Rencontre et chevalerie (PV)

C'était une de ces journées qui ne souffrait nulle excuse ne pas prendre de permission, une de ces dernières journées presque ensoleillée avant que le froid ne s'installe sur les terres royales. Inspiré de ces idées et par la garantie que sa présence calmerait l'ambition de certains malandrins, Anthèlmes s'autorisa donc une petite ronde dans la capitale mouvementée du royaume.
Les marchés sentaient la forêt, les épiciers mettant en vente les produits que la nature offrait en cette saison d'automne, les châtaignes se mêlant aux marrons et petits pots de miel. Des produits de pars et d'autres de miradelphia s'accumulaient sur les places marchandes et faisaient la joie des citadins, sinon des serviteurs de noble.
Il y avait bien quelques roublards qui, habilement, se mêlaient à la foule et tentaient de délester de leur bourse des gens trop peu attentif... Tout vêtu de pourpre et d'or, le chevalier remarqua quelques regards étrangement inquiets se poser sur lui lorsqu'il passait entre les étalages. Il fallait croire que certains avaient mauvaise confiance...
Mais laissant son rôle aux miliciens, l'officier ne s'attarda pas plus longtemps sur ces jeunes gens de mauvaise foi qui s'en allaient déjà au détour d'une ruelle.
C'est là qu'il l'aperçu.

C'était une tache violette dans ce paysage à dominante brune et grise. Son oeil avait été immédiatement attiré par ce contraste saisissant de couleur, mais l'apparition avait... disparue. Coupant à travers la foule comme la faux des champs de blé, le sire d'Aurillac entraperçu plusieurs fois la silhouette fantomatique d'une robe violacée, jusqu'à ce que sa vision se stabilise et qu'il remarque un bref instant qu'un couple saugrenu venait de bifurquer violemment sur la gauche. Observateur et silencieux, un homme d'âge avancé tout de violet vêtu semblait guettait au coin de la rue ce soit disant couple, jusqu'à ce que des cris retentissent. Le vieillard tourna alors à l'angle avec une fougue qui étonna Anthèlmes, et sa connaissance de la situation s'en arrêta à ce que ses oreilles captèrent parmi les sons parasites de la ville.

Des plaintes, des paroles, un cri, le faquin fuyant les lieux tout en tenant son avant-bras qui formait un angle étrange...

C'est en théorie à cela que la situation aurait dû s'arrêter. Il y eu cependant un nouveau cri et se fut au tour de la jeune femme de s'enfuir comme si les drows étaient à ses trousses. Le chevalier nota cependant que contrairement à son agresseur, elle était indemne... Et un dernier cri poussé comme un juron acheva de le renseigner sur ce qu'il venait de se passer.

- Voilà un bien étrange acte de noblesse.

Il avait continué ses pas et se trouvait à quelques brassées du magicien mécontent. Ne voulant signifier d'éventuelles intentions hostile à son interlocuteur, le chevalier retira sa main de la garde de son épée et se tînt simplement droit, son regard sceptique jaugeant l'homme en violet.

- Il n'est nul doute que vous devez être le si connu mage du Roy ?..

Peu d'hommes correspondaient à cette description, à vrai dire. C'était donc d'une voix certaine que l'officier du Librium avait parlé, mais le doute le retenait toutefois de se prononcer plus directement. Mais la triste réputation du sage centenaire s'était répandue en ville comme une traînée de poussière, et il ne faisait nul doute qu'elle en était la cause du désarroi de la demoiselle de tantôt.
Pour sa part, le chevalier n'en paru nullement interloqué, mais plutôt curieux. Ses yeux sensiblement plissés témoignaient de cet état d'esprit, alors qu'il se reprit en ces quelques paroles énigmatiques:

- Combien de rumeurs sur vous diffèrent elles le vrai du faux ?..

L'initiative changea de camp comme une feuille morte balancée au grès du vent. D'abord assuré dans son approche et son introduction avec le magicien, c'est induis d'une réaction tout autre qu'Anthèlmes reçu les réparties du vieil homme. Rares étaient ceux qui se souviennent encore des Aurillac autrement que par leur sinistre réputation, mais lui se souvenait même du blason et n'avait eu besoin que d'un coup d'œil pour lier ces deux éléments. Le chevalier se fit plus prudent dans ses paroles.

