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| C'est pas l'Nain qui a pris la mer, c'est la mer qu'a pris l'Nain [Ydria] [Fini] | |
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Dun Eyr
Ancien
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| Sujet: C'est pas l'Nain qui a pris la mer, c'est la mer qu'a pris l'Nain [Ydria] [Fini] Mar 14 Déc 2010 - 11:44 | |
| Tarés de Grandes-guibolles-des-Mers, va !
D’un air rageur, Thori-Korun cracha par-dessus le bastingage de bois et maudit une dix-septième fois les Humains de la Boue. Voilà trois heures, trois longues heures que le long Navire Nain de l’Amiral roulait doucement sur les flots, en petites rondes sans but, errant à la recherche de son compagnon. Les Humains n’étaient décidément pas bien au fait des règles de ponctualité, et leur rencontre du coucher du Soleil allait alors avoir lieu en pleine nuit noire – si jamais elle avait lieu. Bon, que deux navires aient pris le sot pari de se retrouver au plein cœur de l’océan, à cent milles de toute terre boisée et mille milles de leurs ports de partance, et que l’un de ceux-là ait perdu quelques heures dans une tempête de houle, quoi de plus normal ? Thori-Korun ne devrait pas trépigner ainsi, et fulminer de la poupe à la proue, et retour, ses lourdes bottines martelant le pont supérieur. Mais voilà, l’Amiral Nain n’était pas un simple plaisancier en croisière d’espousailles, et que son Navire ait été arraché par les armes à la Flotte et quitté le port sous les colères des archers ; qu’en ses cales il dissimule une rude cargaison de lames et haches de la meilleure facture Naine, forgées sous les collines de l’Arétrian par quelques Fils de la Montagne à la maraude ; que sur le rivage des Hommes aient demeuré deux douzaines de Nains forcés à se cacher, et implorant le retour du Navire pour fuir à leur tour, tant la colère des Nains du Nord avait maudit ces rejetons du Petit Peuple qui couraient vers le Sud et les Longues-Jambes – voilà qui justifiait un petit peu d’empressement.
D’un regard empourpré, Thori-Korun foudroya les flots noirs sous la Lune blême, sans l’ombre d’une voile sur le fil d’horizon. Quel imbécillité que celle de Dun Eyr ! Dérober sous la cape trente haches d’airain pour armer sa petite compagnie, c’était une chose ; mais avoir percé les collines Arétriannes de douzaines de galeries et fait crachoter de vastes fourneaux à fer, pour monnayer un passage vers les Terres Humaines, voilà qui relevait de la grande déraison. Que les doloires des Nains fussent les plus fines de tout le continent, et de quatre Vents, c’était bien avéré ; mais quel Baron, quel Comte pourrait offrir accueil à des fugitifs d’un Royaume Ravagé, pour pas même quelques cohortes de ces belles haches ? Alors Dun Eyr avait déplié la longue tapisserie des Terres des Hommes, et détaillé tous les hauts-noms qui siégeaient dans ces châteaux-là ; leurs vices, leurs petites passions, tout fut soupesé, disséqué par l’esprit du Haut-Prêtre – et ce fut en définitive sur une petite terre, à moitié rustre, du Sud de la Péninsule, que l’ongle du Nain se porta. Sybrondil – et la toute jeune figure d’Ydria d’Othyll. Ridicule. Enfin, Dun Eyr ne s’était que rarement trompé dans es choix par le passé… Et si jamais tout virait au désastre, Thori-Korun montrerait à ces Fils de la Boue comment on manie les haches des Nains. La terre de ces Sybrondil serait fort bien rougie.
Alors voilà, Thori-Korun et son petit équipage tanguaient doucement sur la mer, ennuyés par les longueurs du temps. Quelque part, un petit crépitement un rude fumet rance suggérait aux papilles de l’Amiral qu’un de ces matelots de Nains faisait rôtir sur le pont une anguille toute globuleuse. Un capitaine soucieux de discrétion aurait fait éteindre cette grillade nocturne, mais pour l’heure, peut-être la puanteur de la chose saurait-elle guider ces Humains à travers la grisaille de la nuit.
