Ghulaskazal, il faisait régner la peur et l’effroi dans le cœur des quelques maraudeurs osant encore mettre un pied sur le Kadrinin. On murmurait son nom à basse-voix, craignant que le dire trop haut ferait vibrer un écho qui se propagerait jusqu'à ses esgourdes.

Aucune personne à l'esprit pur ne souhaiterait sa compagnie en cette partie ci du monde.

Le Profane-Braise n'était pas un nain recommandable, à dire vrai, était t'il encore véritablement un nain ? Alors qu'il observait l'horizon à travers les yeux morts et tannés de sa première victime, Mhardûm n'avait qu'une question qui lui résonnait dans la caboche : comment pourrait t'il glorifier le Père-Créateur ?
Car avec l'arrivée de l'hiver, les visiteurs c'étaient fait rare, trop rare.
Aucuns non-élus ne marchaient plus dans ces coins ci du monde, et cela était problématique. Pour sûr il aurait put entamer une énième attaque contre les Os-Rouge ou les Fendeur-de-Tronc, mais à quoi bon tuer de bons croyants ? Le défi, sans doute, la gloire, peut être, mais pour quelle réalisation ? Non, il fallait du sang neuf.

Alpaguant un barbu qu'il connaissait bien d'un signe de la main, sa voix rauque résonna.

« Kashir.»
« Aya Chef. Quoi qui a Chef ? »
« Toi voir au loin, en bas ? »
« Nai Chef. Trop de blanche. Qu'on voit pas. »
« Aya Kashir. Ici neige beaucoup, en bas aussi. »

Kashir ne répondit pas, se contentant d'un long grognement.

« Eux pas vivre dehors. Eux rester chez eux. Eux comme taupes. »
« Taupes Chef ? »
« Aya. Nous fort. Nous partir. Nous creuser dans leurs terriers et manger. Sonne corne Kashir, sonne. Nous bientôt festoyer. »

Alors Kashir comprit et ricana d'un rire gras. Mardhûm le suivit, se claqua la cuisse d'une tape sèche et resserra son ceinturon. Le poids familier de sa fidèle lame se fit sentir dans son dos et lui apporta grand réconfort. Mais pas aussi grand que la pensée futur de faire couler le sang.