Tirée de songes nocturnes. (Naïm)

Il en mis un temps. Tenait-il vraiment à se faire happer en beauté par les gardes ? Drôle de décision après la soirée qu’ils avaient passée à fuir ces stupidités gesticulantes. Théorie tombant à l’eau d’ailleurs puisque Naïm finit par descendre. Elle allait pour continuer dans la ruelle, mais il la plaqua malgré elle contre le mur de pierre froide, elle l’aurait bien violemment repoussé si elle n’avait pas vu plus haut la tête d’un humain se tendant pour voir s’il ne trouvait pas quelque chose. Eux par exemple. Mais il n’en fit rien. Aveugle.

J’les vois pas, ils viennent juste de filer, dépêchez-vous de sortir … Allez les chercher bon sang !

Ainsi ils avaient du contrôler l’auberge, ils n’avaient franchement rien de mieux à faire ? Les deux rôdeurs avaient peu de temps avant que les gardes se répartissent dans les passages environnants, il fallait se décider, et vite. Vous pouvez courir ? Elle ne s’était pas fait ça la nuit durant et, la veille, cela ne lui avait pas empêché de distancer bien facilement et les pourchassant et son compagnon du jour. C’est superficiel. Mensonge.
Rapidement emmenée sans un réel consentement, elle n’eurent pas fait quelques mètres que de nouvelles têtes se pointèrent au coin de la rue. C’était bien ça le désavantage d’avoir été dérangés trop tôt, les rues étaient désertes et silencieuses. Quoi que le bruit pour le cas des deux elfes n’étaient pas un problème, représentatifs de la discrétion parfaite, ou presque mais avec comme adversaire de vulgaires humains, c’était une affaire trop aisée que de leur échapper. Une maison ? Mais pourquoi diable les avaient-ils emmenés dans une maison ? C’était s’enfermer dans une cage, un véritable piège. La Sylvaine n’aimait pas être enfermée entre quatre murs de manières générales, mais là c’était un peu tard pour faire marche arrière. Lui se mettait à son aise, elle préférait arpenter les différents recoins de la pièce sombre.

Je crains que nous ne devions patienter un moment... Prudence, la maison est habitée.
C’est un défi personnel que de se lancer droit dans le piège comme une vulgaire souris foncerait sur quelques aliments appétissants ? Ils n’auraient jamais pu nous saisir sur les toits, pourquoi être entré ici ? Il n’y a plus qu’à attendre qu’ils viennent nous cueillir ou espérer qu’ils soient assez bêtes pour se contenter de regarder pas plus loin que le bout de leur nez. Certes, c’est une théorie bien probable je vous l’accorde.

Sa voix se teintait de représailles. Non elle n’aurait pas agi ainsi et oui elle se mordait les doigts d’avoir bêtement suivi l’elfe noir qui semblait se plaire enfermer chez une famille d’humains qui ne tarderait pas à s’éveiller et alerter la garde Serramirienne. Son anxiété de la veille due à ses multiples blessures, aussi anciennes soit-elles, ne s’était pas calmée et elle était purement incapable de « patienter ». Tout comme Naïm s’appropriait les lieux, elle partit en quête d’une fenêtre ou d’une porte de derrière qui lui permettrait de sortir de ce piège à rat, de revoir la lumière du jour et de s’échapper d’ici plutôt que d’attendre bêtement. La bâtisse était sur plusieurs étages comme la plupart des habitations ici, personne ne vivait en bas, tous devaient être à l’étage, et les habitants avec, sûrement. Une voix retentit, ils devaient se trouver tout juste devant la porte.

Rien par-là.
Ils ne sont pas sur les toits environnants non plus.
Ce sont des elfes, vous vous attendiez à quoi bande d’incapables ? Le plus imbécile des leurs serait cent fois plus intelligent que vous tous réunis ! Continuez à chercher et n’hésitez pas à fouiller les maisons proches, ils peuvent être n’importe où, à supposer qu’ils ne soient pas déjà loin hors de la ville.

