Un paradis loin des chuchotements [Zofia & Natael]

Barkios, deuxième mois de printemps
An 18 du XIe Cycle

Le deuxième mois de printemps avait fait fondre ce qu’il restait de la neige qui tapissait jusque-là tout Langehack, rendant les températures plus clémentes et ayant fait éclore les derniers bourgeons. La nature se réveillant enfin, Zofia voulait profiter de cette verdure, mais pas seule. Cela faisait déjà une ennéade et quelques jours qu’elle n’a pu voir Natael et encore moins goûter à ses baisers. Leur dernière rencontre avait été dans un cadre très inattendu pour la prêtresse et beaucoup plus...formel. Prudente, Dame d’Orman avait exigé que son fils et Zofia continuent leur tradition de prendre leur petit-déjeuner, mais dans les jardins de sa demeure. Si la Dame de la maison avait été polie, le regard scrutateur et la froideur avec laquelle elle avait accueilli la prêtresse avait créé une énorme boule dans son ventre dont elle avait eu du mal à se débarrasser tout le long de son goûter avec Natael. Sans ruiner leur matinée, la prêtresse avait sans doute semblé un peu moins naturelle et détendue. Les jours suivants avaient donc été difficiles pour Zofia, qui s’était acquittée de ses tâches au monastère avec difficulté et distraction, incapable de faire taire cette culpabilité qui la rongeait. C’était sans compter cette façon dont Père Lambert et Célestin la fixait, comme s’ils sentaient que quelque chose n’allait pas et mettant sans qu’ils ne le veuillent une pression sur ses épaules qui l’a poussait à se montrer plus distante.

Et puis, la prêtresse s’est réveillée un matin, fatiguée de s’en vouloir et désireuse de revoir Natael plus que tout.

Son présent pour son amant maintenant terminé et ayant demandé l’approbation à Père Lambert pour quelques jours de répit, la prêtresse lui a donc écrit, lui proposant qu’ils se rencontrent dans un hameau qu’elle connaît bien, à quelques heures à cheval de Chiard. Zofia avait donc pris soin la veille de terminer ses tâches et de s’assurer que les blessés et malades au monastère ne manquaient de rien avant de prendre la route, espérant que Natael puisse venir la rejoindre bien vite. Le lendemain, Zofia s’était empressée de se coiffer et d’enfiler une de ses seules jolies robes d’occasion, comme elle l’avait promit à son amant, juste au cas où il viendrait la retrouver près de la rivière qui traversait le hameau; d’une main habile, Zofia avait dessiné des indications sur la lettre pour que le vitaliste puisse trouver ce chemin secret qui le mènerait jusqu’à elle. Elle seule connaît cet endroit. Pas même Anselm n’y a déjà mit les pieds. Elle a découvert cette petite retraite il y a de cela une année, alors qu’elle traversait une dure période de sa vie. Depuis, elle y revient à chaque fois qu’elle sent le besoin de se retrouver seule ou qu’un tracas la secoue.

Aujourd’hui toutefois, Zofia veut partager son havre de paix avec Natael, loin de Chiard et des chuchotements qui se disent dans leur dos.

Empoignant son panier, elle était ensuite sortie de l’auberge où elle résidait pour les trois prochains jours et s’était arrêtée à une boulangerie pour acheter ce qu’il fallait pour un petit-déjeuner.

Maintenant en retrait et assise le dos contre un arbre, Zofia lit en silence, bercé par le son de la rivière et le chant des oiseaux, mais jetant parfois un coup d’œil sur les buissons qui entourent ce discret coin de paradis. Avant de s’installer pour lire, elle avait déjà étalé sur l’herbe parsemée de fleurs sauvages une couverture. Elle avait aussi posé le panier de nourriture dessus, espérant pouvoir partager le tout avec Natael dès ce matin.

Natael avance rapidement. Le message, il l'a bien réceptionné et s'est empêché de l'ouvrir sous le regard suspicieux de sa mère qui se tenait juste à côté à ce moment-là. Il commençait à craindre qu'elle se mêle de plus en plus de sa relation avec Zofia. Elle avait bien commencé en changeant le lieu de leur rendez-vous, troquant le discret petit salon contre un jardin certes fort agréable en cette saison mais qui avait empêché toute forme de rapprochement entre eux.

Les ennéades s'écoulent depuis son retour mais elles lui sont trop longues. C'est à peine si les deux amants se sont vus. Ils n'ont pu se toucher que pour se saluer poliment et de manière tout à fait officielle. Pourtant, les Dieux savent ce dont il meurt d'envie à chaque fois qu'il la voit... Au début, il voulait juste caresser sa joue... Puis il commença à avoir envie de l'enlacer... l'embrasser... l'embraser... Et pendant ce temps, sa mère avait commencé à se renseigner sur les jeunes filles à marier des environs...
Partager entre devoir et désir, les journées deviennent pénibles pour le vitaliste qui apprécie d'autant plus l'idée de prendre l'air. Alors, il prépare son sac et s'en va dès le lendemain, prétextant vouloir aller rendre visite à son neveu à Missède. Eulalie a pesté contre son fils alors qu'elle tente de lui trouver une nouvelle fiancée mais elle ne peut décemment pas l'en empêcher.

C'est donc relativement tard que les sabots du cheval de Natael se font entendre sur le petit chemin indiqué sur le plan. Il n'est pas encore midi mais il n'a pu faire mieux en arrivant directement de Chiard. Alors qu'il progresse au milieu de la verdure, il finit par apercevoir quelque chose qui n'a pas sa place dans ce paysage. Il presse légèrement le pas et comprend bien vite qu'il est arrivé. Entre les feuillages des arbres alentours, il distingue enfin la silhouette de la jeune femme.
Arrivé à proximité, il descend de selle et s'avance aussitôt vers elle d'un pas rapide. Sur les derniers mètres, il trottine pour achever de la rejoindre. Une fois à sa hauteur, un bras passe dans son dos et l'enserre, une main se pose sur sa mâchoire et ses lèvres trouvent les siennes. Il l'embrasse, avec tendresse mais aussi désir. Il s'était fait une joie de partager un moment d'intimité avec elle pour leur petit déjeuner. Il avait tellement hâte de pouvoir combler ce silence émotionnel qu'avait dû subir leur relation et... rien. Contraints de garder leurs distances, ils n'étaient pas restés ensemble aussi longtemps qu'à l'accoutumée. C'était trop difficile...

Cette fois, il n'y a personne pour venir les interrompre. Il n'y a personne pour les épier. Il n'y a qu'eux au milieu de nulle part. Alors il l'embrasse avec envie alors que le manque lui tenaille les entrailles, ses mains partants à la redécouverte de ce corps qu'il n'a plus pu toucher durant tout ce temps.

-J'ai tellement envie de toi... Parvient-il finalement à murmurer, le souffle court alors que son corps est collé à elle et que le désir a pris place en son ventre.

Il ne s'attend pas à ce qu'elle dise oui. D'ailleurs, ce n'est même pas une requête. Il exprime simplement ce qu'il ressent après tout ce temps passé si loin d'elle. Il lui faudrait au moins cela pour combler ce manque mais il saurait aussi se contenter de leurs baisers et de leurs étreintes. Ce serait plus long... mais tout aussi efficace.

Lorsqu’elle voit Natael surgir des buissons, le visage de la prêtresse s’illumine aussitôt. Son livre s’écrase au sol et ses bras ne tardent pas à accueillir l’étreinte de son amant, profitant de son long baiser et de ses mains déjà avides sur son corps. Son souffle chaud et haletant sur son visage lui arrache des frissons et la prêtresse sent son cœur s’accélérer dès qu’il lui murmure combien il a envie d’elle. Trop de temps s’est écoulé depuis qu’ils ont pu se toucher librement sans que ce ne soit risqué et l’envie se fait tout aussi criante chez elle. Elle ne peut s’empêcher de rire un peu, visiblement heureuse qu’il soit enfin près d’elle. Elle glisse ses mains sous sa chemise et se colle davantage contre lui, enfouissant son visage dans son cou en quête de son odeur et profitant de cette proximité tant attendu depuis des ennéades. Dans ce petit coin reculé, le temps peut se figer. Ils sont libres et loin de leurs devoirs. Elle lève les yeux et caresse sa mâchoire avec tendresse, se rendant encore plus compte à quel point son corps et le ton fiévreux de sa voix lorsqu’ils ne sont que tous les deux lui ont manqué :

-Et il n’y a rien pour nous arrêter ici, souffle-t-elle. Il n’y a que nous deux.

