Une fine équipe

La daedhelle va de rues en ruelles en direction du lieu de rendez-vous, rehaussant machinalement le sac à dos sur ses épaules de temps à autre. Elle bâille et se frotte encore les yeux, mais elle prête. Prête à partir s’aventurer sous la frondaison cycléenne. La seule chose qu’elle espère, c'est d’avoir un ou deux volontaires. Elle veut y croire, même si elle appréhende, car, d’une part, elle est… Elle, et d’autre part, au vu des violences et des traumatismes subit par les rescapés arrivés la veille, il était compréhensible qu’une certaine crainte quant à l’idée de quitter la cité se soit d'ores et déjà installée.

Débarquant sur la petite placette, son regard ne trouve que de simples passants matinaux qui, soit l’ignorent purement et simplement, soit préfèrent l'éviter, soit l’observent de loin l’air de rien.
Mis à part… Une elfe bien trop jeune qu’elle reconnait au premier coup d’œil malgré son attirail de bric et broc. Une passoire sur la tête, deux planches en guise d’armure et un manche à balais pour se défendre, sa très jeune camarade de classe est fin prête elle aussi. Prête à retourner jouer avec ses comparses sous la garde des prêtres de Kÿria.

- Tu pars en guerre ? Ironise l’eldéenne an approchant d’elle.

- Non. Répond la gamine sur le ton de l’étonnement. Je viens juste avec toi.

- Aah... C'est donc ça ! T’sisra soulève la petite et part s’assoir avec sur un rebord de pierre non loin. C’est gentil d’être venue. Et très courageux. Mais il faut être adulte pour venir.

- Mais ! Mais ! Mais personne veut venir !

- Personne ? L’eldéenne pince les lèvres en arquant un sourcil, l'air faussement étonnée. Tu es sûre ?

- Je voulais pas te le dire mais... Personne aime ta tête Sindërána.

La daedhelle lui coule un regard entendu avec un sourire en coin. Elle lui prend son manche à balais en gloussant et donne une tape sur son casque de fortune de l’autre main.

- Mais si, il y en a qui m’aiment bien ! Ils ne sont peut-être pas beaucoup, mais il y en a !

- Mais force est de reconnaître qu’il n’y a pas foule.

T’sisra tourne la vers l’arrière et se fend d’un sourire en reconnaissant le milicien qui s'est approché le plus discrètement possible. Un brin d’espoir commence à poindre sur son visage. Si lui est venu, probablement que d’autres se laisseront tenter. Et pourquoi pas quelques curieux ?

- Tu m’accompagnes ?

- Seulement si personne ne vient. Précise-t-il dans un sourire malicieux. Sinon, je reste à la maison et je profite de ma famille.

- Bon, c’est... Merci. Les oreilles de la noirelfe s’affaissent puis, alors que la petite lui tire sur sa queue de cheval, son sourire reparaît. Mais ! Elle va se calmer ?! S’exclame la drow en chatouillant la gamine avant de reprendre un air plus sérieux. J'ai une tâche très importante pour toi.

- C'est quoi ?

- Je ne peux pas emmener Non. Et quelqu'un doit passer le voir pour qu'il ne s'ennuie pas trop. Tu pourras faire ça pour moi ?

- Oh ça oui ! S'exclame la petite en serrant le poing. Tu peux compter sur moi Sindërána !

Tu frottes l’éponge contre ta peau avec l’énergie du désespoir.

Tu as débarrassé ta peau de la crasse et de la sueur de l’entraînement depuis longtemps déjà. Ta musculature engorgée refuse de se détendre. Habituellement, soulever de la fonte t’aide à passer outre tes soucis, mais le visage de Lynn hante toujours ton esprit. Tu revois encore cette profonde tristesse colorer son regard, et finalement, ce qui t’agace le plus, c’est que tu lui en veux. Tu lui en veux de t’avoir regardé ainsi parce que c’est pour protéger sa vie que tu t’es résolu à faire ce que tu as fait. Tu lui en veux de t’avoir regardé ainsi parce qu’en réalité… tu n’as pas honte de ton choix. Pas le moins du monde.

Lynn, Ilynora et Aisto n’en ont parlé à personne. Pour l’instant. L’absence de missive révoltée provenant de Malereg te laisse penser qu’Unqua en a fait de même. Autant que tu saches, seuls Kaëlistravaë et Forvenion connaissent l’entière histoire de l’affrontement au cœur de Rindanim. Mais pour combien de temps ? Et si les choses venaient à se savoir, qu’arriverait-il ? Parfois tu te dis que tu préfères ne pas y penser. D’autres fois tu te dis que ne plus être l’Aran ne serait finalement pas plus mal. Et à la fin tu en reviens toujours à la même conclusion.

