[Demeure de Brylyan] As-tu perdu ta langue... ? | Brylyan

« Tire la langue ! »… Un ordre impérieux, la pire sommation qui avait pu parvenir aux oreilles de la jeune esclave. Elle ne put se résoudre à obéir, et si dans son esprit elle justifia sa peur comme étant l’expression de sa loyauté envers Brylyan, elle n’était pas dupe. « N’écoute nul autre que moi », lui avait-il dit. Sauf qu’elle s’était librement soumise à la punition qui lui avait promise la Reine, aussi reculer maintenant pouvait être une forme de déni. Les ongles vicieux ne lui laissèrent pas plus de temps pour réfléchir, et elle ne put pas retenir le cri de douleur et de stupeur qui monta le long de sa gorge, malgré tout ses efforts… Combien de temps faut-il pour couper une langue ? Horriblement peu. Avant qu’elle ne comprenne comment, avant même que la douleur ne vienne lui confirmer la triste nouvelle, elle savait. Et pour cause, une quantité impressionnante de sang vint emplir sa bouche, tant et si bien qu’elle cru étouffer. Elle tenta bien de cracher le liquide carmin, mais elle en était désormais incapable. Inconsciemment, elle se pencha en avant et ouvrit grand la bouche, laissant échapper ce qui était en train de la tuer en même temps qu’un cri étouffé de douleur. Combien de temps faut-il pour couper une langue ? Bien moins qu’il n’en faut pour réaliser ce qu’on vient de perdre.

Son corps tremblant à cause de la douleur, elle n’en resta pas moins immobile, agenouillée, la tête tournée vers le sol, à hurler sa douleur pendant que s’échappait de sa bouche des flots continus de rouge sombre. Elle n’entendait plus rien, ni les rires du chérubin démoniaque, ni les bruits de bas d’Aetherya. Sissthylias n’était plus qu’une boule de douleur, une poupée désarticulée, dont la peau écorchée à vif lui faisait souffrir mille morts… Elle avait du mal à respirer, elle était en sueur, et comme si elle ployait devant tant d’injustice, elle laissa doucement son front aller se reposer contre le sol froid et cruel. Et le pire était que depuis deux bonnes minutes, elle tentait de murmurer le nom de son Maître… sans succès. Privée de ce soutien, elle sentait la folie la guettait. Elle espérait presque que le sang s’échappe de son corps meurtri jusqu’à ce que mort s’en suive.

Elle sentit quelque chose heurter le haut de sa tête, et par reflexe, elle s’en saisit. Elle n’avait aucune idée de ce que c’était, et la pauvre lettre se retrouva froissée dans le poing crispé d’une drow entièrement tournée vers sa souffrance. Elle tenta bien d’y jeter un œil, le regard fiévreux, mais elle ne parvint qu’à la noyer sous un flot de sang… du moins les parties qui dépassaient de sa main. S’interrogea-t-elle ? Peu probable, on ne lui en laissa pas le temps. Elle sentit quelque chose serrer son épaule, et elle se retrouva à se traîner à quatre pattes, la tête tournant dangereusement. Elle se sentit partir une ou deux fois, mais à chaque fois une violente claque la maintenait éveillée. Et puis, tout cessa. Elle se retrouva allongée au sol, la respiration saccadée, tentant d’expulser le sang qui empêchait en partie l’air salvateur de s’aventurer dans sa gorge. Elle tenta bien de se mettre à genoux, mais se figea bien vite, tout les sens en alerte…

Elle crut qu'elle devenait folle, alors qu'une douce brise venait caresser son bras gauche... Une brise, un cri, puis plus rien.

-Ma douce Licsis...

Ce n'était juste qu'un murmure presque...Affectueux, comme une caresse glaciale, une ombre bougea, lente et doucereuse, un sifflement retentit dans la pénombre ambiante avant qu'un rai de lumière n'accroche une peau luisante et aussi ténébreuse que l'enfer. Deux yeux brillant comme des joyaux percèrent l'obscurité en réponse a cet appel langoureux...Plus loin gisait le corps...Oh tiens...Alrunee...Tsss...La Reine manquait décidement de jugeotte c'était un fait. Brylyan leva les yeux au ciel avant que, caline et sensuelle, Liscis ne vienne s'enrouler autour de lui, quémandant une flatterie. Il passa ses doigts le long de son corps écailleux, la faisant siffler de contentement...Un claquement de doigt et un garde apparut.

