Il ne rassembla jamais plus tous ces fragments... [Libre]

[ Cela se passe deux mois avant mon aventure sur une route perdue, juste après la perte d'Ahtymr. Spes l'a cherché plusieurs jours sans résultat. Il a besoin de reprendre confiance en lui afin de reprendre pied... Il est nécessaire de lire son histoire ^^]

Spes errait sans plus de but. De la sueur dégoulinait sur son front et le long de son échine. Que son corps ait froid ou chaud lui importait peu, désormais.
Il n'avait jamais voulu cela, il en venait à se haïr pour s'être attaché à l'adolescent.
Demi-drow, il aurait vécu beaucoup plus longtemps que lui, n'est ce pas ? Il l'aurait vu mourir... non ?
Sa main se posa contre un tronc, en griffa l'écorce. La sève et le sang se mêlèrent à ses larmes. Il avait déjà pleuré, petit, dans la demeure de son geôlier assassin. C'avait été pourtant bien différent, mais le souvenir lui revint au deçà de sa conscience.
Inutile. Il était faible, fragile et inutile.

Il repris sa marche, hasardeuse. Le bout de ses pieds maculés par endroit de noir soulevait des feuilles et de la terre. Il finit pas se tomber. Sur des racines, des pierres, des chataîgnes. La douleur irradia sa peau. Mais il n'en avait cure.
Il ne pensait plus à rien. Il sombra.

Ce ne fut pas tant l'aube que l'absence de pénombre qui l'éveilla. L'esprit embrumé, il se trouva surpris. Le monde pouvait-il encore tolérer la lumière ? Une colère trouble envahit ses sens.
Il saisit sa rapière, frappa tout ce qui l'entourait. Les fragments de monde tourbillonnèrent autour de lui, jusqu'à ce qu'il chute, épuisé, et quelques secondes encore.

Il lui fallu de nombreuses heures, roulé en boule, les genous ramenés contre son visage, pour jouir de nouveau de ses esprits.
Alors, il se releva, regarda l'avancement du soleil dans sa course. Il repris sa marche vers le nord, vers Ydril, tournant le dos à la lumière, son ombre étalée devant lui.

Il ne le savait pas encore, mais il avait faim. Son ventre en se tordant émit un gargouillement diffus.

Etheldred marchait dans la forêt depuis déjà deux bonnes heures. Enfin, ça faisait plusieurs jours en réalité, qu'elle errait de ci de là, au milieu des arbres, mais elle faisait régulièrement des pauses afin de poser son lourd baluchon. Elle n'avait pas encore trouvé de lieu adéquat pour l'herboristerie... En admettant qu'elle en trouve un jour !

Soudain, elle s'immobilisa, tout ses sens en alerte. Il y avait quelqu'un non loin de là. Elle hésita sur la conduite à tenir et repéra un peu plus loin des arbres qui semblaient avoir été lacérés. Elle s'approcha doucement, perplexe. Un animal qui aurait fait cela ? Ou une arme ? Mais dans quel but ? Elle posa son balluchon et encocha une flêche dans son arc au cas où et entreprit de fouiller les alentours, prenant le risque de laisser toutes ses possessions sur place.

Elle faisait demi-tour, prète à reprendre sa route, lorsqu'elle tomba sur ce qu'elle cherchait : un adolescent s'avançait, l'air perdu, une rapière à la main. Elle s'immobilisa en le dévisageant. Il était pour le moins étrange ! Son visage, constellé de plaques grises... Il leva de grands yeux noirs sur elle.

Elle aurait pu reprendre son chemin, si son oeil exercé de guérisseuse n'avait pas remarqué la détresse du garçon. Il avait l'air totalement égaré, et épuisé... Elle ne put résister et demanda gentiment :

" Tu t'es perdu peut-être ? Je peux t'aider ? "

En même temps, il était armé, et ce n'était plus un enfant. Elle avait baissé son arc pour ne pas l'effrayer, mais restait quand même sur ses gardes.


[hrp : désolée, c'est un peu court !]

Spes avait perçu un bruit de pas à sa gauche. Il tourna la tête sans méfiance aucune. La vision de l'arc, bien que baissé, le surpris. Il pris conscience de sa position.
C'était une femme, jeune, qui lui faisait face. A cette distance, elle avait un net avantage. S'il tentait d'esquiver, il pourrait tenter de frapper de taille... Mais pourquoi aurait-elle voulu l'attaquer ? Il ne savait même plus s'il portait une armure.
D'une main, il serra à les arracher les cheveux qui retombaient sur son front.

" Tu t'es perdu peut-être ? Je peux t'aider ? "

Spes se figea. Qu'essayait-elle d'insinuer ?
Il eut le sentiment d'être pris de fièvre... Son cœur battait beaucoup trop vite.
Il décida de ranger sa rapière. Et marcha vers elle.
Un vague souvenir refit surface... qu'était-ce ? Un enfant qui riait... Le présent l'arracha à sa mémoire. Mais cela lui revint avec fracas: les drogues qu'il ingurgitait petit, quand il devait assassiner ou assister le travail.
Il parla vaguement.

- J'ai faim...

Faim de quoi, au juste ?
Il s'était arrêté à quelques pas d'elle, l'épaule appuyée contre un tronc. Il souriait vaguement. Et son sourire contenait toute la tristesse qu'il ne pouvait extérioriser.

[HJ Pas grave du tout, je ne fais pas vraiment plus de toute façon ^^]

L'adolescent s'approcha d'elle en rangeant son arme. Il avait l'air complètement perdu et il marmonna quelques mots indistincts. Elle dut tendre l'oreille pour parvenir à les saisir.
" J'ai faim "

Le gargouilli qui suivit ses mots était bien plus éloquent. Elle lui sourit d'un air avenant, retourna près de son balluchon et l'ouvrit pour en tirer quelques herbes ainsi qu'un peu de viande séchée.

