Voyage vers Arcani [Harnyll, Arnhild]

La veille, mon époux m'avait annoncé que nous partirions tôt ce matin pour Arcani. J'avais accepté avec la plus grande des joies le fait de pouvoir l'y accompagner. Je n'avais rien eu à préparer car il avait demandé à Camille de se charger de mes malles afin que je puisse me reposer.
Ce matin là, après avoir passé une nuit très longue, je m'éveilla alors que le soleil n'était pas encore levé. Au vu de l'emplacement de la lune dans le ciel, il n'allait pas tarder car l'astre lunaire disparaissait derrière les collines lointaines.
J'essayais de me rendormir en vain. C'était la première fois que j'étais éveillée avant mon époux. Le regardant tendrement, je me rapprochai de lui. J'avais un peu froid, aussi sa chaleur corporelle saurait me réchauffer. Posant délicatement ma tête sur son torse, j'attendis qu'il se réveille.
Le soleil filtrait enfin entre les rideaux. Il était donc l'heure de se réveiller. Caressant de mes doigts son visage, je murmurai à son oreille.

Il est temps de vous réveillez, mon doux ami.

Le réveil se fit en douceur. Un baiser que je déposa avec la plus grande des délicatesses finit par le sortir définitivement de sa torpeur nocturne. On se leva alors pour se préparer à partir.
Comme à l'accoutumée, Camille frappa à la porte puis entra sans attendre de réponse. Elle ne s'attendait pas à ce que je sois réveillée car d'habitude c'était elle qui me réveillait. Elle fut donc surprise de me voir déjà debout.
Mon mari était déjà habillée alors que je n'étais toujours pas prête. Laissant alors Camille faire, il se retira de la chambre après m'avoir embrassée tendrement. Une demi heure plus tard, j'étais enfin prête.
Mon époux m'attendait sur le perron de notre demeure. J'avais pris ma petite boite à musique que j'avais glissé dans une petite sacoche de soie. Nous descendîmes tous deux les marches puis il m'aida à prendre place dans la calèche.
Camille ne venait pas avec nous cette fois ci. Une lueur de tristesse se fit voir dans mon regard alors que je demandais la raison de cela à mon époux. La réponse était simple, nous n'avions pas besoin d'elle pour ce court séjour.
Lui faisant un signe de la main en guise d'au revoir, nous partîmes du château. La raison de ce voyage m'était obscure mais cela allait me rapprocher un peu plus d'Harnyll.

Les chevaux étaient lancés au galop sur la route principale. Le voyage durerait la journée, aussi le temps passa lentement car le silence régnait entre nous deux. Rien, pas une parole avant que je me décide à couper ce froid.

L'été sera bientôt à nos portes. Il nous faut réfléchir aux missives que nous allons envoyer à toute la noblesse du pays pour les convier au bal. Je suis tellement impatiente de pouvoir enfin y participer...

Je n'avais encore jamais eu l'occasion de participer à ce grand bal qui était organisé tous les étés à Ysari. Ma tante m'en avait toujours empêché disant que cela n'était pas de mon âge. Certes, elle n'avait pas vraiment tord car je n'étais âgée que de quatorze années lors du dernier bal. Il aurait donc été inconvenant que j'y prenne part. Maintenant cela était différent car j'en avais seize mais surtout par ce que j'étais devenue la nouvelle baronne d'Ysari et qu'il serait donc d'une très grande impolitesse que je ne prenne pas part aux festivités.
Il était assis en face de moi dans le carrosse, aussi je me leva pour prendre place à ses côtés mais nous venions de rouler sur un rocher. Je perdis l'équilibre et tomba dans ses bras. Je m'étais rattrapée comme je le pouvais et je me rendis compte que ma main était posée assez hautement sur sa cuisse alors que j'étais à moitié à genoux entre ses jambes. Le visage baissé et rouge, je n'osa plus bouger. J'étais mal à l'aise. Comment pouvait on être aussi maladroite?

Une douce caresse sur son visage réveilla le baron d’Ysari. Émergeant lentement des brumes du sommeil, il entendit la voix de sa chère et tendre épouse, Lucrèce de Hétalia, murmurer à son oreille :

Il est temps de vous réveillez, mon doux ami.

Les lèvres de sa femme se posèrent sur les siennes. Décidemment un réveil très agréable se dit Harnyll qui, enlaçant sa femme, l’attira sur lui pour lui rendre avec passion son baiser. Les deux jeunes époux restèrent quelques minutes ainsi, amoureusement enlacés. Baillant à s’en décrocher la mâchoire, Harnyll se leva péniblement, imité par Lucrèce. S’habillant rapidement, il sortit de la chambre, non sans avoir embrassé une dernière fois sa femme que Camille préparait pour le voyage.

Arrivé sur le perron du château, il constata avec satisfaction que tout était prêt, une vingtaine de gardes à cheval entourant leur carrosse. Il vérifia rapidement dans ses malles que tous les dossiers qu’il avait préparés la veille étaient là. Une demi-heure plus tard, Lucrèce paru et monta dans le carrosse, aidée par son époux.

Au pas des chevaux, la petite troupe quitta le château d’Ysari. Les rues puis les faubourgs de la ville cédèrent bientôt la place aux champs tandis qu’ils prenaient un trot plus soutenu. Perdus dans ses pensées, Harnyll contemplait le paysage.

Un silence pesant s’était installé dans le carrosse, mais le baron d’Ysari ne s’en rendit pas compte. Son esprit était entièrement accaparé par ce qui l’attendait à Arcani. Remettre de l’ordre dans une administration corrompue n’était jamais chose aisée, et le baron avait qu’il lui faudrait être sévère et impitoyable pour éviter ce genre de dérives à l’avenir. Probablement exécuter discrètement les responsables et mettre des gens neufs aux commandes… il lui faudrait tenir Lucrèce à l’écart de tout cela, se promit-il.

Les notables de la cité lui demanderaient sans doute également de tenir un banc de justice. Cela leur permettrait de marquer des points dans le cadre des éternelles luttes de pouvoirs qui se déroulaient dans chacune des grandes villes du royaume. Chacun voudrait exposer sa cause au baron en personne dans l’espoir qu’il tranche en sa faveur.

Lucrèce prit la parole, ce qui le sortit de ses réflexions :

L'été sera bientôt à nos portes. Il nous faut réfléchir aux missives que nous allons envoyer à toute la noblesse du pays pour les convier au bal. Je suis tellement impatiente de pouvoir enfin y participer...

Harnyll n’avait jusque là jamais été un grand amateur de bals, mais l’idée d’y aller avec son épouse le réjouit. Il s’apprêtait à approuver lorsque Lucrèce voulut se lever pour s’asseoir à ses côtés. Malheureusement pour elle, le carrosse roula à cet instant sur une pierre et elle perdit l’équilibre, tomba à genoux devant son mari.

La situation aurait pu être interprétée de travers par un observateur qui aurait à cet instant vu la scène. La main de Lucrèce effleurait la cuisse d’Harnyll, son visage se trouvait à hauteur de son entrejambe. Le rouge qui monta aux joues de Lucrèce montrait bien sa gêne. Un petit sourire aux lèvres, Harnyll saisit sa femme sous les bras, l’aida à se relever et à s’installer à ses côtés. Il s’apprêtait à répondre concernant le bal de l’été lorsque le carrosse s’arrêta brutalement. Allons bon, se dit le baron d’Ysari, que se passe-t-il encore ?

Avec le retour prochain des beaux jours la fonte des neiges s'était déja amorçée, offrant ses joies mais également ses inconvénients.
L'inconvénient le plus notable en cette situation était que le niveau des fleuves et rivières grimpait, alimentés par l'eau descendues des hauteurs et par la fonte de toute la neige tombée durant la période hivernale très fournie. De ce fait, les voyageurs ne pouvaient plus traverser les rivières à gué et devaient se rabattre sur les ponts enjambant les cours d'eau afin de continuer leur route. Avec le retour du beau temps, les routes commerciales s'ouvraient et florissaient à nouveau, apportant richesses mais également impôts.
Et au milieu de toute cette activité il arrivait de croiser quelques voyageurs ne vivant que pour leur propre commerce, allant et venant au grès des saisons et des événements, là où le besoin s'en faisait sentir. Ajoutez à cela une pointe d'abus et d'étranger et vous obtenez une situation qui ferait piler net un carosse et son escorte à l'approche d'un pont.