Ils devaient y avoir une sacrée récompense à la clé s’ils s’attelaient tant à la tâche. Allaient-ils véritablement réveiller toute la ville juste pour trouver deux fuyants qui avaient eu des airs d’elfes ? Qu’ils s’amusent à ne serait-ce qu’espérer les attraper, ils ne feraient que rêver éveillés. Il y avait une fenêtre dans l’arrière pièce, mince, même très étroite, mais suffisamment grande pour faire passer quelqu’un. Elle repartit dans le salon et croisa les bras, l’air de rien.

Vous comptez les inviter prendre un verre pour parler potins inter-raciaux ou bien regagner l’extérieur vous intéresse ? Elle n’attendait même pas sa réponse, elle ne supportait déjà pas être enfermée de la sorte, il lui fallait simplement de l’air, même pour le court laps de temps qu’ils avaient passé à l’intérieur, c’était l’instant de trop. Elle réfléchit puis finalement repartit au salon. Il l’avait traînée jusqu’ici, elle le traînerait en dehors. Elle se posta devant lui. Tout compte fait, je ne vous laisse pas le choix. Elle l’attira à elle et l’entraîna dans l’unique pièce contenant cette possibilité d’échappatoire. Tout comme il l’avait fait quelques minutes plus tôt, l’elfe se pencha en une ébauche de révérence avec la grâce elfique dont elle était dotée. L’abandonner à l’intérieur, même s’il avait tenté de sortir par la suite n’était pas dans ses options du jour.

A supposer qu’ils aient posté des hommes sur les toits à l’aube, vu la construction de leurs bâtisses, les gaillards ne tiendraient pas en équilibre plus de trois secondes … Je ne te croyais pas capable de les penser aptes à viser non plus.

Blindés d’archers ? A cette heure-ci ? Même en journée, Serramire ne serait pas aussi protégée. Elle se demandait vraiment où avait-il pu les voir ses fameux archers. Les toits étaient sans risques pour eux et il se butait à penser le contraire tout comme elle restait convaincue que foncer tête baissée dans cette maison était une erreur. Pour un peu il y serait resté dans ce foutu endroit, totalement dans son élément et à son aise, comme s’il avait été chez lui. D’un calme serein, il était l’opposé du feu follet qu’était la Sylvaine en cet instant. Non, elle ne tenait pas en place, blessure ou pas, ce facteur-là avait même tendance à augmenter l’agacement qui la rongeait de plus en plus. Enfermée, elle paniquait comme un oiseau cloîtré dans une cage.
Se glissant à son tour au travers de la fenêtre, elle n’eut que le temps d’entendre une foule entrer dans la demeure dans un boucan infernal.

Les gardes n'entreront pas, hein ? Non pas qu’il lui faisait peur, penser ça aurait été se foutre d’elle entièrement, mais passer un petit séjour prolongé chez les humains pour une simple histoire d’oreilles pointues l’énervait. Au fond, si elle était en fuite, c’était à cause de Naïm. Les Serramiriens ne recherchaient pas de Sylvains mais des Drow, les faits étaient là. A ce moment-là, elle se demandait même pourquoi elle le suivait. Elle aurait pu lui fausser compagnie à n’importe quel moment et lui lancer ces empotés d’humains aux trousses. Amusant. Mais elle haïssait trop les bouilles rondes qu’étaient les humains pour leur faire cette fleur, quoi que l’elfe noir leur aurait aisément échappé, la scène valait sans doute le coup d’œil d’un point de vue spectateur davantage qu’acteur.

Où comptes-tu aller après ça ?
Plus je m’éloigne des Humains, mieux je me porte. Peut-être irait-elle vers l’est, errer un peu, sans trop s’approcher du Puy d’Elda, ou bien retourner vers l’Anaëh pour revoir quelques elfes, changer un peu d’air en somme. Tu comptes encore terroriser quelques petits bonhommes avides de récompense pour une paire d’oreilles pointues ?