" Dans ce cas, je crois que j'ai ce qu'il faut. Si tu n'es pas pressé, je vais nous faire cuire un petit repas. Ca te va ? "

Elle parlait surtout pour détendre l'atmosphère, la tristesse qui se dégageait de lui la rendait nerveuse. Il la regarda faire, sans ajouter un mot, comme perdu dans ses pensées, tandis qu'elle ramassait rapidement un peu de bois mort et sortait son briquet à amadou pour allumer un feu. Puis elle vida une partie de sa gourde dans la petit chaudron qu'elle transportait et mis à cuire de la viande et des plantes qui feraient office de légumes.
Elle le regarda à nouveau et ajouta :

" Je m'appelle Etheldred. Tu as un nom ? "

Elle avait hésité à le lui demander, de peur de l'effrayer. Mais si il le lui donnait, ce serait déjà une étape de franchie. Un adolescent vraiment étrange... Une idée la frappa tout à coup : c'était un demi-drow ! Elle avait déjà vu ces yeux là quelque part ! Du moins, des qui y ressemblaient : une nuit, à l'herboristerie lors d'un acouchement mystérieux. Sauf que le bébé n'avait pas de taches comme cela... Ca expliquait peut-être le comportement de l'adolescent, habitué à être rejeté ? Les demi n'avaient pas une existence facile. Mais elle n'était pas du genre à juger sur les apparences. Elle revint à l'instant présent et touilla le chaudron : c'était déjà prèt.

Elle versa un bol au petit et le lui tendit :

" Ce n'est peut-être pas très bon, mais ça nourrit. Je n'ai jamais été une grande cuisinière ! "

Spes la regarda s'éloigner pour tirer de la nourriture de son baluchon.

" Dans ce cas, je crois que j'ai ce qu'il faut. Si tu n'es pas pressé, je vais nous faire cuire un petit repas. Ca te va ? "

Il ne répondit pas. Pressé ? L'ombre d'un rire passa un instant sur ses lèvres tandis qu'elle mettait à cuire la viande et quelques plantes. Il ne sut pas pourquoi.

" Je m'appelle Etheldred. Tu as un nom ? "

Spes ne percuta pas immédiatement. Il la laissa lui verser un bol sans mot dire.

" Ce n'est peut-être pas très bon, mais ça nourrit. Je n'ai jamais été une grande cuisinière ! "

Il le prit. C'était brulant... peut-être était-ce lui qui était gelé. Sans attendre, il le versa d'une traite dans sa bouche. Il demeura quelques instants à réfléchir. Sans songer qu'il ressemblait probablement à un hamster.
Apparemment, Etheldred ne lui voulait pas de mal. De toute façon si cela avait été le cas il serait déjà étendu, raide. Mais pourquoi l'aidait-elle ?... Enfin, après tout, si elle avait un service à demander, cela n'avait pas d'importance. Il n'avait plus de but.
Il déglutit douloureusement, les joues en feu. Avant de dire d'une voix claire mais aux intonations hésitantes:

- Etheldred... Je me nomme Spes. Thal. L'espoir et la comédie... il fallait bien être un elfe pour inventer une chose pareille.

Il attendit un court instant avant de demander:

- Que penses-tu des elfes ? De tous les elfes.

Il était immobile, semblant attendre sa réponse comme si l'écroulement ou la renaissance de son monde en dépendait.
Soudain, il sentit son souffle faiblir, puis se couper. Cela ne l'étonna pas. La maigreur des muscles qui actionnaient ses poumons devait en être la cause. D'un geste subit, il donna un coup de poing dans son ventre. Le soubresaut que cela produisit lui insuffla un peu d'air.


[HJ Je suis absente ce week-end, donc je répondrai dimanche soir sinon lundi ^^]

Etheldred se versa à elle-même un bol de nourriture et remarqua que l'adolescent avalait le sien d'un coup. Elle essaya ne pas trop montrer sa surprise, il devait être réellement affamé.

" Etheldred... Je me nomme Spes. Thal. L'espoir et la comédie... il fallait bien être un elfe pour inventer une chose pareille. "

Il avait dit cela d'un ton amer et il enchaina en lui demandant ce qu'elle pensait des elfes. Tous le elfes... Les drows, donc, en particulier, supposa-t-elle. Elle réfléchit. A vrai dire, elle ne s'était jamais posé la question. Spes avait l'air d'attendre sa réponse comme si cette dernière était vitale. Elle avait intérèt à mesurer ses mots. Mais elle tenait à rester honnète avec lui.

Elle allait ouvrir la bouche pour répondre, quand elle le vit cesser de respirer. Elle avait déjà vu ce genre de symptomes, mais c'était la première fois que la victime réagissait ainsi. Elle n'avait même pas eu le temps de bouger que Spes se donnait un coup dans le ventre. Elle le vit se remettre à respirer et se rendit compte qu'elle le dévisageait les yeux équarquillés. Il attendait toujours une réponse.

Elle chercha ses mots, tandis que son esprit travaillait, essayant de déterminer ce qu'avait l'adolescent et les remèdes qui seraient efficaces.

" Heu... Eh bien... Je ne peux pas te dire ce que je pense des elfes en général car je n'aime pas faire de généralités. Je peux juste me baser sur ceux que j'ai rencontré. Les elfes sylvains... Je n'en connais pas. "

Non, elle en avait bien croisé à Diantra, mais ça s'arrètait là. Par contre, elle-même avait du sang elfe... Mais elle ne tenait pas à en parler, elle préférait rester discrète là-dessus, elle en avait trop souffert. Elle s'éclaircit les idées et reprit :

" Quand aux drows... On dit beaucoup de mal d'eux mais j'en ai rencontré un, une fois, qui ne m'a fait aucun mal. "

Elle resservit un deuxième bol à Spes au cas ou il aurait encore faim, ce qui était probable, et ajouta :

" Il est difficile de juger sans connaitre les gens. "

Elle se demanda ce que la question cachait. De toute évidence, il avait du sang drow. Mais sa remarque sur son prénom laissait penser qu'il avait... été élevé par un elfe ? Elle ne pouvait y croire ! Et pourtant... Spes lui embrouillait l'esprit. Elle revint à des pensées plus médicales, en terrain connu. Qu'avait-il au juste ? Elle hésitait à le lui demander...


[hrp : bon week end !]

Spes patienta tandis que sa respiration se stabilisait. Etheldred avait l'air surprise.

" Heu... Eh bien... Je ne peux pas te dire ce que je pense des elfes en général car je n'aime pas faire de généralités. Je peux juste me baser sur ceux que j'ai rencontré. Les elfes sylvains... Je n'en connais pas. "

Il resta silencieux.