Tu as promis que tu ferais toujours tout pour les protéger. Tes Frères et l’Œuvre. Tu n’as fait qu’honorer ta promesse.

Tu marches à travers la Cité, ton tumulte intérieur soigneusement dissimulé par ton masque d’assurance habituel. Derrière ton sourire, une seule hâte : quitter les murs de la Cité, et retrouver la pleine vigueur des Chants d’en dehors des murs. Tu en as plus que besoin.

- Il paraît qu’il y a une daedhelle en ville qui aurait besoin d’un chaperon. tu arrives, à temps pour surplomber le spectacle de l’Eldéenne confiant une importante mission à sa jeune camarade Elfe Une idée de qui il s’agit ?

Ta prosodie se fait d’instinct plus soignée qu’à ton habitude, l’accent des montagnes légèrement gommé à la faveur de quelque chose de plus « classique ». De plus « standard ». De plus Lëandrin. Car c’est auprès des Lëandrins qu’elle apprenait votre langage. Au moins, à devoir faire cet effort, tu finirais par avoir plus peur d’être entendu dépourvu du patois Daranovan par un habitant de la capitale que d’être pointé du doigt en tant que nécromancien.

- Je constate que tu as su trouver tes marques... tu souris à la petite ...et ta petite tribu.

La tenue du moment:

Depuis son retour chez elle, Illynora avait gardé le silence sur les récents évènements et n'avait parlé à personne de ce qui s'était passé, pas même à la Noss avec qui elle commerçait habituellement. Non contente de garder le silence avec les autres, elle avait décidé d'en faire de même avec Artïon et n'avait plus évoqué le sujet. La violence des différents évènements l'avait affecté au point qu'elle n'en ait que peu dormi les soirs suivants, cauchemardant dans ses songes. Ses yeux sont beaucoup moins vifs qu'avant et elle semble malgré tout en être affecté, même pour une elfe.

Aujourd'hui, elle n'était pas venue seule car elle avait emporté le petit mulot soigné par le Roi lors de la réunion qu'ils eurent ensemble. Ce dernier est caché dans ses vêtements et ne sors son museau qu'en de rares occasions. Parfois il s'enfuit pour aller fureter à droite à gauche avant de systématiquement revenir à son point de départ. Les raisons qui l'avaient guidé vers la ville étaient diverses. Des ingrédients, du parfum, du troc, mais la vraie raison derrière ces excuses était l'envie de changer d'air.

Illynora fût interrompue dans sa progression par une scène tout à fait atypique qui la força a s'arrêter, ses oreilles se dressèrent comme celles d'un chat attiré par une chose qu'il ne parvient pas tout a fait a identifier. Son regard se fronce, affichant une nette incompréhension mêlée à une méfiance certaine face au spectacle qui s'offre à elle.

Les rumeurs avaient courru bien au delà des murs de la cité et tout le monde disait qu'une étrangère était arrivée dans les environs d'Alëandir, tout le monde y allait de son argument, de son histoire fantasmagorique. L'Alchimiste n'en avait guère cru un mot, mais avait tout de même retenu ce qu'elle qualifiait de contes, car à écouter tout ce qui pouvait bien se dire dans les environs, on finissait souvent par ne pas différencier le vrai du fantasque.

Arrivée quelques secondes après le Roi, elle n'eut qu'une ébauche de la scène ; elle pencha la tête sur le côté, intriguée par ce qui se déroulait devant son regard. Il était difficile de ne pas remarquer Artïon de par sa taille, bien que tous soient démesurément grands à ses yeux. A l'origine froncé, son regard s'écarquilla tout en affichant une surprise ; elle ne savait pas vraiment quoi penser de cette situation qu'elle jugeait ubuesque.

Plutôt que de se perdre en suppositions, Illynora s'approcha directement de l'étrangère, et ne sachant pas comment débuter une conversation, elle fit ce qu'elle savait faire de mieux : se plaindre. Sa voix est comme de coutume quasiment éteinte, malgré tout on peut y déceler une méfiance certaine mêlée à une politesse maladroite.

- Voici une situation bien originale, quel vent vous aurait donc égarée en pareil lieu, Maîtresse Daedhelle ?

Au vu des bribes de conversation qu'Illynora avait capté plus tôt, elle cherchait à se rendre quelque part, sans qu'elle en ait saisi tous les tenants.