Devant l'escorte et le carosse se voyait un petit pont de pierre surplombant une rivière au cours bien chargé. Sur l'édifice se voyait la fin d'un combat opposant ce qui semblait être une femme encapuchonnée à quelques gardes du Duché. La présence de ces gardes sur cet édifice était tout à fait logique en cette période de l'année. Avec la crue des rivières, les ponts étaient fortement sollicités pour acheminer des marchandises. Les seigneurs locaux envoyaient donc des soldats prélever un impôt de passage sur tous ceux qui souhaitaient emprunter l'édifice. Cela permettait de remplir les caisses et d'entretenir les ouvrages et les voiries. Mais il existait certains soldats qui, trop heureux de se vir confier la tâche de collecter cet impôt, en profitaient pour gonfler les fins de mois de leur solde en exigeant un droit de passage indécent et bien au delà des tarifs en vigueur.
C'est ainsi qu'une simple voyageuse arrivant du nord fut prise au piège de cet impôt gonflé artificiellement. Le fait qu'elle soit apparement une étrangère ne l'aida pas et les soldats tentèrent d'en profiter pour lui soutirer un prix exhorbitant, quitte à la faire payer avec son corps si elle ne pouvait pas payer le droit de passage exigé. Mais l'étrangère ne s'était pas laissée faire, devinant le piège, et avait décidée de forcer le passage par la force.
Les gardes, trop confiants, avaient été surpris et avaient été mis hors de combat l'un après l'autre par la jeune femme qui dissimulait des talents de combattant insoupçonnés. Le combat avait était brutal mais épique, l'étrangère se contentant de les mettre hors combat sans les tuer.
Le carosse des Hetalia et leur escorte étaient arrivés juste à temps pour voir la mercenaire défaire le dernier garde d'un grand coup de pied fouetté dans la machoire. Le coup, prècis et puissant, projeta le malheureux garde par dessus la balustrade du pont et l'envoya plogner dans la rivière coulant au dessous.
La jeune femme monta sur le rebord et observa, non sans satisfaction, le garde patauger dans l'eau froide comme un dératé afin de regagner la berge située à quelques mètres.

Le court henissement d'un cheval attira alors l'attention de la jeune femme encapuchonnée vers le carosse et l'escorte. L'étrangère se tenait droite et immobile sur le rebord du pont, une lance totalement noire et à la lame effilée se voyait dans sa main alors que le vent faisait onduler doucement les pans de sa cape ornée de fourrure par endroit.
Etait elle une menace ? elle venait de croiser le fer contre tout un groupe de garde et les avait vaincus et elle observait sans réaction notoire le groupe qui venait d'arriver.
Mais, d'un bond leste et agile, elle sauta du rebord pour se retrouver sur le pont, baissant son arme.
L'oeil toujorus tourné vers le carosse et son escorte, la jeune femme ramassa un tissu au sol, ne faisant pas attention aux gémissements des gardes qu'elle avait mis au sol. sans dire un mot, elle rangea son arme dans les plis du tissu et signifia qu'elle en avait terminé.
Ayant terminée de rassembler ses affaires, comprenant un sac et sa lance empaquettée, elle s'approcha de l'escorte pour expliquer la situation. Chacun put alors voir à son allure et à sa démarche qu'il s'agissait d'une jeune femme qui n'était pas originaire de Diantra, au teint légérement bronzé. Sur ses avant-bras se voyait des brassards de cuir en bonne facture, orné de sceaux représentant un dragon. Arrivée auprès des soldats, elle retira sa capuche, dévoilant ses traits à tous. Le visage de la jeune femme était fin et de longs cheveux se voyaient le long de son corps. Il s'agissait d'une très belle femme mais au regard comparable à celui d'un soldat. Souriante, elle s'adressa au chef de l'escorte qui l'observait du haut de sa monture avec crainte et méfiance, sa voix trahissait clairement un accent d'une langue non parlée en Diantra.

Ne craignez rien, le combat est terminé. Ces gardes ripoux exigeaient un droit de passage bien trop élevés par rapport aux tarifs habituels, 15 écus c'est clairement du vol. Je me suis vue dans l'obligation de les corriger.
Je ne compte pas vous attaquer, vous ainsi que votre Seigneur.
D'ailleurs .. j'ignore à qui j'ai affaire en cet instant. A qui ai je l'honneur d'avoir arrêté son carosse ? Je souhaiterais m'excuser d'avoir perturbé son voyage.

A genoux entre ses jambes, visiblement gênée, je n'osais plus bouger de peur de me retrouver dans une autre situation embarrassante. Heureusement qu'il n'y avait personne à part nous dans ce carrosse sinon j'aurai senti la honte me couvrir.
Amusé mon époux me regardait, il vint alors m'aider à me relever en me saisissant sous les bras pour m'assoir à ses côtés. Je le remerciai d'un signe d'inclinaison de la tête. Mais soudain, on s'arrêta. L'arrêt fut brusque, ce qui me fit heurter mon époux.
J'avais peur. La dernière fois, dans cette même situation, j'avais été attaquée par des brigands. Heureusement j'avais été secourue mais je gardais des séquelles de cet événement.
Dehors des bruits de souffles courts, celui d'une personne tombant à l'eau, c'était un combat qui se déroulait mais j'ignorai si c'était notre attelage qui se faisait attaquer. J'étais terrorisée.
Serrant une main d'Harnyll, j'avais réfugié mon visage contre son torse. Les larmes coulaient sur mon visage. Il put nettement voir que cet arrêt brut faisait remonter à la surface de mauvais souvenirs.
Une voix féminine s'éleva enfin de dehors. Elle disait ne pas vouloir nous attaquer et s'était défendue contre le prix abusif pour un simple droit de passage. Elle désirait savoir à qui appartenait ce carrosse. Mon époux voulait alors sortir de la calèche afin d'avoir une explication avec cette personne car le détail qui l'avait intéressé était le fait de la somme demandée pour le passage. Il allait justement à Arcani, non pas en agrément mais justement pour régler ce genre de problème.
Le retenant par la main, d'une voix remplie de sanglots.

N'y allait pas, ne me laissait pas seule!

Les larmes coulaient sur mon visage mais ma demande resta vaine, il sortit tout de même. Je m'étais laissée tomber sur les genoux en lui faisant cette demande. La porte se refermait derrière son passage la laissant seule en pleure.
Elle n'entendit rien de ce qui pouvait se dire à l'extérieur. La peur et les larmes n'en finissait pas. Quelques instants plus tard, la poignée de la porte s'inclina. Prise de panique, je me reculais, prise au piège contre la porte dans mon dos.
J'appelais d'une voix angoissée une personne qui n'était pas venue avec nous mais qui avait été prêt de moi lors de la précédente attaque.

Camille?!

Mon époux qui se tenait derrière la porte put clairement entendre ma voix apeurée et totalement désorienté. Quand il ouvrit la porte, il put me voir dans état de peur et d'angoisse qu'il n'avait encore jamais vu chez moi mais il put deviner que j'étais traumatisée par les évènements de la dernière fois.

Lucrèce se réfugia dans les bras de son époux, plaquant sa tête contre sa poitrine, mouillant sa tunique de ses larmes. De l’extérieur, une voix féminine s’éleva :

Ne craignez rien, le combat est terminé. Ces gardes ripoux exigeaient un droit de passage bien trop élevés par rapport aux tarifs habituels, 15 écus c'est clairement du vol. Je me suis vue dans l'obligation de les corriger.
Je ne compte pas vous attaquer, vous ainsi que votre Seigneur.
D'ailleurs .. j'ignore à qui j'ai affaire en cet instant. A qui ai je l'honneur d'avoir arrêté son carrosse ? Je souhaiterais m'excuser d'avoir perturbé son voyage.

Sa curiosité piquée au vif, le baron d’Ysari s’apprêtait à sortir lorsque Lucrèce, tombée à genoux, le supplia d’une voix tremblante :

N'y allez pas, ne me laissez pas seule!

Sans tenir compte des supplications de sa femme, Harnyll descendit du carrosse, la main sur la garde de son épée. Il fallait qu’il constate la situation de lui-même avant qu’elle ne risque de s’envenimer.

Surpris, il vit qu’une jeune femme se tenait face à eux, sur le pont. Des gardes, vraisemblablement au service du seigneur local, gémissait au sol autour d’elle, d’autres sortants à grand peine de la rivière. Apparemment, ils n’étaient que blessés.

Cette mystérieuse inconnue était une redoutable combattante, se dit-il. L’observant attentivement, le baron comprit qu’il devait s’agir d’une guerrière venue du Nord, au vu de son accent et de sa tenue. Elle fixait les nouveaux arrivants sans crainte ni défi, plutôt avec une vague curiosité dans le regard.