Elle espère qu’il peut rester aussi longtemps qu’elle ici, mais de pouvoir l’avoir ainsi près d’elle pour la journée la contenterait. Tout ce qu’elle veut, c’est qu’ils puissent se dévorer des yeux librement et sans tension. Et se toucher sans pression. Elle ignore combien de temps ils pourront continuer ainsi et l’idée de le perdre à jamais l’effraie plus que ce qu’elle s’était attendu. Tous ces jours en carence de caresses lui ont pesé et Zofia sait qu’il est déjà trop tard ; elle s’est attaché à lui alors qu’elle n’aurait peut-être pas dû. Mais malgré un futur incertain, la prêtresse veut profiter autant qu’elle le peut de ce qu’ils vivent en ce moment à deux. C’est pourquoi, elle a choisi cet endroit. Elle lui embrasse le cou, pendant que ses doigts tripotent la boucle de sa ceinture sans vraiment s’en rendre compte.

-C’est mon havre de paix que je veux partager avec toi, loin de nos responsabilités. Tes baisers et tes caresses m’ont terriblement manqué Natael.

La réponse de Zofia lui arrache un sourire amusé et plein de désir qu’elle ne peut pas voir alors qu’elle est plongée dans son cou. Ce n’est pas très conventionnel mais il a tellement faim d’elle qu’il pourrait bien mettre cela de côté une petite heure… Car oui, pour le noble, ce genre de choses se pratique dans un lit et il peine à concevoir les choses autrement. Cependant, leur relation ne leur permettra pas toujours de jouir du confort d’un matelas pour cela. Il doit donc faire quelques concessions. Et, ce jour-là, il sent que ce ne sera pas très difficile.

Après avoir évasé le col de sa chemise, les doigts de Zofia s’affairent déjà à détacher son pantalon. Ses caresses se font alors plus osées… Malgré son envie criante, il reste tendre alors qu’il la parcourt sans plus la moindre limite. A son tour, il embrasse ce qu’il peut trouver de sa peau, écarte les pans de sa robe en quête d’une épaule ou de la naissance d’une rondeur. Il défait les liens de sa robe avec adresse pour lui faciliter la tâche… Il a envie d’elle… Maintenant… Au diable sa mère qui se fait de plus en plus oppressante sur lui, au diable ces femmes qu’elle veut le voir épouser. Il a déjà oublié tout cela. Ici, il n’y a plus qu’elle et lui. La canopée abritera leur secret et leurs soupirs pour cette fois…

***********

Les voix des deux amants s’évanouissent enfin. La forêt semble s’être tue au moment où leurs ébats ont commencé. A moins que ce ne soit eux qui n’y ait plus prêté attention ?...
Assis sur la couverture, Natael reprend son souffle en posant la tête sur l’épaule de Zofia qu’il serre contre lui. Si l’idée n’est pas venu d’elle, il aura trouvé plus confortable pour elle qu’elle soit à califourchon sur lui plutôt qu’allongée entre le sol et lui. Ils sont nus l’un contre l’autre et, si la sous-robe a traîné un moment sur le corps de la jeune femme, elle a fini par les gêner à les empêcher de sentir pleinement la peau de l’autre sur la sienne alors elle avait rapidement rejoint le reste de leurs vêtements. Le cœur encore battant et leurs souffles chaud sur leurs corps, ils ne sentent pas la fraîcheur de l’air ambiant.

Finalement, le vitaliste rompt le silence.

-Et sinon… Cette robe t’allait à ravir.

Un sourire étire ses lèvres, arrondissant la joue posée sur l’épaule de la prêtresse. Il a remarqué qu’elle s’était apprêté pour lui, même si cela se voit nettement moins à présent. Il a apprécié l’attention mais aussi la vision de cette femme qu’il espérait tant et qui attendait de pouvoir se montrer ainsi à lui. Cependant, il n’avait pu en profiter bien longtemps…
Il relève légèrement la tête et embrasse le cou de son amante avec douceur, apaisé par la nature de leurs retrouvailles. A présent, ils vont pouvoir profiter plus sereinement du reste de leur journée.

Zofia ferme un instant les yeux, le souffle encore court maintenant qu’ils se sont laissés aller sous le couvert des arbres. Ce n’est pas spécifiquement dans ses habitudes de faire ce genre de chose autre part que dans une chambre, même si ce n’est pas la première fois qu’elle doit improviser, mais ce genre de proximité avec Natael risque d’être rare. D’autant plus que des yeux les scrutent davantage depuis le retour de voyage. Ils se cachent derrière des apparences d’amitié, mais Zofia peut sentir dans toutes les fibres de son corps que son entourage commence à percevoir une pointe de ce désir qu’ils éprouvent l’un pour l’autre. Les questions ne tarderont pas et la prêtresse sait très bien qu’elle devra trouver quelque chose à leur dire pour étancher leur curiosité. Même au sein du monastère, les regards qu’on lui jette ne lui échappent pas et même si elle ne le veut pas, la pression finira par peut-être la faire craquer.

Elle finit par chasser toutes ces pensées dès qu’il l’embrasse dans le cou et elle sourit, confortable et heureuse ici.

Et puis, Natael la complimente sur sa robe. Son sourire s’agrandit et après lui avoir volé un long baiser, elle se redresse, attrapant ses vêtements au passage. Détaché ainsi de la chaleur de son amant, un frisson traverse sa peau pâle et nue. Mais pas pour longtemps. Elle compte se rhabiller pour qu’il puisse profiter de sa jolie robe et parce qu’il fait toujours un peu frais à l’extérieur.

-Je t’avais promis une jolie tenue et je tiens toujours mes promesses.

Elle enfile sa sous-robe et remarque que son présent est maintenant sur la couverture. Se disant que s’habiller pouvait attendre, elle prend le tissu brodé et se rassit près de Natael, les joues toujours aussi rouges de leur ébat, mais aussi parce que la broderie n’avait jamais été sa plus grande force. Du moins, elle n’est certainement pas aussi douée que la plupart des filles nobles. Sur un des coins, Natael peut voir deux roses qui s’entrelacent et forment un cœur. Ce n’est rien de complexe, mais elle tient quand même à lui donner ce petit quelque chose, bien représentatif de leur premier matin. Elle prend la main de son amant et y dépose donc le carré de tissu.

-J’ai brodé cela pour toi. Le tissu est un morceau de ma chemise de nuit. La même que je portais lors de notre premier matin.

Elle approche son visage du sien pour lui tracer les lèvres et s’immerger dans ses prunelles bleues. Malgré la rougeur de ses joues, elle ose un petit commentaire plus audacieux :

-Je l’ai gardé près de mon sein dans l’espoir qu’il s’imprègne de mon odeur. Ainsi, il te suffira de le garder près de toi si la distance devient trop intenable. Et tu auras une petite partie de moi qui t'accompagnera.

Natael la laisse lui échapper à regret. Ses mains glissent sur son corps et ses cuisses tandis qu’elle se relève pour attraper l’ultime vêtement qu’il lui a retiré depuis ce qui lui semble être quelques minutes à peine. Il sait que cela a duré certainement plus longtemps car pour lui le soleil s’est arrêté de tourner dans son esprit pendant leurs ébats. Loin d’être pressé de se rhabiller, il la regarde faire sans l’en empêcher. Il n’aura que rarement l’occasion de pouvoir l’admirer et, s’il avait pu, il l’aurait bien gardée nue afin de pouvoir la caresser et embrasser sa peau quelques heures de plus.

Alors qu’elle va enfiler sa sous-robe, elle s’arrête et il capte son regard pour un mouchoir qui semble avoir chuté de son vêtement. Contre toute attente, elle le lui tend en lui expliquant qu’elle l’a fait elle-même à partir de cette fameuse chemise de nuit. L’attention est des plus surprenante et en même temps bien pensée. C’est très romantique et lui-même ne l’est pas tant que cela. Il est presque gêné de la voir lui faire ce cadeau. Lorsqu’elle lui explique qu’elle l’a gardé contre sa poitrine, une étincelle traverse son regard puis il porte le tissu à son nez pour le humer profondément. Ensuite, il s’avance vers elle et fait de même dans son cou. Il retrouve sur les deux le parfum de cette peau qui l’attire tant. Une fragrance douce et délicate… et il ne peut s’empêcher d’y déposer un nouveau baiser avant de se rasseoir.