Dernière édition par Dun Eyr le Mer 15 Déc 2010 - 22:03, édité 1 fois |
| | | Ydria d'Othyll
Humain
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| Sujet: Re: C'est pas l'Nain qui a pris la mer, c'est la mer qu'a pris l'Nain [Ydria] [Fini] Mar 14 Déc 2010 - 13:10 | |
| Le Capitaine-Navigateur Okary leva les yeux vers la Lune, et eut la tristesse de ne voir qu’un maigre croissant qui se déroulait sur un petit fragment de ciel ; quelques nuages bataillaient çà-et-là pour la brume. Cela s’annonçait mal. Tous les capitaines de cet océan et des autres, en croisade silencieuse sur les flots, pesteraient contre une trop grande clarté sur leurs petites affaires qui ne se mènent qu’à la dérobée – mais Okary n’était pas un quelconque capitaine, il avait vogué aux côtés de Tormtih et, avant lui, du père de Tormith, Basyl le Fier ; et quarante années sous les houles vous forgent quelques superstitions qui s’ancrent à l’âme. Montrer patte blanche aux navires de l’Ydril, et renvoyer à leurs petits larcins quelques pirates imprudents, cela avait été un jeu de bambin pour le vieux Capitaine ; toutefois, l’habitude des cordages et des mers ne donne pas tout pouvoir, et un grain de tempête avait emporté le Perle-Bleue dans les dernières heures du jour. Nul doute que ces Nains étaient déjà en place, et bien en place. D’un geste, Okary fit doubler la vigie au grand-mât.
Une vague plus haute que les autres vint mouiller la barbe grisonnée du vieux loup-de-mer, mais il n’y prêta pas même attention : un simple coup d’œil vers les trappes de cales, pour s’assurer que l’eau ne noierait pas la marchandise. De toute façon, qu’importait ? Il n’y avait sous le bastingage qu’un amas de sacs de sable, dissimulés par quelques cargaisons de blé sur le dessus. Lorsque la marchandise Naine serait embarquée, elle trouverait là-dedans une rude cachette pour passer l’œil des curieux et des inspecteurs-douaniers. Et puis, le Perle-Bleue ne battait-il pas pavillon de Sybrondil ? Okary jeta un regard bougon à cette large voile blanche et noyée d’armories, puis s’en détourna et cracha par-dessus bord ; où avait fui l’emblème du Corbeau Chantant, qui claqua si longtemps au vent des Navigateurs d’Othyll ? Là, seul dans un coin de voilure, et suspendu au petit fanion, demeurait le blason du volatile ancien. Enfin, ce n’était pas Okary qui irait se damner pour un insigne. La rude charpente de son navire demeurait, elle, bien la même. Instinctivement, le Capitaine serra la poigne sur la rambarde de sa caravelle – voilà qu’il allait rencontrer des Nains sur des bateaux, ce qui n’était pas pour le rassurer. Depuis quand des montagnards voleurs-de-chèvres allaient-ils crapahuter sur le grand océan ?
« Voile à l’horizon, Capitaine Okary ! » cria la vigie. Le vieil homme se renfrogna, et plongea ses deux yeux d’acier dans la grande bruine de la nuit. Une large goélette, et grande encore, déployait sa grande voile sans pavillon sur la mer d’huile ; pas la moindre silhouette à bord, que le Perle-Bleue fût trop loin encore ou bien que les marins de ce navire-là fussent trop petits à cette distance. Seule une drôle d’odeur flottait dans l’air, qui s’attardait dans les narines de l’équipage ; une bien bonne idée de faire voile face au vent, tiens… Le pilote fit jouer du gouvernail, et la caravelle oscilla sur l’Ouest de deux degrés, pour se ranger aux côtés du grand navire de ces Petites Personnes. Dans un claquement, la voile des Hommes s’affala, et l’autre y répondit en écho. « Préparez les grappins », ordonna le Capitaine en marchant vers le tribord. Et, lorsqu’il eut aperçu les quelques Nains qui enroulaient leur cordage sur le grand pont du navire, « Et apprêtez les archers ». Les Nains sont des Nains, après tout.