- Si d'aventure vous entendez altérer un lac, sachez que je n'ai guère le temps de réparer vos pitreries.

L'alchimiste ne semble pas hostile a première vue au contraire, son visage paraît sympathique dès qu'elle croise le visage de la petite, mais s'assombrit dans une neutralité certaine dès lors que ses yeux remontent vers la voyageuse, le spectacle partiel qui s'était offert à elle avait suffit à la détendre bien qu'elle ne soit pas naïve ; des preuves d'amour, des sourires, une gentillesse affichée, tout ceci n'était parfois pas gage de réalité. Plutôt que de continuer de parler pour ne rien dire, elle préféra attendre la première réaction de l'étrangère.

Elle ignore cependant littéralement la présence d'Artïon, pour l'instant du moins.

Tenue d'illy:

Un mince sourire s’étire sur son visage alors qu’elle tourne la tête vers celui qui lui fait de l’ombre. Elle se redresse et dépose la petite au sol, en retirant la passoire que cette dernière porte sur la tête pour la lui mettre entre les mains.

- Une petite quoi ? Tribu ? Demande-t-elle dans un gloussement avant de se pencher sur la jeune elfe qui observe Artiön en portant la main au-dessus de ses yeux comme si elle observait un sommet rocheux dans le lointain. File à la maison, tu n’auras qu’à toquer très très fort à la porte. Et Non va aboyer très très fort en retour, ça réveillera Ithìliur s’il n’est pas déjà levé. D’accord ?

- D’accord ! Tu reviens quand ?

- Je ferai aussi vite que je peux ! Mais... Disons quelques jours, peut-être bien dix ou douze ?

Le milicien salue l’Aran d’un signe de tête. Nul doute qu’ils se connaissent, puisque l’elfe est un vétéran des conflits naélisiens. Cependant, les visages ont tôt fait de se tourner vers la nouvelle venue. T’sisra arque un sourcil face à son étrange façon de s’insérer dans la discussion, tout en posant les mains sur les épaules de la petite.

- Aller, va donc jusqu’à la maison. On ne peut pas faire attendre Non trop longtemps.

- C’est vrai ! Au revoir ! S’exclame la petite en se mettant à courir.

- Je n’ai rien contre les traits d’esprit de cette... Nature ? Oui, je crois que c’est le mot. Mais... Elle secoue la tête en observant l’alchimiste dans un froncement de sourcil particulièrement discret. Je préférais autant qu’on évite devant des enfants qui ne savent rien des conflits qui ont opposé l’Elda et l’Anaëh. Et qui n’ont, pour le moment, pas à y être exposé.

La daedhelle se tourne complètement vers cette drôle d’elfe, constant que toutes deux font, peu ou prou, la même taille. Elle l’observe de pied en cap et lui tend une main amicale.

- Je m’appelle T’sisra. Et pour répondre à votre question, je suis venue rejoindre mon compagnon, c’est un clerc de l’Académie.

- Ou tu peux faire comme les enfants et l’appeler Sindërána. Intervient Haerondir dans un rire moqueur.

La noirelfe lui coule un regard amusé et secoue la tête, incapable de s’empêcher de sourire.

- Vous êtes venus pour l’expédition ? Demande-t-elle en désignant Illynora puis Artiön de l’index avec un brin d’espoir au fond des pupilles. Nous ne sommes pas nombreux, mais je pense qu’on devrait s’en sortir sans trop de problèmes.

- Tu me comptes dedans ?

- Évidemment.

Le milicien ferme les yeux et se pince l’arrête nasale en poussant un soupir, il affiche un air faussement contrit avant de rigoler.

- Puisque j’ai le choix !

L’innocence d’un enfant d’un côté, le cynisme d’un adulte de l’autre. Quelle meilleure manière de constater les dégâts qu’infligeaient la guerre à un Souffle ? Ne prenant pas même la peine de soupirer à la remarque d’Ilynora, tu t’avances aux côté d’Haerondir, lui rendant ses salutations d’une tape amicale derrière l’épaule. Pour le reste, tu laisses faire la Daedhelle. Pour ce qui t’en a été rapporté, elle semble plutôt bien – toutes proportions gardées – s’intégrer à votre monde. Le témoignage de Celebrand a su lui gagner la tolérance des Guides… à partir de là, ce n’est finalement qu’une question de temps avant que la méfiance du reste de la Cité ne s’endorme. Et en tant qu’immortelle elle-même, pour peu qu’elle y tienne, nul doute qu’elle saurait patienter ce qu’il faut. S’il y a bien une chose sur laquelle tu fais confiance à T’sisra, c’est pour faire ce qu’il faut pour obtenir ce qu’elle veut.