-C’est tout à fait cela. Commente-t-il en reconnaissant que sa petite astuce a fonctionné. Mais je risque d’être jaloux de ce mouchoir qui a passé plus de temps que moi sur ton sein. Fait-il sur le ton de l’humour. Il observe plus attentivement les broderies et remarque que les roses prennent la forme de cœurs, symbole de l’amour... Il en comprend toute la signification mais n’a malheureusement rien à lui répondre pour le moment concernant ses propres sentiments. C’est encore trop tôt… Alors il finit par reprendre avec un peu de sérieux. Merci.

Il tend son bras et saisit sa veste. A l’intérieur, il y a une poche dissimulée qui accueille son carnet de notes et, derrière, une seconde qu’il n’utilise pas. Il y glisse le présent de son amante après l’avoir plié avec soin.

-Je dois me rendre jusqu’à Missède pour justifier de mon absence. Je comptais en profiter pour faire quelques emplettes, puisqu’on m’y observera moins qu’à Chiard.

Ce dernier commentaire n’est pas dénué d’un certain agacement. Il a l’habitude d’être la cible des ragots et des on-dit mais, dans le cas présent, cela ne fait que lui rappeler en permanence qu’il ne peut pas librement jouir de cette relation nouvelle. Ce n’est pas la première fois qu’il se cache mais cette histoire fait un tel tapage… Cela frôle le scandale alors que personne n’a la moindre preuve si ce n’est des regards échangés et des entretiens privés. Il ne peut donc leur donner davantage de grains à moudre en faisant un achat pour la jeune femme. D’autant que l’idée qui vient de germer dans son esprit ne laisserait que peu de doutes quant à la nature de leur liaison.

Natael tourne son regard vers sa monture qui s’est éloignée pour brouter loin de l’agitation qui régnait sur cette couverture.

-Je suis parti à pied et j’ai pris un cheval au premier arrêt qui en proposait pour avoir quelques jours de marge. Puis il revient sur Zofia. De combien de temps disposes-tu ?

Zofia le laisse lui humer le cou pendant qu’elle ferme les yeux d’aise et que les doigts qui lui caressait les lèvres viennent tracer des cercles sur sa nuque. Son commentaire lui arrache un rire et elle ne peut s’empêcher de lever des yeux brillants sur lui. Ce cadeau n’est absolument pas grand-chose et son but n’est point de le pousser à quoique ce soit. Elle est patiente et comprend tout ce que leur relation implique. Elle voulait seulement lui témoigner son affection qu’elle sait grandissante dans son cas. Et dire qu’elle s’était promit de ne plus jamais jouer ce jeu au risque de se blesser à nouveau, la voilà qui met son cœur à nu pour un homme portant un titre. Seulement, tout avait été si particulier et différent avec Natael. Ils se sont trouvés sans vraiment se chercher et maintenant, ils sont amants. Elle le regarde glisser son présent dans une poche discrète. Au début, elle comptait broder la première lettre de leur nom au lieu des roses, mais s’était dit que ce n’était pas assez subtil et trop risqué. Ils nagent déjà bien assez dans l’interdit.

Après lui avoir volé un baiser, Zofia se lève et une de ses chaussettes en main, elle pose un pied sur une roche pour l’enfiler, levant sa sous-robe à mi-cuisse. Elle s’assure que la chaussette reste en place en l’entourant d’un ruban en tissu, lorsque Natael lui avoue qu’il doit se rendre à Missède. Elle peut sentir l’agacement teinter dans sa voix dès qu’il mentionne les yeux indiscrets qui l’observent à Chiard. Un triste sourire fend les lèvres de la prêtresse ; il n’est pas le seul qui le subit. Trop occupée au monastère, elle n’a pu voir sa famille à Chiard, mais à tout de même dû s’y rendre pour faire quelques courses pour les Hospitaliers. Plutôt autosuffisants sur leur petite île, ils leur arrivent tout de même d’avoir besoin d’arrêter au marché de la ville pour obtenir des ingrédients spécifiques. Elle y a croisé des nobles et si en tant normal elle ne fait pas tourner des têtes par sa discrétion naturelle, elle a pu sentir les couteaux dans les yeux de certaines femmes et le jugement chez certains hommes dès qu’elle a mis les pieds là-bas. Elle s’était empressée de faire ses achats et de disparaître dans une ruelle, tout en faisant son possible pour garder un air naturellement serein malgré les battements de son cœur.

Elle suit le regard de son amant jusqu’à son cheval et lorsqu’il lui demande de combien de temps elle dispose, il attise sa curiosité.

-J’ai pris une chambre dans une auberge non loin d’ici pour trois jours. C’est ce que mon supérieur a pu m’accorder. Qu’as-tu donc en tête ?

Natael l’a observée remettre sa chaussette, mettant les trois quart de sa jambe à jour pour cela. Et il ne s’en est pas caché. Pourquoi le ferait-il ? Il a déjà tout vu d’elle. Tout touché. Tout embrassé. Et quelle agréable vision… Il a rarement eu une amante qui s’entretenait aussi bien et il apprécie son corps musclé par l’exercice des armes et de la magie. Il découvre qu’il aime l’admirer, habillée, en tenue légère ou même nue…

Lorsqu’elle lui demande ce qu’il a derrière la tête, il hausse un sourcil. Il prend son pantalon et l’enfile prestement.

-Pourquoi penser tout de suite que je mijote quelque chose ? Fait-il d’un ton faussement outré. Il est désormais debout et achève de nouer sa ceinture avant d’arriver à sa hauteur pour la prendre tendrement dans ses bras. Je me demandais seulement combien de jours nous avions pour profiter de cette échappatoire. Mon cheval me permettra de rattraper mon retard et d’arriver dans les temps à Missède. Alors, si tu veux bien de moi pendant encore les deux prochains jours… Je suis tout à toi.

Il se penche pour l’embrasser avec douceur et langueur. Un long baiser dont il se délecte alors qu’il sait à présent qu’ils ont plus de temps pour eux cette fois que lors de leur précédent voyage. Et il s’en réjouit d’avance.

-Mais dis-moi… Cette chambre… Commence-t-il en prenant un air mystérieux avant de poursuivre en messe basse. [color=#a95a10]Y aurait-il un moyen d’y accéder discrètement ?

Des lueurs de malice et d’espoir luisent dans ses yeux. A l’idée de pouvoir passer deux nouvelles nuits avec elle, il en frémit. S’endormir avec elle dans ses bras, cela lui manque. De même que de se réveiller au beau milieu de la nuit et de l’observer dormir jusqu’à ce que le sommeil le reprenne. Il en rêve depuis tant de jours qu’il a cessé de compter.

Zofia termine de mettre son autre chaussette, sentant le regard de son amant glisser sur son corps. C’est toujours un peu étrange pour elle de se savoir autant désiré dans les yeux d’un homme, mais elle y prend goût, la poussant à le séduire toujours plus. Avec Natael, elle se sent observée avec respect et envie, comme si l’on étudierait une œuvre d’art dont on apprécie les qualités. Même une heure plus tôt, alors que ses mains passionnées et son souffle haletant parlaient pour lui, il y avait eu quelque chose de très doux et attentionné dans sa façon de lui avoir fait l’amour. Si son corps ne lui est pas indifférent, il n’y pas que ça. Il a envie d’elle au complet. Il lui avait bien dit la première journée où ils ont décidé d’être amants.

