Le Chaotique et le Maître d'Odélian.

Nouvelle journée, nouvelle destination. Quel doux et merveilleux printemps. Des paysages, des décors qu'Elverion n'avait plus côtoyer depuis si longtemps. Condamné à vivre si longtemps dans les Marais de Faélia et dans la brume de cette dernière, s'installer en Terres Humaines était véritablement un doux et curieux changement. De ses souvenirs d'enfants, même cette nature qu'il appréciait déjà énormément ne valait rien comparé à la beauté de l'Anaëh. La Baronnie d'Oësgard était déjà un fier souvenir. Lui-même n'était pas vraiment certain de tenir sa promesse à son nouveau peuple. Le Chevalier du Chaos n'était pas encore entièrement satisfait. Il avait rendu à ses fidèles la possibilité de se balader à nouveau en Terres Humaines -non sans danger- mais il n'avait pas encore réussi à leur donner la lumière du jour. Son peuple, encore une fois, était condamné à errer dans l'ombre de ceux qu'ils détestaient par dessus tout, les autres. Elverion voyageait pour trouver d'autres états, d'autres vies, d'autres âmes. Ces états, il comptait les arracher à leurs dirigeants. Ces vies, il comptait les réduire à néant et semer la graine du désespoir dans le cœur de chacun. Ces âmes, il comptait s'en abreuver et montrer son éternel fidélité à son Dieu.

... Parce que je suis le seul digne d'être l'Elu...

Shaelyss d'Oësgard corrompue à sa cause, il fallait continuer sa quête. Lorsque l'on s'attaque à un Royaume, il faut attaquer ses fondements. Le Roi, ce si bon Roi avait fait le choix d'offrir une partie de son pouvoir à des hommes et des femmes. Le Chaotique comptait bien faire de ce partage sa plus grande faiblesse. Il y avait selon Elverion deux manières de se battre. L'une avec les lois et l'autre par la force. La première est propre à ses Ducs, Barons, Comtes... L'autre ressemblait bien plus aux Chaotiques. Néanmoins, le Chevalier du Chaos se devait d'être une véritable tête de groupe pour mener des plans si sournois. De plus, jamais il ne devait l'oublier. Un Chef est un homme qui a besoin des autres. Pourquoi ? Pour exister. Sans fidèles, un Chef n'a pas lieu d'être un Chef. Le Chaotique le savait très bien. Certains le suivaient parce qu'ils trouvaient son projet amusant. Des promesses de guerres et de mauvais coups. D'autres le suivaient parce qu'ils croyaient vraiment en un avenir meilleur comme il le promettait. Un monde à la lumière.

Foutaises. Le Sylvain n'était pas réellement de ceux-là. Une image trompeuse dont seul lui en avait le secret. Son véritable objectif était bien plus fou et s'il y parvenait... Il n'y aurait d'avenir meilleur pour personne. Elverion faisait parti de ses fous qui avaient été trompé par la vie lorsque celle-ci était à son paroxysme du bonheur sur une échelle inimaginable dans son cœur. Devenir le Réceptacle et accéder à l'Immortalité. Qu'est-ce que cela pouvait donc-t-il bien dire ? Seul lui semblait être en mesure de répondre...

Ainsi, nous parlions d'une nouvelle journée et d'une nouvelle destination. Sur toutes les informations extirpées de gré ou de force à la belle Shaelyss d'Oësgard, Gaucelm d'Odélian était le suivant sur sa liste. Depuis peu, cet homme faisait l'origine de nombreux soupçons. Le fait le plus étrange était certainement d'avoir annexé la Province d'Etherna pendant la Guerre Civile. Pourquoi le Gras n'avait-il pas envoyé toutes ses troupes au Château de Diantra pour défendre son Gras ? On parlait aussi d'un accident avec la Rose Blanche de Langehack dont peu d'informations en ressortaient. Pour Elverion, Gaucelm d'Odélian était quelqu'un qui en voulait. Et en termes de promesses, Elverion était quelqu'un qui avait à offrir. Le soutien de Gaucelm d'Odélian à Elverion et l'utilisation du Chaos pour accroître le pouvoir de Gaucelm d'Odélian serait-il un accord majeur de cette rencontre ? C'est ce que nous nous apprêtons à découvrir.

Bien le Bonjour, Messieurs ! s'exclama-t-il tout en s'inclinant et en retirant son chapeau. Pouvez-vous me faire l'honneur d'annoncer au Comte d'Odélian la visite de courtoisie du Comte de Linaëh ? Elsorel Athaar ! Je souhaiterais m'entretenir avec lui sur des affaires de magies. Sur des affaires de Chaos...

Un fin sourire gracieux accompagnait ses déclarations. De quoi ne pas en douter sur ses intentions et la grâce des Elfes Sylvains. Derrière cette peau lisse et désirable se cachait les tréfonds d'un véritable démon assoiffé par le sang et la destruction. Le jour où le masque se briserait et que ce monde tomberait serait le jour le plus jouissif de sa vie.