Trois griffes de fer jaillirent d’un navire à l’autre, et quelques filins vinrent rapprocher les deux bastingages, tandis que les matelots de Sybrondil apportaient des lanternes de mer pour faire lumière sur cet incongru Navire du Petit Peuple.
« Capitaine Okary, au nom d’Ydria, Dame d’Othyll et Baronne en Sybrondil, salut. Que les Nains de Dun Eyr s’avancent. » |
| | | Dun Eyr
Ancien
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| Sujet: Re: C'est pas l'Nain qui a pris la mer, c'est la mer qu'a pris l'Nain [Ydria] [Fini] Mar 14 Déc 2010 - 15:56 | |
| Tout le problème de Thori-Korun est que, bien que proclamé Amiral depuis des générations, il n’a que rarement l’occasion de pratiquer son noble art de la navigation. Bien sûr, quelques voyages marchands, et deux ou trois manœuvres de guerre dans les mouillages de la Mer Nordique, voilà bien tout ce que le Nain pouvait espérer sur la grande mare. Parfois, il poussait jusqu’aux confins de l’Ydril, mais guère plus loin – et si baragouiner avec quelques douaniers de port lui allait assez bien, son Guide des Convenances Marines pour Rencontres Nocturnes et Dérobées était, lui, encore à parfaire. Aussi Thori-Korun s’empara innocemment d’un cordage, et bondit par-dessus le bois de bastingage – volant dans la grande nuit – pour chuter à pleines pattes sur le plancher des Humains, en plein halo des lanternes. Que Thori-Korun n’ait pas reçu une flèche entre les côtes relevait de la discipline des archers, et du sang-froid du Capitaine Okary qui leva le poing en signe d’arrêt – mais peut-être que la nauséeuse odeur de l’anguille carbonisée à la broche avait son rôle à jouer dans toute cette petite comédie, en émoussant les réflexes des Humains au teint délicatement verdâtre. Braquer trois lanternes sur le visage d’un Nain a parfois d’étranges conséquences ; dans le cas présent, de vieux usages de Fils de la Boue revinrent dans le crâne de l’Amiral, et il s’empressa de lever son petit bras – douze arcs d’Humains se bandèrent – pour tendre la main au vieux Capitaine du Perle-Bleue.
« Amiral Thori-Korun, au nom du Seigneur Dun Eyr, qui vous salue bien. » Et devant la réticence du Navigateur, le Nain se hissa sur la pointe des bottes, agrippa la grande main de l’Humain, et y serra sa petite pogne. Voilà les présentations expédiées. Que faire maintenant ? Les usages de la Boue sont si compliqués, et les Codes de la Marine n’allaient pas simplifier toutes ces carabistouilles. Deux Nains trouvent toujours matière à deviser – on parle minerai, Gobelins, duel de Kerkands et chèvres – autour d’une bonne bière ; ou parfois, l’on écluse sans dire mot, d’ailleurs, et c’est tout aussi bien. Mais que lancer à cette grande figure d’Humain renfrogné ? Demander des nouvelles de Madame son épouse ? Parler brumes et tempêtes ? Allons, allons… peu importaient les bagatelles, autant passer à l’essentiel. De toute façon, ce n’était pas ce soir que Thori-Korun saurait convaincre ses interlocuteurs que les Nains étaient eux aussi, à leur manière, des êtres civilisés.
– Mon navire emporte à son bord les rudes haches des forgerons Nains. Si vous voulez bien passer à notre bord, Capitaine Okary, vous jugerez par vous-même.