Elle prend un air innocent dès qu’il s’exclame et se laisse cajoler par Natael, visiblement heureuse qu’il puisse rester près d’elle pour ces deux journées. Consciente que ce sera peut-être court, elle sait que c’est sans doute le meilleur qu’ils puissent faire pour l’instant. Et elle en profitera comme si c’était la dernière fois. Elle accueille d’ailleurs ses lèvres sur les siennes avec tendresse, plaquant son corps contre celui du vitaliste pour sentir sa chaleur. Il finit par lui demander tout bas comment il pourrait bien la rejoindre dans cette chambre. Un sourire en coin et le regard aussi pétillant de malice que le sien, elle se décolle. Elle lève un instant les yeux et se mord la lèvre inférieure, pensive. Et puis, son sourire s’agrandit lorsqu’elle se remémore très exactement l’extérieur de sa chambre et de quel côté du bâtiment elle se situe. Comme il n’a pas encore enfilé sa chemise, elle trace doucement un rectangle sur son pectoral.

-Fait comme si ce rectangle que je viens de dessiner est l’auberge. Tu arriveras donc devant. Ensuite, tu marcheras jusqu’à l’arrière, mais en longeant le côté Est des murs, dit-elle en traçant le chemin imaginaire qu’il empruntera du bout de son doigt et en plongeant son regard dans le sien. Tu t’arrêteras devant la première fenêtre. Ma chambre est à l’étage, juste au-dessus de cette fenêtre. Pour y parvenir, tu trouveras, à ta droite, un solide treillis parsemé de vigne.

Elle fait ensuite marcher ses doigts sur sa peau, comme si c’étaient eux qui grimpaient jusqu’à son cou et ensuite, jusqu’à ses lèvres, qu’elle ne peut s’empêcher de venir caresser avec douceur.

-Emprunte-le et tu atteindras ma chambre, souffle-t-elle, avant de l’embrasser.

Elle pose ensuite sa tête sur son épaule, anticipant déjà ces deux merveilleuses nuits qu’elle passera en sa compagnie.

Natael a suivi ses explications avec attention. C’est terriblement romantique comme façon de faire… Cela ne lui ressemble pas mais il s’en moque bien cette fois. La perspective de passer la nuit avec Zofia suffit à lui faire oublier cette notion qui lui semble si abstraite. Ce soir, il escaladera ce treillis afin de la rejoindre et de l’étreindre à l’issu du tenancier de l’auberge. Il devra repartir avant l’aube mais peu lui importe.
Le vitaliste répond finalement d’une voix suave et sarcastique à la fois.

-Je vais avoir du mal à utiliser ce plan… Tout d’abord… Parce que son emplacement n’est guère pratique pour moi. Deuxièmement… il est à l’envers de mon point de vue, je risque de me tromper de fenêtre. Ensuite, il fera nuit lorsque je viendrai. Et enfin… les soirées sont fraîches, je me serai rhabillé d’ici-là !

Et accessoirement, il est dessiné à l’encre invisible mais cela semble être le cadet de ses soucis, ce qui donne un peu plus d’humour à son petit discours. Il rit puis l’embrasse, la serrant doucement contre lui. Il a retenu ses instructions et visualise déjà les lieux. Il contournera sans doute l’auberge de loin afin de ne pas être vu. Quant à son cheval, il restera ici : il est trop indiscret.
Finalement, le couple finit de récupérer leurs vêtements respectifs pour les remettre. Natael laisse cependant sa veste de côté et se contente de sa chemise. Ses chaussures ont été rassemblées plus soigneusement au bord de la couverture. Ils sont désormais présentables et entame le pique-nique comme si la fièvre ne les avait pas emportés un peu plus tôt. Cependant, ils ont désormais le loisir de se montrer plus tendres que passionnés à présent. Lorsqu’ils ont terminé, le vitaliste s’allonge, conviant Zofia à venir s’installer contre lui, laissant un bras ouvert pour mieux le refermer sur elle une fois sa tête dans le creux de son épaule.

Zofia arque un sourcil et rit à sa suite. Elle l’embrasse et ne peut s’empêcher de lui lancer un sourire amusé et de répliquer :

-Ne t’en fait pas. J’attacherai le ruban de mes cheveux sur la poignée extérieure de ma fenêtre pour éviter un malentendu. Quant à tes vêtements, je ne crois pas qu’ils ont déjà été un obstacle pour mes doigts habiles.

Surprise par ce qu’elle vient de dire, elle ne peut s’empêcher de rire à nouveau, tout en lui caressant la joue.

Elle se rhabille finalement, l’air serein et comblé maintenant que Natael est près d’elle et qu’il reviendra les deux prochaines nuits. Ce sera court, mais la prêtresse saura s’en contenter et en profiter. Sa robe enfilée, elle approche donc le panier de nourriture près d’eux et vient se lover contre l’épaule de son amant. Elle ferme un instant les yeux, bercée par le bruit de la rivière et de la nature et confortable ainsi emmitouflé par le bras chaud de Natael. Elle ne peut s’empêcher de soupirer un peu :

-Ces ennéades sans tes caresses ont été longues. J’avais besoin d’être avec toi pour quelques jours, mais loin de Chiard. C’est que je n’ai pas l’habitude d’attirer autant l’attention et les murmures, lance-t-elle sur le ton de la blague, même si Natael peut sans doute discerner une pointe d’angoisse.

Spécifiquement, elle n’a pas l’habitude de sentir la noblesse la scruter autant. Zofia a certes eut une éducation et provient d’une famille bien nantis, mais c’est à peu près tout ce qu’elle pourrait partager avec la noblesse. Les Marger sont riches et ne sont à Chiard que depuis trois générations, faisant d’eux une famille dont le succès commercial est certes prospère, mais reste relativement nouveau dans le décor Langecin, attisant la compétition et la méfiance chez certains nobles. Elle ne peut non plus nier que depuis que Rainier a repris les affaires familiales, les choses vont bon train, et ce malgré son audace toute naturelle, qui peut horripiler certains caractères plus… traditionnels.

Natael comprend le point de vue de son amante mais ne peut hélas le partager. Il a trop l’habitude qu’on le regarde de travers depuis toujours entre ses réactions incontrôlées et ses voyages en apparence injustifiés. Cependant, l’attention qu’on lui porte l’irrite bien plus qu’auparavant car cela n’implique plus seulement lui… Et il ne veut pas causer de tort à la prêtresse.
Et puis, il y a autre chose.

-C’est qui m’agace plus encore, c’est l’attitude des membres de ma propre famille. Ils se doutent probablement qu’il se passe quelque chose mais ils sont plus insupportables qu’à l’accoutumée. Sans doute parce que je suis désormais libre de tout engagement. Je crois qu’ils sont effrayés par la possibilité que je m’attache à une femme qui ne fasse pas partie de la noblesse et que j’abandonne tout. A leurs yeux, ce serait fâcheux autant pour eux que pour moi.

Le scandale éclabousserait Zofia, Natael mais aussi leurs familles. Certes, le vitaliste a toujours été le vilain petit canard mais au moins il avait une attitude de cancre noble et oisif. S’il décidait de tout quitter pour une femme, ce ne serait plus la même histoire. Ses parents seraient obligés de couper tous liens avec lui en le reniant afin de se préserver d’une telle infamie. Alors, forcément, les d’Orman ont peur… Pour eux, et pour lui.

-D’ailleurs, je crois qu’il faudra être plus prudents avec nos correspondances. Si ma mère commence à s’en mêler, je crains les extrémités qu’elle peut prendre…

Oui, Eulalie pourrait se mettre à lire leur courrier… En prenant la lettre que le messager lui tendait, il a croisé son regard et il a compris qu’elle s’interrogeait sur son contenu. Il redoute désormais qu’elle ne cède à la tentation, par peur, par désarroi, pour le protéger, ou pour il ne sait quelle autre raison encore qu’elle parviendrait à trouver pour justifier son geste ou soulager sa conscience…

-Je crois qu’il va falloir que je trouve une solution rapidement ou la situation va vite devenir ingérable… Ma mère a déjà commencé à se renseigner pour me fiancer de nouveau.