Enfin ! Enfin le Bélier avait retrouvé la chaleur rassurante de son écrin de pierre qu’était le manoir d’Odelian. Les travaux avançaient bien, et le côté ridiculement sobre de l’ancien manoir se trouvait enorgueillit par un aspect plus militaire, grâce aux nouvelles crénelures qui ornaient tel une couronne implacable, la demeure des comtes. Dame Thyl avait su apporter de la féminité dans l’architecture, que certains bien pensant de Sybrondil ou de Langehack considéraient comme archaïque, mais le Gras avait lancé son architecte dans des travaux audacieux, rendant gloire à la superbe de ses terres et de sa personne. On faisait écho de terribles heurts en Serramire, le duc était déchu et des adorateurs du Dieu Unique avaient été apercu en nombre, et la guerre semblait s’engager. Tout ce fatras ne faisait qu’apporter de l’eau au moulin de Gaucelm, qui lui pouvait afficher désormais son annexion d’Etherna et le retour au calme avec une sérénité accrue. Son retour à Odélian n’était que temporaire, laissant à Jehan le soin d’administrer Etherna pendant son absence, mais il avait quelque petits détails à régler. Il avait fait venir Dagobert Leroux, un sculpteur, originaire d’Alonna et qui commencait à se tailler, si vous me permettez le jeu de mot, une petite réputation.

L’homme, maigre et aussi rouquin que le laisse présager son patronyme, jouer du burin et du ciseau à pierre sur un bloc massif, alors que Sa Grassouillerie posait pour la postérité. Il avait pris une pose pleine d’intellect, pliant légérement son bras droit et ouvrant ses doigts, alors que son autre bras restait posé sur son dos. Le regard droit devant, il avait travaillé cette position pendant des jours, elle évoquait l’homme sage, l’orateur, le philosophe, donnant à la fois une image respectueuse et rassurante du comte. Il tenait cette position depuis près de vingt minutes, lorsque Guy se présenta dans la salle à manger, servant provisoirement d’atelier à l’artiste. Il se pencha légèrement vers le comte et lui dit.

Monseigneur, le comte de Linaëh demande à être reçu.

Le Gras, interloqué, arqua un sourcil en tournant le regard vers son serviteur, la voix partant dans des aigües ridicule

Qui ?!

Il dit s’appelait Elsorel Athaar, comte de Linaëh. Il est de ceux d’Anaëh. Il souhaiterait vous entretenir à propos de magie et …

Il baissa le ton, car on disait dans les rues, qu’évoquait son nom pouvait attirer ses serviteurs.

… Du Chaos.

Le Gras avait les yeux tout ronds d’étonnement. Qui était cette oreille pointue ? Il tenait toujours la pose, alors que Dagobert grommelait en heurtant la pierre, visiblement agacé par la présence de Guy qui déconcentrait son modèle,et d’après ce qu’il disait, pouvait faire rater l’œuvre, car le modèle doit tout donner au sculpteur, pour qu’il transcende son art pour accomplir un chef d’œuvre … Et blablabla, et gnagnagna … Bref, une envolée lyrique et vaniteuse sur ce que doit faire le modèle, qui n’intéresse que lui au final. Le Gras fit la moue … Non pas le mou mais la moue, bande de moqueurs ! Il toisa Guy, légèrement las, puis lui dit.

Combien de ses gens l’accompagnent ?

Aucun, Monseigneur

Aucun ?! Un noble se promenant sans escorte, en terres étrangères et battues par la guerre … Voilà qui était bien étrange ? Non ? Les elfes étaient étranges, certes, avec leur apparence dangereusement androgyne et faisant penser à une sexualité des plus répréhensible. Oui certains murmurent que ce peuple entier est sodomite. Les ribauds !! Mais qu’à cela ne tienne, il le recevrait, il serait le témoin de sa gloire … Seul les vrais héros ont des statues ! … Il poursuivit, après avoir soupirer profondément.

Moui … Amenez le moi

Le serviteur partit comme il était venu et disparu derrière la lourde porte menant aux couloirs. Gaucelm tenait toujours la pause, mais continuait de s’interroger sur cet étrange visiteur. Quelques instants plus tard, la porte claqua de nouveau et Guy annonca sans trembler.

Le comte de Linaëh !

Le Bélier tenait la position que lui imposait le maître artisan, mais n’en fit pas moins un accueil sympathique à son visiteur.

Bienvenue en Odélian, cher comte ! Je vous en prie … Approchez-vous !

Il gloussa en montrant le rouquin, faire picorer la pierre à ses outils, qui s’exclama sur un ton à demi agacé.

Monseigneur ! Ne bougez pas, s’il vous plaît

Le Gras s’efforça de contenter l’artisan, mais s’adressa de nouveau à l’elfe.

Que me vaut l’honneur et le plaisir de votre visite, mon bon ?

L'attente ne fut que de courte durée. Guy, le serviteur du Maître d'Odélian, revint un instant plus tard aux portes de la Demeure d'Odélian. Il annonça au Chevalier du Chaos que le Comte acceptait de le recevoir en sa demeure. Ainsi, Elverion fit le pas. En franchissant le pas de l'entrée principale, c'était comme si le Chaos venait de s'introduire en Odélian. Un fin sourire s'afficha sur le visage de l'être corrompu par le Chaos et il lança alors quelques remerciements à Guy. Le Sylvain qui n'en était plus vraiment un ne connaissait guère les coutumes humaines. Il avait entendu dire que l'on trouvait les plus belles merveilles du Royaume de Trystan à Langehack. Il ne savait pas s'il devait trouver la Demeure de Gaucelm gracieuse ou laide. En fait, cela lui importait peu. Elverion était ici pour accomplir d'autres desseins et cette pensée devenait alors ridicule.