- Tout dépend de ce qui te pousses en dehors des murs, exactement. tu déclares par curiosité plus qu’autre chose Mais quitte à ce que quelqu’un veille sur toi en dehors des murs, autant que ce soit moi. ton regard s’assombrit quelques peu S’il on devait croiser les Ornedhels du Protectorat, je fais partie des rares Taledhels à pouvoir leur faire entendre raison.

Ton attention se tourne ensuite vers Ilynora, ton visage marqué par les ridules de la sévérité paternelle. Si elle devait suivre le mouvement, tu n’aurais pas la patience pour ses pitreries. Alors tu espères que pour cette fois, au moins, elle saurait la mettre en veilleuse et se tenir à carreau.

Illynora hausse un sourcil face à la réponse aussi appaisée de la drow. Elle observe d'abord silencieusement la scène et sourit simplement à la petite dès son départ. Son regard se pose ensuite sur l'étrangère plus en détail, et elle remarque finalement qu'elle lui parle en la regardant dans les yeux ; c'était là une drôle de sensation comme elle n'en avait jamais ressentie. Sa respiration est lente et contrôlée, Illynora cherche ses mots qu'elle ne trouve pas immédiatement face à la réplique bien placée de celle qui se faisait appeler T'sisra.

- L'histoire n'est pas malléable contrairement aux jeunes souffles, et sans doute ont-ils le droit de la connaître.

Son regard se pose sur Artïon dès lors qu'elle mentionna son compagnon. L'Alchimiste n'avait rien à répondre à cette affirmation tout simplement car elle n'avait pas les tenants ni les aboutissants de celle-ci. Ses oreilles se lèvent puis se baissent dès lors qu'elle capta le regard paternel de ce dernier, tel un chat passant de la surprise à l'aggressivité défensive ; il y avait des situations ou l'on avait pas besoin de mots pour comprendre les intentions des autres.

- Mais j'imagine aussi que l'on peut parfois faire quelques exceptions sur les histoires que l'on peut raconter ou non.

Le visage de l'elfe se relève légèrement lui donnant un regard à la fois joueur et jugeur, elle affiche cependant un sourire plutôt sage. Elle prit finalement le temps de jauger la situation ; elle n'était pas venue pour aller faire une "aventure" avec Artïon ainsi qu'une Daedhelle, mais sa curiosité avait pris le dessus. Peut-être que rencontrer quelqu'un de différent de ses semblables - si cela s'avérait être le cas - pouvait être une situation enrichissante et qu'elle pourrait apprendre d'autres voies que la sienne. Elle était venue pour changer d'air, peut-être en était-ce l'occasion.

- Je n'ai rien contre une marche bien que je n'ai rien pris d'extraordinaire avec moi.

Illynora n'était à la base pas venue pour cette raison précise, ainsi il serait tout à fait improbable qu'elle soit équipée pour un long trajet. En dehors de son matériel qu'elle a toujours habituellement sur elle et ce qu'elle était venue échanger, elle était mains vides ; mais avec la présence d'Artïon, sa mère - qui allait le savoir au vu de la scène en cours et les regards des badauds - ne trouverait rien à en redire si il était présent, ce qui faisait une préoccupation en moins.

La daedhelle observe l’alchimiste avec un brin de perplexité, elle plisse le front l’espace d’une seconde avant de secouer la tête. Drôle de vision de l’histoire qu’elle lui dépeint là après tout. Elle semble être un étrange personnage de toute manière.

- Ce sera un peu plus qu’une simple marche. Son regard monte jusqu’au visage d’Artiön. Ce sont les voyageurs arrivés la veille. Ils ont subi une attaque violente. Non... Elle passe le dos de ses doigts contre le tranchant de sa mâchoire en cherchant le mot exact. Mortelle. Et les pauvres sont en ce moment entre les mains des prêtres de Tari. La daedhelle se gratte la tempe. Ce n’est pas que je me fiche des adultes, mais après avoir vu cette... Cette expression sur les visages des enfants, ça m’a fendu le cœur.

T’sisra dépose son sac au sol. Un sac lourd de provision et de matériel de bivouac. Elle plonge les mains dedans à la recherche d’une carte qu’elle déplie pour les yeux de tous.

