Mentir aux autres c'est se mentir soi-même | Aidan

Ma vie semble m'échapper.

J'en suis arrivé à ce constat, voilà quelques ujours déjà et il ne me plait pas. Ma vie file entre mes doigts et je n'arrive plus à la contrôler. Moi qui étais autrefois si indépendant et heureux de l'être, je me retrouve coincé dans un orphelinat avec femme et enfant. J'ai l'impression d'être revenu au point de départ, d'avoir des cartes en main et de ne pas savoir les jouer pour m'en sortir. J'évolue dans une torpeur mortifère... Les ailes de l'oiseau que j'étais sont coupées et je suis cloué au sol.

Et je n'ai même pas LilY pour me raccrocher. Depuis notre fuite, nous ne nous parlons presque plus. Nous nous évitons. Je n'arrive pas à lui pardonner son inconscience et elle ne cherche pas à renouer avec moi. J'ai peur que quelque chose se soit brisé entre nous. Ce n'est pas cela que je désire.

Je sais ce que je désire : elle. La liberté, l'aventure, le danger. Mais cela n'est pas possible. Pourtant, je m'évade souvent de l'orphelinat pour parcourir Diantra et je ne peux m'empêcher de retourner dans les lieux que j'ai fréquenté. J'ai même renoué avec certaines relations, peu recommandables. Je ne me suis pas remis à voler, mais la tentation est de plus en plus difficile à supporter. Alors j'erre dans la ville, dans les rues et je me plais à retrouver mes repères, ma souplesse et jouer de ma discrétion d'avant. Je suis certain de battre LilY sur les toits. Sauf que cela ne se fera peut-être jamais si nous continuons à nous battre froid.

Avec un soupir, je descends du toit où je me suis perché avec Yeri. Je suis plus prudent que LilY, mais je suis plus âgé aussi, cela doit jouer, non? Souplement, je redescend sur les pavés. Je n'ai rien à envier à mon compagnon au niveau de l'agilité.

Je retourne alors à l'orphelinat et mon pas ralentit alors que je lève les yeux vers la bâtisse. Rien à voir avec ce que j'ai connu : c'est propre et surtout, les enfants sont heureux ici et non pas traumatisés et terrifiés. LilY s'occupe d'eux comme elle peut avec d'autres personnes. Moi... Moi, j'ai du mal à me lier avec les enfants. J'arrive à m'intéresser à ceux qui ont 5 ou 6 ans et qui sont fascinés par Yeri. C'est lui qui les attire et permet le contact.

Avec un soupir, je rentre dans la bâtisse en chassant mes souvenirs. Les fantomes de mon passé me hantent davantage ici que n'importe où ailleurs. Je monte dans la chambre et ouvre la porte, me figeant en voyant LilY. En général, soit elle dort, soit elle est absente. Nous nous croisons sans nous parler... Mathys est notre point commun en ce moment. Comment en sommes-nous arriver là? Je referme la porte doucement et l'observe, le regard un peu triste et surtout nostalgique. Finalement, je m'approche d'elle, jusqu'à me retrouver dans son dos et mes mains se posent sur ses épaules, aussi légères qu'une caresse. Je vois son visage qui se reflète sur la vitre et je la fixe un moment, avant de souffler :

- "Comment en sommes-nous arriver là? Tu me manques..."

Je n'ai jamais été doué pour exprimer mes sentiments, mais ma solitude et ma souffrance sont trop fortes et ce soir, j'ai besoin d'elle.

Etrange...

Autrefois, jamais je n'aurais fais le premier pas. Je me serais muré dans le silence et j'aurais attendu d'en être délivré, soit par celle qui en était la cause, soit en fuyant et en tentant d'oublier. LilY me connait et sait à quel point je suis peu démonstratif dans mes sentiments. Les petits gestes anodins en public, très peu pour moi. En privé, je le suis plus, mais les mots m'échappent et LilY peut compter sur les doigts d'une main les fois où je lui ai dis je t'aime.

Pourtant, c'est bien moi qui vais vers elle alors qu'elle me tourne le dos et refuse obstinément de se tourner vers moi, moi qui l'enlace prudemment, comme craignant qu'elle ne me rejette, moi qui finis par rompre ce silence pesant par quelques paroles qui reflètent toute ma détresse.

Je ne suis plus comme avant, je ne peux pas le nier. J'étais sans attaches, maintenant, je suis amarré à elle et je ne conçois pas de dériver sans elle. Je ne peux pas reprendre ma vie d'avant, solitaire. Pas totalement. J'ai besoin d'elle, c'est aussi simple que cela. Aussi pathétique que cela. Elle est belle mon indépendance...

Elle prend alors la parole et mon coeur se serre à ses mots. C'est beau, vraiment, et c'est aussi tristement vrai. Je ne sais pas si je suis sa lumière, cela me semble incongru quand je suis bien plus ténèbres qu'elle, mais elle a raison dans un sens : à chaque faux pas, je vacille. Mais je ne m'éteindrai pas, je suis plus coriace que cela!

- "Elle ne s'éteindra pas LilY, jamais."

J'ai prononcé ces paroles avec une froide et calme certitude. Je l'ai dis, je suis quelqu'un de coriace et si j'ai vécu jusqi'ici malgré les épreuves, c'est parce que je sais me relever des épreuves.

- "La seule chose qui pourrait définitivement souffler cette lumière, ce serait de te perdre. Je crains sans cesse pour ta vie et je suis incapable de te protéger contre toi-même."