- Certes... C'est une aimable façon de changer de sujet, mais je ne puis nier l'évidence.

Il jaugea avec un nouveau regard l'homme en violet. Certains disaient que Nakor avait parcouru les siècles à l'instar des créatures immortelles. Était il elfe? L'officier en douta sévèrement, et il lui sembla que quelque chose de très jeune habitait ce vieil homme à l'esprit vif. Si son savoir était grand, il sembla à Anthèlmes que son cœur l'était tout autant. Le poids des années semblait soudainement rattraper l'érudit alors que la tristesse s'emparait de lui. Il n'est de plus regrettable chagrin que celui d'un homme juste, méprisé pour ses actions qui se veulent droites. Aussi le chevalier éprouva rapidement de la sympathie pour ce noble vieillard énigmatique. Il n'osa cependant briser ses réflexions sur ses déboires mais resta attentif. Sa surprise fut cependant grande quand l'homme s'appuya lestement sur le chevalier, l'invitant à marcher avec l'air caractéristique d'un vieux fou qui aime raconter les histoires. Il faut noter qu'Anthèlmes en est un grand amateur, et sa réponse fut prononcée avec un demi-sourire.

- Puisque les grands esprits se rencontrent, vous me permettrez l'exercice de me mettre à votre niveau.

Amusé et sa curiosité piquée par cet étrange individu, l'officier accompagna sans rechigner Nakor qui feignait l'état de faiblesse pour l'inviter à continuer la conversation. Mais comme toute conversation qui se respecte, celle-ci ne pouvait se faire sans une connaissance commune de l'identité des participants. C'est en cette pensée que le jeune noble se présenta sans fioritures.

- Anthèlmes, actuel dernier héritier de ma famille.

"Actuel"... Cela laissait à supposer qu'il ne le serait peut être plus un jour. Mais il préféra chasser de son esprit tous ces soucis de mariage, de dot, d'intérêt familiaux et d'héritiers... Diantre, les guerres n'étaient pas aussi compliquées! Le chevalier préféra sagement penser à autre chose... Et le sujet ne fut pas difficile à trouver.

- Je suis certain que vous êtes instruit de quelques histoires populaires ou relatant votre vécu. J'aime beaucoup les récits et je suis sûr que mes hommes seront tout ouïe lorsque je leur raconterais la légende de Nakor le mage immortel, un soir de campagne au coin du feu.

Allait il réussir à titiller un peu le vieil homme?

Il apparu au chevalier qu'il n'y avait aucunement besoin de compliments pour attiser la flamme fougueuse du noble vieillard, qui pouvait très bien s'embraser d'elle-même. Le vieil homme parlait avec une légèreté toute naturelle souvent absente dans le cœur des hommes, et ce trait de caractère plu à Anthèlmes qui n'était pas un grand amateur des faux-semblants et démonstrations d'orgueil. Visiblement très enclin à toucher un peu à tous les sujets, le magicien décrypta les sous-entendu dans la première phrase du dernier des Aurillac et lui souhaita une belle descendance. Le sujet de ces éloges ne sût que répondre en premier lieu, jusqu'à ce que la remarque fort perspicace de l'ainé lui tire un rire franc.

- J'approuve... Un ménage est une vraie bataille quotidienne.

Connaissant de nombreux hommes mariés, il avait pu tirer expérience de ses suppositions. Et tout cela excluait encore tous les soucis de mariages arrangés, maîtresses et bâtards... Combien de maris et combien de femme étaient donc fidèles à leur engagements? Le chevalier à marier se permit d'arrêter ses réflexions à ce point, préférant ne pas juger avec une sévérité trop appuyée la faiblesse humaine. Le magicien semblait partager son opinion car il radoucit ses paroles par quelques éloges bien placées sur la vie et les peines de tous les jours. La question finale étonna cependant l'officier qui ne s'attendait pas à tant de familiarité de la part du conseiller du Roy, mais répondit derechef avec le même ton:

- Soit, à la condition que je puis vous appeler Nakor...