Ils s’approchaient des limites de la ville et leurs chemins se sépareraient alors, en de bons ou en de mauvais termes. Chose qui arriva plus vite que ne l’avait sûrement prévu l’elfe noir qui menait la course, des bruits de ferraille –une armure qui claquait, comme discrétion, on avait vu mieux- retentirent encore. C’est qu’ils y tenaient à leurs elfes ces éphémères personnages ! Que ce soit un autre groupe ou le même, le résultat était similaire, ils n’étaient pas bien loin et finiraient par leur tomber dessus. La Sylvaine s’arrêta de suivre le Drow qui filait devant, préférant gagner de la hauteur comme elle avait voulu le faire à la base. Choisissant sa cible, elle allait s’y percher de telle sorte que la vue panoramique que lui offrait ce promontoire soit parfaite. Non, elle n’avait aucunement décidé de surprendre ces messieurs par quelques dissimulations que ce soit mais elle se délectait d’avance de voir comment agirait Naïm, que ce soit pour rire des uns ou pour sourire de l’attitude de l’autre. Il n’aimerait pas et lui ferait sans doute payer, rien n’avait motivé son geste sinon la curiosité et sa potentielle distraction matinale.

Bonne chance mon cher Naïm. Lilthag gwahaïn enni. Pour un peu, elle lui aurait presque mimé un au revoir feignant une tristesse de séparation, mais elle ne se le permettait pas. Elle allait maintenant pouvoir profiter de la confrontation entre Naïm et ces gardes, qu’il converse donc et étende son savoir avec cette … sous race, le dialogue promettait d’être intéressant. Il s’en sortirait de toutes façons mais elle ne jurait pas sur son retour vers elle après sa fuite – ou son carnage -, dommage, il était plaisant de converser avec lui.

Confrontation. Ce n’était pas une technique de combat très fine mais elle avait ses qualités. Des teintes rouges nappèrent rapidement le sol et elle ne pu s’empêcher de froncer les sourcils. Certes les gardes lui voulait le plus grand mal, du moins, sa capture et elle doutait fort que celui qui avait ordonné ces arrestations le veuille sans vie. Vie qu’il leur ôtait sans aucun scrupule. Assassin. Elle n’allait néanmoins pas l’arrêter. Défi offert, elle se devait de le laisser poursuivre et terminer ce qu’il avait entrepris presque à regret. Enfin terminer … Un autre protagoniste s’en chargea, lui. N’ayant le temps de voir s’un trait, rien n’éviterait que la flèche atteigne sa cible : Naïm. Le temps se suspendit. Le silence se mit à régner en maître, plus rien ne bougeait, les trois gardes restants étaient bloqués dans leur mouvement, l’elfe noir restait immobile regardant ses adversaires. Quand à celui qui était à l’origine de ce temps de silence, il avait le sourire aux lèvres et n’abaissait pas encore son arc. Il n’avait vu que sa proie, mais l’ombre furtive qui s’avançait vers lui semblait totalement absente de son champ de vision, trop fier d’avoir blessé l’un de ses ennemis jurés. Un coup dans les jambes et un au creux du ventre, il n’avait certainement pas du les voir arriver ces deux-là. Les archers n’étaient pas vraiment conçus pour le corps à corps, dommage cher ami. Le froid d’une lame contre sa gorge.