S’avançant, Harnyll prit la parole :

Le carrosse que vous venez d’arrêter est celui du baron d’Ysari en personne. Je vous conseille de déposer votre arme.

Pour donner plus de poids à son ordre, plusieurs de ses propres soldats bandèrent leurs grands arcs de guerre, leurs flèches pointées vers l’étrangère. Il ne s’agissait pas là des gardes corrompues que l’inconnue avait mis hors de combat quelques instants plus tôt mais de vétérans bien entrainés. Levant le bras, Harnyll indiqua à ses hommes de ne pas tirer sans son ordre.

Je vous ai dit de déposer votre arme ! ordonna-t-il d’un ton plus sec à l’inconnue. Si les gardes ont tenté de vous escroquer, vous n’avez rien à craindre.

Si cette femme avait vraiment été victime d’une tentative d’extorsion au péage, il fallait qu’il en sache plus. Harnyll était justement venu dans la région pour y remettre de l’ordre et éliminer ce genre de pratiques malhonnêtes qui y sévissaient. Les seigneurs locaux devaient avoir mis en place leurs propres systèmes de péage et versaient des pots-de-vin aux représentants du baron pour que ceux-ci taisent leurs agissements. Si tout cela était vrai, se dit Harnyll, des têtes allaient tomber avant qu’il ne retourne à Ysari.

Une petite voix terrorisée s’éleva à ce moment du carrosse :

Camille?!

Lâchant un juron, Harnyll comprit que Lucrèce paniquait, qu’elle se revoyait lors de l’attaque de Diantra, ou seul le sang froid de Camille et le courage d’Aloys de Sangpierre lui avaient évité un bien triste sort. L’arrêt brutal du carrosse, les bruits de combat, tout cela avait recréé l’atmosphère de cette sinistre nuit dans l’esprit de sa jeune épouse.

Se désintéressant momentanément de la guerrière, le baron d’Ysari rentra précipitamment dans le carrosse. Recroquevillée sur le plancher, en larmes, Lucrèce se débattait contre ses souvenirs. Harnyll prit sa femme dans ses bras et la serra contre lui. Se débattant, elle tenta de le griffer.

Lucrèce ! Lucrèce ! C’est moi, Harnyll ! Calmez-vous ! Vous ne risquez rien !

Arnhild ne montrait aucune agressivité mais les soldats restaient méfiants. C'était leur rôle de protéger leur seigneur et ils n'allaient pas acceuillir à bras ouvert une femme venant de mettre au tapis des gardes armés. C'est pourquoi la mercenaire n'obtint aucune réponse de leur part, le mutisme était de rigueur mais elle put voir que tous avait la main près de leurs armes. La jeune femme se prépara au pire, au cas où ses paroles n'avaient eu aucun effet et qu'elle était considérée comme une menace dangereuse.
Mais la situation sembla évoluer lorsqu'un homme sorti du carosse. A en juger sa tenue Arnhild le reconnu comme une personne de haut rang, peut être était il un conseiller alors que le seigneur restait à l'intérieur. Lorsque la porte s'ouvrit, elle entendit une plainte de femme, il restait encore du monde à l'intérieur du véhicule.
La mercenaire observa avec un air attentisme l'homme qui l'observait en retour. Il ne semblait pas avoir peur d'elle et venait répondre à ses questions.

Ainsi donc ce carosse était celui du baron d'Ysari. C'était donc cette personne qui se tenait devant elle, il était trop bien habillé pour être un conseiller, de plus il portait une épée de bonne facture. Mais la méfiance restait de mise lorsqu'on lui ordonna de déposer sa lance au sol. Cet ordre changea le regard curieux de la jeune femme en un regard plus méfiant et précautionneux. Tant qu'elle était armée elle représentait une menace, le fait d'avoir mis hors de combat plusieurs gardes n'allait pas plaider en sa faveur.
Silencieuse, elle observa les soldats sortir des arcs et la mettre en joue. Elle leur rendit le regard sans sourciller jusqu'à ce qu l'ordre lui fut réitéré.
La mercenaire rapporta le regard sur le Baron, pouvait elle lui faire confiance ? A vrai dire depuis son arrivée en Diantra elle n'avait pas encore rencontrée de soldats à qui elle pouvait accorder ce don, tout le monde avait tenté de profiter d'elle jusqu'àlors.
Mais, elle entendit des sanglots provenir du carosse, une femme semblait être angoissée. Ce détail intima à la Nisétienne d'en rester là pour aujourd'hui.
Se décrispant, la jeune femme déposa son arme empaquettée au sol et signifia d'un geste des mains qu'elle ne comptait pas se battre. Celui ne fit pas se faire baisser les armes pointées dans sa direction mais au moins elle adhérait aux ordres de bonne volonté.

Arnhild allait engager à nouveau la conversation lorsque l'attention du Baron fut attirée par des plaintes provenant du carosse. Visiblement la situation empirait à l'intérieur et il du y retourner en vitesse afin de tenter de calmer une femme qui pleurait et se débattait dans ses bras.
La situation échappait quelque peu à la Nisétienne qui ne comprenait pas comment les événements avaient pu déclencher une telle crise de panique. L'escorte n'avait été attaquée à aucun moment et elle ne s'était pas montrée menacante.
La mercenaire resta donc immobile face aux soldats, préférant attendre que la situation se calme et que le Baron revienne vers elle. De toutes manières elle ne pouvait pas s'en aller avec ces soldats la surveillant.

Mon époux s'approcha de moi pour me rassurer mais comme j'avais les yeux clos et en larmes, je ne remarqua pas qu'il s'agissait de lui. J'appelais désespérément Camille sans avoir de réponse. Cela était normal car elle n'était pas, elle était restée à Ysari, au château et ne nous avait pas suivi dans ce voyage.
Une poitrine d'homme m'attira contre lui, j'étais en pleur, terrorisée comme un animal que l'on traque. Je me débattais en donnant quelques coups contre son torse de façon inefficace, tentant même de le griffer mais sans succès.
Une voix s'éleva alors c'était celle d'Harnyll. Ouvrant finalement les yeux, je me rendis compte que j'étais dans ses bras. Nous étions tous deux agenouillés sur le sol de la calèche. Il m'enlaçait avec une certaine fermeté pour que je ne puisse pas lui donner le moindre coup en me débattant.
Il murmurait mon prénom, me disant que c'était lui et que je n'avais aucune raison d'avoir peur. Sa main caressait ma tête et se perdait dans ma chevelure. Il essayait tant bien que mal de me calmer.
Les larmes coulaient à flot sur mon visage, mouillant ainsi sa chemise. Peu à peu, je lâchais prise dans la folie dans laquelle je m'étais murée pour ne laisser place qu'à des sanglots. Se dissipant peu à peu, mes yeux se fermèrent pour ne laisser place qu'à des joues mouillées.
J'avais tant pleuré que je m'endormis dans ses bras, à même le sol. Me dégageant délicatement, il me coucha sur l'une des banquettes et remit un peu d'ordre dans sa tenue avant de sortir pour converser avec l'étrangère.

Peu à peu, Lucrèce se calma, la compréhension se faisait jour en elle. Epuisée par le choc et l’émotion, elle s’endormit dans les bras de son époux. Le baron d’Ysari resta quelques instants à la bercer, la serrant toujours contre son cœur. Délicatement, Harnyll l’allongea sur l’une des banquettes, sortit une couverture de l’un des petits compartiments et en couvrit sa femme.

Sortant de nouveau du carrosse, le baron d’Ysari constata que l’étrangère avait déposé son arme à ses pieds et attendait patiemment la suite des événements. Ses gardes par contre pointaient toujours leurs flèches sur elle, l’air pas commode. Lucrèce était très populaire auprès d’eux, sa douceur et sa bonté ayant touchées le cœur endurci de ses vieux soldats, et ils n’aimaient guère que quiconque la menace, même indirectement. Leur indiquant d’un geste de baisser leurs armes, le baron d’Ysari s’approcha de l’étrangère.

Ma femme, lui expliqua-t-il. Elle a été victime d’une attaque de brigand sur la route cet hiver qui a failli mal se terminer. L’arrêt brutal… les bruits de votre combat… tout cela a réveillé des souvenirs douloureux. Elle dort désormais…

S’arrêtant un instant, il détailla la femme du regard. Elle était jolie, c’était le moins que l’on puisse dire, mais on aurait en vain cherché de la coquetterie dans sa tenue. Apparemment, elle estimait avant tout être une guerrière et entendait être traité comme telle.