" Quand aux drows... On dit beaucoup de mal d'eux mais j'en ai rencontré un, une fois, qui ne m'a fait aucun mal. "

Spes ne l'avait pas voulu, mais ses doigts se crispèrent sur le bol qu'il tenait toujours.
Il avait connu des Drow, et quelques mois auparavant encore il s'était confronté à l'un d'eux. Si certains Drow étaient entrés dans sa guilde assassine, la plupart préféraient l'Armée Drow.
Il arrivait alors qu'une victime soit la proie de deux, voire beaucoup plus rarement trois tueurs.
La plupart des Drow agissaient plus ou moins comme des humains -à première vue, car ils savaient faire montre d'une cruauté sans limite-.
Seulement, maintenant, Spes ne leur accordait plus cette excuse. Les Drow étaient des monstres. Il fallait comprendre leurs intentions pour les retourner à son avantage et pouvoir les manipuler... Sans quoi vous finiriez raide mort, frappé dans le dos.

" Il est difficile de juger sans connaitre les gens. "

Spes réprima un rictus. Il souffla:

- Peut-être... bien sûr... Mais un chat n'est pas un tigre...

Il avait dit cela sans y penser. Cet avis lui venait-il de ?...
Une seconde durant, la guilde auquel il appartenait et qui le pourchassait maintenant lui apparut tel une masse sombre difforme composée de larves noires, percées d'épée et de flèches. Il se reprit. Que ferait-il s'il se replongeait dans les cauchemars de sa petite enfance ? S'il sombrait de nouveau sans issue possible dans ses crises d'angoisses ?
Sans réfléchir, il saisi le bol qu'elle lui tendait. Il ne l'avait pas remerciée, prenait cela comme un dû. Cette pensée lui traversa l'esprit; de toute évidence il regagnait une certaine clarté.
Timidement, il sourit. Cela lui coûtait énormément, lui déchira les joues. Mais il n'avait pas envie qu'elle parte tout de suite.
Il ne voulait pas être seul de nouveau. Pas déjà.

Etheldred vit que Spes se crispait à sa réponse. Surement pas ce qu'il attendait, supposa-t-elle, mais elle ne voulait pas revenir sur ses paroles, elle avait décidé d'être sincère. Il lui répondit, comme si ses paroles étaient sorties malgré lui :

" Peut-être... bien sûr... Mais un chat n'est pas un tigre... "

Etheldred acquiessa, se disant qu'il avait probablement eu pas mal d'ennuis avec les drows pour en parler ainsi. probablement rejeté de part ses origines en plus ? si c'était cela, elle le comprenait, elle même n'avait pas eu la vie facile et ce n'était qu'un malheureux quart de sang elfe, et non pas drow... Mais elle ne voulait pas rester sur cette image désabusée, elle reprit doucement :

" Oui, bien sur, je ne dis pas que les drows sont des êtres charmants et j'avoue que je m'en tiens éloignée autant que possible. Mais j'accepte l'idée qu'il puisse y avoir des exceptions à la règle. "

Elle aurait bien enchainé en lui disant que lui-même avait l'air à moitié drow et que ça n'en faisait pas un monstre, mais d'une part elle craignait qu'il ne le prenne mal d'autre part il semblait avoir l'esprit assez torturé pour avoir fait des choses par très nettes. De plus, elle se refusait à lui lancer ce genre de vétité à la figure. Elle avait appris à se taire pour ne pas blesser les gens.

Il reprit le bol et... grimaça ? Elle comprit qu'il devait essayer de lui sourire et elle lui sourit à son tour, en espérant qu'il se sente un peu mieux.

Mais d'où sortait-il au juste ? Elle n'arrivait pas à le cerner : parfois, il avait un regard dur qui la faisait frémir, et dans les secondes qui suivaient, il paraissait n'être qu'un enfant au visage perdu qui s'accrochait désespérément au bol, à présent vide.

Elle n'était pas spécialement pressée et ne voulait pas l'abandonner là, mais elle commença à se demander ce qu'elle pourrait bien lui raconter. elel n'était pas habituée à de grandes discussions ne tête à tête... Puis elle se rappella soudain qu'il avait des difficultés à respirer et ses intérrogations revinrent.

" Hum... " elle s'éclairicit la voix, ne sachant par où commencer. Elle n'avait aucune idée de la façon dont il réagirait.

" Tout à l'heure... J'ai eu l'impression que tu avais des difficultés à respirer... "
Elle hésita et précisa : " Je suis herboriste, je soigne les gens quand je peux, tu veux m'en parler ? "

A vrai dire, elle ne savait pas si elle pourrait l'aider. Si il avait une insuffisance cardiaque ou pulmonaire, elle ne pouvait que le soulager, mais en aucun cas le guérir. Enfin, elle aurait essayé au moins.

" Oui, bien sur, je ne dis pas que les drows sont des êtres charmants et j'avoue que je m'en tiens éloignée autant que possible. Mais j'accepte l'idée qu'il puisse y avoir des exceptions à la règle. "

Elle lui rendit son sourire. Un instant, il avait cru qu'elle ne comprendrait pas son expression.
Depuis combien de temps n'avait-il pas sourit de façon naturelle et spontanée ?
Il sentit de nouveau une infinie tristesse l'envahir. Cela l'irrita. Si ses sentiments ne cessaient de jouer avec lui, il allait devoir agir. Agir, n'importe quoi, mais l'action le calmait.

" Hum... "
Etheldred s'éclaircit la voix.
" Tout à l'heure... J'ai eu l'impression que tu avais des difficultés à respirer...
Je suis herboriste, je soigne les gens quand je peux, tu veux m'en parler ? "

Spes était en proie à un vif agacement mêlé au désespoir qui ensuivait sa tristesse quand elle reprit la parole. Sans le vouloir, il lui jeta un regard meurtrier.
Puis il prit un air songeur et réfléchit. Qu'avait-il donc pu faire pour induire ce dysfonctionnement corporel ?...
Il choisit d'être franc.

- J'étais anorexique, petit. Puis j'ai pris des drogues. Pendant plusieurs années. Pour finir, je me suis très mal nourri jusqu'à aujourd'hui -voire pas du tout-. Ah aussi, j'ai mangé des choses douteuses que je trouvais...

Il passa les détails. Il n'était pas inquiet pour lui, mais il attendait avec attention la réponse de l'herboriste.
Subitement, il sentit que son bras droit ne lui répondait plus. Comme s'il appartenait à un autre. Il choisit de ne pas y prêter attention.
Il eu tort.
S'il avait regardé, il aurait vu ses taches noires palpiter et s'étendre.
Comme cela avait toujours précédé... A l'exception d'une unique fois.