Finalement, Guy mena Elverion jusqu'à la salle à manger qui servait provisoirement d'atelier de sculpture et le regard noir du Chaotique se posa sur le Gras et le sculpteur Dagobert. Cette scène... L'espace d'un instant, le Chaotique crût en un rêve. On lui avait dit que le Comte Gaucelm d'Odélian était un homme très fier de sa personne. Chez les Sylvains, cet homme possédait un physique horrifiant. Chez les Humains ? Elverion n'aurait su le dire mais un franc succès l'aurait fortement étonné. Qui était-il alors pour faire construire des sculptures de sa grandeur auto-considérée ? Il était une merveille, une œuvre d'art. Comme Elverion le pensait, ce Gaucelm était un homme qui en voulait.

Salutations, Comte Gaucelm d'Odélian !

Immédiatement, le Comte d'Odélian invita le faux Comte de Linaëh à s'approcher et par semblant de courtoisie et de respect, le Chevalier du Chaos s'exécuta. Son regard se perdit quelques secondes sur les traits de la statue en état de conception du Gras.

Je suis Elsorel Aathar, Comte de Linaëh. En dehors de cette Noble fonction, je suis un Mage de renommée dans toute l'Anaëh. J'entreprends depuis plusieurs mois un voyage qui porte sur la chasse aux Chaotiques. Ces engeances démoniaques ont récemment menacé le peuple Sylvain et mon devoir est de protéger ce dernier. Je dispose d'une certaine magie qui me permet de repérer ces fourbes. Et... Je devais vous prévenir... Des Chaotiques sont entrés en Odélian et je n'ai repéré aucune trace de leur sortie. Mais... Est-il sage de s'entretenir sur un tel sujet en public, mon Bon ? Je vous le demande...

Le jeu était lancé et Elverion fixait intensément Gaucelm. Il se demandait bien comment le Comte allait prendre cette nouvelle et bien d'autres interrogations lui venaient à l'esprit. Avant de se dévoiler, Elverion devait s'isoler avec le Gras, seuls...

Dagobert semblait absorber par son œuvre qui jaillissait lentement de la pierre, poussant de petits couinements d’excitation, tous les cinq coups de marteaux, avec une régularité digne d’une horlage. Il leva à peine les yeux pour lancer un regard noir vers l’elfe qui s’approchait en détournant l’attention de son modèle et maugréa dans ses moustaches, quelque chose à propos de travesti qui ferait mieux de retourner brouter ses coquelicots, ou quelque chose dans le genre. En effet, L’œil critique du Gras roula sur le côté et analysa l’elfe rapidement, après que celui-ci l’est salué. Grand, élancé, cheveux châtains et ondulés, une beauté au diapason de ses origines elfiques ! Des yeux étrangement ténébreux, alors qu’on vantait d’ordinaire les bleus azurés et les verts pénétrants … Voilà qui commençait à faire beaucoup de questions à propos de cet étrange visiteur. La voix raffinée de l’elfe résonna entre les murs d’Odélian, alors qu’il observait un temps la statue. Acte qui, soit dit en passant, fut reçu par Dagobert avec de la jalousie, tentant de cacher son œuvre du regard inquisiteur de l’oreille pointue, et par Gaucelm avec sa classe et son flegme royal, qui se contenta d’un petit sourire ravi, plein de fierté.

Je suis Elsorel Aathar, Comte de Linaëh.

Il gloussa, amusé. Elsorel Athaar.Elsorel ! Mon bon Elsorel ! Les prénoms elfiques sont si truculents. Et puis leur petit accent mélodieux lorsqu’ils parlent … Char-mant ! Un ravissement pour les oreilles d’entendre sa langue chantée, alors que la majorité de la gueusaille environnante pratiquait ce patois répugnant, qui semblait être prétexte à leur bêtises et à leur alcoolisme. Il n’y a vraiment que les nobles dignent de recevoir une éducation … Autant dire, que plongé dans ses pensées , il ne prêta pas grande attention aux deux prochaines phrases qui suivent mais, peu à peu, le propos de l’elfe lui fit cesser son monologue intérieur.

En dehors de cette Noble fonction, je suis un Mage de renommée dans toute l'Anaëh. J'entreprends depuis plusieurs mois un voyage qui porte sur la chasse aux Chaotiques. Ces engeances démoniaques ont récemment menacé le peuple Sylvain et mon devoir est de protéger ce dernier. Je dispose d'une certaine magie qui me permet de repérer ces fourbes. Et... Je devais vous prévenir... Des Chaotiques sont entrés en Odélian et je n'ai repéré aucune trace de leur sortie. Mais... Est-il sage de s'entretenir sur un tel sujet en public, mon Bon ? Je vous le demande…

Alors qu’il sauvait les apparences en parvenant à dissimuler prit une profonde inspiration. Les mots fouettèrent l’air avec une férocité non dissimulée.

Ah ! Non !! Nonononononononononon !! Monseigneur, ça va pas du tout !!! Gardez la pause !! Monsieur l’elfe ! Cessez d’importuner mon modèle, je vous prie ! Nous travaillons !

Dagobert reprit son tapotement frénétique sur la pierre, alors que Gaucelm l’observait, encore surpris de s’être fait couper la parole par le rouquin. Ses yeux toisaient le sculpteur dans un mélange d’incompréhension et de haine. Il explosa … pas au sens littéral du terme, ne faites pas les enfants.

Alors vous ! … Encore un mot … ET JE VOUS FAIS ECARTELER, MISERABLE VERMICEAU ! CE MONSIEUR EST MON INVITE ET VOUS ETES MON EMPLOYER ! ALORS SILEEEEEEEENCE !

L’artisan parut outré, il s’apprêta à renchérir le bougre, mais cette fois, le comte lui coupa le sifflet.

