[Au sortir de l'hiver] Tu pioches, je cogne (Hjorlgrim)

Après qu’Harald ait répondu à tous les dawis qui avaient saisit l’opportunité de prendre la parole, avant de s’entretenir pour des affaires privés, l’ambiance était revenue à son plus fort dans la salle du banquet. Les nains présents reprenaient alors leurs discussions, accompagnée de bière et de nourritures entre chacune de leurs paroles.

Dans son coin de table, Ararün se félicita d’avoir obtenu les honneurs du Groman-Rick pour mener à bien l’expédition dans le nord. Dans sa première idée, il ne comptait que faire l’aller-retour, après être arrivé sur place et avoir vu de ses propres yeux l’étendue de la situation, mais la suggestion d’un autre nain, Hjorlgrim, avait éveillé en lui une toute autre initiative qui avait été elle aussi saluée par Harald.

Il était impensable pour le Capitaine de s’encombrer de civils peu expérimentés face aux dangers du Septentrion, mais il ne pouvait pas non plus se permettre de revenir les mains vides ou du moins sans nouvelles autres que de simples observations. Alors, après quelques hésitations, il se releva de son siège et traversa la salle du banquet pour se rendre du côté de Hjorlgrim et ses représentants.

Attendant d’être vu, pour ne pas abréger quelques discussions, il vint alors tirer un siège vide pour se placer aux côtés du dawi et déposant sa choppe devant lui il prit alors la parole.

« Hjorlgrim Brokkgog, mmh ? » Il s’assura alors que son interlocuteur soit bien celui voulu, car dans la cohue des prises de paroles il n’avait pas pu bien retenir le visage de ce dernier. Après ça, le capitaine kirganais fixa le dawi de son éternelle air sévère rappelant les froides pierres que le mineur avait l’habitude de piocher.

« Mes esgourdes m’ont pas trompé, tu souhaites toi aussi t’rendre dans l’Nord pour y voir l’Montagne Disparue ? Si c’est bien l’cas, toi et moi on va devoir jacter un p’tit peu. » Il arrangea son assise sur le fauteuil et s’installa comme s’il avait toujours été à cette place. « Tu veux poser tes mires et tes pognes sur la caillasse qui pourrait s’y trouver n’est-ce pas ? J’veux bien t’compter parmi ceux qui viendront, mais à quelques conditions. »

Le dawi regardait alors son frère en buvant plusieurs gorgées de sa bière, semblant attendre avant tout quelque chose de ce dernier.

Hjolgrim avait raison sur un point, les dawis encore en vie se devaient de se rapproprier ce qui leur appartenaient de droit ; D’abord parce qu’ils vivaient en maîtres sur leurs terres, mais aussi pour venger et honorer ceux qui se sont battus et son tombés pour protéger ces biens. Ararün le savait bien, c’était là une expédition certes dangereuse mais ô combien cruciale pour les siens.

D’une main il attrapa la cruche de bière et se remplie une choppe, écoutant alors son interlocuteur du moment. Il opina gravement aux propos de ce dernier quand celui-ci parla de ceux qui avaient périt vaillamment. Puis enfin, il se para d’un bref sourire lorsque Hjolgrim sembla vouloir entendre les conditions données.

Le Capitaine ria sincèrement et envoya une tape amicale sur l’épaule du mineur pour le détendre. Une tape certes amicale mais une tape propre au petit peuple solidement charpenté. « Ahah prend pas c’te mine l’ami ! Aucune carabistouilleries là d’dans ! » Il ponctua sa phrase de plusieurs longues gorgées de bière, laissant alors de la mousse dans sa barbe tressée. « J’t’apprend rien en te disant qu’l’endroit est dangereux, remplis d’viandards et autres joyeusetés qui veulent nous étripailler… » Il se massa le menton un instant, l’air de chercher ses mots. « J’souhaite juste pas me retrouver à devoir escorter toute une tripotée d’fureteurs et autres grattes-plumes qui seraient plus que nécessaires. Voilà tout ! »