Etheldred vit avec étonnement le visage de Spes passer de la tristesse, à l'irritation puis il commença à s'agiter un peu. Puis il eut tellement d'expressions différentes en quelques secondes qu'elle crut qu'il allait imploser. Elle craignit que sa question n'ait déclenché quelque catastrophe. Puis il se ressaisit et parut songeur un instant.

" - J'étais anorexique, petit. Puis j'ai pris des drogues. Pendant plusieurs années. Pour finir, je me suis très mal nourri jusqu'à aujourd'hui -voire pas du tout-. Puis j'ai mangé des choses douteuses que je trouvais... "

Etheldred haussa les sourcils, étonnée que tant de malheurs aient pu lui arriver : il y avait vraiment des enfants qui n'avaient pas de chance ! Elle prit le temps de réfléchir et finalement décida de lui exposer ce qui lui serait le plus utile. Elle se leva en expliquant :

" Pour ce qui est de manger n'importe quoi, dans une forêt, il y a de quoi éviter de mourir de faim. Mais il y a aussi de quoi s'empoisonner rapidement. D'une façon générale, évite toute plante ayant une couleur rouge, ce n'est pas forcément le cas de toutes, mais nombre d'entre elles sont toxiques. "

Elle regarda autour d'elle pour voir ce qui pouvait être intéressant.

" Tu peux manger les fruits sauvages comme les fraises, mûres... "

Ce n'était pas très malin de parler de fraises après l'avoir mis ne garde sur les aliments rouges, mais elle espéra qu'il comprendait le principe. Elle lui jeta un regard tout en ramassant quelques plantes. Certains citadins avaient parfois un peu de mal avec ce qui lui semblait évident :

" Tu vois de quoi je parle ? "

Elle revint s'asseoir avec quelques plantes. Elle ne savait pas trop si il allait apprécier qu'elle lui en dise tant d'un coup, mais après tout, si il continuait à errer tout seul, mieux valait qu'il sache parer au plus pressé.

Elle étalla ce qu'elle avait ramassé devant eux et repris :

" Tu peux également manger une partie de l'écorce de certains arbres : saules, pins, bouleaux... Ce n'est pas spécialement bon, mais ça nourrit. Tu sais les reconnaitre ? "

Il lui vint soudain à l'idée qu'il savait peut-être tout cela. Elle avait tendance à partir dans des explications impossibles dès qu'il s'agissait d'herboristerie, mais, après tout, il ne lui avait rien demandé ! elle avait aussi supposé qu'il venait de la ville, à cause de son incapacité à subvenir à ses besoins en forêt, mais là encore, elle allait peut-être un peu trop vite. Du coup, elle ne dit plus rien.

Spes l'écouta sans mot dire. Il la regarda sans autre expression que de l'attention.

" Pour ce qui est de manger n'importe quoi, dans une forêt, il y a de quoi éviter de mourir de faim. Mais il y a aussi de quoi s'empoisonner rapidement. D'une façon générale, évite toute plante ayant une couleur rouge, ce n'est pas forcément le cas de toutes, mais nombre d'entre elles sont toxiques.
Tu peux manger les fruits sauvages comme les fraises, mûres... "

Il resta encore silencieux, sans répondre non plus à la question qui suivit.

" Tu peux également manger une partie de l'écorce de certains arbres : saules, pins, bouleaux... Ce n'est pas spécialement bon, mais ça nourrit. Tu sais les reconnaitre ? "

Il jeta un coup d'œil à ce qu'elle avait ramassé.

- Oui... Je sais tout ça.

Spes marqua une hésitation. Il sentait venir en lui un soudain besoin de parler.
Pourquoi ? Peut-être parce qu'elle ne l'avait pas rejeté ? Qu'elle s'intéressait à lui ? C'était une raison plausible qui satisfit son inconscient.

- J'ai été élevé pendant cinq ans à partir de la nuit de ma naissance. Par un elfe. Un sylvain, bien sûr.
C'était une sorte d'ermite, un exclu renfermé qui vivait dans la forêt. Il m'a appris tout ce qu'il pu durant ces années... Il est évident que de ces quelques notions je n'ai pas conservé l'intégralité. Mais je connais les bases...
En fait, le problème ne se trouve pas ici.
Je suis demi-Drow. Peut-être trop seul... Je ne vais pas m'analyser.
Mais je suis plus seul que jamais depuis trop peu. Bah, je m'y habituerai. Comme à tout.

Fataliste ? Ou réaliste ? Il n'eut pas le temps de se poser la question.

Un message chimique parvint à son cerveau. Trop subit. Une ultime pulsation de son bras... L'espace d'une fraction de seconde, ses yeux s'écarquillèrent. Il perdit le contrôle.
Quittant toute immobilité, il se glissa alors à une rapidité effrayante vers elle, et sans avoir eu le temps de la réaliser il sentit que de la chaleur lui parvenait.
Les doigts de son bras droit encerclaient le cou de la jeune humaine. Mais il eu la force de ne pas serrer.
Plus que jamais, il sentait son esprit se partager.
Cela se traduisit même de façon directe par un partage physique de son corps. Avec sa main gauche, il serra vivement son poignet à lui couper le sang.
Il perdit l'équilibre et chuta en arrière, ses muscles encore maigres gonflés sous la rudesse de l'effort.
Il murmura: Pas maintenant...

Il n'avait plus qu'une envie. Fuir. Fuir, se cacher, disparaître. Où ? Peu importait désormais.
Il devait retrouver le fragment de lui-même qu'il avait perdu en chemin. Et elle lui avait donné un indice sur la route à suivre...

La douleur irradia sa main, son poignet, remonta jusqu'à son épaule avant de s'engouffrer dans son crâne. Il se retint de hurler.

" Oui... Je sais tout ça. "

Voilà, songea Etheldred, je me suis encore embarquée dans des explications inutiles...

- J'ai été élevé pendant cinq ans à partir de la nuit de ma naissance. Par un elfe. Un sylvain, bien sûr.
C'était une sorte d'ermite, un exclu renfermé qui vivait dans la forêt. Il m'a appris tout ce qu'il pu durant ces années... Il est évident que de ces quelques notions je n'ai pas conservé l'intégralité. Mais je connais les bases...
En fait, le problème ne se trouve pas ici.
Je suis demi-Drow. Peut-être trop seul... Je ne vais pas m'analyser.
Mais je suis plus seul que jamais depuis trop peu. Bah, je m'y habituerai. Comme à tout.

