Ces derniers mois avaient été difficiles pour Lysia. Elle s'en allait par monts et par vaux sans poursuivre un but précis, et la était la plus dangereuse chose à faire. Une personne sans perspective était bien trop vunlnérable pour parcourir les chemins de la manière dont elle le faisait. Lasse de tout, ses forces s'épuisaient sans qu'elle ne s'y occupe ne serait-ce qu'un court instant. C'était étrange comme la puissance d'un être pouvait diminuer sans ne rien faire. Elle semblait oublier qu'elle possédait une formation sans égal, et qu'elle était passée maître dans l'espionnage et le maniement des armes. Et pourtant elle brûlait d'exploiter ces talents fraichements découverts grâce au noble magicien Nakor, son ami et son mentor. En un éclair, elle prit la décision que certains auraient mit plusieurs années à élaborer seulement. Elle releva la tête, et balaya les alentours de son regard brillant.
C'est alors seulement qu'elle se rendit compte que sa monture était arrêtée. La jeune fille baissa les yeux sur la crinière d'argent de Sereine, et sourit doucement. Elle était bien sa seule compagne! Ses doigts se glissèrent instantanément le long de sa robe, et un frisson la parcouru toute entière. Il lui semblait que les centaines d'émotions qui animaient l'équidé se répendaient en elle. Et pourtant, ce ne pouvait être qu'une illusion. Nakor lui avait bien précisé que les liens qu'elle pouvait avoir avec la jument seraient simplement superficiels, ceux qu'un humain entretenait avec un autre animal, rien de plus. Le flux de la magie ne coulait pas en elle, elle devait s'y résigner, voilà tout. Et pourtant la magie ne l'avait jamais attiré; elle voulait simplement entretenir plus qu'une simple relation d'homme à animal avec Sereine. Et ceci semblait impossible. Mais elle s'accrocherait. "Aller ma belle, au pas, tu ne vas pas rester ainsi une éternité!" Murmura-t-elle à l'adresse de sa compagne de route. La jument dressa les oreilles au son de sa voix, puis prit le pas sous la pression des jambes de Lysia.
La jeune fille prit alors le temps d'observer les alentours. Déjà les arbres commençaient à geler. L'hiver serait froid cette année, et Lysia avait interet à se procurer de nouvelles couvertures, pour elle et pour sa jument. La neige ne se montrait pas encore, mais la température ne cessait de baisser, et les flocons ne tarderaient pas à tomber dans tout Miradelphia. Ce n'était pas déplaisant, mais seul le froid inquiétait la jeune humaine. Elle y était sensible, et détestait voyager lorsque le temps était mauvais. Mais elle n'avait pas le choix, et le mois de Verimios était de toute manière inévitable. Revenant peu à peu à la réalité et écartant ses sombres pensées, elle se rendit compte qu'un vent terriblement froid lui fouettait le visage. Elle releva son foulard jusque sur son menton, et serra un peu plus les jambes, pour réchauffer la jument qui ne tarderait pas à attraper froid à cette allure.
Lysia leva les yeux vers le ciel, et observa d'un oeil méfiant les larges nuages terriblement gris qui se déplaçaient à une vitesse inquiétante. Un orage s'approchait, et la pluie allait tomber d'ici quelques heures. Elle prit le petit galop, éclatant de rire lorsque la jument poussait des hénissements joyeux. La relation qu'elles entretenaient toutes deux était tellement pure et naturelle qu'elle y puisait un bonheur immense. Soudain, un bruissement de feuille sur sa droite attirèrent son attention. Elle ralentit la jument qui ne se fit pas prier et passa au pas immédiatement. Une femme d'un âge déjà bien avancé venait de sortir d'un fourré. Elle leva les yeux sur Lysia, et joignit les mains en marmonnant :
- Pitié, je n'ai que ces quelques poulets, ne me les volez pas! Sa voix était étrangement chevrotante. La jeune fille hocha le menton, et répliqua :
- Un peu de fierté, manante, je ne compte pas vous dépouiller de vos biens. Marquant une courte pause, elle ajouta ensuite : - Que faites-vous ici, seule? Ce n'est pas une route recommandable pour une vieille et ses poulets.
La femme cligna des yeux plusieurs fois, et acquiesça d'un signe de tête en répondant :
- Je me rend à la ferme voisine, qui est à plusieurs kilomètres de la mienne malheureusement. J'y vais vendre ces poulets, et j'en ai déjà perdu un, alors je me cache dans les fourrés dès qu'un martellement de sabots retentit le long du chemin.
- Bien, continuez ainsi, la prudence n'est pas de trop par ces temps qui courent. Bonne route, et que la bonne fortune vous accompagne, paysanne.
Lysia s'inclina, lui accorda un sourire, et repartit aussi vite, laissant derrière elle la paysanne et ses vagues remerciements. Tout en galopant, elle se demanda comment elle avait bien pu perdre un poulet. Mais c'était sans importance. Elle reprit le pas quelques minutes plus tard, et aperçut presque immédiatement une silhouette prendre sur sa gauche. C'était une femme, à en juger par son allure, et elle était seule. La curiosité piqué au vif, Lysia la suivit, à une distance respectable. Alors que la fille sortait un poulet de son sac, Lysia déboula dans la petite clairière dans laquelle elle s'était rendue.
- OH! Aurais-je à faire à une voleuse? Son ton n'était point menaçant, simplement teinté d'un peu d'amusement. Sereine piaffa légèrement, et Lysia posa une main à son fourreau; on n'était jamais trop prudente.