Let the right one in | Ben

Il est vrai qu'Aliénor ne sait pas grand chose sur son hôte. Depuis la veille, elle en découvre sans arrêt un peu plus mais elle ne le connaîtra jamais tout à fait hélas... Benedict en a le regret autant que de ne pas pouvoir passer plus de temps avec la seule personne qu'il peut un tant soit peu considérer comme son amie. Il ne démentit pas les conjonctures de la vampire. Il vient bien de dire qu'il a déjà franchi ces barrières pour atteindre ce lieu interdit.

-Si quelqu'un pénétrait chez toi, tu ne changerais pas les serrures ? Dit-il afin de lui faire comprendre ce qui le taraude. L'accès à cet endroit est strictement contrôlé par le Conseil et je n'ai jamais eu le droit d'y aller, que ce soit aujourd'hui ou au siècle dernier. Il serait surprenant qu'ils n'aient pas pris de mesure pour m'empêcher d'y arriver encore.
-Peut-être parce qu'ils savaient que c'était inutile ? Intervient finalement Balak qui s'est rapproché.

L'archimage tourne son regard vers son collègue et le toise, l'air songeur. Cela se tient car il est bien plus puissant que n'importe lequel des membres du Conseil et même s'il fallait lancer trois sorts en même temps, il y parviendrait. Alors sa voix gronde un accord dans sa gorge mais il ne peut s'empêcher de rester un brin méfiant. D'autant plus lorsqu'il parvient à ouvrir la dernière porte, au bout de ce couloir noir, à l'aide d'un souffle de vie. Tout s'est déroulé exactement comme la fois précédente... C'est certes étrange mais il n'a pas d'autre choix s'il veut qu'Aliénor puisse rentrer chez elle.

Ce long couloir débouche finalement sur un lieu des plus étrange. Là, dans l'ombre la plus totale, au milieu du vide, se dresse une série d'arches positionnées en rond. L'endroit semble éclairé par un soleil absent. De l'eau s'écoule et tombe dans le néant. Des buissons et de l'herbe parsèment le sol de cailloux et de terre. Un mince pont de pierre permet d'y accéder.
Benedict s'avance d'un pas lent pour rejoindre la petite esplanade suspendue dans les airs. Il observe un silence presque religieux, comme s'il était en pèlerinage.

Après avoir passé la porte et avant qu'elle ne s'engage sur le pont, Balak rattrape la vampire et la retient sans violence.

-Cet endroit a une signification pour lui. Laissons-lui une minute.

Les pieds de l'archimage font finalement crisser les cailloux. Il s'avance vers le centre de cette motte de terre. Dans le sol est implanté un cercle de pierres lisses parfaitement dégagé. On distingue des traces de pas, présentes pour certaines depuis des siècles et ceux qui les ont faites sont sans doute morts depuis longtemps. Il avance encore jusqu'à se rendre au milieu de ce rond parfait et il observe un instant de silence et d'immobilité. Il s'est passé tant de choses à cet endroit... Ses sentiments sont des plus ambivalents à son sujet, quelque part entre la fierté, la colère et la haine.

- Si quelqu'un entrait chez moi, il n'en serait de toute façon pas sorti. Mais je comprends ce que tu veux dire oui. C'est un peu étrange. Les Mortels changent les serrures quand on s'est introduit chez eux. Ici, à priori, il n'en est rien. Peut-être que ton Conseil a pensé que tu ne ferais pas deux fois la même...erreur?

Où que je sois, je procède de deux façons quand je m'installe. Soit je m'arrange pour être la plus invisible possible, soit je m'arrange au contraire pour être dans un endroit tout à fait banal, tellement exposé que mes ennemis ne penseraient sans doute pas à me chercher là. De plus, pour chaque humain qui tente l'expérience, le comité d'accueil, tout en crocs, griffes et fourrure fauve, fait le sale boulot à ma place en plus de se remplir le ventre sans effort. Cela étant, Ben a raison ces facilités sont étranges. Personnellement, je ne reste pas au même endroit si on a trouvé ma planque, si on a forcé ma serrure. Ce qui me fait penser qu'il faudra sans doute que je quitte New-Orleans pour migrer vers le Nord. Dommage. Elle était bien, cette ville pleine de fièvre...