Elle perd un peu de son sourire lorsqu’il lui avoue combien sa famille se fait pressante. Ils ont peur et considèrent que la prêtresse constitue une menace, ce qu’elle comprend. Si un scandale éclatait, non seulement le nom d’Orman se ternirait, mais le commerce de sa famille à elle pourrait aussi sombrer et le dur travail de l’arrière grand-père Marger pourrait voler en éclats du jour au lendemain. L’injustice de cette situation pèse un peu sur le cœur de la prêtresse, mais ce n’est pas comme s’ils ont forcé ce genre d’attirance l’un pour l’autre. Leurs petits-déjeuners n'ont fait que solidifier une amitié, jusqu’à ce qu’ils apprennent à se connaître sous un tout autre jour. Ils sont compatibles physiquement et intellectuellement jusqu’à maintenant, mais...beaucoup de facteurs viennent compliquer un possible futur pour tous les deux. C’est aussi une course contre le temps et Natael le confirme dès qu’il lui annonce que sa mère cherche déjà une nouvelle promise pour son fils.

La prêtresse se décolle un peu pour le regarder. Son amant est un bel homme avec un titre, qui n’aura sans doute aucun mal à se trouver une nouvelle fiancée de la même classe sociale que la sienne. Elle lui a bien dit qu’elle ne veut pas le perdre, peu importe comment leur relation évoluera, mais est consciente que ce ne sera pas aussi simple que cela dès qu’il sera marié. La seule petite victoire qui parviendra à la réconforter lorsque ce jour arrivera, ce seront les rires et sourires qu’elle aura réussi à arracher à Natael durant tout ce temps passé ensemble et le réconfortant souvenir de leurs douces et tendres étreintes. Elle a d’ailleurs encore du mal à comprendre comment elle a pu percer sa froideur. Le vitaliste n’est pas le plus facile d’approche et espérera que sa future ne se décourage pas. Natael est un homme merveilleux lorsqu’on parvient à percer le brouillard qui l’entoure. Ne voulant pas gâcher leur moment, elle écarte ce possible futur de ses pensées et lui caresse la nuque. Elle sourit tristement :

-C’est plutôt ironique maintenant que je me rends compte que, bien que je me suis toujours compté chanceuse d’être libre de me marier ou non, je n’avais pas prévu m’attacher à un noble.

Sa gorge se serre et si ses yeux deviennent vitreux pour quelques instants, Zofia supprime le tout et retrouve un sourire plus franc et détendu. Elle lui prend la main et plante à nouveau son regard dans le siens :

-Sache seulement que tu n’as pas à trouver cette solution seul. Je n’ai pas revu ma famille depuis par manque de temps, mais je sais que des questions les taraudent sans doute. Ils m’ont toujours fait confiance, mais je crois qu’ils auront peur pour moi.

S’attacher… Zofia s’attache à lui. Oui, il l’avait compris… Et le fait qu’il ne soit pour le moment pas en capacité de lui répondre le chagrine un peu. Il tient à elle, c’est indéniable, mais il n’en est pas encore là. Il ignore ce qu'il représente à ses yeux. Lui se trouve très naturel et n’a rien de très différent des autres, même s’il a conscience que bon nombre de ses pairs n’ont pas sa noblesse d’esprit. Cependant, le fait qu’elle fasse le rapprochement entre sa liberté d’alliance et lui a de quoi lui faire un peu peur, même s’il n’en montre rien.

Quant à la situation qui les préoccupe, il y a déjà réfléchi mille fois et il n’entrevoit qu’une seule solution.

-Le seul moyen pour qu’ils nous laissent respirer serait de les persuader que nous ne sommes pas ensemble mais, de mon côté, ils en sont tellement convaincus que c’est presque une mission impossible. Il marque une pause avant de soupirer. Je ne sais pas ce qui pourrait les faire lâcher prise.

Il regarde Zofia un instant puis relève la tête pour l’embrasser, passant une main derrière sa nuque. Il n’a pas l’intention de les priver des bénéfices de cette petite échappée à deux. Il vient à peine de la retrouver. Ils ont fait l’amour. Ils ont déjeuné. Ils dormiront ensemble cette nuit et referont l’amour d’ici qu’ils doivent se séparer… Les jours s’annoncent bien plus beaux qu’ils n’en ont l’air malgré la grisaille qui demeure au-dessus de leur petit paradis.
Natael repose sa tête sur la couverture et caresse la joue de son amante.

-Dis-moi. Reprend-il sur un ton plus léger, signe qu’il souhaite changer de sujet. Si tu avais le choix, où vivrais-tu ? Quel cadre de vie est pour toi le plus idyllique ?

Après son baiser, Zofia se couche à nouveau sur son épaule, profitant de la douce caresse sur sa joue. Elle ne laissera rien gâcher leur moment, désireuse de profiter de ces trois jours avec son amant sans toutes ces inquiétudes ; elle sait très bien qu’elle devra affronter les questions qui pulluleront de la bouche des membres de sa famille dès son retour à Chiard. Elle a déjà évité une crise avec son premier soupirant et sait très bien que ces rumeurs inquiéteront son frère autant que sa mère et son oncle et c’est pourquoi elle devra trouver quelque chose pour les rassurer. Il y a donc si peu de subtilité dans leur façon de se regarder? Pourtant, ce changement dans leur relation est plutôt récent. Mais ils devront vite faire preuve de débrouillardise s’ils ne veulent pas se faire prendre en flagrant délit, car Zofia connaît son frère et son oncle : ils vont certainement fouiner.

Natael lui pose ensuite une question qui la fait sourire. Elle fixe le feuillage au-dessus de leur tête, pensive ; cela fait un moment qu’elle n’a pas pensé à ce genre de chose. Elle ferme donc un instant les yeux, tentant de s’imaginer dans un futur qui lui plairait encore plus que cette vie qu’elle mène en ce moment :

-J’ai passé mon enfance dans le tumulte de Chiard et depuis que j’ai goûté le calme d’un monastère, je dois avouer que j’apprécie cette plénitude dont je peux jouir lorsque je reviens de mes pèlerinages.

Elle prend une pause et sa voix devient un peu plus distante, voir rêveuse :

-Je mène une vie que je considère déjà plutôt idyllique selon mes critères. Une vie d’aventures, dans un Ordre dans lequel je me sens utile et aide quiconque en a besoin, mais…

L'image d'elle revenant d'un périple et accueillant ses enfants imaginaires dans ses bras lui traverse l'esprit, un seul manque qui commence à se faire de plus en plus ressentir chez elle. Elle revient toutefois à elle et rit doucement :

-J'échangerai bien ma petite chambre au monastère pour une jolie maison en retrait de n'importe quelle ville, avec un jardin et quelques animaux. Oh! Et un pommier. On dit de mes tartes aux pommes qu’elles sont succulentes.

Si son statut de bourgeoise et fille de commerçant l’a davantage éduqué pour être femme au foyer et aider son futur mari dans les affaires, être prêtresse et soignante dans l’Ordre des Hospitaliers lui a aussi enseigné à vivre en communauté et donc à mettre la main à la pâte autant pour soigner que pour entretenir le monastère. Être sur les routes lui a aussi montrer qu’elle peut très bien se débrouiller avec peu de choses.

Elle finit par se relever pour s’appuyer sur son coude et regarder Natael, traçant des cercles sur son torse.

-Et toi? Quel serait ton type de vie idéal?

-Je ne crois que ce que je vois. Répond Natael à l'évocation de la spécialité culinaire de son amante, sur un ton emprunt d'humour.

Son petit défit est lancé dans un avenir totalement incertain. Il faudrait qu'il puisse se retrouver en sa compagnie, dans un cadre informel, à l'abri des regards et où elle pourrait disposer d'une cuisine... Décidément, cela ne semble pas gagné pour qu'ils y parviennent... Mais l'idée d'un tel moment lui plaît assez malgré tout.
Evidemment, c'est sans surprise que Zofia lui retourne sa question et il a alors une réaction qui laisse sous-entendre que la réponse n'est pas si évidente.

-Ouuuf... Pour ma part, les animaux et le jardinage, je doute que ce soit fait pour moi. Rétorque-t-il, amusé, avant de reprendre avec plus de sérieux. La vie de Titus me plaît assez. J'aime ce que je fais sous cette identité mais je suis bien obligé de redevenir Natael de temps en temps pour pouvoir le faire vivre.

Il ne se fait jamais payer pour les soins qu'il offre. Il utilise l'argent qu'on lui donne pour son voyage afin de payer auberges et repas. Et, lorsqu'il a tout consommé, il rentre quelques temps, afin d'honorer quelques obligations familiales et percevoir sa dernière rente avant de repartir. Le fait qu'il s'attarde quelques ennéades à Chiard, comme en ce moment, n'a rien d'étonnant. Surtout alors qu'il vient de rompre ses fiançailles. Il y a certaines choses à gérer... Et la seule raison pour laquelle cela l'arrange, c'est qu'il peut apercevoir la prêtresse de temps à autres.