J’ai besoin d’une pause … Revenez dans une heure. Et aux moindres mots, je vous fais écarteler.

La froideur dans le ton ne lui laissa pas le choix. Leroux sortit, légèrement mécanique dans ses mouvements, visiblement troublé par l’éventualité de devenir un homme tronc, mort qui plus est. Le Gras observa le misérable, sortir sans un bruit, alors qu’il cherchait à revenir à l’elfe, avec une de ses diatrybes pleine d’esprit. Cherche … Cherche … Trouvé !

Je pense, qu’en effet, nous devrions parlés en tête à tête.

Le sourire entendu, les yeux qui pétillent, un rien de cynisme, un gloussement et le tour est joué. Il était presque fier … carrément fier. C’est qu’il s’aime ce bougre … Mais il est le seul, remarquez. Il fit signe du bras à son invité indiquant un petit couloir sur la gauche.

Allons dans mon bureau, nous y serons mieux installés et plus tranquilles pour discuter.

Il s’élanca et alors que la traversée du couloir débutait, il revint sur les propos de l’elfe, l’air songeur.

Des chaotiques en Odélian, dites vous ? Où et quand ? Dites m’en plus.

Le factice Comte de Linaëh retint un rire bien difficile. Le Comte d'Odélian était véritablement un homme charmant. La façon dont il congédia son sculpteur le fit sourire pendant quelques secondes avant de reprendre son visage inexpressif. Gaucelm était véritablement un homme qui en voulait, qui en voulait beaucoup. Dans ce cas, Elverion avait déjà choisit son rôle. Il serait celui qui lui en donnerait, tout simplement. Quel mélange de mensonge et de vérité allait-il raconter, cette fois ? Ses yeux manquèrent de s'écarquiller lorsque le Gras l'invita à le suivre en direction de son bureau. Cet homme était... parfait. Un grand homme ! Le grand homme qui servirait probablement les plans de destructions d'Elverion. Ainsi, la marche débuta dans le couloir et Gaucelm prit les devants, laissant Elverion derrière lui.

Il paraît que votre Seigneurie se trouvait récemment dans une ville du nom d'Etherna... Pendant votre absence, ils en ont profité, Seigneur.

Les mots d'Elverion étaient plutôt lent. En réalité, il mis un certain temps à répondre à la question du Grassouillet. Il était encore légèrement trop tôt pour briser le masque. Le Chevalier du Chaos espérait que le Comte d'Odélian ne le décevrait pas. Remarquez qu'en cet instant, Elverion n'aurait eut qu'à tirer sa lame et la planter dans le cœur de l'homme pour vaincre un Sang Noble. La fuite aurait certes été épique mais l'incident diplomatique entre Humains et Sylvains aurait été de taille. Hum ? L'hésitation était en réalité à son comble. Non, Gaucelm était encore un homme bien trop intéressant pour être gâché ainsi. Sa mort viendrait un jour comme les autres dans la tête du manipulateur. La patience n'est-elle pas une vertu ?

A l'instant où Gaucelm et Elverion furent profondément éloignés dans le couloir du Manoir, juste devant la porte du bureau de Gaucelm, le Sylvain murmura mélodieusement.

Le Chaos est derrière vous, Seigneur Gaucelm... Le Chaos est prêt à vous servir... Cela ne dépend que de vous... Entrez comme si de rien n'était... Le Chaos est là pour servir vos ambitions si vous êtes bien un Homme capable de concevoir ce fait pour un intérêt commun...

Ainsi, par cette déclaration seulement, Elverion leva le voile. Comment allait réagir le Gras ? Allait-il prendre peur et hurler à la garde sachant qu'une lame était capable de mettre fin à sa vie avant qu'il ne soit sain et sauf ou bien allait-il suivre l'indication d'Elverion ? Oui... Elverion se demandait si Gaucelm disposait de l'intelligence de lire entre les lignes. Ne le déçoit pas, Grand Comte...

L’elfe donna les précisions demandées, bien qu’elles fussent trop vagues au goût de Gaucelm.

Il paraît que votre Seigneurie se trouvait récemment dans une ville du nom d'Etherna... Pendant votre absence, ils en ont profité, Seigneur

Mouais, ça il s’en doutait. Merci pour l’info ! Il était près à parier que si il demandait des précisions, il évoquerait Serramire et la bataille des seigneurs locaux. Les questions à son sujet étaient trop nombreuses pour ne pas se méfier. La marche continua, silencieuse, alors que Gaucelm semblait réfléchir. Le comte de Linaëh sussura alors dans son dos.

Le Chaos est derrière vous, Seigneur Gaucelm... Le Chaos est prêt à vous servir... Cela ne dépend que de vous... Entrez comme si de rien n'était... Le Chaos est là pour servir vos ambitions si vous êtes bien un Homme capable de concevoir ce fait pour un intérêt commun...

Gaucelm avait tourné sa tête vers son interlocuteur alors que celui-ci débitait ses sentences lourdes de sens et de sous entendu. Le visage trop lisse de l’elfe ne laissait paraître aucun tic et son ton ne laissait percevoir si il y avait cynisme ou pas. Oh, lui ! Il était bizarre et le Gras se contenta de répondre par un gloussement et une petite remarque joviale.

Messire Elfe, vous avez un don pour la tragédie … Si le Chaos était derrière moi, je lui conseillerais de se rappeler qu’il est à ce moment même entre les mains.