Un très bref instant, un doute s'empare de moi. Et si c'était un piège ? Si on avait ouvert un boulevard pour Ben, pour je ne sais quelle raison ? Puis je secoue la tête. C'est impossible. Ce serait une erreur tactique que de vouloir lui faire du mal. Cela étant, nous sommes dans un autre monde. Ce qui est logique ici ne l'est peut-être pas chez moi. Balak semble corroborer mes pensées en faisant preuve d'un peu de compassion.

Quoiqu'il en soit, je me blottis dans ma cape, avançant d'un pas un peu plus lourd. Je sens une moue se dessiner sur mon visage. L'Errante que je suis a kiffé cette expérience insolite et aurait sans doute bien aime la poursuivre, ne serait-ce que pour avoir la joie de voir un dragon. Ou un vrai Elfe. Ou toute autre créature dont j'ai pu lire la description dans les livres de la belle bibliothèque de cette académie.

Puis..bon. Je l'avoue. Il a réussi à me distraire de mes mauvaises habitudes, Ben. C'est le premier à me traiter comme un être humain depuis bien longtemps... Du coup je traine un peu les pieds, tant et si bien que je ne m'aperçois pas de suite que je suis dans une nouvelle salle, bien plus étrange que les couloirs.

- Ben ?

Balak pourra sentir la dureté de mon corps sous ses doigts. Tout autant qu'il pourra à nouveau voir mon regard changer en une fraction de seconde alors que je me dégage de son emprise. Il y a des limites à ne pas dépasser. Me toucher de cette façon en fait partie. Quoiqu'il en soit, je garde désormais un mètre de distance avec le semi-Elfe et replace ma cape correctement, en grondant sourdement, comme le ferait Whisper quand il a faim, avant de regarder Ben. Il semble être en totale communion avec ce lieu dont je ne comprends pas bien la portée, j'attends donc qu'il termine sa contemplation pour demander.

- Est-ce que tout va bien ?

Balak ne s'offusque apparemment pas de la réaction de la vampire. Cependant, il n'aura pas manqué de noter ce qu'il avait pu analyser à distance avec sa magie : elle est telle un cadavre qui marche. Mais un cadavre dont le Souffle serait resté dans son corps. C'est très étrange et cela l'intrigue mais il sait qu'il ne doit pas trop y réfléchir et encore moins prendre des notes qu'un autre -un nécromancien- pourrait récupérer. Après le départ d'Aliénor, il doit oublier tout ceci...
Leur attention se reporte ensuite sur Benedict. Le demi-elfe l'ignore mais, venir ici la première fois ne lui avait pas fait cet effet. Ce moment s'éternisant presque, il finit par froncer légèrement les sourcils, se demandant ce qu'il pouvait bien se passer dans la tête du Gardien du Savoir. Qu'il soit nostalgique, d'accord, mais là... C'était au-delà de ça.

Une voix finit par sortir l'archimage de son état et il tourne vers sa nouvelle amie un regard à la fois triste, perdu et résigné. Mais il se reprend, en croisant le regard de la jeune femme et lui répond en changeant de sujet, comme si de rien n'était.

-Prends ma place. Nous allons commencer.

Il jette un regard en direction de Balak pour lui donner le signal qui lui permet d'approcher puis il quitte sa position : au milieu exact du cercle. Il s'écarte pour en sortir et croise le chemin de la vampire. Alors qu'il va la dépasser, il se ravise et s'arrête près d'elle.

-Aliénor ?