Il ne douta pas que ce droit lui serait permis, et la personnalité intrigante de cet homme aux milles contes se dévoila dans sa nouvelle narration. Il n'évoqua rien de précis, si ce n'est son statut vis à vis du Roy Trystan l'Aveugle. En fait, c'était comme s'il venait d'énumérer quelques synopsis qui n'étaient qu'un avant goût d'histoires plus longues... Ah, Anthèlmes avait donc le choix? Cela était vrai à la condition d'offrir lui aussi un bout de son vécu et de ses motivations. Ce n'était pas si cher payé!

- Je ne suis pas un conteur hors-pair et mes expériences sont loin d'arriver aux vôtres... Mais, donnant-donnant comme on dit?

Ils étaient arrivés dans les jardins de la ville. Les feuilles mortes se languissaient sur les pavés et les quelques fleurs survivantes à cet automne dénotait pas des tons colorés qui donnaient un petit quelque chose de pétillant à ces jours mornes et de plus en plus cours. C'est imbu de cette atmosphère que le chevalier se prononça, alliant parfois geste et parole:

- Le terme de "maudit" semble parfois correspondre à ce qu'il est advenu de ma Maison. Ma mère est hélas décédée en me mettant au monde et je suis resté un enfant unique. Je ne saurais dire pourquoi mon feu père n'a pas pris de nouvelle épouse, mais j'inclinerais à penser qu'il ne voulait pas se mêler à la bourgeoise, alors que les autres nobles n'étaient pas très enthousiasmés par notre famille si mal réputée...
C'est sous cette impression de déchéance que j'ai grandi, devenant un ultime espoir pour feu sire Antémis d'Aurillac et tous les ancêtres qui m'avaient précédés. Si je ne pouvais me démontrer à la cour, c'est donc par les armes que je fus appelé tout au long de ma vie à faire valoir un nom qui ne demandait qu'à revivre.

Je pense que vous comprendrez donc quel est mon attachement à la royauté. La qualité de mes actions dépend directement du possible essor des Aurillac, ou de leur fin lorsque viendra ma mort. Je ne suis pas sûr que mon âme resterait tranquille si tel était le cas... Aussi ai-je la difficile responsabilité de ne pas défaillir en cas de guerre.

Il fronça ses sourcils alors que des souvenirs évoquaient en lui d'anciennes batailles où le glas funeste avait menacé de l'éteindre.

- C'est difficile d'allier survie et courage, l'un et l'autre ont parfois tendance à se repousser. Je me suis donc beaucoup entrainé pour pousser mes limites à celle d'un combattant émérite afin de contrer ce dilemme. Mes tactiques se sont affinées sur la défensive et la préservation de la vie de mes hommes, aussi avons nous eu la chance de ne pas subir trop de pertes durant Alonna, Néera soit louée. Je dois d'ailleurs vous en remercier, car c'est vous qui nous avez apporter le soleil durant ce combat.

Oh oui il n'avait pas été si loin lorsque le mage avait déchainé ses puissances magiques. Sur le coup, Anthèlmes n'avait pas su d'où venait cette aura mais des témoins plus proches le lui avait narré.

- En ce qui concerne le présent... Je m'efforce de solidariser encore un peu la troupe dont je suis à charge, sous le rang d'officier et chevalier. Je crois en la justesse du Roy et j'ose espérer que mes efforts effaceront un peu du déshonneur qui a déteint sur mon nom... C'est beaucoup de chose mais aussi très peu pour un individu qui ne serait pas dans ma situation... Cette famille, c'est une grande part de moi. Je pense que vous pouvez comprendre cet attachement, presque semblable à celui qui vous lie à vos orphelins. Il y a comme... Une obligation morale. Quelque chose de fort.

Il avait eu du mal à trouver ses derniers mots, ses doigts se rejoignant et filant dans l'air comme s'il avait voulu saisir l'idée, qu'il ne trouva qu'à moitié. Il tourna ensuite son regard vers son interlocuteur:

- Racontez moi vos histoires de sorcellerie maléfique, je suis curieux de savoir ce qu'il en est!