Il gloussa à nouveau, laissant dans sa phrase le même poids de sous entendu que Elsorel l’avait fait aupravant, malgré le sourire amusé qui créait de petites fossettes aux comissures de ses lèvres charnues. Il poussa alors la porte du bureau, dans lequel Fulbert s’activait à la tâche avec dévotion, agitant sa plume avec passion sur le parchemin nu. Le clerc leva la tête et sourit à l’elfe en hochant la tête, puis reprit sa besogne avec ardeur. Le Gras pénétra dans son office et passa rapidement, bien que le terme est relatif, au fond de la pièce et s’assit dans son fauteuil en cuir foncé alors qu’il commencait son éloquente élocution.

Je vous en prie installez vous, mon bon Elsorel. Vous permettez que je vous appelle Elsorel ?

La question était rhétorique, comme à l’accoutumée, mais il prit un temps pour observer le dénommé Elsorel. Il était plus qu’étrange et la froideur de ses paroles et de ses traits n’inspiraient que peu de confiance à Sa Grasseté. Discours séducteur, sauveur providentiel … Il l’avait déjà fait ce coup là ! On apprend pas au vieux bouc à brouter l’herbe verte, comme on disait dans les campagnes odéliannes. Il ouvrit le tirroir d’un secrétaire et en extirpa une carte qu’il déroula en poursuivant.

Nous voilà, mieux installés mon bon ! Alors dites moi tout. Ces Chaotiques ! Où les avez-vous vus ?

Il tendit la carte à son invité en souriant comme un benêt. Oh, il se méfiait, il analysait, il cherchait à comprendre le mystérieux voyageur aux oreilles pointues. Quoi de mieux que de faire le tendre idiot ? Les hommes intelligents peuvent jouer les abrutis, l’inverse est impossible … Ce qui n’empêche pas certains d’essayer, nous sommes d’accord …

La réponse de Gaucelm fit sourire Elverion d'un air carnassier. Cet homme devenait de plus en plus intriguant. Aucun frisson, aucun rictus. Le Chevalier du Chaos avait tout de même énoncé une plaisanterie à ne pas faire. Une plaisanterie qui aurait pu le conduire immédiatement à la potence. Il rit même à sa propre réponse... Cela ne sous entendait-il pas quelque chose ? Elverion l'avait compris, un réel choix se présentait à lui. Un pas en arrière était le symbole d'un retour sûr et certain à Oësgard auprès des siens alors qu'un pas en avant pouvait le conduire en enfer. Le Chaotique entra finalement dans le domaine du Comte d'Odélian. La première chose qu'il nota, ce fut la présence de Fulbert non loin du lieu où discuteraient les deux aristocrates. Gaucelm était vraiment un homme très prudent même lorsqu'il avait l'air d'être un bel imbécile heureux.

Elverion me convient mieux, Comte d'Odélian. Elsorel Athaar, Comte de Linaëh n'était qu'une certitude de me retrouver face à face avec vous dans ce lieu isolé.

Elverion attrapa délicatement la carte tendue par le Comte d'Odélian et la déplia avec tout autant de douceur qu'à la saisie. Machinalement, il la posa sur le bureau et pointa Serramire du bout de son index droit.

J'ose imaginer que votre Grandeur sait déjà que le Chaos s'en est pris à Serramire, n'est-ce pas ?

Ensuite, le Chaotique pointa du même doigt le Manoir d'Odélian.

J'ignore où se trouve votre Bureau exactement sur ce petit symbole représentant Odélian, mais... Un Chaotique se trouve ici. Je n'ai qu'une seule question à vous poser. Une seule.

D'un geste gracieux, le Sylvain approcha toujours ce même doigt vers sa bouche et planta l'une de ses canines dedans, laissant perler un peu de sang. Juste en dessous d'Odélian, Elverion passa son doigt à plusieurs reprises et le tout prit la forme d'un message.


Elverion retira son index droit et plongea ses yeux ténébreux dans celui du Gras. Un regard intense qui en disait beaucoup sur sa folie et l'intérêt qu'il portait à cet homme. La phase de séduction était en cours.

Elverion me convient mieux, Comte d'Odélian. Elsorel Athaar, Comte de Linaëh n'était qu'une certitude de me retrouver face à face avec vous dans ce lieu isolé.

Non mais ! Qu’est-ce que c’est que cette cambafouillade ?! L’appel à la garde brula les lèvres du Gras, mais l’attitude plutôt confidentielle de l’elfe titillait sa curiosité qui n’allait pas tarder à être comblé.

J'ose imaginer que votre Grandeur sait déjà que le Chaos s'en est pris à Serramire, n'est-ce pas ?

Bien entendu ! Tristes nouvelles de nos voisins.

Il avait préféré répondre du tac au tac, prenant un air intéressé et presque accablé par le poids des nouvelles. Il observa le doigt de l’elfe glisser sur le parchemin. Elverion, puisqu’il avait prétendu s’appeler ainsi, s’arrêta sur Odélian et il ajouta.

J'ignore où se trouve votre Bureau exactement sur ce petit symbole représentant Odélian, mais... Un Chaotique se trouve ici. Je n'ai qu'une seule question à vous poser. Une seule.

Qu’est-ce que … Quoi ?!! Soit c’était une vaste plaisanterie, soit ce gueux était d’une arrogance rare. Un Chaotique ! Les picotements de la peur saisirent ses entrailles, mais il parvint à dissimuler son malaise derrière un sourire légèrement crispé. Il réfléchissait à toute allure, et du coin de l’œil, il vit Fulbert, qui avait relevé le nez de son fatras , visiblement intéressé au plus haut point. L’elfe sortit le Gras de ses pensées en tendant la carte vers lui. Du sang ?

