Tourments et confidences | Solo

Le choc de la nouvelle est encore si grand que je ne puis m'empêcher d'y songer. Non pas le choc d'avoir été témoin d'un vaisseau de la Bienveillante car je savais au fond de moi que cela se produirait un jour, bien que je ne l'imaginais point en de telles circonstances. Mais plutôt le trouble causé par son message, qui ne fait que s'ajouter à celui déjà conséquent provoqué par les Suderons. Un trouble qui ne cesse de me tourmenter depuis, alors même que j'accepte avec joie l'honneur qui m'est fait de répondre à la demande de notre Mère à tous. Car ce message, qui ne peut être que vérité car il est donné par la Damedieu elle-même, remet tant de choses en question : à commencer par celui qui n'était qu'un imposteur ayant usurpé le trône royal, et par ces traîtres qui on trompé le royaume de la Mère en l'y maintenant. Outre confirmer ce que je savais déjà, cela apaise mes doutes, et me guide vers la voie que je dois prendre. Cependant, n'est-il point trop tôt pour emprunter cette voie ? Suis-je seulement prêt à la suivre ? Puisque la Mère des Humains le pense, alors je n'ai point à en douter. Pourtant voilà que ces tourments me privent de mon sommeil.

L'on frappe à a porte, me tirant de mes pensées.
- Qu'est-ce ?
La porte s'entrouve timidement, tout juste assez pour que je puisse entendre le chevalier qui garde l'entrée de ma chambrée.
- Son honneur Dame la Baronne est là, comme vous nous...
- Laissez-la entrer. Le coupe-je sèchement.
Entre alors mon épouse, dans sa robe de chambre tout juste doublée d'un manteau, qui reste cependant au pas de la porte.
- Vous m'avez fait mandez, cher époux ?
- Oui. Réponds-je avec une once de fatigue dans la voix. Entrez, et fermez la porte derrière vous.
La Heinster ferme la porte derrière elle, mais ne s'avance pas pour autant. N'est-ce qu'une impression et semble-t-elle gênée ? La fatigue ne me permet pas de le savoir avec certitude.
- M'avez-vous fait venir pour que je remplisse mon devoir conjugal ?
Mais quelle est donc cette idée saugrenue ?
- Pensez-vous réellement que j'aies la tête à cela, en ce moment, Ansleubane ?
Les femmes...
- Alors que vous fait-il quérir ma compagnie, en ce moment si tardif ?
Est-ce du soulagement que je perçois ? Ridicule, voilà que je me met à voir des choses impossibles.
- Le tourment de ces évènements troublants qui ont eu lieu dernièrement m'éloigne de mon sommeil.
Je lui désigne d'un geste de la main un fauteuil posé face à moi.
- Asseyez-vous, nous allons discuter.


Ainsi nous discutons et échangeons nos avis et visions. Non pas que les pensées de la Heinster me soient indispensables, bien évidemment, toutefois il arrive parfois que ce qu'elle dit soit pertinent. Nous parlons donc de choses et d'autres, à commencer par l'investiture de la Haute-Prêtresse de Néera que nous avons vécu hier. Nous évoquons nos pensées sur cette dernière, mais aussi et surtout nous échangeons sur l'apparition du vaisseau : de la Voix de la Damedieu, de son message, et de ce que cela peut signifier au-delà des mots entendus. La conversation se poursuit ensuite sur d'autres sujets, plus ou moins importants, qui pourraient concerner de près ou de loin notre bien aimée Oësgard. Au moins avons nous cela en commun de tenir à notre Patrie, elle et moi. Et de fil en aiguille, nous venons à évoquer l'incident remarquablement ridicule de Langehack, et des impactes que cela pourrait avoir pour Oësgard. Si nous pouvons négliger celui commercial, de mon point de vue du moins, la perspective d'une véritable n'est point à prendre à la légère. Nous avons déjà les barbares Wandrais au Nord, et la menace de l'Est se profile de plus en plus. Aaarh ! Je suis déjà las des complaintes de notre Sénéchal lorsque nous viendront à envisager un nouvel ennemi. Pourtant, ces nabots ; Seraient-ils réellement de redoutables ennemis ? J'en doute fort.