-Mais si je devais mettre tout cela de côté : une maison dans les dunes, près d'une plage déserte me plairait assez. Personne pour m'épier. Pas de mondanités où on parle de moi sans savoir. Assez loin pour dissuader quiconque de venir me rendre visite. A part... peut-être, une certaine compagnie. Dit-il en regardant Zofia avec une lueur au fond des yeux pour lui faire comprendre qu'il parle d'elle. Et vivre sans rien devoir à personne, comme je l'entends.

Vu de l'extérieur, Natael a sans doute une belle vie pour un esprit libre. Il voyage comme il l'entend, va où il veut quand il veut. Il fait ce qui lui plaît, à savoir : apprendre et mettre en pratique. Malheureusement, tout cela n'est qu'une facette de ce qu'il est. Tout cela a un coût et il possède un statut quoi qu'il en soit. Cette vie finira par prendre fin. Il faudra qu'il sache se rendre utile autrement, qu'il gagne lui-même de quoi subvenir à ses besoins, qu'il se marie et donne des héritiers... Et tout cela, il s'en passerait bien. Il fait ce qu'il faut pour tenir son rang et il lui serait difficile de cacher la noblesse de son sang même s'il le voulait, mais cela n'est dû qu'à l'éducation qu'il a suivi un jour avec rigueur... Mais qui saurait renoncer à la liberté une fois qu'il y a goûté ?
Cependant, le vitaliste doit bien admettre que tout cela ne l'a jamais autant pesé que maintenant. Son regard est perdu dans le vide tandis que la pointe de ses doigts caresse le dos de Zofia. C'est elle qui rend tout cela plus difficile à vivre mais il ne lui en veut aucunement. Il a envie de ce qu'il se passe entre eux autant qu'elle. Ce qui le dérange, c'est que le fait d'être noble, de jouir de ce statut si privilégié, le prive aussi de certaines possibilités. Comme celle de se lier avec qui cela lui chante. Il ne sait pas encore où il en est avec elle mais il sait que si cela devait s'arrêter à cause de ce foutu sang bleu, il serait fou de rage contre lui-même...

Sans s'en apercevoir, son silence rend ce moment un peu plus morose tandis que ses traits se durcissent en pensant au pire. Il a, pour un temps, oublié de simplement profiter de l'instant présent.

Zofia arque un sourcil et le regard brillant, elle arbore un sourire en coin lorsque son amant lui lance un défi. Elle trouvera bien une façon de lui faire goûter sa cuisine. La prêtresse est tout de même une femme bourgeoise dont sa mère lui a certes enseigné les rudiments de la magie vitaliste, mais l’a aussi préparé pour son futur rôle d’épouse. Une femme bourgeoise se doit d’appuyer son mari dans ses affaires tout en s’assurant de tenir la maisonnée en ordre et éduquer les enfants. Si elle avait déjà quelques bases, sa vie au monastère a ajouté d’autres cordes à son arc. Les entraînements à l’épée avec son oncle aussi. Son frère ne cesse d’ailleurs de lancer à la blague que c’est sans doute sa polyvalence qui doit éloigner la gente masculine. Certains ont trop peur de voir leur fierté écorchée s’ils se marient avec la prêtresse, qui n’a nullement besoin d’un mari pour s’occuper d’elle. Humble, Zofia le ramène toujours doucement à l’ordre en lui rappelant que malgré cette liberté dont elle jouit, il y a certains sacrifices qu’elle a tout de même dû faire.

La suite lui arrache un rire et elle ne peut ensuite s’empêcher d’imaginer Natael tenter d’arracher les mauvaises herbes d’un jardin ou traire une vache. Il est vrai que cela ne fait pas partie des occupations quotidiennes d’un noble. Ça ne devrait pas l’être pour Zofia qui a joui d’une vie citadine toute son enfance. Seulement, lorsque l’on devient prêtresse et soignante dans un monastère, la hiérarchie sociale devient un peu plus nébuleuse. Elle ne doit répondre qu’à son supérieur et prêté main forte à ses confrères et consœurs, qui ne proviennent pas toujours de familles aussi bien nantis que la sienne.

Elle écarte une mèche blonde du front de son amant lorsqu’il avoue aimer ce qu’il fait en tant que Titus. C’est sans nul doute la première chose qui a attiré Zofia chez Natael : sa curiosité intellectuelle, mais surtout, les soins qu’il procure à tous s’en s’attendre à quoi que ce soit en retour. Certes, les ressources monétaires ne lui manquent point, mais ce n’est pas tout les nobles qui ne profiteraient pas de leur statut durant leur voyage. Et puis, Natael lui décrit sa maison de rêve et elle ne peut s’empêcher de sourire d’aise, appréciant l’image qu’elle se dessine en tête. La suite l’a fait rire à nouveau.

-J’ai donc séduit un mage très attirant, mais qui rêve d’une vie d’ermite, lance-t-elle sur le ton de l’humour. Intéressant.

Elle vient tout de même l’embrasser pour lui souligner que de savoir qu’elle fait partie de cet idylle la touche. Il a beau dire qu’il n’est pas romantique, il l’a surprend de jour en jour.
Les traits de son amant se durcissent alors et une lueur d’inquiétude traverse les yeux de la prêtresse. Elle glisse sa main sur sa joue pour venir la lui caresser du pouce. Extirpé de leur rêve, la réalité semble avoir rattrapé son amant. Elle revient se coucher contre son épaule et d’une voix apaisante, elle tente de le rassurer :

-Nous ne pouvons pas prévoir notre futur, mais il fait bon de se réfugier dans ces rêves. Au moins, nous pouvons contrôler ce qui s’y passe et être qui nous voulons. Comme ici, en ce moment.

Une main vient le tirer de sa rêverie bien moins agréable que la précédente et la douceur vient à nouveau se peindre sur le visage de Natael lorsqu'il retrouve le regard de Zofia. Puis il la serre contre lui tandis qu'elle prend de nouveau place dans le creux de son épaule. Il écoute ses mots et conserve le silence, pensif. Il sait que le rêve ne lui conviendra pas toujours, tout comme le fait de devoir se cacher. Il le fait pourtant depuis vingt ans mais il est bien plus aisé de dissimuler le fait d'être mage... Et il n'y a que lui que cela impacte vraiment au quotidien, même si sa famille sait.

Après plusieurs minutes, il finit malgré tout par sortir de sa réflexion. Il se redresse et roule légèrement pour se retrouver au-dessus de la prêtresse. Il la regarde un petit moment avant de se pencher pour l'embrasser. Parmi toutes les questions en suspend, il en est une qui pourrait répondre à plusieurs d'entre elles. Il ne sait pas encore ce qu'il ressent pour elle et doit s'atteler à le découvrir et à quel point ce sentiment est fort. Parce que, s'il ne tombe pas amoureux, alors ils sont en train de se faire du mal inutilement... Et s'il le devient, il leur faudra prendre certaines décisions.
Mais, comme il l'a dit, ils ont besoin de gagner du temps... De détourner l'attention.

Toutes ces réponses ne viendront pas dans l'instant alors ses lèvres ne cessent de baiser les siennes. Il se délecte de ce contact tandis que sa main libre parcourt le corps de Zofia. Ces caresses ne sont ni chastes ni voluptueuses. Elles se veulent simplement douces et sensuelles. Elle a raison en un sens : ce moment est à eux et il est d'autant plus précieux que les prochains se feront rares. Surtout pour plusieurs jours... Et sans personne autour d'eux.
Les minutes s'égrainent ainsi et ce pourrait bien être des heures, il s'en moque. Ils pourront avoir autant de discussions qu'ils le veulent, plus ou moins loin des oreilles indiscrètes. Mais ces contacts, en revanche, ils n'auront que ces moments privilégiés pour les partager. Alors il compte bien étancher la faim qui le tenaillait depuis des jours et anticiper les ennéades suivantes. Le reste de l'après-midi se déroulera dans une ambiance plus légère, quoi que teintée de ce manque qu'il leur faudra combler un peu plus à chaque retrouvaille.
Sous le couvert des arbres, ils s'enflammeront encore avant que la journée ne prenne fin... Et même avant la fin de cette étreinte.