Pendant ce temps, un de ses soldats avait été cherché le chef des gardes du pont et le ramenait. Grelottant après son bain forcé dans la rivière, le gaillard semblait autant terrifié par son seigneur que par l’étrangère.

Bien, je crois que vous me devez une explication tous les deux. En tant que seigneur de cette baronnie, je n’apprécie guère que les voyageurs cherchent à se dérober aux péages, mais j’apprécie encore moins les malhonnêtetés commises en mon nom par des gardes corrompus.

Fixant l’étrangère droit dans les yeux il lui demanda :

Vous avez parlé de 15 écus… cette somme est démentielle. Est-ce vraiment ce qu’ils vous ont demandé ?

Les plaintes s'étaient peu à peu tues et le silence revint dans le carosse. La mercenaire avait entendue le nom de la femme qui pleurait, à en juge le timbre de sa voix elle semblait encore jeune. Mais elle semblait surtout terrorisée par quelque chose et ne maîtrisait pas ses nerfs pour qu'un événement ne la concernant pas la mette dans cet état.
Le silence revenu, le baron ressorti du carosse et revint vers la mercenaire qui attendait tranquillement devant le groupe. Elle n'eu pas à demander ce qu'il s'était passé que le Baron expliquait qu'il s'agissait de sa femme. Visiblement les bruits du combats avaient réveillés une peur enfouie suite à un événement très traumatisant. Arnhild comprenait donc mieux les raisons de cette crise de nerfs qui semblait illogique de premier abord.
La Nisétienne se mit à observer le baron suite à son retour. C'était un jeune adulte comme l'était Arnhild, la succession de la baronnie avait du avoir lieu il y a peu pour que le baron possèda ce court âge ainsi que son épouse. Bien qu'il soit d'une beauté de visage assez interessante il ne semblait pas trop arbhorer de richesses comme le faisaient les nobles du royaume. Il portait simplement un sceau à la main droite. De plus, il ne semblait pas avoir une constitution particulièrement développée, un vétéran ou un soldat de métier pouvait le dépasser sur ce point. Harnyll montrait une sévérité de soldat ainsi que l'apparence mais son corps indiquait le contraire à la mercenaire. En combat la Nisétienne ne l'estimait pas au dessus de ses meilleurs soldats mais il avait du recevoir une éducation allant en ce sens donc il était possible que le baron posséda certaines capacités pouvant faire la différence sur le commun des mortels.

La Nisétienne acquiesca aux paroles du Baron sur sa femme. Elle n'allait pas s'offenser pour une situation particulière, le fait qu'une femme pleura à cause d'une mauvaise expérience n'aidait en rien sa situation, tout juste avait elle à prendre note des explications sans revenir dessus.
Un soldat amena alors auprès d'eux le chef des gardes du pont. L'homme grelottait du fait de son séjour dans l'eau froide et sa machoire semblait lui faire assez mal. Le baron l'avait fait amené pour tirer toute la situation au clair. En effet Arnhild se réclamait d'une correction mais elle avait forcé un péage par la force et il lui fallait prouver de sa bonne foi auprès du maître des lieux.
Le garde semblait ne pas savoir à quel saint se vouer, semblant être tout autant effrayé par le baron que par la mercenaire.
Arnhild ne lui adressa pas un seul regard mais son attitude fière indiquait qu'elle le surveillait au cas où il décidait de mentir dans ses explications. Ce fut elle qui prit la parole en premier.

En effet Messire le Baron. Cet homme ainsi que ses subordonnés ont exigés que je paye une quinzaine d'écus pour que je puisse emprunter le pont qui enjambe cette rivière. Ils ont voulus profiter du fait que je suis une étrangère dans ce royaume pour tenter de m'escroquer. Comme vous l'avez constaté il se sont aperçus que je n'étais nullement dûpe et sans défenses.

Le garde apeuré tenta alors de se défendre.

C'est faux Sieur de Hetalia ! Cette étrangère a délibérément tentée de forcer le barrage sans payer ! Nous n'avons fait qu'essayer de l'en empêcher !

La réponse du garde fut récompensé par un regard meurtrier lançé à son égard par la Nisétienne, ce qui fut pour effet de faire se recroqueviller le garde de peur.
Harnyll allait continur les questions lorsque brusquement la situation changea du tout au tout.
Profitant du fait que les soldats avait baissés leurs armes, la mercenaire porta la main à sa ceinture et sortie une dague dissimulée. Usant de mouvements rapides qui laissa tout le monde sur place sans pouvoir réagir, Arnhild agrippa le garde et planta sa lame dans la veste moletonnée qui le recouvrait. Un geste sec accompagna un bruit de déchirement de tissu. Mais un autre bruit accompagna l'agression : celui de nombreuses petites pièces tombant au sol, s'échappant d'une bourse en cuir dissimulée et éventrée par le coup de dague.
Le garde, apeuré mais indemne, la Nisétienne n'ayant pas voulue le tuer, regarda sans réagir les écus tombant au sol, des sueurs froides se montrant subitement sur son visage.
Arnhild revint sur son ancienne position et laissa tomber sa dague tout en toisant le Baron.

Visiblement cet homme a reçu sa solde bien en avance ce mois-ci. Mais je ne pensais pas ces gardes aussi bien payés.

[HRP : Lucrèce passe son tour]

Le silence tomba à la vue des écus répandus au sol. Les gardes du pont, rassemblés derrière leur chef par les soldats du baron, étaient livides de peur. Harnyll, lui, était livide de rage. Ses soupçons étaient donc exacts…

Mettez les aux arrêts, ordonna-t-il sèchement à ses hommes.

Au fond, le baron d’Ysari savait que tout cela était un peu de sa faute. Il se rendait souvent à Orfédie pour s’occuper de la flotte, chaque automne il se rendait pour la chasse à XXXX, mais il n’était quasiment pas venu à Arcani depuis son accession au pouvoir. Il lui faudrait changer cela et surveiller de plus près cette région à l’avenir.

Entrainant Arnhild à l’écart, il murmura :

Ils sont à la solde du chevalier Farles de Dyriet, qui réside non loin d’ici… je ne l’ai jamais beaucoup apprécié, mais je ne croyais pas qu’il oserait ainsi braver son seigneur en établissant ses propres impôts.
Oh, il n’a guère d’hommes sous ses ordres, voilà plusieurs siècles que les barons d’Ysari ne tolèrent d’autres armées que la leur... je suis sur que vous voyez pourquoi.
Mais même avec vingt ou trente au grand maximum, cela lui suffit face à des voyageurs désarmés ou des paysans sans défense. Surtout avec la complicité des collecteurs d’impôts d’Arcani à qui il doit reverser une part des bénéfices.
Décidemment, il est temps que je rappelle à tous qui est le maître de ces terres.

Le baron d’Ysari n’attendait pas vraiment de réponse de la part de la guerrière, il avait surtout besoin d’une oreille attentive tandis qu’il mettait ses idées en ordre et préparait un plan d’action. Gardant son calme à grande peine, Harnyll sortit du coffre du carrosse son nécessaire d’écriture, et sous les yeux étonnés des gardes, rédigea en vitesse une petite missive qu’il scella. La tendant à l’un de ses soldats, il lui ordonna :

Va jusqu’au manoir de Dyriet. Annonces à Farles que je l’attends ce soir à Arcani pour un conseil de guerre convoqué en urgence.

Saluant impeccablement, le militaire sauta sur son cheval et partit au galop. Se tournant vers la Nisétienne, le baron eut un petit sourire et expliqua :

Il n’y a bien sur rien de tel de prévu mais je veux voir tous les poissons groupés dans la nasse avant de frapper. Je n’ai pas le temps de les traquer un par un chez eux, aussi je vais devoir faire un exemple.
Farles est un personnage imbu de lui-même et il ne pourra résister à l’idée de venir à un conseil de guerre que je préside. Sa vanité va se retourner contre lui.

Passant à des détails d’ordres plus pratiques, il annonça à la ronde :

Bien, nous ne sommes plus très loin d’Arcani. Nous allons faire une pause dans la petite auberge après le pont et nous devrions arriver en ville d’ici ce soir.
Vous, ma chère, vous êtes mon invitée, ajouta-t-il à l’adresse d’Arnhild.

Cela fait, le baron d’Ysari retourna vers le carrosse pour voir comment se portait sa femme. Dans l’agitation ambiante, il n’avait pas eu le temps de vérifier si elle s’était remise.