Il avait été plutôt long pour le jeune sir de narrer ce bref résumé des vingt-sept années de sa vie de noble. Chaque partie de son histoire, divisée en trois morceaux distinct, relatait le passé lointain, proche, et l'avenir plus ou moins immédiat du sire d'Aurillac. Ce dernier fut assez satisfait de la justesse de son récit malgré la faible quantité de paroles qui avaient émané d'entre ses lèvres. Il y avait cependant l'essentiel et c'est bien sur cette qualité qu'il valait mieux compter pour ne point endormir son interlocuteur! Mais Nakor n'était pas du genre à somnoler au gré des histoires.

Il avait écouté avec une attention toute maîtrisée, son regard vaquant sur le sol au gré du récit du chevalier. Il n'y avait presque pas eu de silence lorsque ce-dernier s'acheva sur une hésitation car le vieil homme avait immédiatement saisi l'opportunité pour continuer le dialogue et présentait à présent son point de vue sur cette histoire. S'exprimant avec l'antique sagesse propre aux gens de son âge -Et Néera sait de quelle rareté sont les Hommes à y parvenir-, le vieux magicien affable se prononça avec compassion sur les dires d'Anthèlmes qui fut comme soulagé d'un poids, comme si la sollicitude de l'homme en violet avait percé l'un des sacs d'ennuis qui pesaient sur ses épaules martiales et dévouées au Roy.
Il ne le jugea point mais s'enquit au contraire des solutions à ses maux avec la même sollicitude qu'auparavant qui le faisait étrangement ressembler à l'un de ces grands-pères débonnaires et amoureux de la jeunesse impétueuse.

Mais Anthèlmes fut bien surpris lorsque celui-ci évoqua son paternel, imbu d'une fougue juvénile. L'image que le chevalier en avait gardé était tout autre mais... Il était bien difficile d'imaginer son propre père en enfance! LE vieux magicien l'avait donc connu? Mais à bien y réfléchir, cela n'avait rien d'étonnant au vu de son âge avancé... C'était même une situation tout à fait probable.

- Certes, hum... Je veux bien sauver ma famille si cela vous fait plaisir.

Le sérieux était absent de sa phrase, les dernières paroles du magicien ayant dissipé pendant un bref instant les soucis du monde. Un esprit superstitieux aurait pu penser que c'était un de ses tours de sorcellerie, mais il le jouait en tout cas à merveille. C'est un sourire peu convaincu qui naquit cependant sur les lèvres du chevalier lorsque Nakor le désigna comme bon parti, et Anthèlmes parti d'un rire quelque peu dérisoire:

- N'exagérons rien voulez vous...
Et puis ce qu'il me dérange davantage dans ces choses là se sont les affaires de faux-semblant et l'éthique qui sied à toutes ces manières. On se lie d'amour avec une amante... Mais c'est par politique qu'on prend femme. Malgré "l'urgence" de la situation j'aurais tendance à repousser encore un peu le moment fatidique en attendant -et pardonnez m'en la naïveté- une véritable idylle, ou bien un peu de prestige pour mon nom qui m'en donnerait par défaut un mariage arrangé plus... Arrangeant.

La première option était fort improbable, mais l'officier avait encore le loisir de rencontrer quelques familles nobles (ce qui incluait les demoiselles de celles-ci) tant qu'il n'était pas appelé à prendre campagne avec l'Ost du Roy. Un peu d'espoir naïf en cet hiver!
Il apparaissait aux yeux d'Anthèlmes comme beaucoup plus juste les affaires de Nakor et ses orphelins. Il n'y avait là aucune histoire d'intérêt, et même si de sordides histoires avaient souillé son nom auprès de la populace et fait jasé la Cour, il y avait là plus de pureté que l'on n'en retrouverait dans tous ces courtisans.

- Vos intentions sont louables, et je pense que vous ne devriez prendre garde aux commérages qui sont une bien triste part de la nature humaine. Tous ces enfants, eux, auront souvenir de vous.

Il ne douta cependant pas que c'était une quête difficile et onéreuse que de s'occuper de cet établissement pour les défavorisés. Intérieurement, le noble se promit qu'il apporterait un soutient au vieil homme si Néera lui permettait un jour d'avoir les moyens qui sied à pareille tâche. Malheureusement, la situation actuelle de maison requérait une certaine concentration sur ses devoirs envers le couple royal.

- Mais fi de tous ces problèmes, vous avez pour le moment une histoire à narrer! Je dois avouer en revanche que je ne sais que bien peu de choses sur les oiseaux légendaires.

