Entre une grâce et une garce il n'y a qu'une lettre de rupture.

Arkuisa de la quatrième ennéade de verimios 17 : XI

Le Karliik Glenn et son escorte arrivèrent à Thaar après avoir finalement rencontré la bonne caravane, celle qui conduisait Ascanio jusqu’à Sol’Dorn mais une fois dans cette grande cité, ils se mirent en quête d’un endroit où passer leur séjour ; si quelques endroits auraient bien fait l’affaire, le souci était que le tenancier ne parlait pas l’eldéen que qu’aucun des soldats ne parlaient l’oliyan ce qui gênait grandement pour la communication. Une fois un établissement tenu par un doeben qui comprenait la langue de ses ancêtres, ils purent finalement s’arrêter pour se reposer après avoir passé l’après-midi à arpenter les rues de Thaar. Le lendemain Kerath laissa son armure et son arme dans sa chambre, étant habillé que d’une tunique et d’un pantalon noir ainsi que de son anneau qui pendant comme toujours à son cou, il partit en direction du Joyau, accompagné par quatre gardes draconniques tandis que le cinquième s’en était allé chercher un interprète. Lorsqu’il sortit du palais il retourna à l’auberge qu’ils avaient occupés pour écrire un courrier que le traducteur répondant au doux nom d’Ayub entreprit de traduire en oliyan, sous la dictée du général. Le polyglotte préférant parfois éviter une traduction littérale, la pensée du colosse ne fut pas couchée sur le papier comme elle passait ses lèvres mais le demi-drow qui tenait la plume savait qu’un peu de paraphrase n’avait jamais tué personne.

A Salfaryl Braamylisson.

Je suis arrivé à Thaar hier et j’aimerais vous rencontrer, contrairement à d’autres je ne suis pas rancunier et j’ai quelques questions à vous poser. J’espère recevoir une réponse de votre part dans les plus brefs délais afin de fixer une date et un lieu pour le rendez-vous.

Puisse le Juste tourner son regard vers vous,
Sagar Ni’Styx.

Le soldat chargé de transmettre le pli s’arrêta devant les Milles Caves pour descendre de sa monture et tendre ce qu’on pourrait appeler une lettre avec de l’humour à un garde. Il fallait dire que Kerath était quelqu’un de laconique et au vu de la longueur du message le garde draconnique attendit qu’on vienne lui donner la réponse du maître des lieux.

Aux Mille-Caves, l'émissaire noiraud était tombé sur porte close.

On avait réceptionné le vélin par un petit orifice, à peine assez grand pour y passer une paluche, une lorgnette en somme. Une voix rauque avait crachoté un « Patientez. » loin d'être sympathique et qui avait sans point douter, du faire attendre le messager quelques longues, très longues, très très longues minutes, accoudés devant l'entrée.
Peut être avait t'il voulut tourner bride mille fois, peut être avait t'il penser qu'on essayait de le faire mourir d'ennui en scrutant quelques fresques égayant les épais murs de pierres, peut être croyait t'il tout simplement qu'on se foutait de lui ?
Ces réponses ne vinrent pas, mais la réponse elle aussi sèche qu'un vent du sud.

« Qui qu'soit votre Sagar, on l'connait pas ici. Allez vous en. »

Taz’Endrar s’adossa rapidement à l’un des murs après avoir délivré son message pour regarder les fresques sur l’autre mur, celui qui lui faisait face. Après un certain temps il regarda son cheval qui, lui aussi, semblait s’ennuyer ferme. Surtout qu’il n’avait même pas quelques brins d’herbes à engloutir. Le garde draconnique lançait des regards à la porte à intervalles réguliers, entre deux observations des locaux qui déambulaient dans les rues adjacentes.

« Par Kiel qu’est-ce qu’ils foutent là-d’dans? » Grommela-t-il dans sa barbe qu’il n’avait pas en lançant un énième regard à la grande porte qui, comme si la Maîtresse des Souffrances n’avait attendu qu’un appel pour exaucer le souhait de l’eldéen, s’anima. La fente s’ouvrit à nouveau et la réponse fit rire le soldat. « Z’inquiétez pas, vous allez bientôt le connaître. »

Le soldat attrapa la selle de sa monture et après avoir placé un pied dans l’étrier se hissa sur le dos de sa jument d’un coup sec avant de repartir sans rien ajouter. Une fois de retour à l’auberge, Taz’Endar se joignit à ses compagnons, attablés autour d’un gobelet de shyk’na ou de zat’kyr.