La preuve était faite et les gardes étaient reconnus coupables d'escroquerie. Cela mettait en gêne tout autant le baron que les fautifs. Mais parfois certaines vérités étaient peu digestes et Harnyll avait eu pour témoignage un disfonctionnement de son territoire.
Celui-ci mis aussitôt les gardes aux arrêts. Ils ne relevaient pas de son commandement direct visiblement, le problème semblait venir de certains vassaux peu scrupuleux.
Le Baron se mit à lui évoquer la situation, la provenance de ces gardes, comme une tentative de justification envers la mercenaire. De telles paroles étaient assez inutiles dans le sens où la jeune femme s'était déja faite la même idée de la situation mais elle écouta avec attention les confirmations de ses doutes.
Mais maintenant c'était un problème qui ne concernait plus que le Baron, la gestion de son territoire lui revenait et ce n'était pas à la mercenaire d'y remettre de l'ordre.
A moins que le baron n'ait besoin d'elle pour l'épauler dans sa tâche, la perspective d'un contrat effleura l'esrit de la jeune femme, ce qui fit qu'elle acquiesca aux paroles du baron.

En ayant terminé avec ses explications, Harnyll se décida à agir et convoqua le Chevalier qui défiait son autorité afin qu'ils se rencontrent à Arcani. Visiblement, à tout lui dire, il semblait vouloir que Arnhild soit présente pour voir la confrontation avec son chevalier. L'idée d'aller à Arcani n'était pas dans le plan de route de la Nisétienne mais au vu de la situation il y avait des chances qu'elle y trouve à gagner.
Cela lui fut confirmé lorsque le Baron lui indiqua qu'elle était son invitée. Arnhild lui répondit avec un sourire, elle acceptait la proposition de faire un bout de trajet avec le Baron et son escorte. Ainsi elle saurait où aller dans les prochains temps et elle pourrait parler d'un contrat potentiel lorsque l'occasion s'en présenterait. C'était le genre de situation que recherchait la jeune femme et aujourd'hui la chance lui avait sourie. Bien sûr elle n'allait pas forcer à chaque fois un péage pour entrer en contrat avec une personne importante mais le hazard avait bien fait les choses.

La Nisétienne ramassa ses armes au sol, ne faisant que peu de cas des gardes mis aux arrêts et suivie le Baron qui s'en retournait vers le carosse. Avec tout ces événements on aurait pu en oublier que la femme du Baron était également présente mais ce n'était pas le cas. La Nisétienne laissa Harnyll dire à sa compagne que tout était terminé. Avec le regain de tranquillité, Lucrèce avait du parvenir à récupérer désormais.

[HRP : Lucrèce passe son tour]

Pénétrant dans le carrosse, Harnyll vit que Lucrèce s’éveillait doucement, apparemment apaisée. S’agenouillant, il caressa doucement le visage de son épouse, déposa un baiser sur ses lèvres et expliqua :

Tout est rentré dans l’ordre, ma chérie. Des gardes ripoux essayaient d’arnaquer une voyageuse au péage du pont, bien mal leur en a pris. Il y a une auberge non loin, nous allons nous y arrêter pour déjeuner avant de reprendre la route. Nous devrions pouvoir arriver à Arcani d’ici la nuit.

Tapant du poing sur le plafond du carrosse, la baron d’Ysari indiqua au groupe de se remettre en route. Il n’avait pas invité Arnhild à venir s’installer dans le carrosse. Outre le fait que l’auberge était à moins de cinquante mètres de là, une telle familiarité aurait été… inconvenante.

Quelques minutes après, la petite troupe rentra dans la cour de l’auberge, sous les yeux ébahis des palefreniers. Descendant du carrosse, la baron aida sa femme puis fit signe à la Nisétienne de les suivre. Lorsqu’ils rentrèrent dans la grande salle l’auberge, des gardes sur leurs talons, le silence se fit. Les yeux ronds, le tavernier continuait machinalement d’essuyer un verre qu’il venait pourtant de laisser tomber. Il fit une courbette lorsque son seigneur vint s’accouder au comptoir.

Mons… Monseigneur, votre présence est un immense honneur pour mon humble établissement.

Nous aimerions déjeuner au calme, l’ami. Avez-vous une pièce isolée ?

Bien sur monseigneur. Nous disposons d’un petit salon privé à l’arrière de la taverne. Je vais prévenir les cuisines de préparer un repas digne de vous.

Harnyll retint un petit sourire tandis que le bonhomme les conduisait vers une petite salle sur l’arrière du bâtiment. Son passage, la familiarité bon enfant dont il avait usé, tout cela donnerait lieu à des discussions sans fin autour d’un verre. En fin politique qu’il était, le baron d’Ysari savait que ces petites marques, pour peu qu’elles soient correctement dosées, faisaient beaucoup pour sa popularité dans la région.

Le petit salon était propre et lumineux, une table ronde y était installée devant une grande fenêtre. Deux gardes se mirent en faction devant la porte de la salle, deux autres sous la fenêtre. Le baron entendait le reste de son escorte s’installer dans la cour, criant des ordres pour que l’on nourrisse les chevaux et que l’on prévienne le maréchal-ferrant.

Harnyll s’installa en bout de table, Lucrèce et Arnhild s’asseyant de part et d’autres de lui, la guerrière apparemment légèrement mal à l’aise de se retrouver à déjeuner en si noble compagnie. En attendant que le repas arrive, le baron entama la conversation :

Il est rare de rencontrer une Nisétienne si loin au sud. Quelles affaires vous amènent sur mes terres ?

Le Baron rentra dans son carosse, laissant la mercenaire dehors. Elle n'était pas invitée à l'intérieur de l'habitacle mais ce n'était pas un problème dans la mesure où le groupe allait faire halte dans une auberge située quelques dizaines de mètres plus loin. La Nisétienne resta donc aux cotés du véhicule et marcha à coté du cortège qui allait à une vitesse réduite.
L'entrée dans la cour de l'établissement sembla faire son petit effet sur le personnel, les déplacements du Baron semblaient rares mais pourtant apprèciées.
C'était là un spectacle qui avait de quoi susciter l'intérêt de la jeune femme étant donné ses origines : elle n'avait pas passée son enfance à vivre sous le joug d'un roi ou d'un noble. Mais elle avait appris à les respecter étant donné qu'il s'agissait de son gagne-pain, ne pas savoir respecter les hiérarchies client/mercenaire signifiait qu'elle ne gagnerait jamais sa vie et serait une disgrâce pour les siens. En retour les nobles appréciaient les services des Nisétiens, du moins ceux qui les embauchaient, il y avait donc un phénomène de satisfaction mutuel.

Arnhild entra dans l'auberge à la suite du Baron et de son épouse. Comme elle s'y était attendue Lucrèce était bien jeune, elle sortait à peine de l'adolescence et avait du être mariée à l'âge minimum recquis. Il s'agissait néanmoins d'une belle jeune femme mais avec de très mauvais souvenirs. Arnhild ne pouvait pas connaître les détails mais pour que de simples bruits d'altercation la mettent dans une grande crise de panique elle avait du être extrèmement terrorisée par l'attaque qu'elle avait subie.
Gardant ses pensées, elle suivie le couple jusqu'à un salon isolé dans l'auberge. L'aubergiste avait sorti ses meilleurs atout pour la visite du Baron et cela se voyait. Toute cette servitude la gênait quelque peu. Ce n'était pas le fait que le Baron se fasse servir non, mais c'était principalement le fait que cette servitude rejaillissait sur elle-même car elle était l'invitée du couple. Elle avait été formée pour servir un noble et non pour qu'elle se fasse servir au même tître que lui. Se mettre au service de la noblesse qu'elle croisait était son but mais elle n'avait encore jamais envisagée de participer à leur vie.

Arnhild s'installa à la place qui lui avait été désignée. Elle posa son sac ainsi que sa lance contre un mur, sous la surveillance des gardes. Elle gardait néanmoins sa dague à sa ceinture, étant réticente à être totalement sans défenses en toute circonstance, mais cela n'était pas un problème de sécurité car elle était l'invitée du Baron et les gardes veillaient au grain.
La Nisétienne, prenant nôte de la chaleur ambiante de la pièce, ôta son manteau de voyage, dévoilant des vêtements usés par les trajets et le temps mais assurant à sa silhouette une certaine féminité mise en valeur, Arnhild étant très belle de visage et de corps. On voyait que les habits étaient de confections différentes, fruits des achats de la jeune femme dans diverses régions du monde de Miradelphia. La Nisétienne achetait suivant ses besoins, sans laisser de place à une certaine coquetterie qui de toutes façons la gênerait dans ses voyages.
Une fois installée, le Baron lui demanda ce qui l'amenait en Ysari. Il avait déja noté le fait qu'elle était une totale étrangère à Diantra. Arnhild tenta de lui répondre du mieux qu'elle pouvait, après tout ce noble pouvait peut être devenir son futur client.