- Il y a quelques années, je suis venue en Anaëh. Jusque dans cette région. De l’index, elle pointe l’endroit sur la carte. J’ai aidé une drôle de créature en bois qui s’est retrouvée coincée côté Aduram, et de fil en aiguille, je me suis retrouvée à me battre aux côtés de quelques elfes contre une sorte de nécromancienne qui essayait de soumettre un bonhomme arbre, mais plus grand que celui que j’avais rencontré. Elle s’arrête un instant et arque un sourcil en scrutant les visages. Je ne sais pas si cela fait du sens pour vous ? Mais je suppose que vous avez compris l’idée.

La daedhelle replie sa carte et commence à jouer machinalement avec. Son regard passe des uns aux autres alors qu’elle pince les lèvres, puis elle se reprend et continue son explication.

- Enfin... Tout ça pour dire qu’après la bataille, Tête de Souche a... Transformé l’endroit ? Je ne sais pas comment expliquer. Je n’ai pas encore les mots dans votre langue. Mais là-bas, on est... En paix. Tranquille. Le poids du monde disparaît. C’est comme si on pouvait penser aux choses difficiles mais... Facilement. T’sisra gonfle les joues et pousse un soupir, agacée par ses propres lacunes. Bon, je ne sais pas comment le dire. Mais je pense que ça pourrait soulager ces gens-là, si on pouvait discuter avec Tête de Souche, je suis certaine qu’il pourrait nous apporter son aide. Elle hausse les épaules en jaugeant des intentions de chacun. Je pense qu’il nous faudra une ennéade et demie, peut-être deux, pour y aller et en revenir. Vous en êtes ?

L’histoire d’une ancienne zone malade, qui ne l’était heureusement pas restée bien longtemps. L’une des premières péripéties qui t’aient été contées en tant qu’Aran. Un événement auquel tu n’avais finalement pas tant eu l’occasion de donner de l’importance. Et à postériori tu te demandes d’ailleurs pourquoi. Que Fenris mentionne la présence d’une drow dans le temps aurait probablement dû plus attirer ton attention… mais puisque tout avait été réglé… tu ne l’avais écouté que d’une oreille distraite, préférant accorder ton attention à la montagne d’autres problèmes que la Royauté t’avait déversé dessus. Aujourd’hui tu découvrais cependant avec amusement que l’histoire entre T’sisra et Anaëh ne datait pas exactement d’hier.

- Deux ennéades... tu croises les bras sous ta poitrine, pensif ...il faut que je sois dans le Lörn d’ici un peu plus de deux ennéades. Pour que je puisse t’accompagner il faudrait que… attends.

Ton regard se dirige vers le ciel, à la recherche d’un signe. Rien. Mais pourquoi ne pas tout de même essayer ? Tu soulèves le pan de tissu à ta ceinture pour révéler une sacoche, et en tires un appeau, dans lequel tu souffles un court appel.

- Attendez un instant...

Tu tends une paume ouverte en direction des autres elfes, leur intimant le silence, comme s’il était nécessaire. Quelques minutes s’écoulent, sans que rien ne se passe, et puis un cri retentit. Un éclair blanc et or fend le ciel avant de quasiment s’écraser à côté de toi et de t’agresser du bout du bec.

- C’est bon ! tu réponds, ris et te défends des fausses attaques de l’Aigle Géant en même temps Sû est dans le coin, donc je devrais m’en sortir. tu arrives à poser une main sur le crâne de l’oiseau, qui se calme immédiatement, et pose sa tête contre ta tempe en attente de caresses Je compte sur toi pour veiller sur nous, mon grand.

Ton attention retourne à tes congénères, ta main continuant machinalement de flatter l’encolure de l’immense volatile. Sû quant à lui plutôt que de s’envoler à nouveau profite de l’instant pour faire le plein d’affection, et jeter un œil à qui étaient tes étranges nouveaux compagnons.

Son regard ne quitta pas la drow lors de ses explications alors qu'elle prenait connaissance de bien des informations à l'égard de l'étrangère qui ne semblait finalement ne pas en être totalement une. Au fur et a mesure du récit de T'sisra, les oreilles d'Illynora bougent au rythme de ses pensées. Elle semble pour l'instant d'une neutralité mais aussi d'un scepticisme à toute épreuve.

Elle n'avait pas tout à fait compris la nature des évènements que son interlocutrice avait cité, peut être n'avait-elle tout simplement pas fait le rapprochement entre son langage approximatif et les faits réels, ou bien n'était-elle juste pas au courant de tout ce qui se passait en Anaëh, ce qui dans les deux cas n'était pas surprenant. Le voyage tel qu'il était présenté ne lui semblait pas dangereux ni ne nécessitait pas une inquiétude particulière ; elle n'avait rien de prévu pour l'instant sur les prochaines énnéades à venir. Etant plutôt à cheval sur la tranquilité du souffle, elle ne trouva aucun mal à aller dans un endroit calme et appaisé.