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Le jour n'est pas encore levé et, déjà, la chambre est remplie de soupirs. Le couple essaie de se faire discret alors que la jeune femme est censée loger seule dans cette auberge que Natael a rejoint à la nuit tombée. La veille, ils sont parvenus à ne pas alerter le voisinage. Aujourd'hui, ils tentent de faire aussi bien alors que le vitaliste a réveillé sa partenaire par de multiples caresses qui ne laissaient que peu de doutes quant à son désir de la faire à nouveau jouir dans ses bras. Grisé par les brumes du sommeil encore proches, ses attentions ont reçu un accueil chaleureux et il n'a pas pris la peine de les faire changer de posture pour engager leurs ébats...
Ils sont allongés sur le côté. Il se tient dans son dos. Il maintient une de ses jambes surélevée et écartée afin de pouvoir la caresser entre les cuises tandis qu'il va et vient en elle. Ses lèvres embrassent ce qu'elles peuvent de sa peau et de sa bouche tandis que sa seconde main étreint ce sein qu'il a fait s'échapper de sa cachette de tissu. Et lorsqu'il sent que l'extase arrive pour eux deux, il le lâche pour aller mêler ses doigts à ceux de Zofia tandis qu'il amplifie et renforce ses mouvements de bassin ainsi que ses caresses sur sa fleur.

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Le silence est revenu dans la petite chambre et les premiers signes de l'aurore vont bientôt poindre à l'horizon. Il est temps pour Natael de disparaître afin de rejoindre ce ruisseau où elle le retrouvera à une heure plus convenable. Alors qu'ils viennent de faire l'amour il est... plutôt de mauvaise humeur. Ses traits sont durs et il soupire régulièrement. Sa colère ténue n'est tournée contre personne en particulier et, si son amante s'approche de lui ou s'il croise son regard, il a tendance à s'apaiser un peu. Mais quelque chose le travaille visiblement. Quelque chose qu'il ne prend pas le temps d'évoquer. Il doit s'en aller avant qu'on ne le trouve ici.

Zofia s’éveille doucement, pendant que son amant lui couvre le cou de baisers et son corps de caresse. Elle sourit, les yeux toujours fermés, mais glissant tendrement ses doigts dans ses cheveux. Il a encore envie d’elle, elle le ressent dans sa façon de la toucher. Elle lui souffle un bon matin, sentant sa propre respiration s’accélérer un peu et son bas-ventre l’élancer de plus en plus. Les caresses du vitaliste descendent plus bas et bientôt, sans changer la position de la jeune femme, Natael entame les ébats, arrachant un gémissement de surprise à la prêtresse, mais continuant de lui faire plaisir d’une main entre ses cuisses pendant qu’il la pénètre.
Les minutes s’écoulent et elle finit par étouffer un long gémissement d’orgasme dans sa main libre tandis que l’autre sert les doigts de Natael, qu’il a entremêlé entre les siens quelques secondes avant qu’elle ne jouisse sous les caresses du vitaliste. Essoufflée et encore un peu surprise par cette position, elle se retourne pour lui voler un long baiser, visiblement comblée. Elle reste un instant contre lui, lui caressant le torse avec tendresse, l’oreille collé près de son cœur et se laissant bercer par ses battements.

A contre cœur, elle quitte finalement la chaleur de ses bras pour se diriger vers son sac de voyage et attraper sa brosse à cheveux, tentant de défaire les nœuds que les ébats d’hier et de ce matin ont provoqué dans ses cheveux roux. Zofia ne peut s’empêcher de remarquer l’agacement de Natael. Elle revient donc près de lui et s’assit sur le lit pour lui caresser la joue, le fixant d’un air interrogateur. Elle a besoin de savoir avant qu’il ne s’éclipse.

-Quelque chose t’ennuie ce matin.

Et désireuse de ne pas montrer qu’elle-même s’inquiète, son ton s’est fait doux et paisible, pas sans s’accrocher à ses orbes un peu plus dures qu’à l’habitude. Ils sont peut-être amants, mais Zofia tient autant à son bien-être physique que mental. Elle attend une explication avec patience, espérant qu’il lui partagera maintenant plutôt que plus tard, mais est consciente que plus il reste ici, plus les risques qu’on les prenne en flagrant délit augmente.

Alors qu’il lace ses chaussures, Natael relève la tête, un peu surpris par le mouvement qui vient d’avoir lieu près de lui. Il ne s’est pas rendu compte de son humeur subitement maussade et ne comprend l’air inquiet de Zofia que lorsqu’elle l’interroge. Il soupire alors, posant son pied à terre pour s’attaquer à sa seconde chausse. Il ne peut pas nier qu’il ne se sent pas aussi bien qu’il le devrait alors qu’ils viennent de jouir ensemble.

-Rien. Si ce n’est… ce sentiment odieux que je me sauve après avoir fait mon affaire.

Il a un rapide regard pour la couche derrière eux en disant cela afin d’être parfaitement explicite. Il déteste l’idée de se comporter comme un salop alors que la prêtresse attend clairement plus de leur liaison et que lui-même tient suffisamment à elle pour ne pas vouloir lui faire une chose pareille. Il lui ait déjà arrivé de se comporter ainsi mais c’était ce qui était convenu avec la dame dès le départ : une relation aussi sulfureuse qu’éphémère. Son départ après les ébats était alors non seulement voulu mais souhaité. Rien à voir avec ce qu’il se passait ici.
Ayant terminé avec sa chaussure, il repose son pied au sol et soupire encore.

-Je sais que nous nous retrouvons dès que le jour sera levé mais cette impression est tenace.

Sa réaction est idiote et sans fondement, il en a parfaitement conscience. Zofia n’a sans doute pas grand-chose à lui apprendre de plus qu’il ne sache déjà. Sans avoir à se parler, ils ont choisi de profiter de ces quelques jours ensemble pour se rassasier l’un de l’autre. C’est pour cela qu’en moins de vingt-quatre heures, ils ont fait l’amour quatre fois. Et il leur reste encore au moins autant de temps avant de devoir se séparer. Et même plus. Alors non, il ne s’enfuit pas après avoir tiré son coup -comme il a pu l’entendre dit vulgairement- mais il déteste le fait de devoir s’enfuir aussi précipitamment après leurs premiers ébats de la journée.
Natael se penche pour venir l’embrasser, d’un baiser plein de tendresse. Puis il pose son front contre le sien, les yeux fermés, la main sur la joue blessée de la prêtresse. Il a envie de lui dire que plus il lui fait l’amour et plus son affection se fait grandissante mais il ne le fait pas par peur de lui donner de faux espoirs et de la peiner davantage si jamais il se trompe. Il voudrait qu’ils restent au lit tous les deux toute la journée, en tenue légère à discuter et à se dévorer mais c’et impossible sans se faire prendre. Il a envie de lui demander de se dépêcher de le rejoindre près du ruisseau mais il ne faut pas qu’elle prenne le moindre risque. Elle doit avoir l’air parfaitement naturelle et égale à elle-même aux yeux de l’aubergiste qui la connaît sans doute un peu si elle vient ici de temps à autre.
Alors il ne dit rien et se contente de serrer les dents. Il se redresse pour plonger dans son regard. Il ne pensait pas que ce séjour provoquerait des émotion aussi douloureuses et désagréables tandis qu’il s’attachait de plus en plus à celle qui était autrefois une simple amie.