Là, elle commençait à comprendre un peu mieux... Enfin, non, plus elle en apprenait, plus la vie de l'adolescent lui paraissait étrange, mais au moins, elle saisissait mieux ce qui avait pu le perturber autant.

Elle ouvrait la bouche pour lui répondre lorsqu'il se figea, équarquillant les yeux. Elle voulu se lever pour l'aider, mais il la prit de court, se jeta sur elle à une vitesse ahurissante, essayant de l'étrangler. Avec un adulte, elle aurait sortit le couteau qu'elle portait à la ceinture, et repoussé l'agresseur sans ménagement, mais là... Elle essaya de lui faire lacher prise en remarquant, étonnée, que lui même semblait s'empècher de commettre l'irréparable.

Puis il tomba en arrière, en murmurant quelque chose qu'elle ne comprit pas. Elle le vit serrer les dents, tandis qu'elle se frottait le cou en reprenant sa respiration. Il lui avait fait peur. Et maintenant, c'était pour lui qu'elle s'inquiétait. Il avait fait une crise de quoi au juste ? Elle avait beau chercher, elle ne voyait pas comment l'aider à se sentir mieux.

L'espace d'un instant, elle songea qu'elle était trop sentimentale : il avait cherché à la tuer ! Et avec une énergie, des réflexes qui prouvaient qu'il n'en était pas à sa première fois ! Elle devait partir d'ici rapidement. Puis elle chassa ses idées et se força à rester. Non, elle ne pouvait pas l'abandonner. Il avait dit qu'il était trop seul et de toute évidence il était malade. Si elle ne cherchait pas à l'aider, elle n'aurait plus de raison de se considérer comme une herboriste digne de ce nom. Il faudrait juste qu'elle se montre plus prudente, en cas de nouvelle crise.

Elle regarda Spes qui semblait à présent souffrir le martyr. Elle respira pour se calmer, après toutes ces émotions et remis un peu d'eau à chauffer dans laquelle elle ajouta de l'écorce de saule.

" Tu n'es pas tout seul. Je suis là, moi. " Elle espérait sincérement qu'il se calmerait. Elle versa un bol d'infusion à l'écorce de saule et ajouta : " Je t'ai fait une tisane qui calme légèrement la douleur. Tu peux en prendre si tu veux."

Elle attendit avec inquiétude sa réponse, craignant, si elle s'approchait de déclencher une nouvelle crise. Elle se demandait à quoi était dû un tel comportement. Il avait dit qu'il ne s'agissait que de solitude. Elle en doutait. On ne se met pas à agresser les gens sans raison, pour ensuite se retenir soi même parce qu'on se sent seul. Les drogues qu'il lui avouait avoir prises avant ? Ca, c'était plus probable. Malheureusement, elle ne connaissait pas grand chose sur le sujet. Les quelques plantes, réputées comme étant des drogues qu'elle connaissait, lui servait juste de remède.

Spes voyait encore, malgré l'effort de fermeture que faisaient contre sa volonté ses yeux révulsés.
A travers un rideau d'humidité, il distingua de la lumière, probablement issue de vêtements. Un rai lumineux se détacha de la tâche pâle pour aller se ficher dans un étrange reflet. De l'eau ? Peut-être... En revanche, pas de doute possible, l'éclat jaune brillant était du feu.

" Tu n'es pas tout seul. Je suis là, moi.
Je t'ai fait une tisane qui calme légèrement la douleur. Tu peux en prendre si tu veux."

Spes avait les jambes pliées, ramenées contre son tronc. Consciemment, il chercha un moyen de reffreiner sa crise. Ces paroles atteignirent son subconscient et le rassurèrent.
Ses genoux touchaient presque son menton; ça suffirait. D'une canine, il creva sa peau.
Le liquide chaud et salé envahit ses sens. Il sentait pulser son cœur de manière normale, maintenant.
Quand celui lui était-il arrivé ? Il fit un important effort de mémoire.
Il avait cessé de prendre des drogues, une fois. Il devait assassiner cette nuit-là.
C'avait été atroce. Il avait perdu un morceau de son âme dans le charnier qui avait ensuivi et auquel Aln s'était mêlé. Il secoua doucement la tête. Ses muscles étaient encore raide.
Avisant le bol posé devant lui, il tendit un bras maladroit. Le bras gauche. Il manqua de le renverser en le saisissant, et bu non sans nouvelles pertes.
Seulement, cela faisait plusieurs mois qu'il avait cessé toute ingestion de ces souffre-douleurs. Plantes, champignons, insectes, batraciens... Rien.

Il cessa d'exercer toute pression sur son genou. Il n'avait plus vraiment mal. La tisane ?... Qu'était-ce ?

Soudain, une idée lui vint. C'était son âme humaine qui avait souffert la perte d'Ahtymr, non son âme Drow. Il avait déjà ressentit, fréquemment même, un violent dégout de lui-même. Quand il se comportait en humain mais aussi en Drow. Et s'il sombrait dans la violence qu'une lointaine voix semblait lui suggérer depuis sa petite enfance, depuis le jour où il avait manqué de tuer l'Elfe, et peut-être même depuis sa naissance ?
Il n'y avait pas que ses origines.
La fureur, le désespoir s'étaient gravés en lui à chaque instant de sa vie. Sa vie, qu'en avait-il fait ? Il avait vécu. En tuant.

Il ne se rendit pas compte qu'il murmurait.

Dans un effort surhumain, il se déplia. Il se mit debout. Déploya ses bras. Il avait envie de danser. Mais à peine eu-t-il fait un pas que ses mollets se contractèrent. Les feuilles mortes crissaient sous la brise, autour de lui.
Alors, il se contenterait de marcher, titubant.
Il marcha.

Etheldred sentit son coeur s'accélérer tandis qu'elle assistait à la crise de Spes, impuissante. Si elle avait été chez elle, à Diantra, elle aurait peut-être trouvé un remède dans un des recueils de sa grand-mère. Ou peut-être pas. Si l'adolescent n'avait pas déjà été victime de drogues, elle lui aurait préparé un calmant qui lui aurait permis de dormir d'un sommeil lourd et régénérant. Mais elle ne pouvait prendre le risque de le traiter ainsi, vu les défaillances de son organisme. Il avait trop de symptomes différents et elle n'en savait pas assez. Un traitement inadéquat risquait de le tuer. Mais en rester à une simpe infusion d'écorce de saule... C'était tellement infime...