Je suis une Nisétienne en effet. Je suis née et j'ai grandie dans les montagnes bordant ces terres arrides. Je suis un membre du Clan des Dragons, clan vieux de plusieurs centaines d'années.
Peut être avez vous entendus parler de nous Baron d'Ysari ? Nous sommes ce que vous appelez des mercenaires, nous vendons nos compétences à ceux qui en ont besoin. La raison qui me pousse à me retrouver sur vos terres est la recherche d'un travail à effectuer. Je suis arrivée à Diantra voici quelques mois et depuis je parcours les terres de ce Royaume en quête d'un employeur. Le hasard a fait que nos routes se sont croisées.

J'avais été allongée sur la banquette du carrosse lorsque je me suis assoupie dans ses bras en pleur. Harnyll était redescendu du carrosse pour continuer sa discution avec la jeune femme. La discution allait bon train dehors concernant cette affaire d'escroquerie.
Lorsqu'il revint dans le carrosse, je commençais doucement à me réveiller. S'agenouillant à mes côtés, il me caressa le visage, déposa un doux baiser sur mes lèvres avant de me dire que nous allions faire une halte dans l'auberge qui se trouvait non loin.
Me rasseyant, je lui fit une place à mes côtés. Le voyage jusqu'à l'auberge ne serait pas long mais je le voulais à mes côtés.
Nous arrivâmes finalement après quelques minutes à l'auberge. Descendant le premier, il me tendit sa main que je saisis pour descendre à mon tour. Beaucoup de monde fut surpris de voir le carrosse du baron et de son épouse s'arrêtait dans une si modeste auberge.
Nous nous dirigeâmes vers l'intérieur de l'auberge en compagnie d'une femme. Elle était jolie mais ne semblait pas d'être ici. Etait ce cette voyageuse que les gardes avaient voulu voler? Elle ne paressait pourtant pas être une menace pour quiconque...

L'aubergiste laissa filer un verre de ses mains avant de nous faire ses hommages maladroitement. Nous le suivirent alors dans l'arrière salle afin d'avoir plus de tranquillité.
Assise à table à sa gauche comme d'habitude, la jeune femme prit place à sa droite. Je la regardais avec une certaine curiosité. Répondant à la question que mon époux lui avait posé, j'écoutais également la réponse.
Ainsi donc elle était mercenaire et offrait ses services aux gens. Elle n'était sur leurs terres que dans le simple but de trouver un contrat. Je continuais à la fixer. Finalement, contre toute attente, je pris la parole.

Veuillez m'excuser de vous interrompre mais je n'ai pas le plaisir de connaître votre nom et j'aimerai remédier à cet oubli.

Il est vrai que je n'avais pas la parole dans ce genre de situation mais je voulais connaître le nom de cette jeune femme qui me fascinait et à la fois m'inquiétait. Je la percevais comme une menace. Non pas pour notre sécurité mais sachant le passé volage de mon tendre époux, j'avais peur qu'il ne soit tenté par gouter cette fleur étrangère.

Le baron constata du coin de l’œil que leur invitée gardait sa dague à la ceinture. Haussant les épaules, Harnyll ne s’en formalisa pas. Lui-même n’avait pas déposé ses armes, son épée lui battant toujours la cuisse. La jeune femme prit alors la parole pour répondre à la question du seigneur d’Ysari :

Je suis une Nisétienne en effet. Je suis née et j'ai grandie dans les montagnes bordant ces terres arrides. Je suis un membre du Clan des Dragons, clan vieux de plusieurs centaines d'années.
Peut être avez vous entendus parler de nous Baron d'Ysari ? Nous sommes ce que vous appelez des mercenaires, nous vendons nos compétences à ceux qui en ont besoin. La raison qui me pousse à me retrouver sur vos terres est la recherche d'un travail à effectuer. Je suis arrivée à Diantra voici quelques mois et depuis je parcours les terres de ce Royaume en quête d'un employeur. Le hasard a fait que nos routes se sont croisées.

Une mercenaire... voilà qui est intéressant, se dit le baron. Cela expliquait ses prouesses martiales face aux gardes du pont. Ysari était un endroit assez calme comparée aux baronnies du Nord, en guerre perpétuelles entre elles ou contre les drows. Mais même ici, des seigneurs locaux pourraient utiliser les talents de la jeune femme pour venir à bout des brigands ou des pirates qui faisaient régulièrement des incursions.

Tandis que le baron réfléchissait, l’aubergiste rentra, suivi d’une accorte servante portant un grand plateau chargé de victuailles. Humant le doux fumet des tourtes à la viande, le baron en oublia momentanément la conversation pour se concentrer sur son estomac. Débouchant une bouteille de vin du cru, le bonhomme remplit les verres de ses nobles visiteurs. Pendant plusieurs minutes, le silence dans la pièce ne fut plus entrecoupé que par le bruit des mâchoires à l’œuvre.

Harnyll allait reprendre la parole lorsque sa femme intervint :

Veuillez m'excuser de vous interrompre mais je n'ai pas le plaisir de connaître votre nom et j'aimerai remédier à cet oubli.

Harnyll fut un peu surpris par l’intervention de Lucrèce. Elle restait habituellement plus discrète lorsque son mari parlait affaires. Observant attentivement sa femme, il se rendit compte que Lucrèce ne fixait pas la guerrière comme une inconnue, mais plus comme une rivale potentielle.

Certes la Nisétienne était une belle femme, et avant son mariage, le baron d’Ysari aurait très certainement cherché à nouer des relations plus… intimes… avec elle. Mais Harnyll était désormais d’une fidélité sans faille envers son épouse, et il tordit le cou à cette idée à l’instant ou elle était apparue. Il eut un rapide regard de reproche à l’égard de son épouse : le croyait-elle donc si faible pour céder ainsi ?

Le fait qu'elle soit une mercenaire sembla confirmer les soupçons qu'avait le Baron à son égard. Mais il n'en dit mot, laissant même de coté les origines étrangères de la jeune femme ainsi que son appartenance sociale. Le fait qu'il ne répondit pas à la présentation de la Nisétienne rendait la perspective d'une collaboration plus hasardeuse mais arnhild espérait bien ramener le sujet plus tard. Pour le moment elle était l'invitée du Baron donc autant débuter la soirée de manière plus conventionnelle. La mercenaire garda néanmoins un oeil sur Harnyll qui semblait réfléchir, la conversation reviendrait certainement sous peu.
Ce fut d'ailleurs le moment que choisie la serveuse pour entrer dans la pièce et les servir. Les émotions du voyage prirent le pas sur le sujet du jour et chaque convive passa au repas.
Arnhild n'aimait guère passer trop de temps à table, c'est pourquoi elle ne mangeait que ce qui lui était nécessaire, condition de combattante oblige. Il ne lui suffisait que de peu et elle savait rester simple dans ses habitudes.

C'est après quelques instants que la discussion repris mais pas de la bouche de la personne à laquelle la mercenaire s'attendait. Il s'agissait de la femme du Baron qui lui demandait son nom. Arnhild ne pensait pas que Lucrèce souhaita en savoir plus sur elle, surtout après les événements du pont qui lui avait fait prendre panique car la mercenaire y était responsable. Il s'agissait plus d'un intérêt plus personnel que conventionnel. D'ailleurs la question impliquait également le Baron car il s'empressa de réagir en regardant son épouse. Arnhild ne put voir le regard de reproche mais elle se doutâ que l'intérêt de Lucrèce à son égard gênait le Baron, comme s'il se sentait concerné.
En temps normal la Nisétienne aurait trouvé cela amusant et surtout intéressant mais le Baron avait certainement mieux à lui offrir qu'un jeu interdit. Mais elle consentie à répondre à la question posée, après tout son nom aurait été demandé tôt ou tard.

Je me nomme Arnhild Nïðhöggr. De votre coté, si j'ai bien entendu votre mari prononcer votre nom, vous vous nommez Lucrèce n'est ce pas ?
Et votre mari porte le nom de Harnyll de Hetalia.
Je suis désolée si mes actions vous ont faite paniquer tout à l'heure. Ce n'était nullement dans mes intentions.