« Ou est passé Shi’niira? » Demanda le nouveau venu en s’asseyant, observant ses camarades jouer aux osselets.
« Elle est partie à la recherche d’un temple d’Isten. » Phyxdorl, à moitié affalé sur sa chaise, grattait distraitement son félin à pointe, couché à ses pieds, derrière les oreilles alors qu’il buvait.
« Elle n’avait qu’à demander. » Répondit Taz’Endar avec un sourire moqueur. « Et Sagar ? »
« Temple de Meingal. » Expliqua Lirdnol’Sorn en récupérant de justesse un petit os sur le dos de sa main, sa langue sortant légèrement d’entre ses lèvres closes.

C’était en effet la première chose qu’il avait cherché après avoir terminé sa lettre et il avait insisté pour le trouver seul. Si Shi’niira avait bien tenté de le suivre, prétextant qu’elle voulait aussi prier le Juste, le général avait refusé qu’elle vienne avec lui. Lorsqu’il revint, une heure après le retour de Taz’Endar, Murrpau sur ses talons, les soldats se levèrent tous ; Lirdnol’Sorn laissa son regard attristé suivre l’osselet qu’il n’avait pas pu rattraper à cause de l’apparition de son supérieur tandis que Phyxdorl dût retenir un sourire satisfait, il venait de gagner la partie. Les autres clients regardèrent la scène pendant quelques instants avant de retourner à leurs discussions et autres activités. Une fois arrivé au niveau de la table, Kerath leur fit signe de repos et ils s’assirent à nouveau.

« Quelle réponse des Milles-Caves? »
« Ils dissent qu’ils te connaissent pas, ce qui n’est pas très étonnant si tu veux mon avis. »
« Certes… » il regarda un instant la table, les gobelets vides et les souverains qui quittaient les mains de Lirdnol’Sorn pour passer dans celles de Phyxdorl. « Venez avec moi. »

Le général se leva pour se diriger vers sa chambre et son escorte l’aida à enfiler son armure, faute de la présence de ses esclaves. Dans son armure noire et avec Elrie en main, il demanda au tenancier de l’établissement de prévenir Shi’niira de rester ici durant leur absence si jamais elle revenait avant de partir à nouveau pour les Milles-Caves. Sur son félin à pointe, et accompagné de ses quatre gardes draconniques, le général se présenta en personne à la porte du bastion nain, son anneau d’onyx caché sous son plastron.

Alors, arrive l'instant ou quelqu'un reçut une synthèse, un résumé précis des actes, des noms et des savoirs de la tramerie qui se jouait à Thaar. Quand ce quelqu'un fut prêt, il relaya le tout à ceux qui avaient la confiance du Maître et quand ces derniers se décidèrent à leurs tours, ils en firent part à la braise damnée du palais qui enfin, se permit de déranger le Sombre.
Jhaartok fit un  rapport détaillé, il susurra, monta, arrangea et structura un compte rendu clair et pragmatique des évènements : son interprétation ne laissait place à aucuns sentiments, aucunes demi-mesures et aucunes déformations.
Après cela, Salfaryl décida de se mettre en route. On fit apporter un palanquin énorme, ornée des tissus les plus luxueux, des boiseries les mieux gravées et des coussins les plus molletonnés qui existe. Mais par dessus tout, cette litière possédait la particularité d'un double toit de tenture lourde conférant à son utilisateur, une fraîcheur notable même pas grand soleil.
De lourdes jarres d'eau prirent place dans des sarcophages de terre cuite comblé de galet refroidis et on apporta moult herbes et tout autant de hook.
Manifestement, l'escorte se préparait à une longue, longue discussion.