Elle soupira, désolée pour lui, quand elle le vit tenter de boire. Elle l'aurait volontiers aidé, mais elle craignait pour sa propre sécurité à présent. A son grand soulagement, il sembla enfin se calmer, marmonant des paroles incompréhensibles. Puis il se mit sur ses jambes. Etheldred se leva aussitôt, prète à le soutenir si il devait tomber, mais toujours sur le qui-vive afin d'éviter qu'il ne lui saute à nouveau à la gorge.

" Spes. " le son de sa propre voix lui parut crever le silence avec fracas. Elle essaya de ne pas laisser transparaitre son malaise dans ses paroles et ajouta avec tout le calme dont elle était capable :
" Tu devrais t'allonger. "

Elle vit qu'il semblait perdu dans ses pensées, complètement ailleurs, elle avit intérèt à le faire revenir ! Elle lui posa doucement une main sur l'épaule.

" Spes. Reviens. " ce qu'elle disait d'habitude en criant aux patients qui perdaient connaissance, là, elle le lui dit doucement pour ne pas le brusquer. Pour éviter qu'il ne s'en prenne à elle, aussi. Elle avait hésité à s'approcher de lui, encore plus à le toucher. Mais elle ne pouvait pas le laisser partir en titubant ainsi. il devait absolument reprendre ses esprits.

Qu'allait-il devenir ? Comme il l'avait reconnu lui même, il était seul et un demi-drow en plus de ça... Une santé défaillante, des crises de démence... Elle ne donnait pas cher de sa vie ! Si elle avait été à l'herboristerie, elle aurait prit le risque de l'héberger un temps, elle n'était plus à ça près avec ses voisins intolérants ! Mais ici, en pleine forêt ? Elle avait déjà du mal à assurer sa propre sécurité ! seulement, si elle elle laissait partir ainsi, il n'irait pas très loin.

" Spes. Reviens. " elle répéta une deuxième fois, priant pour qu'il réagisse, prète à bondir en arrière si il réagissait violemment.

" Spes."

Spes sursauta à l'évocation de son nom. Il voyait flou, trop flou pour reprendre la maîtrise de son équilibre.

"Tu devrais t'allonger. "

Il resta immobile, stoppé dans sa marche. Puis il plongea le regard de ses yeux blessés dans les fragments de ciel qu'il voyait parmi le feuillage.
Il ne le savait pas, mais il voyait déjà mieux, il avait moins mal.

" Spes. Reviens. "

Plus que les mots, le contact le saisit. Un instant il se tétanisa, avant de faire vivement un pas de coté.
Son regard vague restait indéchiffrable.
Etheldred répéta les mêmes mots.

Spes connu alors la sensation du réveil après une nuit faite d'eau, glaciale et non brûlante. Vivifiant.
Il eut à la pensée d'Athymr un sourire naturel. Il méditait. Tous les événements qui venaient de s'écouler se gravèrent dans sa mémoire.
Il reprit aussi conscience de l'environnement: la nuit tombait.
Tout en parlant de manière audible, il se redressa.

- Je suis... désolé... De vous avoir inquiétée. Je pense que je vais m'en sortir; j'irai vers Ydril. Mmm...

Il hésita un instant avant de reprendre.

- Mais j'ai faim et la nuit tombe. Peut-être vais-je rester ici, ou à quelques pas si jamais on nous avait vus, et je repartirai vers l'aube...

Il songea qu'il lui avait bien peu parlé de lui, après tout... Disant cela, il avait amorcé un mouvement pour se retourner. Ses muscles étaient encore douloureux, trop faibles.

- Connaitriez-vous un remède qui puisse me remettre en forme ?... A vrai dire, je vais devoir beaucoup courir.
Je suis recherché, plus que surement. J'ai trahi... ma guilde. La Guilde des Assassins.

Etheldred le vit avec soulagement sourire et revenir à lui.

" Je suis... désolé... De vous avoir inquiétée. Je pense que je vais m'en sortir; j'irai vers Ydril. Mmm... "

S'en sortir ? Dans son état ? Elle n'eut pas le temps de répliquer qu'il continuait, parlant de rester dormir sur place. Les mots qu'il lacha ensuite la firent blèmir. La guilde des assassins ? Qu'est ce qu'un gamin pouvait bien avoir à faire là-dedans ? Elle se corrigea, mentalement : elle était trop naïve ! Bien sur qu'il y avait des enfants parmi eux ! Des petits qui pouvaient se glisser partout...

Elle se reprit et réfléchit à ce qu'il venait de lui demander. Un remède pour le remettre en forme ? La canelle était efficace. Seulement, dans son état il risquait surtout de déclencher une nouvelle crise. La verveine ? Ce pouvait être un bon compromis : excitante mais calmant la nervosité.

" La meilleure solution pour te remettre en forme serait de beaucoup dormir avec un léger calmant qui te permette de te reposer. Mais vu les circonstances, je doute que ça fasse l'affaire. "

Elle fouilla dans son sac et en sortit un petit sachet de feuilles.

" Voilà ce que je te propose. Pour cette nuit tu dors ici, tranquillement, je monterai la garde, on éteindra le feu pour rester discrets. Tu peux reprendre de l'écorce de saule pour éviter la douleur. Ca ne posera pas de problème si tu dois réagir. Demain matin je te ferai une tisane à la verveine qui te donnera un coup de fouet et agira peut-être pour t'éviter de nouvelles crises. "

Elle lui lança un regard navré.

" Je suis désolée, mais je ne peux pas faire grand chose d'autre. "

Non, elle avait beau chercher, elle ne voyait pas ce qu'elle pouvait faire de plus pour l'aider. La guide des assassins ? Elle risquait sa vie en restant avec lui. Mais c'était bien la moindre des choses qu'elle puisse faire. Et puis, elle n'était pas totalement sans défense non plus ! Quoique face à des tueurs entrainés, elle ne vaudrait peut-être plus grand chose...

Elle sortit sa couverture de son sac.

" Tiens, je te la prète. Tu devrais en profiter pour dormir dès maintenant. "

Elle même ne dormirait pas cette nuit là. Pas dans ses conditions, avec une guilde pareille aux trousses et un adolescent assassin à moins d'un mètre. Elle était habituée, non pas à être recherchée de la sorte, mais à passer des nuits blanches aux aguets. Elle se posterait dans un arbre et guèterait jusqu'au petit matin, son arc à la main.