Et déjà le Nain reprenait dans la main son grand filin d’abordage, pour repasser par-dessus les bastingages. C’était un bon cordage, prêt à soutenir les lourds poids d’un Homme et d’un Nain tout accrochés. Restait à savoir si les jarrets du vieux Capitaine permettraient cela. |
| | | Ydria d'Othyll
Humain
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| Sujet: Re: C'est pas l'Nain qui a pris la mer, c'est la mer qu'a pris l'Nain [Ydria] [Fini] Mar 14 Déc 2010 - 17:06 | |
| Mais pourquoi avait-il retenu ses archers ? Voilà bien la question qui tourmentait l’esprit de notre vieux briscard des Océans, tandis que se démenait ce petit bout de Nain qui émergeait au-dessus des flots à un peu plus d’un mètre et un quart. Et ceux-ci étaient l’un des grands peuples du continent ? Foutaises. Et voilà qu’il lui serrait la main. Malapprise et fort laide, cette petite bestiole des mines avait tout pour séduire. Et dire que Dame Ydria avait conclu une alliance avec ces gens-là.
D’un œil, le Capitaine Okary regarda ce petit Nain avec son filin de pirate à la main, et eut bonne envie de le botter en touche par-dessus bord. Mais rien ne valait à lancer bataille contre le Petit Peuple, et le Navigateur se contenta d’appeler d’un signe quelques-uns de ses matelots pour apporter une passerelle. Qu’il embarque dans les cales du Nain, oui ; mais avec gardes et ponton de bois.
« Menez-moi aux armes de Dame Ydria, Maître Nain. »
La passerelle fut tendue et abaissée, et Okary emboîta le pas au petit être qui déjà bondissait vers son navire ; étonnante agilité, et grande vitesse, pour ces gaillards-là. De droite, de gauche, quelques éclats et cliquetis tombaient dans l’ombre de la nuit ; partout, quelques regards de Nains épiaient le Capitaine qui faisait intrusion sur leur bastingage. Okary serra le poing, et douze gardes en armes le rejoignirent auprès des Nains, avec lances et lanternes. Au diable la discrétion, s’il fallait en ressortir vivant. Les cales du Navire Nain étaient de vastes dimensions, et lorsque l’Amiral eut ouvert les trappes, le Navigateur y descendit d’un pas confiant et sans trahir la moindre appréhension – bien qu’il soit raisonnablement envisageable qu’une armée de ces petits mangeurs-de-gobelins les attende en soute, avec haches et hallebardes. Mais lorsque les lanternes des Hommes vinrent illuminer le tout, Okary sut qu’il avait à demi-tort : nul Nain à l’horizon, pas même au plus petit recoin illuminé par les chandelles ; mais partout, du plancher au pont, et sur dix mille arsenaux en enfilade, lames et rapières scintillaient rudement, et à perte de vue. De quoi faire pâlir d’envie un maître tortionnaire des geôles d’Ysari. Le Capitaine inspecta sans mot-dire les rayonnages de mort, et promena sur un tranchant de hache son long index buriné par les vents ; il y déposa une large goutte de sang, rouge sur l’acier. Remarquablement aiguisé.
« Et combien de haches dans ce Navire, Maître Thori-Koran – ou Korun ? » Et, sans plus attendre, le Capitaine resserra son empoigne sur un pommeau de doloire, et volta vers le Nain pour lui asséner une rude frappe au visage ; le lame siffla et, déviée d’un moulinet à l’instant rouge, vint fendre largement la charpente du navire. Deux uniques poils de barbes, gris dans le halo des lanternes, se détachèrent et coulèrent jusqu’au sol. « Remarquable » sourit le Capitaine de toutes sens dents jaunes.
A force d’être balloté par les flots au long des ans, il paraît que les Hommes prennent des reflets de mer dans leurs faits et gestes. Auquel cas le Capitaine arborait un sourire de grand requin. |
| | | Dun Eyr
Ancien
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| Sujet: Re: C'est pas l'Nain qui a pris la mer, c'est la mer qu'a pris l'Nain [Ydria] [Fini] Mer 15 Déc 2010 - 7:51 | |
| Taré de Grandes-guibolles-des-Mers, va !