-Emmène moi ça dans le salon...

ordonna-t-il en désignant Alrunee, puis, il se saisit lui même de son esclave..

-Ah Siss...Aurais tu jouer avec un couteau ?

Il savait parfaitement d'où elle venait et si il avait eu besoin de preuve, la présence d'Alrunee en était une...Il se demandait un peu ce qui était passé par la tête d'Aeth. Quelle idiote, son arrogance sera sa perte si elle n'y faisait pas attention, mais l'heure n'était pas a la colère, si tant est qu'il le soit, en vérité, il était plus amusé qu'autre chose, curieux de savoir ce qu'avait fait Siss pour mériter tel châtiment de la part d'Aeth...Ceci dit, il lui faudrait tout de même faire comprendre certaine chose a cette reine de pacotille, il ne tolérait pas que l'on touche ce qui lui appartenait, esclave ou non...Liscis suivit son maitre en ondulant doucement...Elle avait obeit au doigt et a l'oeil, frappant sans hésitation mais pas pour tuer...Du moins pas encore...

Une fois a l'intérieur, Brylyan déposa Siss dans un fauteuil. Non décidemment, il n'aimait que l'on abime sa propriété, vraiment pas...Il se servit un verre de vin et braqua son regard carmin sur la sombre...Nul colère dans ses yeux, rien, absolument rien...

-Raconte...

Elle ne pourrait pas parler, mais elle avait apprit le langage silencieux, une bonne chose...

Sissthylias toussa, dans l’espoir de chasser le sang qui avait pu s’aventurer avec trop d’hardiesse dans sa gorge. Le cri s’était tu, et elle comprit pourquoi quand elle leva un visage tordu de douleur vers le corps étendu de son bourreau. C’était sa faute, à elle. Elle qui l’avait amenée dans cet enfer, sans raison valable. Et puis la voix de son Maître vint mettre un terme au silence qui jusqu’alors régnait en maître. Dire qu’elle fut soulagée de pouvoir poser son regard sur lui serait un bel euphémisme, en vérité elle sentit son cœur s’emballer alors qu’elle comprenait enfin où elle était. Comment avait-elle fait pour ne rien remarquer plus tôt ? Il claqua des doigts et elle commença à ramper vers lui, prenant cet ordre pour elle. L’arrivée d’un garde et l’échange qu’il y eut entre eux ne la découragea pas. Elle allait se lever quand il s’approcha et la prit dans ses bras. Elle ouvrit la bouche, avec la ferme intention de le dissuader de faire quoi que ce soit qui impliqua qu’il la touche… Elle était couverte de sang, que ce soit son visage ou ses vêtements, et ne tenait pas à le voir salir les siens. Mais sa bouche s’ouvrit et se referma alors que s’échappait de faibles ahanements incompréhensibles, qui virèrent au gémissement quand le moignon qu’était devenue sa langue libéra en elle un flot de douleur qui faillit lui faire perdre conscience. Malgré elle, son poing libre se crispa sur l’étoffe de la tunique de Brylyan, les yeux clos hermétiquement par la souffrance.

Avait-elle joué avec un couteau ? La question ne lui laissa qu’un gout amer en bouche, un gout qui vint s’ajouter au sang qui continuait de s’accumuler. Mais il était impossible désormais de s’en séparer sans souiller celui qui la portait, aussi se résolu-t-elle à en boire… un peu. Ce qu’elle ne savait pas, c’était qu’en boire trop rendait malade, à la longue… Finalement, elle ne put retenir une quinte de toux, après avoir avalé de travers. Pauvre tunique.