... L'Immortalité intéresse-t-elle le Seigneur d'Odélian ? ...

Montjoie ! Mais quelle impertinence, quelle audace … Quelle folie ! Le regard déterminé d’Elverion trahissait la véracité de ses propos et de ses propositions. La vie éternelle ! La vie éternelle ! Qui n’en as jamais rêvé ? Un règne immortel serait si doux, mais illusoire. Même avec la magie, on ne pouvait pas devenir immortel. Le discours était séducteur, il faut l’avouer. Mais Gaucelm avait déjà du mal, à rendre grâce aux Cinq, alors à un Dieu Unique, certainement pas. Pourtant, le potentiel qu’avait l’elfe était plus qu’important. Il l’observa silencieusement, mesurant les mots qu’il allait prononcer. Il valait mieux feindre l’intérêt pendant qu’il cherchait une solution à cette épine aux oreilles pointues et corrompues qui s’était planté dans son pied.

Eh bien, mon bon, on peut dire que vous ne mâchez pas vos mots ! Votre franchise est stupéfiante ! J’ai une question si vous le permettez … Pourquoi moi ? Alors que vos semblables semblent si belliqueux avec mes voisins du nord ?

Il se saisit alors d’une petite cloche en argent qu’il agita avec ampleur. Il ajouta alors, prenant un ton assuré et presque jovial.

Désirez vous boire quelque chose Messire Elverion ? Prenons le temps de discuter un peu.

Aucun détail, ou presque, n'échappait au Chevalier du Chaos. Que voulait dire le sourire crispé du Gras d'Odélian ? C'était quelque chose qui se lisait également dans les yeux. Un semblant de peur. Après tout, c'était tout à fait normal. Comment réagir autrement que par un semblant de peur lorsque le Comte Sylvain se déclare fièrement être un Chaotique ? Lui-même n'avait aucune réponse à donner. Gaucelm montrait qu'il était Humain, ni plus ni moins un Humain. La question que venait de lui poser Gaucelm ne le surprit guère. En réalité, c'était comme s'il s'était préparé il y a une longue éternité à lui répondre. Pourquoi lui et pas un autre ? Parce qu'il était un homme intéressé par le pouvoir et la gloire, imbécile heureux qu'il était ! Enfin, c'était tout ce qu'un être comme Elverion était capable de voir. En fait, il ne connaissait pas grand chose de l'Humanité. Il avait perdu la sienne il y a si longtemps... Et tous savent que Humains et Sylvains diffèrent énormément. Pour lui, l'être en face de lui n'était qu'un homme égoïste désireux de pouvoir. Et le pouvoir, lui-même était bien placé pour le savoir, rendait fou.

... Parce que vous vous appliquez à faire rayonner votre peuple comme un digne conquérant. Et cette vision des choses est mon propre objectif. Je n'appartiens pas à Abyssea. J'ai d'ailleurs partiellement détruite cette dernière. Je suis un Chaotique libre, quelque chose qui n'a rien à voir avec la Destruction. Je suis Créateur.

Que d'aveux, que de vérités... et de mensonges ! Certes, à ses yeux le Gras était un homme qui monterait sans hésiter son propre Empire si on lui en donnait les moyens. Après tout, n'avait-il pas profité de la Guerre Civile pour s'emparer de la Province d'Etherna ? C'était pour lui par envie de pouvoir et de prestance qu'il avait agi ainsi. A aucun moment Elverion n'aurait soupçonné le fait que Gaucelm puisse le faire également pour la joie de son peuple. En cela, Elverion était un véritable imbécile et cette arrogance allait peut-être le perdre dans les prochaines lignes de l'histoire à écrire. Aussi, la déchéance d'Abyssea était une triste réalité. Et quel enfoiré, alors que l'on savait les Enfants du Chaos comme des êtres fraternels, se vanterait-il d'un tel acte envers sa propre bâtisse ? Destruction, Création... Cela ne dépendait plus que des connaissances du Gras. Certes, partout où l'on entendait Chaos, la Destruction s'y rapportait. Alors que venait faire cette notion de Création ? De l'absurde, même pour la plupart des Chaotiques. Pourtant, c'était un principe en lequel le Chaotique croyait. Se pouvait-il que le Chaos soit né en claquant des doigts ? Non, toute chose se créé.

Mon appartenance au Chaos ne veut pas dire appartenance à Abyssea, Sieur d'Odélian. Le Chaos est avant tout une croyance, et non une famille. En le Chaos, j'y aperçois la Création. Avant de détruire, il faut forcément créer ce qu'il y a à détruire. Et par ce pouvoir, je compte bien chambouler de nombreuses lois. Dont une fondamentale : Celle que l'Immortalité n'existerait pas. Peut-on créer quelque chose à partir d'un rien, mon Seigneur ? Mes expériences m'ont appris que cela est possible.

A ses yeux, le principe de Cristallisation du Chaos était le meilleur exemple. De sa propre volonté, Elverion s'était donné la capacité de créer des cristaux aux propriétés et utilités nombreuses. Pour le croire, il faudrait bien évidemment le voir, il le concevait tout à fait. Pourtant, d'un rien, il devenait Créateur. C'était un bien piètre exemple, probablement, mais c'est en partant de petites recherches, parfois ridicules, que l'on arrive à de grandes choses et des constants importants et imposants.