Thori-Korun réitéra ses jurons contre ces grands dadais d’Humains, alors même que ses deux poils de barbe n’avaient pas encore touché terre – mais comme l’Amiral avait bien retenu les préceptes de son Guide des Convenances, il se dit tout cela in petto. Des pourceaux à gratouiller dans le sens de la crasse, voilà ce que Dun Eyr avait confié à l’Amiral lorsque celui-ci demandait comment se comportaient les Longues-Jambes. Thori-Korun comprenait enfin la portée de cette sentence ; oui, de bien sales bêtes que ces Bêtes de Boue. S’il n’avait tenu qu’au Nain, jamais ce vieil homme de Navigateur n’aurait quitté la cale de la goélette, ou alors les pieds au-devant et le sang en cortège. Mais voilà, Dun Eyr n’était pas un vieux fou sénile – et si ces bestioles du Sud servaient à la cause des Nains, alors Thori-Korun saurait conserver sa hache au côté. Et mordicus il se répétait cela, entre deux accès de colère propres à lui faire égorger ce briscard-marinaute.
– Sept cents quatre haches, gronda le Nain. Autant à l’arrivée en Sybrondil.
Mieux valait ne pas s’énerver à cette heure de la discussion, car tout l’enjeu résidait dans les quelques paroles à venir. Et le vieux Capitaine ne semblait pas des plus enclins aux pourparlers d’ambassadeur.
– Le Seigneur Dun Eyr implore asile pour ses compagnons, et audience en son nom propre auprès de la Dame d’Othyll. Il demande que ses frères de route soient hébergés aussi longtemps qu’il leur plaira en Sybrondil, en échange de quoi ils mettront leurs talents au service des Hommes. Et qu’aucun Nain ne pénètre la Baronnie, sans que Dun Eyr en ait approuvé la venue.
Voilà qui semblait clair. Thori-Korun passa en revue ses maigres paroles, et rechercha dans sa mémoire caverneuse si quelques-uns de ces mots auraient pu prêter à une double-lecture des plus regrettables. Mais non, il n’y a avait là-dedans pas d’escobarderie, et même ce loup-de-mer bougon jusqu’aux mâchoires devrait parvenir à démêler le sens de ces soixante-quatre éléments lexicaux. Du moins, c’était à espérer. Pour la salut de Dun Eyr et de deux douzaines de Nain, ainsi que le scalp propre de l’Amiral et de ses matelots. Alors tout aurait pu finir là, et l’on aurait pu sagement attendre que le Navigateur daignât répondre. Mais Thori-Korun n’est pas Thori-Korun pour trois sous, et il s’empara à son tour d’une longue hache de Nain au long d’une étagère ; trois hallebardiers d’Hommes empoignèrent aussitôt leurs faucheuses, mais le Nain se contenta de sourire – et si le Capitaine a un rictus de requin, les rudes quenottes de l’Amiral rappelleraient bien plutôt une plantation de pierres tombales.
Thori-Korun brandit joyeusement la doloire, et lança à la cantonade :
– Et quelle est la réponse de la Dame Navigatrice ? |
| | | Ydria d'Othyll
Humain
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| Sujet: Re: C'est pas l'Nain qui a pris la mer, c'est la mer qu'a pris l'Nain [Ydria] [Fini] Mer 15 Déc 2010 - 13:37 | |
| Okary n’est à proprement parler pas un jeune marsouin fraîchement débarqué sur la grande mare des canards. Ses galions ont éventré plus de navires pirates que beaucoup de ces goélettes prétendues gardes-côtes, et il a au moins donné autant de coups qu’il en a reçus – et lorsque son visage apparaît en plein feu sous les halos de chandelles, toutes les rides de lutte reprennent le dessus sur sa vaste mâchoire embruinée. Avec de tels états de service gravés au couteau sur le front, nul n’irait cracher au visage du Capitaine qu’il serait un couard. Et il reposa pourtant avec moult précautions la belle hache qu’il enserrait jusqu’alors, tant ce Thori-Korun semblait mentalement affecté par l’étreinte d’une doloire dans son petit poignet rondelet. C’est une chose que d’être un Homme maniant quelques lames – c’en est une autre d’affronter un Nain qui, comme tout-un-chacun le sait, naît avec une chopine et une hache à la main. Son geste n’était pas lâcheté. Précaution, prudence, tout au plus. Et puis, le Capitaine avait à proclamer que Sybrondil s’alliait avec les Affreux Petits Bonshommes, alors autant passer son pacte avec un vivant plutôt qu’un macchabée.