- Pourquoi pas.

Ses yeux se posèrent sur Artiön alors qu'un appeau se trouvait dans sa main, il ordonna le silence mais Illynora ne parlait pas, alors elle continua de ne pas parler le temps qu'il puisse appeler son compagnon. Elle observa le spectacle silencieusement, ne s'approchant pas pour autant de l'animal afin de le caresser quand bien même l'envie ne lui en manquait pas ; elle n'était pas son maître et n'était pas non plus coutumière de son contact.

Illynora ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais se ravisa aussitôt, préférant attacher ses cheveux en une longue queue de cheval haute plutôt que de perdre sa salive. Difficile de dire à quoi elle pense en cet instant même, car si le silence ne lui ressemblait pas, il était parfois plus bruyant qu'une cacophonie quand il venait de certaines personnes.

Le regard de la daedhelle suit celui de l’elfe alors qu’il scrute le ciel. Elle porte sa main au-dessus des yeux, et finalement, elle le discerne. Cette tâche qui fond sur eux avec presque trop d’entrain, elle en distingue rapidement les formes aviaires. L’animal est majestueux, l’eldéenne a en des étoiles dans les yeux. Elle glisse la main dans son jusqu’à refermer le poing sur ce qu’elle cherche : un morceau de viande séchée.

- Son nom, c'est Sû, c'est ça ? J’ai bien compris ? Ça veut dire quelque chose ?

Les lèvres pincées face à la méfiance de l’oiseau, T’sisra pose les poings sur les hanches et secoue doucement la tête. Force est de reconnaître qu’elle n’a d’autre choix que de changer de stratégie. Alors, elle lui tourne le dos et s’assoit en tailleur à même le pavé blanc. Elle ouvre le poing et pose le dos de sa main bien à plat contre le sol, laissant le morceau de viande séchée à la merci de qui en profiterait tout en regardant à l’opposé.

- J’ai rencontré un griffon au Zagazorn une fois. Quand j’en ai l’occasion, je vais le voir sur son terrain de chasse, mais il est loin d’être aussi timide. Grommèle la noirelfe entre deux gloussements. Bon, je l’ai rencontré quand il était jeune, il faut reconnaître que ça aide. Elle marque une petite pause. Donc, comme tout le monde est partant, je propose qu’on se mette en route. Si vous avez des affaires à prendre, on peut se retrouver à la porte de la cité. Quant à ceux qui sont déjà prêts à partir, on peut aller chercher les chevaux en attendant. J’ai pris quelques vivres, même si trouver de la nourriture ne sera pas un problème pour moi. Et j’ai deux bouteilles de Leöras en plus !

- Il fallait commencer par là ! Plaisante Haerondir en s’étirant. Par contre… Il glisse un regard taquin en direction d’Artiön. Tu devrais faire attention, si tu la laisses faire, tu ne vas plus le revoir. Il désigne l’aigle géant d’un signe de tête. Il paraît qu’elle nourrit la moitié des chrivines de son quartier et que, désormais, elles viennent jusque devant sa porte le matin. Pour le plus grand bonheur de ses voisins…

- Je suis entourée de rabat-joie, qu’est-ce que j’y peux ? Rétorque la noirelfe en roulant des yeux sans bouger d’un cil. De toute façon le voisin d'en face est parti alors bon...

- C’est le bruit de la foudre. tu fronces les sourcils, cherchant une manière de le lui expliquer plus directement, et le souvenir des autres langues que vous avez en commun te retombe dessus Ça veut dire « tonnerre ».

D’une main contre son poitrail, tu essaies de calmer l’oiseau, qui ne semble pas particulièrement apprécier la tentative de sympathiser de l’Eldéenne. Il faut dire que Sû est déjà âgé. Âgé, méfiant, et engoncé dans des habitudes séculaires. Que tu aies réussi à te faire accepter de lui tenait déjà du miracle. Et un triste miracle à cela, malheureusement.
Tu te saisis du morceau de viande séchée dans la main de T’sisra, et la propose de la tienne à l’Aigle. L’animal refuse une fois de plus, allant jusqu’à – là où il s’était contenté d’être vocal avec la drow – te mettre un coup de la pointe de son bec contre le front. Tu souris et bouscules l’oiseau en retour, et finalement, gobe le morceau de viande à sa place.