Il reposa alors la choppe sur la table de bois et s’accouda dessus, en reprenant un air plus sérieux avant de reprendre son argumentation. « On sait pas dans quoi on va mettre nos joufflus, on y va pour y jeter un coup d’œil et après… seulement après ! Voir c’qu’on peut faire là-bas. » Il renifla un large coup, tel un broutard et pivota pour désigner les hommes du clan Brokkgog. « Tu pourras pas tous les mener avec toi, prend quelques pioches, mais en ce qui concerne les cognards, je me charge moi-même d’les choisir. C’est là mes conditions. »

Il revint alors au Thane et lui offrit un hochement de menton vers le haut comme pour lui demander son avis. « On aura besoin d’gars comme toi pour rapporter c’qui s’y trouve, mais si faut y retourner, on y retournera mieux préparés quand on saura à quoi s’attendre. Ca t’va ? » Il tendit alors sa main comme pour sceller un accord entre lui et Hjolgrim.

En vérité Ararün aurait préféré s’encombrer de peu, voir d’aucun civil, ne sachant pas ce qui pourrait se trouver sur leur route, mais il fallait bien des regards experts sur ce qu’ils pourraient y découvrir sur place. Sa priorité étant de ramener le maximum d’informations, de possiblement trouver une raison à cette explosion, mais il se devait d’être prudent et le volcan qu’il était dans sa jeunesse se devait de rester endormi pour la sécurité et le bien de ses frères et sœurs qui l’accompagneraient.

A son tour, le capitaine kirganais encaissa la tape amicale en oscillant légèrement sur ses pieds. C’était là le signe d’une bonne entente sur les revendications de l’un et de l’autre. Ararün continuait d’écouter Hjolgrim faire sa contre-proposition.

Les dawis qui l’accompagnaient avaient certes de belles carrures, forgés dans et par les pierres du zagazorn et Ararün ne doutait pas de leur détermination quand il s’agissait d’aller aux devants des gobelins et autres kobolds qui pouvaient séjourner dans les mines. Néanmoins, une part d’ombre assombrissait son esprit en les regardant à tour de rôle. Ils avaient certes eu leurs lots de combats, mais le capitaine se demandait ce qu’ils feraient face à des dangers bien plus meurtriers que des grobis. Il ne pensait pas une seconde à les voir fuir, non, mais il s’imaginait les voir tomber par leur manque d’expérience. Enfin, ce fut la main du mineur qui le ramena à lui et ses iris s’abaissèrent alors sur la large pogne.

Le Fiers-Marteaux fronça les sourcils un instant, l’air de se donner un temps à la dernière réflexion. C’était une proposition juste et il se doutait que Hjolgrim et les siens voudraient tirer non pas profit, mais connaissances de ce qui pourrait se trouver là-bas sur place. Finalement, il serra sa main dans celle de son interlocuteur, expirant sèchement du nez comme un broutard.

« Dix barbes des tiens, ça m’va. Sûrement d’autres comme toi qui ramèneront les leurs pour tout ce qui est d’la partie civile. J’le répéterait une fois sur place, même si j’doute pas du courage des tiens pour jouer des pognes, j’veux pas les voir jouer les héros. Ils resteront derrière nos cognards sans leur marcher sur les panards. Bien clair ? » Il le fixa, haussant son sourcil broussailleux d’un air qui ne laissait guère de place à une remise en question de cette directive.

Il lâcha alors la main de l’homme et reprit de plus belle. « Les préparatifs commenceront dans quelques temps, tu seras sûrement convié avec tous ceux qui voudront s’y joindre. Profite encore d’la soirée Hjolgrim. » Il lui offrit un bref sourire de convenance, lui qui d’habitude avait le visage si fermé et stricte derrière sa longue barbe, puis s’éloigna pour retrouver les siens sans plus de cérémonie.