" La meilleure solution pour te remettre en forme serait de beaucoup dormir avec un léger calmant qui te permette de te reposer. Mais vu les circonstances, je doute que ça fasse l'affaire."

Spes acquiesça. Un calmant ?... Il en avait besoin.
Cependant cela risquait d'induire une situation à risque, et si il était suffisamment puissant pour amortir ses réflexes... Il le mettait même en danger de mort.
Mais lequel des deux précipices était-il le plus dangereux ? Rester dans cet état ne lui apporterait rien de bon... Il avait choisit l'à-pic au gouffre.

" Voilà ce que je te propose. Pour cette nuit tu dors ici, tranquillement, je monterai la garde, on éteindra le feu pour rester discrets. Tu peux reprendre de l'écorce de saule pour éviter la douleur. Ça ne posera pas de problème si tu dois réagir. Demain matin je te ferai une tisane à la verveine qui te donnera un coup de fouet et agira peut-être pour t'éviter de nouvelles crises. "

Etheldred prit un air attristé.

" Je suis désolée, mais je ne peux pas faire grand chose d'autre. "

- Merci, dit-il simplement.

Il attrapa la couverture qu'elle lui tendait. Un regard circulaire confirma son intuition. Il y avait un chêne, en amont du ruisseau -ruisseau qui s'apparentait d'ailleurs d'avantage à un filet d'eau parmi les feuilles mortes-.
En quelques enjambées, il se trouva à son pied. Il l'escalada jusqu'au premier embranchement. C'était pitoyable, mais dans cet état il ne pouvait faire plus.
Et cet endroit avait l'avantage d'être large et creux.
Ramenant la couverture jusqu'à ses yeux, il fut l'espace d'une seconde surprit par son odeur. Il la connaissait de l'instant durant lequel il avait faillit figer son sang dans ses veines.
Il ne sut pourquoi, mais cela avait quelque chose de rassurant.
Il tenait toujours les feuilles qu'elle lui avait donné dans son poing. Crispé. Elles étaient froissées et avaient été abîmées par l'escalade... Cela ne l'arrêta pas. Il les mâcha consciencieusement tandis que son esprit s'obscurcissait...
Il n'avait pas songé d'avantage à ce qu'allait faire la jeune humaine.

Et si on l'attaquait ?
Tant pis.
Il était tellement rare qu'il put faire confiance...

Seul son souffle, lent et régulier désormais, trahissait son état.

[ HRP : Désolé pour mon intervention dans le texte c'était une petite précision trop tentante >< ]

Spes avait dormi d'un sommeil lourd la première moitié de la nuit.
Ses rêves jusqu'alors paisibles avaient tourné au cauchemar; il avait revécu une nouvelle fois sa petite enfance. Rêverie redondante, décidément.
Cela induisit un réalisme glacial qui le transperça lentement jusque dans les tréfonds de son âme. Lorsque la lance perça sa chair au jour, il sursauta.
Où était-il ? Qui était-il ? La réalité lui revint vite en tête. Il n'était plus enfant. Sa tête bourdonnait, trop pleine, peut-être. Mais il avait parfaitement conscience de ce qui l'entourait.

Dès lors, Spes somnola. Il ne voulait plus retrouver le sommeil. Il souhaitait simplement fuir ses chimères, reprendre tout à fait le contrôle.
Il se concentra sur les bruits de la nuit... le crépitement du feu avait cessé depuis longtemps. Etheldred était prudente...

L'aube pointait par-delà les montagnes, dans la continuité de la forêt. Le ciel devenait pâle et prenait des couleurs pastels... Tandis que les oiseaux, depuis longtemps éveillés, poussaient des trilles emplies de sens.

Il soupira de satisfaction en voyant le soleil. C'était la première fois qu'il souriait devant son ennemi pourtant vital...

Un bruit retint son attention. Trop aigu, trop coupant... Il devait se faire des idées. Personne n'aiguisait de lame. Ethledred, peut-être ? En possédait-elle seulement une ? Il perdit de vue la source du bruit.
Alors, un éclair lumineux l'éblouit une fraction de seconde durant.
Quelqu'un, au sol, tenait une lame. Quelqu'un qui s'approchait, qui faisait crisser les feuilles mortes et fuir les grillons: ils se taisaient à l'approche de l'être.

Spes se tendit précautionneusement au-dessus de la branche principale. La mousse gluante qui couvrait l'écorce étouffa ses mouvements.

C'était une drow. Elle s'approchait vers l'arbre dans lequel se trouvait Etheldred, alors que celle-ci était tournée dans la direction opposée... Mais elle ne pouvait pas ne pas l'entendre. Il avait remarqué qu'elle avait l'ouïe fine.
Et si la jeune humaine était perdue dans ses pensées ?

Il ne put rester immobile. Il connaissait trop bien la force de ces être ignobles... En cet instant, il ne pensa qu'à elle, et pas à lui-même.
Il sauta de l'arbre, la dague dans la main.
Il la lança vers le sombre dos alors qu'il ne touchait pas encore le sol.
Enfin, il percuta dans un terrible bruit de froissement. Ses jambes se dérobèrent sous le poids de son corps.
Immédiatement, il força pour se remettre debout.
L'angoisse se répandit en lui quand il réalisa qu'il n'avait aucune issue et un désavantage criant.

[HJ Je suis absente ce week-end ^^]

Etheldred préparait tranquillement l'infusion pour Spes lorsqu'elle trésaillit. Il y avait quelque chose qui clochait et ce, depuis un moment déjà. Seulement, la fatigue l'avait empèchée de réellement y prendre garde. Il y avait une présence, autre que celle de l'adolescent. Pourquoi n'avait-elle pas réagit plus tôt ?

Elle prit son arc au moment où un bruit de pas retentit derrière elle. Le temps d'encocher une flêche et, en se retournant, elle vit avec horreur qu'une drow approchait silencieusement, une rapière à la main. Elle ne voulait certainement pas une tasse de thé ! Vu les circonstances, Etheldred n'hésita pas et tira, sans sommation, visant la poitrine, que la tunique de la drow ne protégeait pas.