L'aubergiste avec quelques servantes entrèrent avec en main des plateaux contenant le repas. Il avait fait visiblement un effort de présentation dans ses plats. Je l'avais remarqué car généralement on ne servait pas la clientèle sur ce genre de plateaux et encore moins dans de la porcelaine. L'aubergiste faisait tout pour plaire à ses convives.
Les plats arrivèrent sur la table. L'odeur qui s'en dégageait était des plus alléchantes. Je commençais à avoir faim car ce matin nous étions partis sans prendre le temps de manger. Pendant que l'aubergiste nous servit à chacun un verre de vin, il regarda le baron au moment de me servir pour demander son approbation. Il avait deviné mon jeune âge et doutait que je boive du vin. Le regard du baron lui accorda le droit de me servir puis il servit notre invitée.
Nous commençâmes alors à manger dans le silence.

Quand le baron reposa ses couverts, je sus qu'il allait prendre la parole aussi si je ne le faisais pas maintenant, il serait trop tard. M'excusant, je pris la parole et demandai le nom à notre inconnue. Il est vrai que durant le repas je l'avais regardé assez souvent. La seule inconnue dans ce qu'elle représentait à mes yeux était son nom.
Mon époux comprit que je ne voyais pas cette femme assise en face de moi comme une menace pour notre sécurité mais pour notre couple, une rivale potentielle. Son regard réprobateur à mon égard me fit baisser les yeux. Je savais que mes pensées n'étaient pas convenables et c'est quelque peu honteuse que je n'ajoutai rien de plus fixant mon assiette encore à demi remplie.

La jeune femme répondit à ma question, certainement plus par politesse que par envie mais si elle ne le faisait pas cela aurait été insultant. Elle prit finalement la parole et se présenta rapidement. Juste son nom et son prénom nous furent dévoilés.
La mercenaire passa alors sur le sujet comme pour retourner habilement la question posée. Elle avait effectivement bien entendu et nous demandait confirmation sur nos noms à nous. Il est vrai qu'elle était étrangère en ces terres, aussi il était normale qu'elle ignore nos noms.
Relevant le regard, j'acquiesçai d'un geste de la tête pour confirmer qu'elle avait bien entendu et que mon prénom était bien Lucrèce quoique j'aurai pu la corriger car mon prénom au complet était Lucrèce Théodora.
Puis elle s'excusa de la situation de toute à l'heure et de la peur qu'elle m'avait causée. Je crois que ce n'est un secret pour personne car tout le monde dans notre escorte avait pu m'entendre paniquée et en savait très bien la cause.

Ce n'est rien, vous êtes toute excusée. Vous ne pouviez pas savoir...

Je lui accordais mon pardon. Je savais faire preuve magnanimité quand il le fallait. Après tout, elle n'avais rien fait, c'était moi qui avait pris peur inutilement. Je demeurai toujours apeurée par les arrêts brutaux en carrosse, douloureux souvenir d'une attaque.
L'aubergiste rentra une nouvelle fois dans la pièce avec ses servantes. Demandant s'il pouvait nous déservir, il attendit la réponse du baron. Une fois la permission accordée, deux servantes débarrassèrent nos assiettes et nous en mirent des nouvelles. Avant de déposer sur la table une coupe de fruits et des tartes à la pommes, à la rhubarbe puis une autre à la poire.
Cela faisait beaucoup mais je dûs avouer qu'il nous laissa le choix. Un sourire se dessina sur mon visage pour le gratifier de ces attentions. Il sourit, ravi de voir que ces petites attentions plaisaient à la jeune baronne. Avant de nous laisser, il nous demanda si nous voulions boire du thé ou du café pour accompagner ces douceurs ou autres choses.
Je laissai mon mari répondre le premier, ma réponse se calquerait sur la sienne même si j'avais envie de boire un thé. J'avais soif et avais peu touché au verre de vin qui m'avait été servi. Non que le vin ne soit pas fin mais l'alcool avait tendance à me donner chaud et nous avions encore de la route à faire pour arriver à Arcani avant la nuit.

Tandis que la servante amenait les desserts, l’aubergiste demanda :

Monseigneur désire-t-il du thé ou du café ?

Du thé, merci, répondit le baron.

Saluant, l’aubergiste sortit de la pièce pour aller chercher la commande. Harnyll sourit en voyant Lucrèce dévorer du regard les appétissantes tartes qui se trouvaient sur la table, attendant que son époux se soit servi pour pouvoir l’imiter. Choisissant une part de tarte à la rhubarbe, le baron l’entama, puis, se tournant vers la mercenaire, il reprit la parole :

En fait, j’aurai peut être un contrat à vous proposer…

Arnhild reposa dans son assiette la copieuse part de tarte qu’elle venait juste d’entamer. Il était désormais question de travail et le baron d’Ysari avait toute l’attention de la guerrière Nisétienne.

Comme vous devez maintenant le savoir, je me rends à Arcani avec ma femme. Votre altercation au péage a démontré que certains petits seigneurs locaux ont corrompu les gardes en poste dans la région. Je vais devoir remettre de l’ordre dans tout cela en tranchant le mal à la racine, et je vais avoir besoin de la quasi-intégralité de mon escorte pour effectuer les arrestations nécessaires. Je préfère éviter d’avoir recours à la milice locale tant que je ne suis pas certain de la loyauté de ses chefs. Quand à faire appel à l’armée, ce serait peu discret et risquerait de laisser certains poissons s’échapper de la nasse. Il est hors de question que je laisse ces fripouilles échapper à ma justice !

Harnyll avait élevé la voix et violemment tapé du poing sur la table en prononçant cette dernière phrase. Il se reprit à grande peine, tant cette situation lui mettait les nerfs à vif. Les deux femmes échangèrent un regard muet indiquant qu’elles n’aimeraient guère être à la place des coupables lorsque le baron leur mettrait la main dessus. Calmé, Harnyll reprit d’un ton plus posé :

Pendant ce temps, j’aurai besoin que quelqu’un veille sur ma femme lorsque je ne suis pas auprès d’elle. Nous ne devrions guère en avoir pour longtemps, l’enquête et les procès devraient aller vite. L’un des avantages de ma position est que je n’ai nul besoin de perdre du temps à réunir des preuves, étant moi-même la plus haute autorité judiciaire de la baronnie. J’ai donc prévu que nous rentrions par la mer d’ici une bonne semaine. J’ai déjà envoyé des ordres pour que le Sirfon, un de mes navires de guerre, nous rejoigne d’ici là. Donc d’ici une quinzaine de jours tout au plus, nous serons de retour à Ysari.

Réfléchissant un instant, le baron calcula une offre honnête de rémunération à proposer.

Voyons voir…. Un mercenaire gagne dans ces contrées environs 30 écus par mois. Je vous en offre autant pour seulement quinze jours d’escorte. Avec un bonus de 20 écus supplémentaires en cas de grabuge. Vous toucherez votre paie auprès du chancelier des finances à Ysari, à notre retour.

L’offre du baron était plus qu’honnête… deux fois le salaire habituel pour une mission qui ne semblait guère présenter de difficultés… et un bonus si un danger apparaissait. Qui plus est, cela garantissait à Arnhild deux semaines d’un relatif confort. En règle générale, les mercenaires devaient mettre leurs vies en danger au milieu de contrées inhospitalières pour des sommes bien plus modestes que ce qu’Harnyll offrait.

Désormais, c’était à Arnhild de décider.

Alors que le repas se terminait, le Baron aborda enfin le sujet d'un travail potentiel. La situation dans sa Baronnie avait l'air de l'embarasser aussi bien que de l'énerver et il comptait bien y mettre un terme. Mais il comptait rétablir son autorité sans l'aide de la mercenaire, l'objet du contrat étant tout autre. En effet il comptait résoudre ses problèmes avec ses propres soldats et non en impliquant d'autres autorités comme l'armée ou les milices locales. Tout ceci pour piéger le plus possibles d'indigeants à la réunion d'Arcani. Le rôle de la mercenaire serait donc d'apporter une protection à Lucrèce lors de l'absence du Baron et ce jusqu'à la fin du voyage. Mais le voyage risquait d'être court, ce n'était pas un contrat qui allait durer longtemps, simplement une quinzaine de jours pas plus.
Mais il était prêt à lui verser l'équivalent d'une paye mensuelle pour ce travail, ce qui n'était pas négligeable. Elle recevrait son bien à la fin du voyage, le Baron ne voyageant guère avec beaucoup d'or sur lui.
Arnhild aurait préférée aider le Baron à punir ses opposants mais celui-ci pensait plutôt à sa femme et le fait qu'elle avait déja été attaquée par le passé. La Nisétienne gagnait également un bonus en cas d'attaque sur la personne de Lucrèce, c'était là un pari risqué car rien n'indiquait que la mercenaire pouvait embaucher d'autres hommes pour "agresser" Lucrèce et ainsi toucher le bonus. Certains mercenaires étaient ainsi mais, heureusement pour le Baron, Arnhild n'était pas aussi machiavélique .. mais elle connaissait les rouages de son métier.
En somme la proposition du Baron était honnête et pour un premier travail elle y trouvait à gagner.
Le carosse et l'escorte arriveraient à destination dans la soirée, les choses sérieuses allaient donc démarrer en même temps, c'était assez interessant et la Nisétienne ne pouvait qu'accepter.