Tu poses ton arme et tu déguerpis tout de suite, à moins que tu ne veuilles rejoindre ton camarade qui souille de plus en plus les rues de cette pauvre cité peut être ? Il ne voyait pas son agresseur, mais le ton de voix était difficilement trompeur. Range ton joujou tu risques de te blesser gamine … Elle n’avait pas de temps à perdre avec cet énergumène. Sa lame commença à entailler tout doucement la chair du pauvre garde trop confiant en sa personne. Tu fiches le camp, tout de suite, stupide Humain ! Elle le lâcha et le balança vers le mur d’une cheminée lui arrachant ce qui pourrait bientôt se révéler l’arme d’un crime au bon vouloir de leur supérieur. Il n’avait pas peur et riait bêtement, désarmé. Elle ne le tuerait pas mais rien que sa voix l’exaspérait. L’assommer un bon coup et l’envoyer bouler dans le jardin voisin devrait suffire pour qu’elle aide Naïm à s’extirper de ce foutu piège dans lequel elle l’avait envoyé.
Il en restait trois. Elle ne pouvait pas faire fuir l’elfe avec elle, aussi patauds qu’ils puissent être ces bêtes-là. Trop attirés par leur récompense, qui se tenait tant bien que mal debout devant eux, ils n’avaient du strictement rien voir à ce qu’il se passait pas bien loin d’eux. Jayla n’avait encore strictement aucune idée de la façon dont elle les éloignerait assez pour leur laisser de l’air, aussi facile que fut le premier à mettre au sol, cela n’avait été que torture pour sa jambe. Improvisation totale, elle venait de derrière les trois silhouette qui se précipitaient sur le mourrant tels trois corbeaux sur une charogne. Attrapant deux têtes, elle les cogna entre elle étourdissant ainsi les deux drôles d’oiseaux qui n’y voyait plus clair et qui tombèrent à la renverse comme deux ivrognes, glissant eux aussi du tout par la même occasion, totalement incapables de se rattraper dans leur état. Chance, ils atterrirent sur des monceaux de paille proche du cadavre de leur ami qui n’avait pas eu vraiment beaucoup de chance si l’on faisait la comparaison. Le dernier était tout freluquet et faisait vraiment peine à avoir, tremblotant comme une feuille morte, c’était à peine s’il était en équilibre sur le toit et ne pouvait que se tenir lui même sous peine de tomber. Ce qu’il fit. Pauvre garçon, il rejoignit ses compagnons dans leur infortune.
Le temps pressait, c’est que ces machins, c’était assez hargneux et ça n’hésitait pas à revenir pour embêter ce qu’ils convoitaient comme un trésor. Accordant un rapide coup d’œil à cette flèche suintante d’un liquide carmin, la Sylvaine se rapprocha rapidement de Naïm et le soutint par l’épaule pour éviter qu’il ne tombe. Il y avait plus léger comme gaillard, franchement. Encore heureux qu’il ne soit pas inconscient, peut être l’aurait-elle laissé là d’ailleurs, si ça avait été le cas. Elle cassa l bout de la tige fichée dans l’abdomen de l’elfe avant le soutenir de telles sortes qu’ils puissent au moins marcher.

Mets-y du tient ou je te laisse mourir là, bouffé par le soleil et par la hargne des boîtes ferraillées qui vont pas tarder à remonter sur ce perchoir ! Il fallait bien le bouger un peu, plaie récente, il devrait pouvoir se mouvoir un minimum avant de s’écrouler comme un animal mort.
Ils progressaient lentement, mais, à aucun moment, les gardes ne revinrent pas. Ils ne les avaient pas lâchés, ce n’était pas possible. Quoique … Ils devaient sans doute pleurer leur confrère qui n’avait pas fait long feu face à l’elfe noir.
Ils continuèrent jusqu’au mur d’enceinte. Trop haut. Beaucoup trop haut, autant pour lui que pour elle. Ils rebroussèrent chemin et tentèrent de trouver un carré enfermé de toute vue, un endroit où ils étaient au moins sûrs de ne pas être trouvés.
Elle le posa à terre et s’agenouilla à ses côtés. Elle réfléchissait. Jamais elle n’avait eu à soigner quelqu’un d’autre qu’Edeth, elle était donc très loin d’être une soigneuse modèle et elle doutait fort de la volonté d’une potentielle bonne âme qui voudrait s’occuper d’un Drow.