Tandis que la flêche partait, elle laissa son arc pour récupérer son épée qui serait bien plus utile, maintenant que la drow était si proche, et vit du coin de l'oeil que Spes sautait de l'arbre, lançant sa dague. Courageux, mais c'était un coup à se rompre les os, et il avait intérèt à tirer rapidement sa rapière ! La drow était entre eux deux, mais Spes était coincé. Cependant, Etheldred comprit confusément que leur agresseuse était plutôt mal en point. Mais ce n'était pas le moment pour les analyses médicales : une drow, même faible, restait une ennemie redoutable et elle doutait de pouvoir y faire face.

Soudain, bien que très légère, une odeur désagréable lui agressa les narines. Elle reconnut avec effroi les effluves d'une plante toxique, mèlée à d'autres fragances qu'elle ne détermina pas. La drow aurait-elle empoisonné sa lame ? C'était bien le style de ces créatures ! Elle n'eut pas le temps de se poser d'avantage de questions, elle se mit en garde car l'inconnue attaquait.


[hrp : désolée, c'est pas très long, mais comme on ne peut pas dire si nos coups ont porté ou pas...
absente ce week end également]

Sa dague atteint sa cible.

A sa grande joie, il constata que la drow luttait avec Etheldred sans plus se soucier de lui. Il resta attentif au combat, malgré lui inquiet pour elle, tout en se remettant sur ses jambes. Ses muscles engourdis semblaient faits de coton. Mais il ne lui sembla pas que la jeune humaine ait besoin d'aide.
Il était incommensurablement mieux que la veille, cependant toujours pas en possession de toute sa force physique. Ce qui ne l'empêcha pas de dégainer sa rapière avant de s'avancer vers les combattantes.
Pourquoi avait-il été heureux, ne serait-ce qu'une seconde, de la présence du soleil ? Désormais, il lui brûlait la peau malgré le feuillage qui les surplombait...

Amorçant une approche juste derrière la drow, il se concentra afin de rester discret. Dans le feu de l'action il songea à quelque chose: il pouvait fuir, non ? Ou du moins, se cacher. Pourquoi pas, après tout ? Il n'allait être d'aucune aide, seulement un fardeau. Une sorte de lâcheté s'empara de lui.
En vérité, il avait peur. Tellement peur qu'il n'osait passer à l'attaque.
Et si c'était sa mère ?

A cette pensée, il faiblit. Il rengaina sa rapière avec négligence, ce qui produisit un son cristallin. Vite, il saisit son poignard.
C'est à ce contact qu'il se sentit envahi d'un désir de meurtre. Mais qui pouvait-il tuer ? Personne. A part lui-même, peut-être. Il retourna son poignard de manière à pointer la lame dans sa direction. Le manche effilé tendu vers l'avant, il bondit vers la drow, visant sa nuque.

Que se passa-t-il à cet instant ? Il ne le sut jamais.
L'écureuil qui l'avait précédé, lui, s'en souvint surement... Il dû être très déçu lorsqu'il retrouva la motte de terre meuble arrachée au sol et son contenu répandu par terre.
Toujours est-il que Spes dérapa, perdant tout équilibre il manqua de tomber en arrière pour finalement glisser sur le ventre et percuter un pied.

De toute sa courte vie, il n'avait pas subit beaucoup de situations aussi humiliantes et périlleuses.

Etheldred parait les coups de son adversaire sans trop de difficultés. Normalement, la drow aurait dû être plus rapide, comme l'étaient les siens, mais il semblait qu'elle était déjà fatiguée avant même de commencer le combat. Un avantage certain pour l'humaine qui ne pouvait compter que sur sa vitesse et son agilité dans ce combat. Elle n'avait jamais eu beaucoup de force. Elle gagna peu à peu du terrain, bien qu'elle s'efforçât d'éviter tout risque de blessure car elle craignait le poison qui recouvrait la lame ennemie.

Etheldred ne savait pas trop ce que fesait Spes, derrière. Depuis qu'il avait lancé la dague, il n'avait plus agit. Un coup d'oeil lui aurait suffit pour s'assurer de sa présence, mais l'humaine préférait ne pas se déconcentrer et elle ne prit pas le risque de regarder derrière son adversaire. L'adolescent était toujours là, mais que faisait-il ? Elle entendit un bruit qui lui donna la réponse : il venait de sortir sa rapière. Mais était-il en état de combattre ? Si elle en avait eu le temps, elle aurait probablement hésité entre un appel à l'aide et un " sauve-toi ", mais elle ne pensait qu'au combat.

Ce qui l'empècha de comprendre ce qu'il se passait lorsque Spes s'étalla au milieu d'elle, il lui heurta un pied et elle ne para l'attaque de la drow que de justesse en faisant des pas désordonnés. Elle cru un instant qu'elle allait tomber à son tour, mais elle parvint à conserver son équilibre. Elle se remit en garde, une courte pause au milieu de ce délire.

" Spes, éloigne toi. " haleta-t-elle enfin. Elle se souvenait qu'il l'avait agressée plus tôt, alors, inutile qu'elle s'inquiète de ses réactions en plus de celles de son adversaire. Elle n'était pas capable de le protéger non plus, elle n'était pas une assez bonne escrimeuse pour ça. Lui-même avait tout intérèt à s'éloigner. Pourtant, en ce moment, elle aurait apprécié un peu d'aide. Elle se demandait confusément combien de temps elle tiendrait encore ce rythme effréné.

Elle ne s'occupa pas d'avantage de l'adolescent et réattaqua : un coup prévisible pour forcer son adversaire à parer et à dévier sa lame, suivit d'une fente vers l'ouverture qu'elle avait créée, qui, avec un peu de chance, permettrait à son coup d'estoc de traverser la poitrine de la drow. Une manoeuvre dangereuse, mais elle ramena rapidement sa propre lame pour se protéger afin d'éviter de finir empoisonnée. Une façon de limiter les risques, mais qui empèchait également le coup d'être parfaitement mortel.

Elle aurait bien proposé à la drow de s'arrèter là, mais d'une part, elle savait pertinemment que ce genre de créature aimait le sang, et n'aurait de cesse de faire couler le sien et d'autre part, elle ne pouvait prendre le risque de discuter pendant le combat. Enfin, elle ne voulait pas montrer de signe de faiblesse et s'efforçait de trouver ceux laissés par son adversaire. Cette dernière clignait souvent des yeux, génée par quoi, au juste ? Etheldred ne parvenait pas à l'identifier, ayant du mal à réfléchir en ce moment.