A bout ? | Faustine

Déjà, il devait se retirer, la libérer de son emprise et se libérer lui-même, à regret. Et si vous vous étonnez de si peu de détails, ne faites pas l’erreur de croire cette seconde étreinte pâle et insignifiante. Elle dura son temps, les entraîna plus loin encore que la première, mais il n’est nulle besoin de la décrire en d’autres termes que luxure, plaisir et jouissance. Quand finalement les pieds de Faustine retrouvèrent la fraicheur du sol, Loup accusait le contrecoup de ses ébats. Le souffle court, mais l’œil encore vif, il tentait d’apaiser son cœur agité. Les Cinq le prennent en témoin, jamais aucune femme ne l’avait mis dans un tel état, et pourtant, pourtant… Même s’il doutait d’en être capable, il n’aspirait qu’à replonger une nouvelle fois dans l’extase qu’elle lui procurait. Sans vraiment s’en rendre compte, il s’était retourné et il s’appuyait désormais contre le bureau.

« Il est temps, je pense, de se souvenir que nous sommes attendus », murmura-t-il avec un regret évident.

Sans se soucier de sa propre nudité, il se détacha du bois rugueux et glissa dans le dos de la belle Faustine, avant de l’aider à remettre dignement sa robe, non sans s’égarer en d’ultimes caresses. Son ingénieuse coiffure n’était plus qu’un souvenir, Airain l’avait déjà mis à mal mais les quelques moments qu’ils venaient de partager l’avait achevée. Malgré lui, il y perdit ses doigts, y plongea son nez et huma son parfum. Tyra aurait du l’emporter, plutôt que de lui faire subir pareille torture.

« Vous finirez par me tuer, n’est-ce pas ? »

Il était difficile de savoir s’il plaisantait ou non. Il y avait une partie de lui qui le croyait, dans tous les cas. Comme une certitude encore timide, mais déjà fermement nichée dans son esprit. Oui, Faustine le perdrait, d’une façon ou d’une autre. Le meurtre était surement le plus doux de ses châtiments. Quand finalement l’étoffe eut repris sa place, le privant à nouveau du sein charmeur, il ne put que soupire, sans honte ni regret, avant de s’écarter pour récupérer ses propres affaires. Son pantalon était saturé de poussière, il l’épousseta avant de le remettre. Palpant doucement la chair meurtrie de son dos, il récupéra sur le bout de ses doigts quelques fines traces de sang. Il esquissa un sourire, n’étant pas réellement surpris. Il ne pouvait pas dire qu’il n’avait pas ressenti la morsure cruelle des ongles… Il n’y avait juste pas prêté attention. Le hasard avait voulu qu’il s’approche de la bougie moribonde, et il s’interrogea quelques secondes sur l’effet qu’il pouvait avoir sur Faustine, ainsi éclairé. Il décida de regarder par lui-même, lui souriant avec une étrange complicité, avant de ravir à son regard son torse dénudé. Le lin froid sur sa peau encore échauffée le fit frissonner.

« Vous êtes une femme magnifique, ma Dame. »

D’autant plus magnifique qu’il ne pensait n’avoir qu’effleuré la surface. Il l’avait possédée, certes, et deux fois, mais ce n’était pas suffisant. On n’apprenait pas en si peu de temps. Et il voulait apprendre son corps, apprendre ses courbes, apprendre ses envies, ses faiblesses, ses forces. Et se laisser apprendre, sans se soucier des conséquences.

« Nombreux furent ceux qui tentèrent de me tuer, douce Faustine, et je puis jurer sans rougir que j’emporterai dans la tombe celui qui y parviendra. »

Il dansa alors, au tréfonds de son regard ambré, une lueur qui ne trompait pas. Loup pensait chaque mot de ce qu’il venait de dire. Faustine ne saurait s’y tromper, elle comprendrait qu’il ne parlait pas à la légère. Elle comprendrait qu’il lui faisait une promesse, solennelle. Il avait douloureusement conscience de ce qui se jouerait le lendemain. Il savait qu’il risquait de perdre son domaine, son honneur, sa vie, et il entendait bien se battre pour que cela n’arrive pas. Alors qu’il la jaugeait presque, à la recherche d’une quelconque réaction, son esprit replongeait dans des tourments qu’il avait fuis dans leurs étreintes. Elle aimait ses ténèbres, affirmait-elle, et elle devait être servie. Car les yeux du Loup n’étaient, en cet instant, que violence, alors qu’il imaginait Gaucelm hoquetant, tout juste après avoir hurlé sa sentence.

Se rendant compte que la conversation prenait un tour désagréable, il jeta une nouvelle fois le voile sur ses sombres pensées. Se détendant, il redevint le Loup de Rochefort connu de tous, souriant, agréable et affable. Il enfila sa tunique avant de la complimenter sur sa beauté. Le sourire dont elle le gratifia en retour ne le surprit pas, pas plus que sa dernière réplique. Assurément, elle était une femme, il ne pouvait en disconvenir.

« Il est temps. »

Et, se disant, il reposant sur ses épaules meurtris son loup manteau, sans se soucier de la très légère douleur qui en résulta. Il était, désormais, présentable, quoi qu’un peu poussiéreux. Il entendait déjà les questions de Marion, et cela le fit sourire. D’un pas leste, il s’approcha de la porte et l’ouvrit, laissant l’air frais lui fouetter le visage. Achevée par cette brise soudaine, la bougie ne put que rendre l’âme, les plongeant tous deux dans l’obscurité du Voile.

« Après vous. »