- Vous avez séjourné au Zagazorn, vous avez même pu rencontrer leur roi. Que pensez vous d'eux ?
Bien que nous en ayons déjà parlé après son retour à Oësgard, cela n'a été que brièvement. Et puis, à dire vrai, je n'y portais pas d'intérêt.
- Ils sont un peuple fier et digne, et la plupart de ceux que j'ai pu rencontré m'on semblé comme taillés dans la pierre la plus brute des montagnes. L'hospitalité de celui qui nous a accueilli, Maître Glumtol, n'a presque rien à envier à celui des Oësgardiens. Toutefois, si l'on accepte leurs coutumes, que pour beaucoup diffèrent des nôtres. Il y a une chose, cependant : ils posent l'Honneur en une place importante, peut-être autant que nous autres, Oësgardiens.
Décidément, les femmes on cette regrettable tendance à romancer les choses. Comme si ces nains pouvaient avoir autant de qualités, comme s'ils pouvaient connaître l'Honneur.
- Ce n'est pas ce que je vous demande. Maugréé-je. Qu'est il à redouter si une guerre venait à éclater ?

Une guerre... Doit-on véritablement redouter une guerre venant de ce peuple de taupes vivant sous terre ? Des inepties que me sort la Heïnster, il est néanmoins des informations qui pourraient être utiles, si elles sont vraies. Il me faudra vérifier auprès des chevaliers de sa garde, ceux qui l'y ont accompagné. Eux, au moins, sauront de quoi ils parlent en matière de forces armées et de potentiel militaire. Alors que cette femme, bien qu'elle saches tenir une intendance ou organiser un banquet, elle se laisserait trop aisément impressionner par quelques gobelins en armure. Malgré tout, si ce qu'elle dit est vrai... La menace n'est peut-être pas ce qu'elle pourrait sembler, et cela est bon pour nous.




La nuit porte conseilles, dit-on. Et cette nuit, bien qu'écourtée par la conversation d'hier au soir, m'a apporté les siens. Mes réflexions ont été plus sereines ce matin, et je sais désormais ce qu'il me convient de faire. Pour Oësgard, bien sûr, mais aussi pour Son royaume. Car cela est primordial. Les affaires de politiques et de commerce m'excèdent, cela est reste d'un ennui qu'importe de quelle manière je les regardes. La guerre, en revanche... Les affaires d'Hommes et d'Honneur sont bien plus dignes de mon intérêt, par Othar ! Je suivrais les préceptes du Guerrier, mais aussi ceux de la Mère. C'est pourquoi je vais rester, et m'assurer que notre Champion soit de ceux qui iront mener la quête de la Damedieu, et c'est pourquoi j'ai écris ce courrier, que je transmet au chef de ma garde.
- J'attend vos ordres, Vôtre Honneur.
- Désignes un messager, un chevalier de confiance. Le plus rapide que nous ayons. Que ce message arrive à Oësgard dans le délai le plus bref, cela est d'une importance primordiale. Que le Conseil du Lion le reçoive en main propre.
- Ce sera fait. J'ai celui qu'il nous faut.
- Bien, alors va !
Je le presse en joignant mon ordre d'un geste de la main.
- A vos ordres, Vôtre Honneur.