Elle accueilli avec soulagement le siège sur lequel elle fut déposée, bien qu’elle regretta un instant de quitter sa position privilégiée. Dans les bras de son Maître, la douleur n’avait plus d’importance, car elle s’était sentie protégée du monde et de sa violence. Et s’il n’y avait pas eu tout ce sang, elle se serait peut-être même permis de laisser sa tête reposer contre ce torse puissant. Voilà plus d’un mois, plus de neuf pourtant longues semaines qu’elle le servait. Et pourtant, pas une fois il ne l’avait demandé dans sa couche, ni même prêtée à un autre. Non pas qu’elle aimait particulièrement être violentée toute une nuit voir plus par des militaires ivres, mais cela faisait parti de son quotidien depuis une vingtaine d’années… Inconsciemment, ce changement l’effrayait. Peut-être n’était-elle pas assez bien ? Peut-être regrettait-il son achat ? Déchirant le voile de la douleur et des interrogations, sa voix la ramena à la réalité et elle se força à fixer son regard vers lui. La bouche entrouverte et le menton légèrement abaissé lui permettait de libérer sa bouche sans pour autant avoir l’air d’une sauvage… quoi qu’elle donnait presque l’impression de baver, ainsi. Heureusement, le flot semblait lentement se tarir… Trop lentement, peut-être.

Ainsi, il voulait qu’elle lui raconte ce qu’il s’était passé. Il lui fallut quelques secondes pour comprendre de quoi il en retournait, et autant pour parvenir à desserrer son poing droit… ce qui laissa tomber au sol la lettre de la Reine. Malgré elle, son regard suivit, au ralenti, la chute du parchemin, et des paroles qu’elle n’avait entendues que derrière un écran de douleur s’imposèrent à elle. Elle se pencha et saisit de doigts quelque peu gourds la missive et la tendit vers Brylyan, tremblante de fatigue. Il s’en saisit mais repoussa sa lecture, se contentant de ne pas la quitter du regard. La pauvre Sissthylias sentait ses yeux écarlates qui ne la lâchaient pas, aussi se résolu-t-elle à lui raconter toute l’histoire.

Elle se voulu précise, mais ce qu’elle avait vécu rendait ses gestes imprécis, aussi son discours fut-il surement dénué de sens par moment. Mais Brylyan avait surement du saisir l’essentiel : elle revenait de l’artisan qui devait réparer sa lyre, elle avait été agressé par des drows qu’elle n’avait pas pu identifier, quelqu’un l’avait sauvée et conduite à la Reine, qui lui avait coupé la langue parce qu’elle n’avait rien voulu dire, et la même personne l’avait ensuite rapportée jusqu’ici… La suite, le Karliik Glenn la connaissait.

Il baissa les yeux, des taches maculaient sa chemise de taches écarlates. Il les regarda durant quelques secondes, sans rien exprimer, sans rien dire, avant de l'ôter d'un geste vif. Puis il ordonna un récit, celui de cette langue et de ce sang...Les gestes étaient tremblants lorsqu'elle lui tendit une missive avant de se lancer dans son histoire. Brylyan ne lu pas la lettre, du moins, pas immédiatement, non, il préférait suivre les gestes de Ssis, ces mouvements qui lui apprenait sans nul doute, avec hésitation ce qu'il s'était passé...Liscis dansait doucement a la vue des gestes, elle les comprenait aussi, à sa manière, mais le sang qui coulait toujours l'attirait, mais elle ne bougerait pas sans un ordre de son maitre...Son si doux maitre...Les mains fines se reposèrent lentement et le Maitre d'arme resta une seconde sans réaction avant d'ouvrir la missive et...D'exploser de rire. Par Uriz ! Quelle grossière erreur Aeth, vraiment trop grossière ! Il reposa la missive sur une table et s'approcha de Ssis, se penchant, il lui saisit le menton et embrassa ses lèvres meurtries. Son regard suintait de rire, d'un amusement malsain et satisfait, comme ce sourire qui ombrait son visage.

-Merci Ssis, tu m'as été très utile, même si tu n'en a pas conscience...

murmura-t-il doucement avant de se redresser et d'envoyer un messager a sa soeur...Tout ce sang commençait un peu à l'indisposer, Alyryne saurait la soigner, helàs, elle ne pourrait pas lui rendre sa langue, mais cela n'était pas bien grave, Aeth le fera, n'est ce pas ?

Il ne pensait pas la reine si...Prévisible, si transparente, comptait elle garder son trône de carton longtemps a ce rythme ? Tebryn ne lui avait donc rien apprit ? Il fallait croire que non, c'était désépérant, devrait il lui apprendre son..."métier" ?

-Ma soeur te soignera, cela est préférable avant que Liscis ne se laisse emporter par ses instincts...