Tu ne cris pas, tu ne gesticules pas et inutile de te défiler, tu n’as pas le choix. Il fallait la retirer cette flèche et le plus tôt serait le mieux. Elle arracha rapidement la chemise du blessé pour mettre à nu la blessure, il n’allait pas faire de manière pour la découverte de sa peau sombre tout de même ! Elle ne ferait pas dans le tendre, ses doigts s’étaient déjà teintés du rouge du sans du Sombre et plus ce moment serait écourté, mieux elle se sentirait. Par « chance », l’arme ne s’était pas trop enfoncée dans le corps de Naïm et avait sans doute heurté un os sans vraiment mettre en danger sa vie. La main gelée de la jeune femme accentuait un peu plus le malaise qu’il devait endurer et n’endurera plus pour longtemps. Un sourire se dessina néanmoins sur ses lèvres, assez paradoxale si l’on en jugeait la situation.

La flèche d’un Humain. Tu as été touché par la flèche d’un pauvre petit être éphémère et aussi habile qu’un enfant. Cela te suivra bien longtemps. Note de plaisanterie dans un cadre sombre, détourner son attention lui semblait un peu nécessaire.

Tais-toi ! Maudite sois-tu, Yibin ! Rien que cette petite note d’agressivité fit envoler la moindre délicatesse que la bonne âme voulait y mettre pour finalement le ménager un peu. Elle retira l’arme rapidement et cela sans se soucier de si elle lui faisait mal ou non. S’il criait de douleur, elle le ferait taire, à sa manière, il ne manquait plus qu’il fasse rappliquer les quatre bonshommes de tout à l’heure tient ! Je te hais.
Ce que j’aime chez toi, c’est ton humour absolument sans limite. C’était traître de sa part de jouer de la situation actuelle, mais le drame qu’il en faisait la faisait doucereusement rire.

Que de gratitude ! Cependant ça ne l’étonnait pas. Il avait trop de fierté pour se sortir d’une situation avec le soutien de quelqu’un d’autre que sa propre personne blessée dans son amour-propre. Il était homme et Drow, elle était femme et Sylvaine, en plus d’avoir été touché par cet insecte, pouvait-il tomber plus bas ? Si c’était comme cela qu’il réagissait dans sa tête, elle en fut bien déçue. Se heurter à pareilles futilités était complètement stupide.

Un enfant, tu réagis comme un enfant. Hîn. Il voulait plus d’air peut-être ? En réponse à ses pics de langue, lui qui n’était qu’à moitié allongé et redressé à la fois, elle se contenta de le repousser à terre le négligeant comme s’il avait été un cadavre. Elle pensait réellement qu’il avait surmonté le stade du « Je suis un elfe noir et je préfère mourir plutôt que d’être sauvé par un elfe Sylvain », c’était une attitude profondément ridicule en somme. Ravale ta fierté au moins l’espace d’un jour, je peux toujours te replanter cette flèche et te jeter dans la fosse aux gardes pour que tu tente de t’en sortir seul, je ne donne pas cher pour ta liberté cette fois-ci.

Indirectement, elle était la cause de cette blessure et même si son sale caractère de Sombre inébranlable ne devrait pas la faire culpabiliser, elle se sentait un peu obligée de rester là même si lui aurait voulu qu’elle soit à l’autre bout du monde plutôt que là, à s’occuper de lui.
Elle alla s’installer à l’ombre d’un des quatre murs qui les entouraient tandis que monsieur mauvais caractère pouvait avidement profiter des premiers rayons forts du soleil qui s’élevait peu à peu dans le ciel. Tableau étrange, l’elfe noir baigné de lumière en face d’une Sylvaine plongée dans l’obscurité. Elle se demandait comment se serait passer les choses si la situation avait été inversée. L’aurait-il lâchée là-haut pour mieux s’enfuir ? S’ils en avaient été arrivés en ce même moment, sûrement aurait-elle été si désagréable, mais, il n’en avait pas été ainsi et pour l’heure, elle envisageait sérieusement de le laisser ici, encore à l’intérieur de Serramire, à moitié mourrant – quoi qu’il en faisait bien des tonnes pour la partialité de sa blessure – et incapable d’escalader un mur, ne pouvant que grogner et clopiner entre ces quatre murs d’un cour qui avait l’air abandonnée.