Face au luron brandisseur de ferraille, le Navigateur s’éclaircit la gorge et énonça de sa grande voix qui roula sous le pont supérieur :
« Dame Ydria d’Othyll, Baronne de Sybrondil, a décidé de donner indulgence aux prétentions du Sieur Dun Eyr, et lui accorde droit de cité en son domaine. A ses compagnons Nains sera laissé libre-choix pour s’établir dans les terres de l’Ouest. Le Sieur Dun Eyr, quant à lui, sera attendu en audience auprès de Dame Ydria dès que son Navire arraisonnera nos rivages. »
Un instant de silence, et le Capitaine ajouta dans un souffle :
« Mais à Dun Eyr est refusé que tout Nain sur les terres de Sybrondil soit soumis à son avis, et les Nains seront exilés sans retour si leurs activités provoquent trouble et tempête parmi le peuple de Sybrondil. »
Et, sans attendre réponse, le Capitaine Okary fit volte-face et remonta sur le ponton, suivi par ses quelques porteurs de lanternes et hallebardes, tandis que le petit Nain demeurait dans l’obscurité avec sa cohorte de haches. Revenu à bord du Perle-Bleue, le Navigateur lança quelques ordres à ses marins qui abattirent trois autres pontons entre les bastingages, et partirent avec gants et chandelles transborder les haches des cales Naines à celles des Hommes. Et si Okary souriait fièrement à voir ces armes emplir le vaste ventre de son Navire, les Nains n’étaient pas les plus rassurés à regarder s’enfuir entre des grandes mains de Longues-Guibolles leurs lourdes haches forgées sous les collines. Et comme les armes passaient d’un bord à l’autre, le teint des Petits Marsouins se teintait délicatement d’une nuance verdâtre…
L’odeur de l’anguille brûlée, dirons-nous. |
| | | Dun Eyr
Ancien
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| Sujet: Re: C'est pas l'Nain qui a pris la mer, c'est la mer qu'a pris l'Nain [Ydria] [Fini] Mer 15 Déc 2010 - 22:03 | |
| Notre inflexible Amiral se retrouva bien vite seul, dans les cales désertées par les Grands Grognons, et laissé en tête-à-tête avec l’obscurité et sept cents haches. Bon, de tels rendez-vous intimes ne le gênent habituellement pas, et la pénombre d’un grand rafiot peut lui rappeler par instants une bonne mine, avec tavernes et chopines. Mais voilà, l’on a beau apprendre que les Hauts-Perchés-sur-les-Rotules sont devenus d’un instant l’autre des alliés pour la vie, le Capitaine n’en reste pas moins un sérieux loup-de-mer capable d’égorger les Nains après avoir saisi les armes – oui, le Petit Peuple est d’un naturel plutôt méfiant. Aussi Thori-Korun bondit-il sur le pont supérieur, et surveilla du coin des paupières les brigades de matelots qui venaient emporter sur l’épaule de pleines fournées de haches. Certaines les empoignaient avec la délicatesse d’un Elfe imbibé, et ce n’étaient assurément pas deux petits gants de mauvais cuir qui allaient arrêter le malencontreux couperet des Nains. Mais bon, quelques doigts coupés, cela vous décore une caravelle comme un rien, et donne à votre bastingage un petit air festif. Malheureusement, ce jour-là, la moisson fut maigre. A peine deux petits phalanges, et quelques gouttes de petit-rouge. Bah, l’on ferait mieux un jour prochain – les nervis de Sybrondil auraient autant de lames à décharger, lorsque le grand Navire aurait atteint les mouillages d’Ydria. Par acquis de conscience, l’Amiral alla chercher à la proue une rude arbalète du Nord, et en sifflotant un air de fifre, épaula nonchalamment le vieux briscard de Capitaine. Qu’un seul des marins ait la mauvaise idée de ruser avec les Nains, et l’antique breloque-des-mers recevrait un élégant carreau entre les deux yeux, ou un petit peu plus à gauche en raison de la brise nocturne – avouons-le, le Petit Peuple est d’un naturel très méfiant.