Les termes de ce contrat me conviennent. J'assurerais donc la protection de votre épouse jusqu'à la fin de votre voyage, elle sera en sécurité ne vous en inquiètez pas.

Le baron accepta de prendre du thé aussi je fus soulagée et contente de cela. L'aubergiste se retira pour préparer un plateau avec trois tasses. Pendant ce temps, j'attendais que mon époux se servent afin de pouvoir faire de même. Je regardais avec une certaine envie les tartes sans trop savoir laquelle j'avais envie de gouter. Toutes les trois semblaient délicieuses et il serait mal vu que de se resservir. Au final, je prendrai la même qu'Harnyll ainsi le choix ne serait pas de moi. Ce fut donc la tarte à la rhubarbe qui reçut cet honneur.
Alors qu'il se servait, je ne pus m'empêcher que de l'écouter concernant un éventuel contrat qu'il aurait pour Arnhild. Cette jeune femme serait donc au service de mon mari pendant un certain temps. Pour le moment les termes de ce contrat ne se dessinaient pas encore mais cela ne saurait tarder avant qu'il n'en dise plus.
J'ignorai toujours les affaires de mon époux qui faisaient que nous nous rendions à Arcani mais quand il prit à nouveau la parole il parla de corruption sur ses terres. Voici donc la véritable raison de notre voyage dans la campagne. Je savais qu'on s'y rendait pour ses affaires mais je ne me doutais nullement de l'importance de ceci.
Je demeurai muette sans rien dire, écoutant. Quand sa voix exprima de la colère, ce fut la seconde fois que je pus le voir dans cet état, lui qui d'habitude était un homme si tempéré dans ses humeurs. Le poing heurtant la table, je sursautai poussant même un petit cri de surprise. Cette situation l'énervait au plus au point.
Les termes du contrat qu'il proposait à la mercenaire vinrent alors sur la table. Il voulait l'engager pour qu'elle soit en charge de ma sécurité durant tout le temps que mettrait notre voyage et ce jusqu'à notre retour à Ysari. Il lui proposa même une prime supplémentaire en cas d'attaque sur ma personne. Mon sang se glaça à l'écoute de cela.

Il n'en...

Je le regardais avec des yeux remplis de crainte et de colère à la fois. Pourquoi cette prime sur ma sécurité? Espérait il une quelconque attaque sur ma personne? J'avais peur. Le regard réprobateur de mon époux m'empêcha de finir ma phrase qui resta en suspens. Il n'aimait pas qu'on puisse aller contre ses ordres de la sorte ou qu'on lui tienne tête. Les yeux baissés, fixant mon assiette, je me tût. Je ne dirai donc plus un mot du voyage pour ne pas attirer sur moi sa colère.
L'aubergiste n'était pas encore revenu que déjà mon époux se leva de sa chaise. Je l'avais contrarié, je le voyais bien. Alors que la porte s'ouvrit sur une servante avec le plateau pour le thé, il ordonna que nous nous remettions en route. Tant pis pour le thé...
Nous nous dirigions alors vers la cours afin de reprendre notre route après que le baron ait payé la note de notre repas. Le silence s'installa dans le carrosse. J'aurai préféré qu'il dise quelque chose plutôt qu'il se taise, ce silence faisait mal, il me poignardait l'âme.

Arnhild venait d’accepter le contrat que lui proposait le baron lorsque Lucrèce intervint :

Il n'en...

Harnyll foudroya sa femme du regard, l’empêchant d’aller plus loin. Il ne lui appartenait pas de remettre en question les décisions du baron, quand bien même elle était concernée. Ou se croyait-elle donc ? Elle était la baronne d’Ysari mais cela ne lui donnait pas le droit d’interrompre une discussion de travail de son époux.

Le baron d’Ysari était vraiment de mauvaise humeur : ses vassaux d’abord qui le volaient, et maintenant sa propre femme qui osait contester ses ordres ! Se levant brusquement, Harnyll donna sèchement le signal du départ, sans laisser aux deux femmes le temps de prendre leur thé. Payant rapidement l’aubergiste, il sortit de l’auberge, Lucrèce et Arnhild le suivant, l’air embarrassé. Une fois dans la cour, il s’adressa à la guerrière Nisétienne :

Arnhild, vous pouvez prendre l’un des chevaux de réserve.

Acquiesçant, la jeune femme sauta en selle tandis que le baron et sa femme remontait dans leur carrosse. Les gardes étaient déjà prêts, restant parfaitement silencieux comme si ils sentaient que leur seigneur ne serait guère patient ce jour là. Une fois que le convoi fut reparti, le baron d’Ysari se tourna vers sa femme :

Lucrèce, j’ai engagé Arnhild parce que je refuse de me fier à la garde ou à la milice d’Arcani pour veiller à votre sécurité. Est-ce la prime de risque qui vous inquiète ? J’admets qu’avec d’autres mercenaires j’aurai surement agi différemment. Mais les Nisétiens sont des gens profondément honnêtes et Arnhild ne cherchera pas à en profiter.

Se penchant, il saisit la main de sa femme et la serra un peu plus fort que nécessaire, une légère colère assombrissant son regard.

Ah, une dernière chose : vous pouvez me dire lorsque vous n’êtes pas d’accord avec moi. Je ne me fâcherai pas parce que vous avez une autre opinion que la mienne. Mais ne me contredisez jamais en public ! Cela, je ne peux le tolérer.

Le contrat était donc signé. Même s'il était limité dans le temps à seulement une quinzaine de jours c'était une bonne nouvelle pour la mercenaire. Depuis son arrivée en Diantra elle n'avait pas encore trouvée de travail convenable et vivait sur ses réserves déja assez limitée. Gagner l'équivalent d'un mois de salaire en l'espace de deux semaines allait lui permettre de renflouer sa bourse et de planifier d'autres projets lorsque le contrat sera terminé sans être dans le besoin. Et puis, qui sait, le Baron pourrait lui proposer autre chose par la suite, s'il était tout le temps aussi généreux alors cela ne serait pas un problème entre la Nisétienne et lui-même.
Seulement .. Lucrèce ne semblait guère apprécier le fait que quelqu'un soit engagé pour la protéger. Elle était totalement contre si on en jugeait le début de phrase qu'elle lanca avant de se faire stopper du regard par son mari. Etait ce à cause du fait qu'elle ne souhaitait pas d'une protection ou alors du fait du danger qui pouvait la guetter ? La jeune femme était terrifiée des combats et l'idée de savoir qu'elle pouvait être une cible à nouveau ne devait pas lui faire plaisir. La scène du pont montrait à quel point elle redoutait une telle perspective, même si elle était en relative sécurité. Le travail de garde du corps était parfois prononcé à l'encontre de la volonté de la personne à protéger, maintenant que le contrat était formé Lucrèce n'avait pas vraiment le pouvoir de le contester.

Mais son mari n'appréciait pas qu'elle se prononça à l'encontre de sa décision. Cela le mit plus en colère encore que la trahison de ses vassaux. Harnyll semblait s'inquièter de la sécurité de sa femme mais il voulait qu'elle s'efface en sa présence et le regard qu'il lui lanca ne montrait pas de la compassion envers le refus de Lucrèce d'être protégée. Il en fut tellement furieux qu'il abrégea le repas pour s'en retourner vers le carosse. Dans ce genre de situation, Arnhild n'avait rien à dire, ce n'était pas de son ressort de s'immiscer dans les affaires d'un couple et ce surtout lorsqu'i s'agissait de son employeur. La Nisétienne reprit en main ses affaires et sa lance et suivit le groupe qui s'en retournait au dehors.
Le Baron lui indiqua un cheval qui serait sa monture pour le restant du trajet, la mercenaire l'adopt aussitôt et se mit en selle, se placant à coté du carosse tout en attendant l'ordre de reprise de la marche.
Harnyll et Lucrèce s'enfermèrent à l'intérieur du carosse, il y aurait certainement une discussion entre eux mais la mercenaire ne serait pas présente pour l'entendre. Pour le reste elle s'occupait de conduire sa monture le long du carosse tandis que le cortège reprenait sa route.

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