Une fois qu'il a attiré son attention, il tend une main vers elle, lui demandant la sienne. Il se souvient de sa réaction la dernière fois qu'il l'a touchée et ne veut pas le faire sans son accord. Mais il le lui demande cette fois parce qu'il en ressent le besoin pour lui adresser ce qui fera office de paroles d'adieu. Si elle refuse, il ne lui en voudra pas et retirera simplement sa main avant de prononcer quelques mots.
De son côté, Balak s'est arrêté sur le pont en entendant le nom de la vampire, leur laissant leur intimité. Il ne sait pas ce qui les unit mais leur lien est évident.

-Tu auras été la seule personne que j'aurais pu considérer comme une amie dans ma vie. Je regrette que nos chemins doivent se séparer. Merci. Pour tout.

Benedict sent un frisson autant physique que magique lui courir sur la peau. Cette souris n'est pas réelle, même si c'est particulièrement bien imité. Il peut la sentir se promener sur lui, lui chatouiller la joue et même l'embrasser. Pourquoi Aliénor n'a-t-elle pas accompli ce geste elle-même ? C'est une question pour laquelle il n'aura jamais la réponse. Il se contente de serrer ses doigts, lui aussi, sans plus rien dire.
Avant que leurs chemins ne les éloignent une dernière fois, il sourit, visiblement amusé par une pensée.

-J'avais fini par croire que tu n'avais pas retenu mon prénom en entier. Fait-il sur le ton de la plaisanterie avant de sortir enfin du cercle.

Il se positionne dos au ponton et face au sujet de son rituel. De son côté, Barak a observé la scène avec un mélange de curiosité, d'empathie et de dégoût... Cette créature est certes atypique mais l'archimage semble la considérer comme un être vivant à part entière et cela lui est difficile à supporter. Cependant, cela le conforte également dans son projet pour cette nuit.
Voyant les deux amis se séparer, il reprend sa progression pour aller se poster en face de Benedict, de l'autre côté du cercle. Ce dernier ferme les yeux et joint ses mains devant lui. Une aura émane rapidement du cercle, formant comme un rideau de lumière bleue autour d'Aliénor. L'archimage commence à réciter les incantations dans cette langue étrange qu'ils ont déchiffré quelques jours plus tôt. Ses paroles résonnent tel un écho infini qui s'amenuise avec le temps. C'est l'impact du voyage entre deux univers qui provoque ces répercutions incessantes. Heureusement, les mots ne sont qu'un chuchotement autour de la vampire qui n'a rien d'autre à faire qu'attendre. Les minutes défilent ainsi, la démarche est longue et fatigante pour Benedict qui n'en reste pas moins concentré.

Après plusieurs minutes, Balak lève des bras écartés de part en d'autre de son corps. C'est le moment pour lui d'intervenir. Il se concentre, ajoutant une touche très différente à ce rituel. L'aura de lumière se teinte peu à peu, passant du bleu au violet puis du violet au rouge. Un rouge sang, source de la magie -et de la vie- d'Aliénor. Parmi elle, quelques étincelles scintillent, témoin d'un ajout imprévu placé à l'insu du premier incanteur.
Quelques minutes supplémentaires s'écoulent puis les contours de la jeune femme deviennent de moins en moins précis. Elle devient plus légère et sa tête lui tourne un peu. Son corps entame enfin le voyage qui va la ramener chez elle. N'ayant plus rien à faire d'autre que de laisser le rituel se dérouler, Benedict laisse ses bras retomber le long de son corps et rouvre les yeux. Sur ses lèvres se dessinent un léger sourire à l'attention de son amie qui s'efface lentement de sa vie... Concentré, triste et affaibli, il ne perçoit pas ce qu'il se passe derrière lui... Un petit groupe d'hommes, tous plus âgés les uns que les autres et portant les couleurs de l'Académie, se tient de l'autre côté du ponton. Trop loin pour que Benedict puisse ressentir leur présence dans son état. Et si Aliénor les voit, elle n'a pas le temps de l'avertir... car le sort l'emporte loin de cette caverne, de cette école et même de Miradelphia.