- Sû est un vieux récalcitrant. tu interviens après qu’elle eut fini de mentionner son propre ami à plumes, en lançant un regard taquin en direction du tien Laisse-lui juste un peu de temps pour s’habituer.

La conversation s’en retourne rapidement à vos préparatifs, avant d’être plus ou moins déraillée à nouveau. Et c’est quelque part dans l’espoir qu’elle ne dévie pas plus que de nécessaire que tu auras fait le premier pas en direction des écuries les plus proches. Comme pour appuyer la décision de prendre le départ, Sû, de son côté s’envole et s’en va, soufflant la poussière dans son sillage.

- Je crois que c’est le signe qu’il est temps qu’on se mette en marche. tu viens poser une main dans le dos de T’sisra, autant pour la mettre en mouvement que pour légèrement l’écarter du reste du groupe Conseil d’ami par contre... tu lui parles sur le ton de la confidence ...évite de nourrir les animaux sauvages. Pour l’instant on en rit, mais à plus long terme c’est le genre de chose qui peut vite commencer à poser problème.

Tu ramènes rapidement la Daedhelle au sein du groupe, et te rappelant la position des deux demoiselles du futur convoi, tu te sens forcé de poser la question.

- Illynora, T’sisra... ton regard va de l’une à l’autre ...vous avez déjà une monture qui soit habituée à vous ou bien ? ou bien faudrait-il composer avec des chevaux moins complices, et donc moins confiants

Illynora fit un geste de tête par la négative afin de signaler qu'elle n'avait guère besoin de quoi que ce soit d'indispensable pour le voyage ; elle possédait le nécessaire minimum pour soigner des plaies légères, ce qui était une question de survie quand on évoluait en forêt une partie du temps. Cependant, elle n'en avait que pour deux personnes.

L'Alchimiste ne s'imiscea pas dans la conversation en cours, le petit groupe semblait se connaître et elle en était une étrangère, ces réactions étaient ainsi normales. Elle se dirigea ainsi silencieusement vers les écuries, laissant ainsi la discussion entre Artön et T'sisra se faire naturellement sans qu'elle n'entende.

A la question qui lui fût posée, elle étira un sourire malicieux pour elle-même avant de prendre la parole d'un ton tout à fait sérieux dans le sens de la conversation.

- Oui, j'ai une monture qui me connait plutôt bien sur laquelle il m'est arrivé de monter, malheureusement cette dernière n'est pas ouverte à l'idée pour l'instant.

La façon dont ses oreilles bougent trahissent le fait qu'elle soit plutôt amusée. Elle hausse ensuite les sourcils en se retournant vers ses deux interlocuteurs.

- Je vais devoir donc me contenter d'une monture qui n'est pas habituée à moi. Je refuse qu'elle soit harnachée, ça fera gagner du temps à tout le monde.

Illynora ne faisait absolument rien comme tout le monde, même si au final il n'était pas tout à fait étonnant qu'une puriste de la nature refuse qu'on puisse charger de matériel un animal quand on pouvait éviter de le faire.

C’est une moue dubitative, mais résignée à l’acception, que T’sisra affiche alors qu’Artiön la conseille sur son rituel matinal favori. Elle grommelle des paroles inaudibles, assez pour qu’on ne puisse pas même discerner un seul véritable mot, mais elle se ressaisit rapidement, comme si de rien n’était.
La question des chevaux soulevée, elle se contente d’un haussement d’épaules. Un cheval est un cheval après tout.

- De même. Fait la noirelfe après l'exposition des exigences de l’alchimiste. En revanche, je ne suis pas contre les sangles et tout ce qui va avec. Il faut que je puisse accrocher les sacs et l’équipement quelque part. Surtout s’il advient qu’un problème se dresse sur notre route. Même si, évidemment, je préfèrerai que tout se déroule sans encombre.

- Oui, ce serait plutôt une bonne chose. Comme ça je pourrais raconter à ma femme, sans avoir à enjoliver la réalité, que l’eldéenne ne m’a embrigadée dans aucun danger quel qu’il soit. Et que cette expédition aura été une merveilleuse balade forestière !

T’sisra tourne la tête vers Haerondir en lui faisant les gros yeux pour se rendre compte qu’il affiche cet air mi-taquin mi-sérieux dont il a secret. Alors, elle décide de ne rien dire et tire machinalement sur les sangles de son sac à dos pour le réajuster sur ses épaules. Tandis que le groupe avance de rues en ruelles, elle finit par porter à nouveau son attention sur la jeune elfe qui les accompagne et qui, surtout, ne s’était toujours pas présentée.

