La perle d'occident [Natael]

Port de Thaar
3ieme enneade de Karfias, an 18, XIeme cycle

C'était un navire comme les autres.
Ni trop vieux, ni trop jeune.
Ni trop entretenu, ni trop délaissé.
Ni trop gros, ni trop petit.

Il s'appelait "la perle blanche", et selon la capitainerie du port de Thaar, assurait des liaisons régulières de marchandise et de personnes entre Thaar et Langehack ainsi que tous les gros ports situés entre deux. Ce n'était pas un navire rapide. On l'avait conçu dans les chantiers navals d'Ithri'vaan avant tout pour accomplir sa mission en générant le maximum de profit pour son propriétaire, et cela sans aller par le fond pour autant, car mourir noyé n'était jamais bon pour les affaires. Malheureusement, c'était à l'époque où les dragons n'avaient pas encore pris possession de Nelen. On l'avait conçu pour la haute mer, et voilà qu'il était réduit à faire des sauts de puce le long des cotes.

Dure la vie de navire ces temps-ci.

D'après les informations de Natael, la perle blanche avait embarqué deux adolescentes à Langehack comme passagères. Une blonde et une rousse. Les marins s'en souvenaient car elles avait fait tourné quelques têtes un peu imbibé, que la rousse avait alors terrassé. Ce n'était pas le genre de trucs qu'on oubliait. Il avait même entendu que ce devait être quelque créature surnaturelle. Impossible qu'une jeune fille puisse corriger un mâle.

Pourtant, le capitaine de la Perle avait apparement accepté les arcamites créatures à son bord. Il fallait dire que c'était un Vaani.

Et ce fut ainsi que Natael se trouva ce jour-là à arpenter la passerelle qui reliait la Perle blanche au ponton à laquelle elle était amarré. Personne à bord ne lui préta grande attention, du moins jusqu'à ce qu'il demande à voir le capitaine.

Installé dans la cabine qui occupait une grande partie du chapiteau arrière, c'était un homme entre deux âges, présentement occupé à écrire sur un feuillet de papier. Le bureau auquel il était assis était occupé par une grande carte, sur laquelle son regard se posait à intervalle régulier. Dans l'ensemble, la cabine, impeccablement rangée, dégageait une atmosphère de rigueur et d'attention rassurante.

- Foutus drows, elfes, tous autant qu'ils sont... Je peux faire quelque chose pour vous? Si c'est pour acheminer des marchandises à Naelis, sachez que c'est triple du prix,payé d'avance, et aucune garantie de reussite, seulement de moyen.

Natael n'était pas le moins du monde fatigué par ce voyage. L'air marin et la houle constante ne le perturbaient plus depuis longtemps. Il était donc frais et dispo alors qu'il grimpait sur le navire qu'on lui avait indiqué. Mine de rien, sa petite enquête lui avait appris quelques petites choses sur les Termer. Jusqu'alors, tout ce qu'il savait, c'était que l'une était très belle et que l'autre avait du caractère. D'après ce qu'il avait entendu, tout était vrai et même en deçà de la réalité. Elles avaient envoûté les marins par leurs minois et celle aux cheveux roux avait calmé les ardeurs de plus d'un mâle. Peu d'adolescentes étaient capables d'en faire autant et il n'avait pu retenir un sourire en coin, amusé par la vision d'une jeune fille mettant un homme affamé au pas. Une vision qui était loin de lui déplaire d'ailleurs, contrairement à bon nombre de nobles.

La perle blanche était une vraie passoire. N'importe qui pouvait y monter sans que personne ne vous arrête. Il avait l'impression d'être entré dans une maison sans avoir frappé avant et d'être aussi ignoré qu'un fantôme. Il lui fallut demander la position du Capitaine pour qu'on le remarque puis il partit sans demander son reste. A l'intérieur de la cabine, l'ambiance était un peu différente. Il y avait une certaine rigueur dans cette pièce, il pouvait donc espérer que l'homme qui lui faisait dorénavant face avait un minimum d'honneur.

-Je n'ai aucune marchandise à transporter. Dit-il en achevant de parcourir les lieux du regard avant de poser ses iris grises et froides sur le marin. Je cherche des informations, au sujet de deux jeunes filles que vous avez conduites jusqu'ici depuis Langehack. On m'a demandé de les ramener chez elles.

Le jeune d'Orman avait parfaitement conscience que même les informations se monnayaient parfois. Aussi s'attendait-il à ce que le Capitaine lui demande rétribution et avait-il d'ores et déjà prévu ce qu'il fallait pour le payer. Sa veste dissimulait une petite bourse contenant suffisamment d'argent pour ce qu'il demandait. Mais pas question de payer de suite, des fois que l'homme devant lui ne soit pas tel qu'il se l'imaginait.