Alors que le messager vérifie son équipement et celle de sa monture, un frisson d'excitation le traverse. Le chevalier se sent à la fois fier d'avoir été choisi pour cette importante tâche, et à la fois inquiet. Sera-t-il à la hauteur ? Le Capitaine Trevor a été clair sur l'importance de sa mission, et sur les conséquence d'un échec. Rallier Diantra à Oësgard en moins de temps qu'il n'en faut un coursier ordinaire ne sera pas une mince affaire. Mais s'il réussit, alors peut-être... Peut-être qu'il sera récompensé pour son service et sa loyauté. Peut-être même qu'il pourra obtenir des terres, qui sait ? Seulement partir dans l'immédiat est impossible en raison de l'interdiction imposée par le Conseil Royal, et il ne peut que se tenir prêt jusqu'au moment venu. Et l'attente est insoutenable, autant que stressante.
- Sire Mikail ?
Le coursier est tiré de ses pensées.
- Ah ! Sire Harald ! Je ne m'attendais point à te voir, n'es -tu pas supposé te préparer ? Mes félicitations pour ta sélection.
L'intéressé lâche un rire quelque peu nerveux.
- Ma prochaine épreuve n'est que demain et le maître d'armes m'autorise quelque repos après cette rude journée, mais je devrais rapidement y retourner. J'ai appris pour ta mission, prépares-tu ton voyage ?
- Je partirais dès que les portes seront à nouveau ouvertes, alors je me tiens prêt chaque jour. Nous devrons certainement attendre pour nous revoir, et alors nous fêterons ta victoire !
- Qu'Othar t'entende, je l'espère. T'en vas-tu bien pour Oësgard, est-ce cela ?
- Oui, sur ordre de Son Honneur Geoffroy.
- Alors, peux-tu porter un courrier pour moi ? Je souhaiterai donner quelques nouvelles à mon père.
- Certainement ! Je le transmettrais au Sire Sénéchal, je t'en assure !
- Merci bien !
Le chevalier transmet une enveloppe scellée à coursier qui la range dans sa besace, non loin du courrier du baron.
- Nous ne nous reverrons sans doute pas avant que tu ne partes, avec ce tournoi. Fais bonne route, que Kyria veille sur ton voyage.
- Qu'Othar guide ton bras et bénisse tes combats.
Ainsi les deux chevaliers se saluent et se séparent, permettant au coursier d'achever l'examen de son équipement et les préparatifs pour sa course à venir.

Missive de Geoffroy au Conseil d'Oësgard

A Diantra, Arkuisa de la première ennéade
En l'an dix-neuf du onzième cycle

De Son Honneur, Geoffroy d'Oësgard,
Baron d'Oësgard et Seigneur d'Amblère

Aux conseillers du Lion d'Or


La Damedieu s'est présentée à son royaume, par le biais de son vaisseau, au cours de l'élévation de la Haute-Prêtresse de Néera. Sans attendre, la Bienveillante nous a révélé l'imposture du prétendu Roy Bohémond Premier, et la traîtrise de ses marionnettistes. Afin que la Vérité ne triomphe, la Bienveillante nous a confié à nous, ses enfants, la queste de retrouver son véritable Roy.

Il ne m'est pas nécessaire de rappeler la foi véritable des gens d'Oësgard. Aussi, nous allons évidemment répondre à l'appel de la Damedieu. Ainsi, moi, Geoffroy d'Oësgard, Barron d'Oësgard et Seigneur d'Amblère, vous ordonne de préparer nos gens.

Nous offrirons aux plus preux d'entre nous de retrouver les vestiges qui rétablirons la Vérité. Que nos chevaliers les plus pieux se tiennent prêts à livrer cette queste à mon retour, après que notre champion se soit illustré lors du tournoi de chevalerie.


Que le Souffle de la Damedieu dicte vos choix, et que la force d'Othar guide vos lames.

Geoffroy d'Oësgard,
Baron d'Oësgard et Seigneur d'Amblère

Missive de Sire Harald à son père

Très cher Sire,

Pardonnez ce subterfuge, mais vous savez comme moi que la méfiance est de mise.

L'heure est grave. Les nouvelles de l'incident qui s'est produit à la région des habits de dents, avec les gens des Hauts Monts, se sont répandues jusqu'aux hautes instances. Si ces derniers font montre de privilégier une approche diplomatique, nul n'a cru bon de nous y convier. A l'instant où je vous écris ces mots, nous ignorons encore la teneur de leurs intentions, et les suite qui seront réellement données quant à cette affaire.

Cette affaire n'est, de plus, pas la seule que je souhaite porter à votre intérêt. En effet, sachez que durant l'élévation, une manifestation divine de notre Damedieu s'est produites. Les révélations faites à son peuple sont pour le moins troublantes. Je préfère toutefois vous en parler de vive voix.

Je vous en conjure, faites votre possible pour protéger Oësgard. Des temps troubles se profilent, notre bon peuple ne doit souffrir d'un conflit qui ne lui concerne pas.
Je vous confie les moyens du Rosignol chatoyant, usez-en si cela vous semble nécessaire. J'ai confiance en vos capacités et en votre jugement.

Que le Souffle de la Damedieu vous guide.

A. H.