Accompagné d'une foule de servants et de porteurs d'on le front se trouvait ceint d'un chapeau de roseau à large bord les protégeant des rayons du Zharrat, le Maître des Caves se rendit par delà l'hôte qui patientait toujours devant des portes closes.
Prenant la sente du chemin de ronde, Salfaryl s'arrêta en face de la délégation noiraude, mais bien loin au dessus au niveau du parapet. Bien que nain, il dominait les drows de plusieurs mètres, confortablement retranché entre les tentures de son palanquin.
Appréciant le petit silence qui s'installa à son arrivée, il prit un temps non négligeable à bourrer son brûle-gueule et à le faire crachoter. De loin, on aurait put croire à une maison mouvante d'on le feu aurait dépassé le foyer pour se répandre aux meubles.
Malgré la distance, c'est une voix forte qui résonna jusqu'aux esgourdes pointues qui patientaient en contre bas.

« Voilà que ceux de l'Elda décide de quitter leur somptueuse demeure. Tu es bien loin de ton Vatna natal, Karliik Glenn. Sagar Ni'styx, Kerath'Elghinn, ou quel que soit ton réel nom, me voici à ta rencontre pour répondre à tes questions. Parle tu as mon attention, mais fait vite, mon temps se veut plus que précieux. »

Le ton se voulait aussi cassant que la scène s'en trouvait cocasse. Pourtant, la  seule présence du plus fidèle ennemi de la race drow en ces contrées dénotait de la certaine concession de l'instant.

Taz’Endrar grinçait des dents alors qu’il devait attendre, encore une fois, devant la porte. La première fois avait été suffisante. Après quelques minutes il lança un coup d’œil à Lirdnol’Sorn sur qui il pouvait toujours compter pour avoir une patience digne de celle d’un morgal. En effet le soldat hyperactif commençait déjà à triturer le pommeau de son épée en marchant d’une fresque à l’autre sans vraiment prendre le temps de les regarder.

« Hé Lir’, tu comptes t’en servir? » Taz’Endar désigna l’épée d’un geste du menton et la question arrêta sur place le concerné qui se retourna brusquement.
« Peut-être... » les deux gardes draconniques lancèrent un regard à Kerath. Ce dernier, les bras croisés, observait le manège de Lirdnol’Sorn depuis un moment en gratouillant la gorge de Murrpau. Il répondit par un simple haussement d’épaule. Sans se faire prier, l’hyperactif dégaina. Phyxdorl poussa un soupir de soulagement, jusque-là adossé à un mur, les allers-retours constants de Lirdnol’Sorn commençaient à lui donner le tournis et, même s’il le cachait mieux que ses camarades, il commençait aussi à mourir d’ennui. « Aller approches. »

Taz’Endar dégaina ses deux lames avant de faire des moulinets avec pour se chauffer les poignets tandis que son adversaire soulevait son bouclier et les deux soldats n’attendirent pas longtemps avant de se jeter l’un sur l’autre sous le regard amusé de leurs camarades et supérieur. Le son des chocs métalliques et du raclement des épées les unes sur les autres arrêta des passants les eldéens s’en moquèrent éperdument, continuant d’observer le combat.

« Tu veux parier? » Kerath tourna la tête pour regarder Phyxdorl qui avait toujours les yeux rivés sur ses camarades.
« Combien? »
« Quinze sur Taz’. »
« Je suis. » Répondit-il après une poignée de secondes.

Murrpau, qui observait également le combat, remarqua avant son maître qu’Ayub voulait lui parler. Le traducteur tentait d’attirer l’attention du Karliik Glenn sans vouloir le déranger et, par conséquent échoua piteusement. Le traducteur tenta bien de se racler la gorge mais le son fut couvert pas le combat. Murrpau se dirigea alors vers lui et il recula devant l’animal mais le mouvement du félin à pointe attira l’attention de Kerath qui lança un regard dans la direction du vaani qui, à son tour, pointa le parapet où se tenait Salfaryl. Le colosse se retourna alors en faisant signe au polyglotte de venir plus près. Faisant alors le tour de l’animal, s’assurant d’être aussi loin que possible de lui, Ayub arriva finalement aux côtés du général tandis que les deux soldats échangeaient une dernière passe d’arme avant de finalement s’arrêter. L’interprète entreprit alors de traduire ce qu’avait dit le nain et la réponse de Kerath le fit presque s’étouffer ; on ne lui avait pas dit, en l’embauchant qu’il aurait à parler à des princes marchands et devoir paraphraser ce que disait l’eldéen pouvait s’avérer difficile. L’humain se racla la gorge avant de prendre la parole

« Il demande où et quand vous voulez vous rencontrer… attablés, pour discuter. »