Le sang est le reflet de notre âme, tel un miroir qui mène vers notre essence même qui fait que nous sommes vivants. Sans ce dernier qui circule dans nos veines, nous ne vivons pas. Peu importe qui et ce que nous sommes. Dans ce cas, je suppose, et je crois, surtout ! Que si l'on provoque des bains de sangs et que l'on dévore des âmes... Il serait alors possible de prolonger sa vie jusqu'à atteindre l'Immortalité. Avec la Magie du Chaos, je suis certain d'y arriver. Néanmoins, provoquer des bains de sangs, seul... Ce n'est pas évident.

Quel doux, beau et merveilleux mensonge. Cette façon de le dire ferait croire à quiconque qu'il croyait dur comme fer en ce qu'il disait. Pourtant, derrière toutes ces histoires de bains de sangs se cachait bel et bien un véritable objectif. Le sacrifice d'âmes par milliers au Dieu Chaos et un pas de plus vers l'immortalité. En effet, l'un des objectifs d'Elverion était de devenir un être si Chaotique à la Perfection même que son corps deviendrait un Réceptacle pour accueillir le Dieu Chaos lui-même. Alors, comme il le suggérait à Gaucelm d'Odélian, il deviendrait Immortel. Mais cela, sa Grasseté n'avait nullement besoin de le savoir.

Aidez-moi à accéder à des informations délicates et intéressantes et je pourrais vous aider à vous débarrasser de rivaux... Ou alors de choses qui troubleraient la Paix d'Odélian. Bien entendu, je ne suis point idiot. Vous pouvez me capturer et me faire exécuter pour pareille... Hérésie serait le terme, je présume ? Mais d'autres suivent ce même idéal et parmi le flot d'âmes qui régit ce Monde... Je suis bien ridicule. Vous comprenez ?

Cartes sur table, le jeu du Chaotique était dévoilé. Un appui de la part du Comte d'Odélian et Elverion jurait que son petit jardin d'éden ne serait jamais menacé par le danger que représente le Chaos. En fait, Gaucelm pouvait bien le capturer, maintenant. Dehors, l'Inquisitrice de Tari, Aelhën Gusaria attendait d'un pied ferme le retour du Chevalier du Chaos. Pour le Temple de Tari, Elverion semblait devenir une pièce inestimable. Après tout, de sa simple volonté, si ce qu'il avait dit était vrai... Elverion avait le pouvoir de mener le Temple de Tari jusqu'à Zelvajra, loi d'Abyssea, remplaçant d'Arashkam, fils du Chaos. Et c'est sans nul doute ce qu'il comptait faire. L'existence des Enfants du Chaos ne le dérangeait guère. De son côté ou non, ce qui restait d'Abyssea participait à la récolte des âmes pour le Chaos dont Elverion avait besoin pour réaliser ses objectifs. Pourtant, Zelvajra était une cible prioritaire à abattre... Parce que comme lui, il avait saisit ce qu'était être un Enfant du Chaos. Tuer, tuer, tuer jusqu'à être le dernier et se donner la mort ensuite, telle est la Quête du Chaos. De ce raisonnement, Zelvajra était en réalité son plus grand rival. Elverion ne saurait tolérer que Zelvajra puisse lui voler la vedette, tout simplement. Pour cela, la Loi devait rejoindre le Dieu Chaos avant les autres.

Oh le cuistre ! L’outrecuident ! Il ignorait cordialement l’invitation du Gras, et l’elfe se lança dans une explication aussi longue qu’intéressante. Enfin, inintéressante, juste parce qu’il n’avait pas prêté attention au comte. C’était bien le premier à ne pas tenir compte d’une de ses gentilles attentions, pourtant le Chaotique répondait tout de même à la première question du Gras. Pourquoi lui ? Ruminant sa légère rancouer, il écouta d’une oreille à demi-attentive les paroles de l’elfe.

... Parce que vous vous appliquez à faire rayonner votre peuple comme un digne conquérant. Et cette vision des choses est mon propre objectif. Je n'appartiens pas à Abyssea. J'ai d'ailleurs partiellement détruite cette dernière. Je suis un Chaotique libre, quelque chose qui n'a rien à voir avec la Destruction. Je suis Créateur.

Eh beh ! Il aimait le revendiquer son Dieu Unique ! Un Créateur ! Un Chaotique Libre ! … Non mais, pour qui le prenait-il ? Il s’était nommé lui-même le Chevalier de la Justice ! Les surnoms pompeux, il connaissait ! Surtout quand ces derniers allaient à l’encontre totale du comportement du porteur. Un Chaotique qui créait ? Son attention se précisa alors que la voix d’Elverion continuait de résonner entre les murs du bureau.

Mon appartenance au Chaos ne veut pas dire appartenance à Abyssea, Sieur d'Odélian. Le Chaos est avant tout une croyance, et non une famille. En le Chaos, j'y aperçois la Création. Avant de détruire, il faut forcément créer ce qu'il y a à détruire. Et par ce pouvoir, je compte bien chambouler de nombreuses lois. Dont une fondamentale : Celle que l'Immortalité n'existerait pas. Peut-on créer quelque chose à partir d'un rien, mon Seigneur ? Mes expériences m'ont appris que cela est possible.