La corps d'Aliénor disparaît tout à fait et Benedict baisse la tête. C'est terminé... Il ne la reverra plus jamais. Il ne lui reste plus qu'à ressortir et tout refermer derrière lui, comme avant. Mais après quelques secondes, il relève les yeux et fronce les sourcils. L'aura de lumière aurait dû disparaître avec son amie mais, au lieu de cela, elle se maintient et change de couleur pour passer à un blanc lumineux. Il n'a hélas pas le temps de s'interroger plus longuement sur la question qu'il sent une force le pousser violemment en avant. Son corps chute puis roule jusque dans le cercle magique. Lorsqu'il rouvre les yeux, il se tourne vers l'origine du sort d'aéromancie et voit les membres du Conseil approcher les uns derrière les autres.

-Mais qu'est-ce que vous faites ?! Crie-t-il en se relevant.
-Nous réglons un problème qui aurait dû l'être depuis bien longtemps.
-Le rituel n'est pas prévu pour deux personnes. Seuls...
-... ceux dont une empreinte a été intégrée au sort peuvent voyager à travers lui.

Benedict les observe sans comprendre pendant deux secondes avant de réaliser. Il se tourne alors soudainement vers celui qui a rendu cela possible : Balak. Son action semble avoir provoqué en lui un brin d'ambivalence, même si les dernières heures l'ont plutôt convaincu que continuer à suivre le plan prévu. L'archimage réalise son erreur d'avoir impliqué un autre dans tout ceci.

-Après ton départ, nous verrouillerons l'accès à cette dimension pour d'autres créatures, y compris celles que ce monstre vert est capable d'invoquer. Tu ne pourras donc plus revenir.
-Vous ne pouviez pas simplement me laisser dans mon placard ou même me tuer. Il fallait vous débarrasser de moi comme les lâches que vous êtes !
-C'est mieux pour toi. Essaie de se défendre Balak, jusqu'à ce qu'un autre membre du Conseil ne ruine aussitôt son unique effort.
-Ainsi, tout est fini.
-Vous ne comprenez pas... Réplique Benedict d'un ton las, presque abattu. C'était déjà fini.

Soudain, le demi-elfe comprend tout. La résignation de l'archimage, ce n'était pas pour renvoyer Aliénor chez elle... C'était à propos d'une autre décision qu'il avait prise. Finalement, son lien avec la vampire ne l’écœure plus autant. Il y voit plutôt une lumière... Mais, déjà, Benedict s'efface. Il ne lui reste que peu de temps, ce n'est plus le moment de réfléchir.

-Hersfelt ! Retrouve-la !

Et la lumière disparaît aussitôt, emportant avec lui le corps de l'archimage qui dérangeait tant. Quelques membres du Conseil dévisagent Balak suite à ses dernières paroles. Ils ne comprennent pas la portée de ce qu'il vient de dire. Ils ne comprennent pas qu'il vient de tenter de sauver la vie de celui qu'ils ont trahi pour la énième et dernière fois... Au lieu de cela, on lui demande sèchement de quitter les lieux. Ils ont un tout autre rituel à accomplir. Alors il s'en va sans demander son reste. On lui en voudra quelques temps pour ce qu'il a dit mais peu lui importe... Si Benedict l'a entendu et suit son conseil, c'est tout ce qu'il compte.


Quelque part dans la bayou, une aura blanche dessine la silhouette d'un homme qui choit au sol une fois la pénombre revenue. Il ne porte plus son long manteau et ses vêtements chers mais d'un autre temps. Il a une chemise à col droit sous une veste en cuir, un jean et des chaussures esthétiques et confortables. Il subit les effets qu'il avait lui-même prédit si Aliénor avec dû participer au rituel dont elle était la cible et gît, inconscient, de l'eau jusqu'aux hanches.
La vampire est déjà partie, elle l'a manqué de peu. En revanche, quelqu'un d'autre a été attiré par la lumière provoquée par son apparition et approche... L'examine... Puis l'emporte dans la nuit.

Nos personnages n'étant plus sur Miradelphia, notre RP s'arrête ici.
Merci de nous avoir lu !