Elle ne s'attendait pas à être dérangée. Magnifique dans sa combinaison de cuir rouge, la Haute Prêtresse d'Uriz se trouvait au temple, guidant les jeunes novices qui se lançaient dans le culte du dieu de la guerre. Avait-elle jamais été aussi jeune et naïve? Elle se retint de rire en pensant ainsi... Comme si elle était vieille! Certains novices n'avaient qu'une dizaine d'années de moins qu'elle, une broutille... C'était bien beau de se vouer à la religion, mais comme dans les arcanes profanes, il y avait divers niveaux de talents et de dévotions... On pouvait y mettre toute la bonne volonté du monde, si on n'avait pas l'tincelle, la foi ultime, on ne pouvait pas gravir les échelons. Or, Alyryne semblait aimée de son Dieu, puisque celui-ci lui avait permis d'épater les autres prêtres et prêtresses et de prendre le pouvoir à un âge très jeune.

Oui, la jolie drow était aimé de son Dieu... Pouvoir, argent, famille, que lui manquait-il? Rien absolument rien, tout était parfait, mais elle ne faisait pas l'erreur de penser que tout était acquis. Etant drow, elle savait qu'ici, on pouvait passer de la gloire à l'état de cadavre en un claquement de doigt.

Ou en un cliquetis de lame.

- "Haute Prêtresse?"

Alyryne tourna la tête vers une jeune novice qui la regardait avec crainte.

- "Un messager vient d'arriver, en provenance du Karliik Glenn..."

La haute Prêtresse fronça les sourcils, perplexe. Un message de son frère?

- "Et bien, qu'attends-tu pour me donner le message?"

La jeune fille piqua un fard.

- "Le messager attend à l'extérieur du temple..."

Alyryne soupira et décida d'aller voir par elle-même. Gracieuse et torride dans sa combinaison moulante, elle s'avança vers le messager de son frère. Pourquoi une combinaison rouge? Parce qu'on voyait moins les traces de sang pardi... Ses longues jambes étaient moulées à la perfection, de même que ses fesses rebondies et ses hanches larges. Mère par deux fois, son corps était plus voluptueux. Le décolleté était échancré, indécent, alors que l'on voyait sa peau sombre jusqu'au nombril et la naissance de ses seins voluptueux. Sa chevelure d'un rouge vif, simplement nuancée d'une mèche blanche la rendait étrange mais fascinante.

- "Alors?"

- "Haute Prêtresse..."

Le messager s'inclina en signe de erspect.

- "Votre frère vous fait mander pour une affaire importante... Il requiert vos talents de Prêtresse."

La jeune femme haussa un sourcil, puis suivit le Messager sans poser de questions. Rapidement, elle fut menée jusqu'à la demeure de Brylyan et fut introduite près de lui, suivie de Neela qui la suivait de près. La feirn était l'ombre d'Alyryne, magnifique panthère d'un noir d'ébène luisant.

- "Brylyan."

Elle sourit à son frère, avant que l'odeur de sang ne lui monte au nez et ne colore son regard saphir de carmin. Une expression gourmande passa sur son visage, alors que la vue du sang sur l'esclave la galvanisait.

- "Oh pauvre petite Siss... Que lui est-il arrivé?"

Elle avait prit une voix enfantin et moqueuse, alors que son regard brillait, mais elle s'approcha de l'esclave et l'examine, marquant un temps de surprise en constatant que la langue avait été coupée. Elle ne dit rien et posa une main sur le visage de l'esclave, fermant les yeux alors qu'elle invoquait la volonté du dieu de la guerre. Siss était la servante de Brylyan, chef des armées, serviteur d'Uriz... La plaie se referma et le sang cessa de couler alors que Siss sentait une étrange chaleur sur sa langue martyrisée. Puis ce fut termina et Alyryne retira sa main, non sans lécher avidement le sang de l'esclave bafouée.

- "Tu devrais mieux prendre soin de tes affaires Brylyan."