Sortant une outre de son sac, elle versa un peu de son contenu sur ses mains maculées de sang avant qu’il ne sèche et en bu une gorgée au passage. Elle se releva alors puis s’approcha du Sombre, lui tendant l’eau qu’il dénigrerait sûrement. Elle repartit de son côté, s’adossant à un mur opposé, elle s’y laissa glisser lentement jusqu’au sol, il était temps de constater les dégâts qu’avait encore subi sa jambe. Relevant un pan de vêtement, elle n’eut pas besoin de grand chose pour tomber sur la blessure serpentant le long de sa jambe. Défaisant alors, non sans douleur, le bandage de fortune qu’elle avait rapidement fait la veille, il s’était déjà teinté d’un rouge sang sur une grande surface. La plaie s’était partiellement rouverte ce qui l’embêtait sérieusement. Elle repassa les bandes de tissus souillés autour de sa jambe les serrant assez fort pour que la douleur la fasse trembler. Après un soupir, elle se releva à nouveau, reprise par un excès de fureur qui ne la faisait plus tenir en place. Elle vint néanmoins, rien que pour l’agacer, se poster non loin du Sombre. Colère canalisée un minimum, elle voulait néanmoins s’échapper d’ici.

Des voix hurlaient au loin, elle n’arrivait pas à bien les identifier pour savoir réellement ce qui se disait mais tout était fait d’agitation et finirait par réveiller tout le quartier. Ils ne les trouveraient pas ici de toute façon, le sang de l’elfe ne s’était pas écoulé lorsque la flèche était fichée en lui, et leurs traces avaient été ainsi dissimulées.

Des remerciements ? C’était pas trop tôt. Quoi que peut être, justement si, trop tôt ça l’était. Ce n’était pas comme si trente secondes plus tôt il était à la limite de lui cracher dessus mais presque. Sa voix était clairement apaisée et elle dû croiser son regard pour connaître le fin fond de sa pensée. Un sourire passa en coup de vent sur les lèvres de la Sylvaine avant de s’en aller aussi vite qu’il était venu. Toujours assise par terre, elle sortit une de ses dagues et mit à s’amuser avec, testant sa dextérité juste pour passer le temps qui n’était bon, dans leur cas, qu’à être tué.
Chose inespérée, le Sombre finit par se relever. La blessure était certes très superficielle mais elle avait imaginé qu’il jouerait un peu plus longtemps la comédie de la mort quasi proche et inévitable. Soit, ça leur éviterait de rester des heures encore cloîtrés entre ces quatre murs que l’ombre finirait par fuir. Rester en plein soleil à cuir toute la journée, trop peu pour elle.

Je ... Ecoute ... Je suis désolé. La situation est difficile pour moi, certes mais je dois avouer que le plus dur aurait été de mourir comme un chien ici ... Elle réprima un ricanement.
Mourir ? Tu dramatises. Tu l’as peut être sentie en toi cette flèche mais, si je ne me trompe pas, c’est moi l’ait retirée et je peux te dire qu’elle était très loin de mettre ta vie en danger. Ah bah la voilà la promesse de mort. Tous plus douillets les uns que les autres. A moins que tu ne parles d’une mort plus … spirituelle.