Qu’Arcam est cruel de se jouer d’eux de cette manière…

Zofia suit son regard jusqu’au lit encore défait de leur ébat pendant qu’il exprime comment il se sent. Il lui vole ensuite un baiser plein de tendresse et lui caresse la joue avec tout autant de douceur et d’affection. Elle ignore pourquoi la morosité l’a submergé de la sorte alors qu’elle sait qu’en toute autre circonstance, ce ne serait pas ainsi. Tellement de paramètres viennent compliquer leur relation et pourtant, même s’il ne sait pas très exactement ce qu’il veut tout de suite, Zofia se sent désiré en entier dans ses bras. Ce pourrait-il que leurs ébats réveillent de plus en plus quelque chose en Natael ? Elle n’ose pas se donner autant de crédits. Elle ne sait pas comment plaire et pourtant, si le vitaliste lui arrache des soupirs de plaisir sans trop de difficulté, elle aussi semble y parvenir puisque cette confusion qui le consume ce matin ne semble jamais lui avoir pesé autant que maintenant. L’affection dont ils éprouvent l’un pour l’autre a toujours été indéniable, mais leur relation se transforme et il est vrai que les implications que cela engendre fait tout aussi peur à la prêtresse. Elle lui caresse la mâchoire, son front contre le siens et profitant de ce doux contact, Zofia ferme à son tour les yeux.

Et puis, il se décolle l’observant et la prêtresse remarque cette pointe de douleur dans les yeux de son amant. Elle s’inquiète et la dernière chose qu’elle voudrait, c’est que leur petite escapade soit douloureuse pour Natael. Elle lui sourit pour lui montrer qu’elle comprend et que s’ils ne peuvent se voir librement sans cette épée constante au-dessus de leur tête et que cela les pousse donc à autant faire l’amour, la dernière chose qu’elle veut, c’est qu’il se sente mal et qu’il croît qu’elle a l’impression d’être utilisé.

-Le premier soir, tu m’as dit que c’est de moi dont tu désires. Pas mon corps. Et ça, je ne l’ai pas oublié, même si la situation en ce moment n’est pas idéal pour que notre relation puisse s’épanouir pleinement.

Son ton est toujours aussi paisible, même si elle partage l’inquiétude de Natael quant à leur manque de temps. Vu leur futur incertain, elle a aussi ce sentiment qu’ils doivent partager leurs étreintes comme si c’étaient les dernières.

-Je sais que nous manquons de temps et que plusieurs facteurs externes viennent compliquer et enflammer nos étreintes, mais je veux que tu saches que jamais je n’ai eu l’impression que je n’étais qu’une partie de plaisir pour toi. Pas même depuis hier ou ce matin, même si nos corps semblent parler plus que nos bouches.

Natael esquisse un sourire un peu triste mais sincère malgré tout. Ce qu'il lui a dit ce premier matin est toujours aussi vrai. Si le contact de Zofia l'enflamme à ce point, ce n'est pas à cause de la taille de ses seins ou de sa chute de reins. C'est parce que c'est elle... Il a déjà eu des amantes magnifiques mais elles n'ont pas produit sur lui cet effet-là. La passion l'avait simplement consumé tout entier en une seule fois. Avec la prêtresse, il part d'une affection certaine mais ténue pour avancer lentement vers de plus en plus de passion et d'émotion.
Il la couve désormais d'un regard plus doux tandis qu'une idée vient de germer dans son esprit. Il se penche légèrement pour lui murmurer quelques mots.

-La prochaine fois, c'est moi qui choisit le lieu de notre évasion. Je te promets qu'on pourra passer nos journées au lit si on le souhaite... Et tu pourras laisser ta bouche parler tandis que la mienne s'exprimera à sa façon...

Il achève de combler la séparation entre eux et l'embrasse cette fois avec désir tandis que sa main vient se poser à l'intérieur de sa cuisse, leurs peaux uniquement séparées par le mince tissu de la chemise de nuit de la prêtresse. Ses lèvres aussi savent dire ce qu'il ressent sans pour autant utiliser le moindre mot. Il n'a que rarement eu l'occasion de loger sa tête entre les jambes de la belle mais il n'a pas caché qu'il aimait cela... De là où il était, il pouvait admirer la vue de son amante sous l'emprise de sa langue et le spectacle est magnifique à ses yeux. Il a le sentiment qu'il pourrait faire cela des heures durant sans jamais se lasser.
Il met finalement un terme à leur baiser et l'étreint contre lui avec une force mesurée. Tandis qu'il la câline, il jette un œil par la fenêtre et se rend compte que l'horizon commence tout juste à s'éclaircir. C'est le signal pour l'auberge qu'il va falloir songer à se remettre au travail... Et pour lui qu'il est temps de s'éclipser. Alors, il se redresse, la gardant dans ses bras le temps de l'embrasser une dernière fois avant de se lever enfin.
Il attrape sa veste et l'enfile prestement. Puis il se dirige vers la fenêtre et l'ouvre pour enjamber la balustrade. Dos au vide, les mains accrochées au rebord, il regarde Zofia et lui adresse un sourire plus franc et teinté d'affection. Il va mieux, elle peut en être certaine.

-A tout à l'heure. Lui souffle-t-il avant d'entamer sa descente vers le sol.

Aussi discrètement que possible, il s'échappe de l'auberge, guettant le moindre bruit et le moindre mouvement. Puis il s'éloigne prestement dans la pénombre. Lorsqu'il atteint l'orée des bois, il se retourne pour jeter un dernier regard sur la fenêtre de son amante. Il remarque bien vite une lumière qui s'allume derrière les carreaux du rez-de-chaussée. Il a eu de la chance... A quelques minutes prêt, son entreprise devenait plus délicate. Il ne lui reste plus qu'à retourner à ce ruisseau, s'assurer que son cheval ne s'est pas trop éloigné pendant la nuit, et prendre son mal en patience jusqu'à ce que la jeune femme le rejoigne.

Un doux rire s’échappe d’entre ses lèvres lorsqu’il lui souffle que c’est lui qui choisira leur prochain lieu d’escapade. Ses yeux brillent à nouveau et elle profite de son baiser et de son toucher à l’intérieur de ses cuisses. Elle lui caresse la nuque avec amour pendant qu’il la sert contre lui et elle vient lui embrasser le cou. La prêtresse rougit, comprenant le sous-entendu qu’il implique ensuite.

La première fois qu’il s’était aventuré là l’avait surprise. Elle ne s’était jamais senti aussi vulnérable ainsi à la merci de la langue d’un homme, mais...elle n’a jamais fait autant confiance à un homme non plus et c’est pourquoi elle ne l’avait point repoussé, découvrant une nouvelle forme de plaisir avec lui. Un peu comme ce matin. Des idées commencent d’ailleurs à germer dans l’esprit de la prêtresse, même si elle aura sans doute besoin d’aide pour les appliquer. Cette façon qu’il a de la toucher et de la faire jouir...elle a envie de lui procurer le même plaisir. Bien qu’elle n’était pas vierge avant leur première étreinte, jamais un homme ne lui a fait cet effet et la prêtresse doit avouer qu’elle est plutôt une débutante pour ce genre de chose. Il y a certainement des livres avec des images...La seule idée de s’en procurer un en cachette l’embarrasse déjà, mais elle est prête à se risquer.

Elle lui souffle quelque chose à son tour :

-Tu me donnes déjà terriblement envie de ces journées au lit, agréablement lové dans tes bras.

Malgré leur relation secrète et bourrée d’interdit, Zofia ne doute pas de la pureté de ce qu’ils vivent en ce moment, amoindrissant cette culpabilité qui la tenaille depuis ce premier matin où ils ont sauté par-dessus la barrière des convenances pour s’abandonner l’un à l’autre. Elle tient à Natael et l’aime encore plus maintenant qu’il semble se soucier autant de ne pas la blesser. Elle n’a jamais douté de ses bonnes intentions et de son respect à son égard, même s’ils ont autant faim l’un de l’autre. Et maintenant, elle semble l’avoir rassuré sur ce point. Peu importe ce qui arrivera, et même s’ils devaient mettre un terme à leur relation, Zofia sait que ce ne sera pas parce que Natael l’aura blessé. Le futur la terrorise, car elle n’arrive pas à prédire ce qui se passera, mais la seule chose dont elle est certaine et qui la réconforte, c’est que son amant tient à elle.

Il met fin à leur étreinte et le sourire qu’il lui lance lorsqu’il s’accroche au bord de la fenêtre rassure aussitôt la prêtresse sur son état ; il va mieux et c’est tout ce qu’elle souhaite. Elle lui souffle un baiser, tout sourire aux lèvres elle-même et retourne se brosser les cheveux et se coiffer dès qu’il disparaît. Elle doit s’arrêter au marché à nouveau pour acheter quelque chose à manger, mais a déjà hâte de retrouver les bras du vitaliste.