Elle n’avait pas compris la raison de l’éclat de rire soudain de son Maître. Se moquait-il d’elle ? Ou de la Reine qui en était l’auteur ? Elle n’avait pu le deviner et, de toute façon, n’avait pas pu quitter du regard l’énorme Licsis. L’esclave le savait, le sang avait le don de rendre fou le reptile qui dardait désormais sa langue en sa direction. Remontant ses jambes sur le siège, elle les avait enlacées de ses bras tremblants et avait posé sa tête sur ses genoux. Jusqu’à ce qu’elle voit son Maître s’approcher, elle s’était alors légèrement reculée contre le dossier, comme par crainte de ce qu’il pourrait lui faire. Et si Sissthylias avait sentit son cœur battre la chamade à mesure qu’elle avait vu le visage de son Maître réduire la distance qui le séparait du sien, elle eut l’impression de mourir quand il déposa un doux baiser sur ses lèvres poisseuses de sang. En d’autres circonstances, elle le lui aurait rendu avec fougue, aurait retrouvé avec soulagement des repères qui n’existait plus depuis un mois. Sauf qu’elle était désormais incapable de faire quoi que ce soit, et qu’elle ne souhaitait en aucun cas empirer l’état des vêtements du Karliik Glenn en entrouvrant la bouche…

Ainsi, elle allait revoir la Haute Prêtresse d’Uriz… En ces instants de troublés, centrés vers sa douleur, c’est à peine si elle arrivait à se souvenir de leur dernière et unique rencontre. La seule chose qui s’imposait à elle était que la Servante du Dieu de la Guerre était jeune, et donc par voix de conséquence, puissante. Ainsi en allait-il dans ce monde qu’était le Puy d’Elda. On obtenait rien sans rien, et s’il arrivait qu’on puisse écrire la vie d’un nouveau né dans sa naissance, comme pour Sissthylias, la plus part devait trouver leur place à la sueur de leur front, sans se soucier des autres. Si Alyryne était à la place qu’elle occupait désormais, ce n’était pas par hasard, et l’esclave voyait en sa venue un espoir de s’améliorer.

N’y pouvant plus, elle tourna la tête de côté et laissa s’échapper le sang accumulé. La douleur s’était apaisée, devenant ainsi supportable, mais elle commençait à se sentir assez mal… La faute a trop de sang perdu et, surtout, avalé. Ce fut cet instant fort peu digne pour l’esclave que choisit la Haute Prêtresse pour faire son entrée en scène. Sans surprise, elle aperçut par la même occasion le feirn d’Alyryne. Elle avait beau avoir déjà eu le privilège de l’observer, elle était toujours autant surprise de voir un tel animal, réputé sauvage, suivre ainsi une drow… Un autre témoignage de la puissance de la concernée, surement. De nouveau, elle décela de l’amusement dans les paroles qui soulevèrent son état. Etait-il donc vraiment drôle de la voir ainsi mutilée. Pour autant, Sissthylias ne nourrissait aucune rancune, comment l’aurait-elle pu ? C’était aller contre ce qu’elle était. Peu importe qu’ils la tournent en ridicule, elle ne doutait pas un instant que son Maître ne la laisserait pas dans cet état et elle n’en demandait pas plus.

Quand la Prêtresse s’approcha d’elle, elle ne chercha pas à se dérober, et Alyryne put même lire un espoir non contenu dans ses yeux légèrement agrandi par la souffrance. L’étrange chaleur qui prit naissance dans le moignon de sa langue et se dissipa dans toute sa mâchoire la laissa toute étourdie, et elle manqua de s’effondrer de soulagement alors que la douleur se taisait lentement. Dès qu’elle le put, elle détourna la tête et cracha les derniers vestiges de sang présent dans sa bouche, dans un râle soulagé. Elle n’avait plus mal, elle ne suffoquait plus.

Seul restait une fatigue intense, conséquence du sang qu’elle avait perdu en quantité… plus qu’impressionnante. La langue n’est pas un organe à amputer à la légère, définitivement.

Neela regardais avec circonspection l'énorme serpent qui la dévisageait avec attention. Certes, le serpent aurait pu l'étouffer, mais elle n'était pas une vulgaire panthère et elle était capable de cracher un feu d'enfer qui aurait pu réduire l'énorme reptile à l'état de joli petit tas de cendre... Licsis en était-elle consciente?

Mais Alyryne ne faisait pas attention aux deux familiers. Non, elle se préoccupait davantage de l'esclave mutilée au sang si attirant... Le regard rougeoyant et l'expression dangereuse, elle s'approcha de l'esclave, s'étonnant de ne pas la voir reculer et même, de lire de l'espoir dans son regard teinté de souffrance.