- Quel est ton nom ? Demande-t-elle en la désignant de l’index, le sourire aux lèvres. Je ne suis pas sûre d’avoir bien saisi. Son index pointe en direction de son oreille percée de multiples anneaux.

Illynora acquiesca silencieusement aux exigeances de la drow. Après tout, elle avait beaucoup plus à transporter qu'elle. Le moment venu, elle attrapera néanmoins elle aussi quelques sangles légères qu'elle attachera, juste de quoi accrocher quelques sacs au cas ou l'un des chevaux venait à se blesser. Elle n'a cependant rien à attacher dessus pour l'instant, sauf si le groupe avait des affaires supplémentaires.

- Je peux te proposer que nous équilibrons les charges dans ce cas, si tu as du matériel secondaire auquel tu ne souhaite pas avoir accès immédiatement, je le prendrai à l'arrière. Si cela te convient.

Une répartition du poids entre les chevaux signifiait entre autre qu'ils seraient équitablement fatigués, et que l'un ne se détruirait pas la santé en portant un poids plus que nécessaire. Deux chevaux modérément chargés valaient mieux qu'un seul. Sur le passage de la sangle au niveau de l'encolure, elle fera un noeud qui rejoint la totalité des sangles ; ce dernier sera posé sur deux petits bouts de tissus et possède un très léger jeu. Le tissu était là pour ne pas que le point de contact ne gêne pas la bête, le fait qu'il ne soit pas complètement serré était cependant autre chose : une façon d'avoir l'espace de passer une lame pour saborder la totalité du poids en urgence sans blesser le cheval.

- Illynora. Je suis alchimiste et végétaliste, en quelque sorte.

Illynora lui rendit un demi-sourire et hocha la tête à plusieurs reprises comme pour stipuler qu'elle était enchantée et un peu gênée à la fois. Elle ne s'était pas imaginé prendre part à cette petite excursion, mais tout était allé bien vite de par la présence d'Artiön, sans lui, elle n'aurait sans doute pas mordu dans cette faim d'aventure. Cela expliquait le fait qu'elle n'ait pas eu la présence d'esprit de se présenter précédemment.

- Et je n'ai aucun talent pour le combat ni pour le soin magique direct.

C'était important de le préciser, au cas ou elle devrait compter sur elle dans une situation d'urgence, désormais elle savait que c'était peine perdu.

Artiön s’était séparé du groupe, sa monture à lui n’était pas équine mais aviaire et, elle l’attendait autre part. Il avait été simplement convenu de se retrouver à la porte de la cité le moment venu.
Ainsi, seuls Illynora, Haerondir et T’sisra se retrouvent à marcher en direction de l’écurie mentionnée par cette dernière. Si le milicien a tôt fait de retrouver l’équidé avec qui il patrouille habituellement, la noirelfe passe d’un cheval à l’autre. Elle caresse les équidés à la recherche d’un tempérament qui lui convienne et d’une monture qui se fasse à sa présence et accepte son toucher.

- Oh, ça devrait aller. Les chevaux sont assez costauds pour supporter le poids de ce que j’emmène. Il ne faut pas t’inquiéter. Souffle l’eldéenne dans un sourire en flattant l’encolure d’une bête qui essaye de lui mâcher les cheveux. Il a l’air bien sympathique celui-là ! La daedhelle tourne la tête vers le maître des écuries. Comment il s’appelle celui-là ?

- Arroch.

- Arroch. Répète-t-elle dans un sourire avant de tourner la tête vers l’alchimiste qui, finalement, s’est présentée. « Végétaliste » ? Elle plisse yeux, visiblement pas certaine de bien comprendre. Végéta... Mh... Les plantes ? Oui. Elle opine pour elle-même du chef dans un sourire. Artiön et moi sommes tous deux des adeptes de l’Art de la vie, alors il ne faut pas t’en faire. Et nous sommes capables d’user de la magie en situation... Mh... Extrême ? C’est le mot, je crois.

L’eldéenne passe sa main sur le pelage blanc immaculé du cheval. L’animal, sans doute empreint d’une certaine curiosité, la renifle, les oreilles tournées vers elle. T’sisra se saisit d’une sangle et harnache selle et filets sans perdre plus de temps. Elle fixe sacoches et sacs sur la croupe de l’équidé et grimpe dessus, jaugeant du confort dans un premier temps.

- Bien ! La daedhelle se penche un peu pour caresser avec douceur l’encolure du cheval. Aller Arroch, en avant.