Oui, elle se moquait. Elle avait de quoi et, après avoir gagné si difficilement le brin de remerciement qu’il lui offrit quelques secondes auparavant, elle ne semblait pas décidée à en gagner d’autre, faire bonne figure toute la durée de leur entrevue alors qu’elle mourrait d’envie de le faire tourner en bourrique. Rengainant sa dague, elle finit par se redresser elle aussi subissant malgré tout un léger vertige bien qu’elle pris soin de ne pas trop se brusquer. Son sourire était revenu sur ses lèvres bien plus prononcé que l’ébauche qu’il y avait pu en avoir précédemment, la jeune femme se rapprocha de Naïm. Il n’allait pas apprécier ce qui suivrait, pour sûr, elle s’attendait même à l’entendre crier de douleur et qu’il l’envoie valser, qu’il essaye ! La plaie n’était pas béante et le fait que sa peau soit sombre cachait le plus horrible. Elle s’appuya d’une main sur le mur derrière lui et vint placer l’autre en plein sur la blessure non sans lésiner sur la force d’appui qu’elle y mettait. Ah ça, elle allait lui faire mal. Elle releva la tête, son regard en plein dans celui de ce pauvre elfe qui semblait souffrir le martyr.

Là tu vois, si jamais cette arme avait mis en péril tes jours, tu te tordrais par terre comme un lombric, que tes nerfs soient d’acier ou non.

S’il ripostait, elle était prête à filer entre de potentiels coups qu’il pourrait lui asséner, après tout, ce n’était pas elle qui se contenait pour ne pas céder sur ses jambes. Elle s’écarta de lui retirant pour son bon plaisir sa main de la plaie, main de porcelaine redevenue écarlate, elle se retourna pour aller chercher l’outre et en vider une partie de ce qu’il restait d’eau à l’intérieur dans ses mains pour faire partir cette couleur qui semblait s’attacher réellement à elle ces derniers temps. Elle finit par s’en passer un peu sur la nuque avant de repartir à l’opposée du Sombre. Finissant par se caler, de manières très peu confortables mais qui lui suffiraient, dans un coin, elle remit sa cape sur ses épaules et enfouit son visage dans la capuche, fermant les yeux et appréciant avec bonheur ce retour à l’obscurité.
Elle aurait pu partir puisqu’elle n’était plus vraiment enchainée à Naïm au fond – à l’inverse, lui avait besoin de son aide pour sortir de cet endroit. D’ailleurs, c’était une chose qu’elle voudrait bien voir. Les murs n’étaient pas haut pour un elfe comme lui en parfaite santé, mais avec son fardeau, tout devenait une affaire titanesque ou du moins - bien qu’elle descende la blessure de ce cher drow à l’état de petit égratignure, elle la considérait bien comme une chose très handicapante au fond – cela en aurait été le cas pour elle.
Donc, pour résumer, elle se bloquait presque volontairement avec lui dans cette enceinte ridicule pour encore peut être une petite heure, le temps qu’elle estimera bon pour qu’elle se repose un peu. Tant qu’il ne lui demanderait pas, elle ne l’aiderait pas du moins, pas avant qu’elle ait fini ce qu’elle prévoyait de faire. Ensuite, elle aviserait, elle le forcerait à monter sur le toit avant que leurs chemins se séparent finalement, ou non. Tout dépendrait de leurs humeurs respectives.