Un fin sourire ourla les lèvres carmines de la Haute prêtresse à la réponse de son frère. Ah, donc Aetherya avait ainsi endommagé délibérément la jeune esclave? Intéressant... Décidément, la reine drow, cette parvenue qui ne valait pas mieux qu'une catin, ne cessait de la surprendre... Agréablement d'ailleurs. Elle faisait des erreurs et de sacrées erreurs qui pourraient bien lui couter sa couronne. Elle était reine simplement pour s'être faite engrosser par Tebryn. Elle oubliait un peu trop souvent qu'elle n'était qu'une tête d'une hydre monstrueuse qui en comptait trois... Et qu'elle n'était pas la plus importante... Elle oubliait aussi que ce marché ne tenait que pour unifier le peuple drow et éviter une guerre qui ne les mènerait nulle part. Illiv'aere, Brylyan ou Ant'zar auraient pu si facilement l'évincer, mais pas dans le calme.

Oh bien sûr, la Prêtresse se moquait bien qu'il y ai un bain de sang... Une petite guerre civile, cela faisait toujours du bien au moral, mais Uriz avait d'autres projets, plus grandioses...

Alyryne soigna donc la jeune esclave qui se détourna pour cracher les derniers vestiges de sang. La Haute prêtresse tressaillit et s'approcha plus près de Siss, le regard rougeoyant, à la fois teinté de folie et de douceur... Un mélange étonnant. Ses lèvres approcèrent celles, sanguinolentes, de Siss et sa langue passa sur les chair tendre de l'esclave malmenée pour récupérer quelques gouttes de son sang délicieux. Cela avait une connotation sensuelle et lascive très marquée, Alyryne en avait conscience et elle n'en avait cure.

Elle s'écarta finalement, après avoir baisé les lèvres de Siss et murmura d'une voix voluptueuse :

- "Voilà petit Siss."

Elle lui caressa la joue de l'index, avant de se tourner vers Brylyan, une lueur amusée dans le regard. Elle et son frère se comprenaient si bien...

- "Aetherya n'est arrivée où elle est que parce qu'elle sait bien ouvrir les cuisses."

Elle ne portait pas la reine drow dans son coeur et c'était surement réciproque, néanmoins, tant qu'Aetherya servirait ses intêrets, elle ne lui ferait rien et la suivrait. Mais là, elle avait fait une erreur monumentale...

- "Ah Yan... De quoi a-t-elle peur? Mon cher frère, mijoterais-tu quelques manigances? Ou bien notre reine bien aimée serait-elle quelque peu paranoïaque, comme ce pauvre Tebryn?"

Le sourire d'Alyryne se fit plus cruel et calculateur en proférant ces paroles. Elle éclata d'un rire cristallin et froid. Elle en profita pour se glisser derrière Siss et passer ses bras autour d'elle, posant son menton sur l'épaule de l'esclave, en un geste d'une grande tendresse, ce qui n'écartait pourtant pas le danger.

- "Notre reine a abîmé notre jolie Siss... Elle devrait apprendre à contrôler ses nerfs, tu ne penses pas? Allons, chaque offense mérite compensation... N'est-ce pas Siss? Nous n'allons pas laisser ce crime injuste impuni..."

Elle frotta sa joue contre celle de l'esclave, féline, avant de planter son regard redevenu saphir dans les yeux de son frère.

Pauvre Sissthylias. Désormais muette, couverte de sang, elle voyait tout son univers s’effondrer. Son Maître avait parlé d’elle au passé. En d’autres termes, il l’évoquait déjà comme un souvenir. C’était compréhensible, voir même prévisible, après tout elle perdait énormément de valeur et d’utilité. A quoi donc servait une esclave incapable de parler ? Finalement, Aetherya lui avait fait bien plus mal que ce qu’elle pouvait imaginer. Parce que, quoi qu’on en dise, elle ne voyait pas comment il était possible d’effacer ce qui lui avait été fait.

Cette triste réalité, conjuguée à une perte de sang importante, la mettait dans un état proche de la léthargie. Amorphe, elle gardait le regard vide et perdu. Les jeux d’Alyryne ne l’atteignait pas, alors qu’elle se demandait ce qu’elle allait devenir. Elle ne lui rendit pas son baisé, le fuit encore moins. D’ordinaire, elle aurait réagi autrement, aurait hésité, tout simplement parce que toute Haute Prêtresse qu’elle était, le fait était qu’elle avait été prêtée et rendue, et que seule son Maître pouvait l’autoriser à un tel geste. Mais la peur, la douleur et la fatigue l’avait miné… Elle ne voulait pas appartenir au passé.