Et c'était cela qui me rendait fou, cela qui me faisait me refermer comme une huitre chaque fois qu'elle n'en faisait qu'à sa tête. Ne comprenait-elle pas à quel point j'avais peur pour elle? Elle se pensait plus forte que tout, plus maligne, mais ce n'était qu'illusion. Elle avait peur, elle l'avouait et je le sentais. Mais elle n'avait pas seulement peur des représailles, elle avait aussi peur que je ne parte. Mais je ne partirais pas. Alors, je la fis doucement pivoter pour qu'elle se retrouve face à moi et lui pris le menton entre mes doigts, la forçant à me regarder dans les yeux.

- "LilY, écoute-moi bien : je ne partirais pas. Quoique tu fasses et même si je réprouve totalement ton comportement, je ne te laisserais pas. Je ne vous laisserais pas. N'ai pas peur de cela, tu n'as pas besoin de craindre pour ça, il y a déjà suffisamment de sources d'inquiétude... Tu m'entends?"

Je la lâchai alors et la pris doucement dans mes bras, avant de murmurer à son oreille :

- "Même si je ne te le dis pas souvent, je t'aime et je resterai jusqu'au bout avec toi, si tu ne me rejettes pas."

- "Dangereuse, oui, mais tellement vulnérable parfois..."

Souvent même... Elle était forte, oui, elle savait se défendre, elle savait tuer, elle m'avait sauvé de la mort il y a une éternité de cela, au mépris du danger. Lorsque nous nous étions jetés à corps perdu dans cette quête insensée, nous n'avions pas eu peur. Mais LilY avait changé avec la naissance de Mathys. Elle était plus fragile, parce que, désormais, elle avait un fils à protéger et elle craignait sans cesse pour sa vie.

- "Il est difficile de se départir de son passé, j'en sais quelque chose."

Elle avait accepté de se tourner vers moi, elle avait accepté mon épaule pour pleurer. Il nous fallait parler, crever l'abcès, pour repartir sur des bases saines. Je lui en voulais d'être aussi inconséquente et elle, elle avait peur que je ne l'abandonne. Je pouvais le comprendre.

- "La vie n'est pas un éternel recommencement LilY. Cesse de te torturer en ressassant le passé, cela ne fait que gacher ton présent et ton futur. Si je faisais de même, je ne serais pas capable de m'occuper de notre fils, mais je le fais pourtant, parce que je ne veux pas que l'histoire se répète avec lui, je veux qu'il grandisse avec nous deux, qu'il ne connaisse pas l'abandon, comme toi ou moi. Ni lui ni moi n'allons te quitter, je te le promet."

Elle s'empara alors de mon visage et m'embrassa. Je poussai un petit soupir de soulagement, alors que mon corps se détendait visiblement. Son aveu me fit mal au coeur. Elle me manquait aussi.

- "Je suis là maintenant. Je suis désolé d'avoir fui ainsi, de t'avoir laissé te débattre seule avec tes peurs. Tes larmes n'ont que trop mouiller nos draps sans que je n'y fasse rien. Cesse d'avoir peur LilY, cesse de te pourrir la vie et de ne pas en profiter. Je suis là, Nakor est là aussi et, personnellement, j'ai une confiance aveugle dans les capacités de ce vieux fou à nous préserver de tout mal. Pas toi?"

Je haussai les épaules alors que LilY répliquait qu'elle s'en voulait de causer tant de soucis à Nakor et par extension à moi. Elle était ainsi et Nakor et moi savions pertinemment dans quoi nous nous engagions. Nakor semblait aimer intervenir dans notre vie et nous sauver la mise, même s'il se faisait beaucoup de soucis. Et moi... Et bien, en tombant amoureux de ce feu follet, je n'avais pas d'autre choix que de la prendre en entier. Je ne pouvais pas la changer. Je l'avais voulu, mais cela ne fonctionnait pas ainsi.

- "Oh tu exagères, ma vie était compliquée déjà avant et je crois que je n'aurais pas pu tomber amoureux d'une fille sans relief qui ne me mènerait pas une vie trépidante. Il faut croire que je n'aime pas l'ennui."

Elle se blottit contre moi et je resserai mon étreinte, posant mon menton sur sa tête, me sentant plus en paux avec moi même. Les choses semblaient rentrer dans l'ordre. Il nous avait fallu du temps.

- "Tu m'as offert des choses auxquelles je ne croyais plus... Auxquelles je n'ai jamais cru. Quoiqu'il se passe, je ne peux que tout te pardonner."

Nous restâmes donc blottis un moment, sans plus dire un mot. Je l'aimais, elle m'aimait et nous allions devoir mettre chacun de l'eau dans notre vin pour que notre vie commune soit la plus plaisante possible. Nous étions tous deux indépendants et aventureux et j'avais la sale manie de fuir toute forme de sentimentalisme. Mais je faisais des efforts. Même si revenir à Diantra ne faisait que me soumettre à le tentation de reprendre mon acnienne activité dans laquelle j'excellais. Même si c'est dangereux, je suis bon et j'aime le prouver. Un sourire naquit sur ms lèvres à sa question. Je la relâchais, un sourire malicieux aux lèvres.

- "Hum, comment la décrire? Il me semble que la voir au clair de lune serait plus parlant non? Et puis, je dois te prouver une bonne fois pour toutes que tu ne m'arrives pas à la cheville."

Je me mis à rire et embrassai LilY, avant de poser un index sur ses lèvres pour lui imposer le silence. Je m'éclipsai discrètement de la pièce, le temps de trouver une des nourrices qui s'occupe des orphelins et de lui confier Mathys. puis je revins et m'emparai de la main de la jeune fille, l'entrainant avec moi dehors pour nous hisser sur un des toits de la capitale.

- "Prête?"

Le défi vibrait dans ma voix, de même que l'esprit de compétition. Et je n'avais pas l'intention de perdre, même si je savais tricher par rapport à elle qui n'était qu'humaine.