La petite parade des haches ballotées d’un bord à l’autre dura quelques minutes encore – oui, la cargaison valait son pesant de porteurs – mais finit par s’achever, et ce fut un Perle-bleue bien alourdi en ses flancs qui releva ses pontons d’un Navire de Nains bien allégé dans son ventre-de-bois. Les adieux, quant à eux, ne furent pas déchirants. Le Navigateur chercha des yeux la figure de l’Amiral, et lui adressa un bref signe de tête qui reçut réponse d’un hochement du chef. Rien de plus – le Nain n’avait pas même desserré les bras de son arbalète, et maintint en joue la goélette jusqu’à ce qu’elle eût fait volte-face sur les grands flots, et disparu au clair de Lune. Reposant sa cracheuse-de-carreaux, Thori-Korun se tourna vers un compagnon et ordonna de lancer le signal. Convenir de ce signal avait été une rude lutte, car discrétion et furtivité ne se révèlent pas les plus Naniques des idées ; l’on avait songé à faire voler des flèches de feu vers la côte, ou encore incendier quelques chaloupes dans la nuit – mais affaler d’un coup les voiles aux deux mâts fut finalement jugé plus sage. Restait à espérer que Dun Eyr, depuis les proches rochers, eût l’œil collé à sa lorgnette à cet instant précis. Et, contre toute attente, il s’avéra que oui, le signal avait payé. Car lorsque l’Amiral plongea son regard dans les brumes de l’Est, il aperçut les quelques silhouettes éparses de cinq jonques marchandes – plus ou moins dérobées à leurs légitimes négociants – qui faisaient voile vers la caravelle Naine. A leur bord, une bonne vingtaine de barbes, dont une plus argentée et relevée que toutes les autres – Dun Eyr, enfin revenu. Il allait sans dire que le Haut-Prêtre fulminait d’avoir assisté à toute cette comédie – qui allait certainement déterminer ses jours prochains – depuis le repli de quelques rochers marins où il s’était embusqué avec ses compagnons. Mais voilà, un piège de ces diables de Sybrondiliens était à redouter, et Dun Eyr avait préféré demeurer en retrait avec le gros de sa troupe, et envoyer pour tout héraut l’Amiral – saviez-vous que les Nains étaient d’un naturel méfiant ?
Cinq grappins, les jonques furent amenées contre la coque du Navire, et Dun Eyr bondit de plein pied sur le ponton de la goélette. Derrière lui, les Nains s’activaient à décharger la lourde cargaison des jonques – sept centaines de haches, la deuxième moitié du prix à payer pour un asile vers le Sud. Et comme les Nains sont des Nains, le Haut-Prêtre mit la main à la pâte et emporta comme tout-un-chacun les nombreuses lames de fourneau de Nain. Parfois, un regard vers les terres et le Nord… mais peu de chances que les Nains aux trois-quarts carbonisés aient eu l’audace de le poursuivre jusqu’ici – pas encore du moins. Tirant ses tablettes de cire, Dun Eyr s’en fut dissimuler par de ternes denrées la belle cargaison de mort, tandis qu’étaient retendues les grands-voiles à la force des cordages.
Le Navire allait maintenant mettre cap sur le Sud – sur Sybrondil. Un gros tas de laissez-passer, et quelques bons vents du large, voilà qui saurait mener la petite expédition à bon port. Sauf météorite sur le Navire, bien sûr. |
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