Elle aurait du remercier Alyryne, après tout, l’esclave ne souffrait plus désormais. Mais d’un autre côté… elle n’avait plus de langue, alors elle ne pouvait pas vraiment. Elle préféra ne pas réagir. Elle ne réagit pas plus quand la drow poussa plus loin le jeu, posant son menton sur son épaule. Que pouvait-elle faire, de toute façon ? Elle ferma les yeux un instant, alors qu’elle sentait le monde tourner autour d’elle. Elle était fatiguée, d’un coup…


Court, mais que dire de plus ? xD

Alyryne était bien installée ainsi, le menton sur une épaule de Siss, alors que l'une de ses mains allait caresser la joue de l'esclave meurtrie. Doucement, elle lui insuffla un peu d'énergie, apaisante, après ces épreuves traumatisantes. Elle se faisait maternelle, rassurante, après avoir été amante ou dominante. Autant de facettes qui faisaient qu'on ne pouvait pas cerner la Haute prêtresse à moins de bien la connaitre.

Elle regarda alors son frère et s'enquit de ce qu'ils devaient faire à la Reine pour avoir abîmé Siss. Naturellement, son frère entra dans son jeu. Un sourire recourba les lèvres de sa soeur.

- "Parfois, il faut savoir user de son intelligence et notre reine adorée en semble dépourvue... Quel dommage."

Elle poussa un soupir à fendre l'âme à l'oreille de Siss.

- "Tu sais Yan, peu d'hommes résistent devant une femme offerte..."

Il y avait une note d'amertume dans sa voix. Ils étaient si prévisibles... Ant'zar n'avait-il pas succombé lui aussi à Aetherya à un moment donné? Sa main se crispa sur l'épaule de Siss et elle la lâcha, le regard ombrageux. Mais c'était terminé ce temps là.

- "En effet, peut-être serait-il temps de rappeler à sa Majesté qu'elle n'est là que parce que nous le voulons bien..."

Alyryne se laissa tomber avec grâce sur une chaise et s'empara d'une coupe qu'elle porta à ses lèvres, avant de sourire.

- "Les enfants, il faut les punir, n'est-ce pas?"

Et à la mention d'un sacrifice, le sourire d'Alyryne s'élargit et elle éclata de rire, se redressant et battant des mains comme une enfant ravie. Puis, tout aussi soudainement, elle reprit son sérieux et se releva, approchant cette fois de son frère et l'enlaçant avec un quelque chose de sensuel dérangeant dans une relation fraternelle. Mais Alyryne transpirait la sensualité par tous les pores de sa peau. Elle caressa les cheveux neigeux de Brylyan et murmura contre ses lèvres :

- "Uriz t'aime Brylyan, tu fais sa gloire. Et voilà que tu songes à ses intêrets... Ah Yan, parfois, je me dis que toi et moi, ensemble, nous pourrions régner sur le monde."

Brylyan était proche, si proche de la vérité, quand il supposait que son esclave était épuisée. Exténuée, même. Elle avait perdu beaucoup de sang, trop pour en sortir indemne. Elle n’avait qu’une envie, c’était s’endormir, fuir ce cauchemar sans nom dans lequel elle était muette… Quel avenir lui restait-il ? Elle ne savait pas ce qu’il adviendrait d’elle, se rendant simplement compte que le rêve dans lequel son père l’avait projeté en la vendant au Karliik Glenn en personne était menacé de tout bord. Elle sentait contre elle la Haute Prêtresse d’Uriz, joueuse, sensuelle… comme lors de leur précédente rencontre. Sauf que c’en était trop pour Sissthylias, trop pour ses frêles épaules. Elle ne lutta pas contre la somnolence qui la prit. Se laissa entrainer toute entière dans cet état semi-comateux qui lui tendait les bras… Elle ne s’endormit pas, non. Ses yeux étaient toujours ouverts, bien que vide. Elle entendait toujours ce qui se disait, sans faire l’effort de comprendre. Elle se reposait juste comme elle le pouvait.

Jusqu’à ce qu’on fasse appel à elle, ou qu’on la réveille, en lui murmurant que tout n’était que cauchemar et que rien n’était arrivé.