Il parlait bien, il fallait l’admettre. Et oui ! On peut créer à partir de rien, Gaucelm en était l’incarnation même. De l’humble gros nobliaud de seconde zone, il était devenu le glorieux Gras, Seigneur d’Odélian et d’Etherna. A qui il pensait apprendre que de la boue peut émerger un diamant. A qui ?! Soudain, une idée jaillit dans l’esprit de Sa Grasseté. Cet elfe trop arrogant allait être utile. Il allait faire un bel atout. Le Gras sourit en écoutant la suite du discours du chaotique, mais ce sourire caché en réalité, une ambition retrouvée.

Aidez-moi à accéder à des informations délicates et intéressantes et je pourrais vous aider à vous débarrasser de rivaux... Ou alors de choses qui troubleraient la Paix d'Odélian. Bien entendu, je ne suis point idiot. Vous pouvez me capturer et me faire exécuter pour pareille... Hérésie serait le terme, je présume ? Mais d'autres suivent ce même idéal et parmi le flot d'âmes qui régit ce Monde... Je suis bien ridicule. Vous comprenez ?

Il plissa les yeux, laissant un bref silence s’installait puis il répondit calmement, toute trace de peur s’estompant sur son visage rondouillard.

Une hérésie, oui … Le terme me paraît adéquat. Fulbert ? Veuillez faire venir le service !

Il avait dit sa phrase en regardant Elverion mais il tourna la tête vers le clerc, qui leva sa plume sans un mot. Il se tourna vers le Gras, puis après avoir coubé la tête légèrement, il sortit rapidement. La porte claqua et le Gras parla sans détour et franchement.

Votre offre est intéressante, messire Elverion. L’affaire semble honnête … L’immortalité est un rêve que seul un fou ne fait pas. Si j’ai bien compris, vous souhaitez créer, selon vos termes, une union entre Odélian et vos semblables. Vous avez évoqué la gloire d’Odélian, de mon peuple … Je n’ai agi que dans l’intérêt du Roy. Etherna était félone et je l’ai remise dans le droit chemin.

C’est qu’il était convaincant quand même … Faut avouer. Une ombre dansa sous la porte, et le Gras se leva pour se diriger vers elle, tout en continuant son réquisitoire.

Je suis un honnête vassal de Sa Majesté Trystan et ma réputation ternie ne le sera plus très longtemps. A dire vrai, plus que la gloire de mon peuple, c’est la mienne qui prévaut.

Un sourire inonda son visage et il ouvrit la porte au service. Dix gardes d manoir se ruèrent sur l’elfe, brandissant épées et chaînes, alors que Gaucelm déclarait triomphant.

Messire Elverion ! Je vous arrête au nom de la Justice, de l’Ordre et du Roy !

Echec et mat, Monsieur de Linaëh !

Fulbert ? Hum, le Gras était gras. Allait-il commettre l'irrespect de déguster un porc bien fumé pendant ce qui était officiellement une rencontre diplomatique avec un Noble de l'Anaëh ? C'était tout à son honneur et en fait, Elverion n'en avait rien à faire. Le menteur aurait été hypocrite de se vexer alors que la comédie était si tôt levée.

Vous pouvez encore exaucer les souhaits du Roi en travaillant avec moi, Comte d'Odélian. Ensemble, nous pouvons créer un nouveau peuple et révolutionner Miradelphia pour nos intérêts communs, croyez-moi.

Pour la gloire du Roi... Le Comte d'Odélian espérait-il berné le Chevalier du Chaos ? Elverion ne connaissait pas encore le domaine, mais il devenait évident que Gaucelm comptait désormais l'utiliser à ses fins. Après tout, il venait lui déclarer d'être du côté du Roi. Soit, alors peut-être allait-il le livrer au Roi ? Finalement, Gaucelm d'Odélian venait de devenir un simple Sang Noble. S'il avait su, Ô ! S'il avait su... Le Gras se serait effondré sous les yeux écarquillés de Fulbert en poussant la porte de son bureau. En cela, et Gaucelm pouvait recevoir les applaudissements de sa grandiose personnalité en personne, il venait de vaincre le Chaotique. La porte s'ouvrit et laissa place aux silhouettes d'une dizaine d'hommes visiblement pas venus pour faire plaisir à Elverion.

... Décevant. Vraiment décevant... Gaucelm d'Odélian est d'une banalité à la hauteur de son égoïsme, finalement...

Se battre ? Elverion avait probablement les ressources nécessaire pour en envoyer quelques uns dans le décor mais ils étaient trop nombreux et la violence le conduirait immédiatement dans la mort. Gaucelm le voulait vivant pour un quelconque plan alors le plus logique était de se laisser capturer sans résister. Il s'épargnerait d'ailleurs bien des blessures inutiles. Ainsi, Elverion fut solidement attaché par la garde du Comte d'Odélian.

... Que la partie commence, Noble Sang.

Le regard du Chevalier du Chaos était devenu méprisant. C'était là le véritable visage d'Elverion. Du mépris pour ceux qui n'étaient pas des Chaotiques et de la haine pour les Nobles Sangs. Dans ces choses là, tout était sur front montant. Bien qu'il doutait, Gaucelm ne pouvait-il pas retrouver la raison ?

Echec et mat, Comte de Linaëh, certes ! Mais le Chevalier du Chaos était toujours debout, les idées claires et songeait déjà à la plus belle des vengeances. Après tout, ce n'était pas comme s'il s'inquiétait tant que cela. Dehors, sa sœur était là, à quelques kilomètres et guettait un retour qui ne se ferait pas. Eh oui, Gras d'Odélian... Ce que tu ignores et continueras d'ignorer... C'est que le Chaos est vraiment... partout. En marche, Lluvia !