Ils s'étaient arrêtés mine de rien près d'un banc de pierre placé entre deux chênes. Le chevalier proposa à Nakor de s'y installer un instant, puis poursuivit ses réflexions, le regard plongé vers les jardins et les bâtiments qui se dressaient à son extrémité.

- J'aurais du mal à croire qu'ils existent autrement que dans les légendes. Serait ils immortels, puisque renaissant de leurs cendres? Se doivent être alors des créatures bien étranges... Les récits parlent souvent de pareille créature aussi vieilles que le monde mais j'ai tendance à me demander pourquoi nous ne les voyons jamais...

Il y avait bien de la sagesse dans cet océan rieur et un peu loufoque qu'était le vieux magicien, comme le confirmèrent ses paroles.
Ah les rêves... Tellement utopiques, tellement source de déceptions. Anthèlmes n'avait pourtant jamais abandonné le sien, et chaque année ses efforts étaient récompensés d'un peu de prestige et de réputation supplémentaire. Et mêmes si ces atouts peuvent sembler associés à l'orgueil, les motivations du sieur d'Aurillac étaient toutes autres.

- Et bien nous rediscuterons de tout ceci lorsque je serais maître du Librium ou encore Sénéchal, à la tête d'une maison noble reconnue et à la descendance suffisante, avec un petit manoir qui donne sur la mer pour occuper mes vieux jours! Ceci s'ajoutant à la condition d'un mariage bienheureux... Cette discution est peut être remise à très tard.

L'officier supposait que le vieil homme vivrait encore bien quelques dizaines d'années supplémentaires pour constater ceci, et sûrement lui survivrait il même! Cette ambition était très hasardeuse mais le noble était confiant en la récompense de ses efforts, et cette certitude plus que tout autre faisait partie intégrante de la fermeté de son caractère, et son implacable volonté.
Nakor semblait fait du même bois, même si sa sévérité ne se montrait que dans les moments d'extrême colère et face à des individus de bas étage.

C'est une histoire relatant ce schémas qu'évoqua alors le vieux mage violet, un air las pesant sur sa silhouette aux amples vêtements. C'était assez surprenant pour un adulte affirmé de se faire appeler "mon enfant", d'autant plus que personne ne l'avait jamais appelé ainsi, mais le chevalier n'y vit d'intention que les habitudes un brin protectrice d'un vieillard qui en sait plus long que quiconque.
C'était d'autant plus étrange de se faire narrer les caractéristiques de créatures qui n'existaient plus que dans les légendes, et ce d'une telle manière qu'il était difficile de douter des propos du mage. Si de tels oiseaux existaient, y a t il encore en ce monde des créatures fantastiques qui rôdent dans les rêves des hommes?

Anthèlmes eut en revanche beaucoup moins de mal à accepter l'existence de la confrérie des éternels, et il ne douta pas un instant qu'il y eut (et qu'il y ait encore!) des adeptes de la magie prêt à tout sacrifier pour modifier leur triste condition de mortel. Il y avait dans cette histoire de l'épique, un lien étroit entre puissance et sentiment. Cette alchimie n'était certainement pas une pure coïncidence, et le chevalier ne douta pas que le vieux mage était extrêmement attaché à la passion, au moins autant qu'à la raison. L'officier en eut finalement la preuve lorsqu'une fine gouttelette perla le long de la joue du vieillard, traçant un sentier entre les rides de l'expérience.

Imbu d'une fraternité toute naturelle, l'homme d'arme apposa sa main sur l'épaule de son ainé de plusieurs siècles et s'exprima avec assurance:

- Beaucoup d'hommes ont préféré renier les leurs plutôt qu'affronter les sombres facettes de la race humaine. Je ne sais si des temps durs sont a venir, mais je suis certain que nous pourrons toujours avoir confiance en le vieux magicien violet. Du moins pourrais-je à présent en conter quelques exploits!

Oh il y avait déjà de quoi occuper une longue veillée, après tout ce récit était libre d'inspiration et il y avait de quoi le modeler pour le rallonger encore, sans en perdre la saveur. Les chroniques de Nakor. Oui, ça sonnait plutôt bien.