[Rues] Règlement de comptes (PV Earwen)

Foutue ville.

C'était les mots qui tournaient en boucle dans l'esprit d'Azadeh depuis une heure.

Foutue, foutue ville !

Elle avait débarqué en début d'après midi sur les quais, et s'était eclipsée du bateau qui l'avait amenée avant même qu'il ne finisse de s'amarrer. Elle avait horreur des formalités de séparation avec ses employeurs. Ils avaient payé, elle avait fait son boulot, elle s'était barrée. Rien de plus. De toute façon, on n'attendait rien de plus d'elle.

Ydril. Elle n'y avait mis les pieds que quelques fois, entre deux traversées, point de traversée pour d'autres destinations. En dehors des odeurs de mers et de poissons, elle avait surtout retenu les nombreuses petites échoppes qui parsemaient les rues. Et cette fois, elle avait du temps devant elle, et avait passé l'après midi à parcourir ses échoppes.

Et le temps l'avait dépassée. La nuit était tombée sans qu'elle ne s'en rende compte, et un crachin glacial avait décidé de se lever pour venir compléter le tableau.

Elle n'avait pas pris le temps de songer où dormir, et se retrouvait avec ses quelques sacs de provision au milieu des ruelles poisseuses de la vieille ville, ses cheveux sombres dégoulinants d'eau.

Foutue ville, et foutue saison !

Elle devait trouver un endroit où dormir, mais dans le quartier marchand, les tavernes servaient plus à picoler qu'à se poser dans un lit. Pour peu que ledit lit ne soit pas plein de puces.

Elle avançait au hasard lorsqu'elle distinga, derrière elle, un claquement de talons sur le sol humide. Elle s'immobilisa. Presser le pas, c'était le meilleur moyen d'agacer les chiens hargneux et les hommes non moins bestiaux.

Elle se retourna. Un instant pour reconnaître l'intrus. Un hommes d'àge mur, quelque peu ventripotent, à la chemise collée au gras pas la pluie, et à l'air rougeaud signifiant qu'il soufflait comme un boeuf quand il pressait le pas.

Elle l'avait quitté quelques minutes auparavant, au crépuscule, lors de ses derniers achats avant que la nuit ne tombe et que la pluie ne se lève. Ils avaient conclu une affaire à la va vite, le marchand étant pressé de protéger sa marchandise du temps menaçant. Et une fois les provisions à l'abris, il était bien décidé à revenir sur leur échange...


Quelques minutes plus tard...

Foutue ville, foutue saison, foutus habitants !



Des éclats de voix dans la rue. Violents. Aggressifs. Une prise de bec musclée entre une voix féminine éraillée aux accents chauds, et la voix essoufflée d'un homme furieux.
Insultes à la volée, non retenues.
Un badaud passe... Il jette un oeil à la ruelle pour voir la scène. Un gros homme poisseux qui a attrappé une jeune femme à la peau sombre par la manche d'une chemise ocre. Il la secoue, il l'insulte:
"Sale voleuse ! T'es partie en m'jetant ton argent, mais ça valait pas l'quart de c'que t'as acheté ! Ces épices, tu vas m'les rendre, où tu vas l'sentir passer!"

La jeune femme darde sur lui un regard aussi sombre que la masse de ses cheveux, collée à sa peau par la pluie. Elle redresse une jambe pour poser un pied engoncé dans une botte de cuir sur la panse de l'agresseur, pour s'en décoller. Elle plisse le nez:
"J'les ai, j'les garde ! Y m'faut bien quelque chose pour à m'foutre dans l'nez pour pas sentir ta sueur!"

Le gros marchand balance une volée d'insulte, la fille à la peau basanée ne se prive pas pour lui répondre...
Le badaud observateurs s'éclipse... Il veut pas se mêler de ça, il a bien assez à faire avec sa propre vite...

Le duo qui s'affronte lève de plus en plus le ton... Si ça n'en vient pas aux mains dans la minute qui suit, c'est que le monde ne tourne pas rond !