Elle garda en mémoire ce qu’il avait bien pu lui dire avant qu’elle ne ferme l’œil. La once de sympathie s’en était allée et elle le préférait presque ainsi finalement. Elle aurait pu répliquer du tac au tac mais ça n’en valait pas la peine, qu’il se borne à penser quoi que ce soit d’elle, il ignorait tout de sa personne, elle finirait par lui rabattre sérieusement le clapet avec ça. Le sommeil la frappa, pas bien réparateur – quoique, étant une elfe, dormir huit heures par jour n’était pas une nécessité pour pouvoir aligner un pied devant l’autre – puisqu’elle était capable de se réveiller au moindre bruit, on ne dort jamais sur ses deux oreilles quand on est un tant soit peu censé. C’était peu mais assez pour lui avoir coller des images dans la tête, elle aurait pu parier sur leur nature et elle aurait encore gagné. C’était toujours la même chose qui la hantait depuis des années lui capturant la moindre de ses minutes de sommeil. Et comme à chaque fois, son réveil lui arracha quelques larmes, sa vue se brouilla. Larmes que personne n’avait vues et certainement pas Naïm. Tient d’ailleurs, il était où celui-là ? Elle se redressa lentement, s’étirant avant de scruter encore une fois l’endroit. Pas très facile de se cacher là dedans, il devait y avoir un baril, un vieux sac ayant contenu sûrement de la graine ou quelque chose du genre, le tout entouré par quatre murs. Elle leva les yeux, aussi improbable que cela puisse paraître, elle vint à croiser la silhouette du Sombre.

Ben voyons. Si son mal était aussi grand qu’il le prétendait, il n’aurait jamais pu grimper là-haut. C’était impossible.

Elle fronça les sourcils avant de se lever non sans peine, ses muscles étaient engourdis et la mauvaise position adoptée lui bloquait certain mouvement. C’était pas plus mal que Naïm ait réussi à grimper seul, elle se voyait mal l’y aider et se le traîner comme s’il avait été le cadavre dont elle semblait s’occuper plus tôt. Ramassant son sac sur une épaule, elle entreprit de directement grimper sur les toits elle aussi, rien que de rester quelques minutes de plus enfermée la rendrait plus dingue que ce qu’elle n’était déjà. Deux appuis et une traction suffisaient amplement, voulant ménager sa jambe meurtrie, tout porter sur ses bras était ce qu’elle avait trouvé de mieux, quoi que la douleur était toujours là bien qu’elle finisse par en faire totalement abstraction tant elle était permanente. Ah, l’air frais ! Elle l’accueillait presque à bras ouvert tant finalement l’atmosphère « d’en bas » devenait suffocante.

Pour en revenir à ce que tu m’as dit tout à l’heure. Tu crois sérieusement que je n’ai aucune idée de ce que tu ressens ? Pour quel genre d’elfe me prends-tu au juste ? Ah c’est vrai, j’oubliais, tu me penses bercée depuis ma tendre enfance comme ne l’aurait pas mieux été un baron de la Péninsule. Tu crois vraiment que ça, je me le suis fait en dévalant une marche de trop dans une immense demeure plaquée or et marbre ? Elle désignait bien évidemment sa jambe, elle l’avait bien vu tout à l’heure l’épier, il ne fallait pas être doté dans un grand sens de l’observation pour cela à vrai dire, cette blessure là était bien plus profonde que ne l’était déjà celle qu’il possédait. Etre morte pour une simple flèche en plein dans l’abdomen, elle avait survécu au coup de hache, n’était-ce pas suffisant ? Ne t’avise pas une seconde d’estimer ce que je suis capable d’endurer.

Qu’il s’amuse encore ce genre de chose, s’il était peut être plus posé niveau arme, elle, ayant fortement les nerfs à vifs – la traiter potentiellement d’idiote n’avait rien arrangé -, avait la dégaine facile et s’amuser à le faire plier rien qu’en profitant de ce qu’il portait déjà ne lui posait absolument aucun problème.

Satisfait ? Tu as échappé aux gardes et en plus tu es apte à grimper malgré cette marque si récente. Tu peux filer, il faut croire que Serramire n’a pas voulu de toi.

Elle alla à l’opposée du toit, encore une fois, elle préférait s’écarter un maximum de ce qu’il était. S’asseyant sur le sommet, elle posa sa tête sur ses genoux en regardant au loin les plaines qui s’étendaient à perte de vue. Elle ne comprenait pas bien en sortes ce qui avait poussé le Sombre à s’aventurer ici s’il repartait dans l’immédiat, mais bon, c’était son problème à lui, pas le sien.