L'Orgie du Nain [PV | Harnyll | Ydria] [Achevé & Parachevé]

Lorsque Dun Eyr avait débarqué avec ses gros sabots à Sybrondil, dans le but de convaincre la Baronnette de lui filer des terres et des thunes, il aurait volontiers qualifié son plan de parfait.
Mais là, pour cette nuit, un nouveau projet s’échafaudait sous l’épais crâne du Nain – mais celui-ci se trouvait être machiavélico-méphistophélique, pour le moins.

La stratégie se déroulait en quatre étapes, qui pouvaient être ramenées à deux ; et Dun Eyr en ayant oublié la première, cela simplifiait encore davantage cette stratégie démoniaque, qui ne pouvait par conséquent que réussir. Probabilités Naines, un truc béton. ‘Pouvez pas comprendre.
Nous allons couper au montage les scènes où le Haut-Prêtre entoure ses bottes de tissu, ou bien enchante quelques rats – avec lesquels il finissait par avoir d’assez étroites affinités – pour lui servir d’éclaireurs au coin du couloir. Ces scènes seront disponibles dans les bonus du director’s cut, mais pour l’heure, il s’agissait d’aller à l’essentiel pour ne pas, comme le disait l’expression, perdre l’Elfe dans la motte de tripaille.
D’ailleurs, vous connaissez l’histoire des deux Elfes et du Kerkand en rut qui… enfin, bref, cela aussi, ce sera dans la version longue. Pur l’instant, ne nous dispersons pas, allons à l’essentiel.

Ainsi donc le Nain, avec discrétion et délicatesse – le narrateur vient de perdre toute crédibilité à cause de cette antinomie – se glissa hors de sa chambrette, se coula au long du couloir, et enchaîna quelques magnifiques entrechats pour parvenir jusqu’à la porte du Seigneur Harnyll, qu’il ouvrit aussitôt. Pourquoi cette porte n’était pas fermée à clef, et pourquoi le Seigneur Harnyll n’y était pas à cette heure indue, peu importait – c’est à l’autre narrateur de démêler tout cela, et je vais encore avoir des problèmes avec le Syndicat des Auteurs Injustement Non-Reconnus si je lui pique son job, alors…
Bon, sur ce, notre Nain s’était subtilement engouffré dans la chambrette du Sieur de Hetalia, et avait tiré de ses bourses fort rebondies – nous parlons là de ses besaces – un grand flacon au verre fort épais, et qui empestait le tord-boyau fort rance même au travers du bouchon rudement enfoncé. Effectivement, quant à dire ce que contenait ce carafon, ce devait être un secret héréditaire des Nains – non pas qu’ils le gardassent jalousement, mais seul un estomac de Nain pouvait résister à cet alcool ressemblant par bien des aspects à un bain d’huile, mais en plus collant.
Sans hésiter un instant, le Nain avisa une coupe de vin de Hautval négligemment laissée à l’abandon – Dun Eyr aurait pourtant juré que Harnyll était du genre à pochetronner jusqu’à la dernière goutte – et en vida la moitié pour y substituer tout son divin flacon gorgé d’alcool plutôt brutal. Et où vida-t-il cette fameuse moitié ? Dans son gosier, bien sûr, avant que de dissimuler son corps d'adonis dans une penderie pour vérifier de visu l'efficacité du génial stratagème.

Cette boisson servait à assommer les Kerkands – et était reconnue de Type 4 : Toxique selon la Convention des Taverniers Nains. Le Baron avait par conséquent de bonnes chances de ressentir un léger étourdissement.

Mais pourquoi, demanderez-vous, pourquoi Dun Eyr voulait-il envoyer ad patres le sémillant Baron en plein cœur de la nuit.
Oh, il y avait à cela de nombreuses raisons…

… se divertir un peu, par exemple.

Nonchalamment étendue sur sa Baronnique couche aux draps de soie, Ydria feuilletait à la lumière d’une bougie un LBII – « Livre de la Bibliothèque Inavouable et Inavouée ». A ce moment-là, un lecteur attentif – et comme l’on parle de sodomies rituelles, il y a beaucoup de lecteurs attentifs… – demanderait pourquoi, pourquoi ce nom d’Inavouable et Inavouée ?
Eh bien, le livre que compulsait actuellement la jeune Dame, par exemple, s’intitulait Allers et Retours de la Catin au Travers du Grand Monde, Tome IX : Deux gobelins, six rats, une stalactite. Alors, tout-un-chacun aura compris que cela ferait tache, dans la bibliothèque des mondanités avouables.
Pourtant, quoique le récit de cette sympathique escapade dans les cavernes du Nord fut très intéressante et instructive – de bien jolies illustrations – Ydria finit par rejeter au loin l’opuscule, et se contenta de s’étendre sur le dos. De toute façon, elle n’avait pas besoin de ces récits à l’intrigue si fouillée et profonde, puisque le Mess des Officiers, pourtant situé quatre niveaux plus bas, fournissait un show en dolby surround à tout le Manoir. Eh oui, le Capitaine Okary venait de rentrer d’un long périple en mer, et c’était cette nuit qu’il nouait ses retrouvailles avec sa soubrette favorite.
Bon, il y avait au moins dans ce château un type qui prenait un peu de plaisir…

Toutefois, le concerto en rut majeur finit bien vite par lasser notre Baronnette, et la ramena à sa propre bêtise. N’était-il pas rageant, tout de même, qu’un formidable échantillon de tout ce que les Baronnies alentour fournissaient de plus appétissant se trouvât actuellement entre les murs d’Ydria – métaphore intéressante – mais qu’aucun ne fût dans son lit ?
A croire que personne n’avait compris que le Festin du Nain n’avait été qu’un prétexte à réunir les plus beaux mâles du coin sous le même toit que notre jeune Damoiselle en quête des petits plaisirs de la vie. Elle avait pourtant mis les petits plats dans les grands : toute la garde était supprimée dans l’antichambre de la Baronne, les soldats de faction avaient reçu ordre de laisser passer n’importe lequel des invités qui aurait voulu se dérider les joyeuses ; de la poudre de corne de biquette Naine – produit hautement aphrodisiaque s’il en est – avait même été vaporisée dans tout le Manoir, et des dessins licencieux subtilement placés dans les lieux d’aisance pour motiver les incontinents de la nuit. Et pourtant, rien.
Le fiasco total.

Deux heures du matin sonnèrent à la grande horlogerie, et dans toute la ville des crieurs répercutèrent la célèbre formule « Il est deux heures, braves gens, et tout va bien. » Ce n’était pas un métier anodin que celui de crieur de nuit. Pour cette fois-ci, ils ne reçurent que quelques bordées d’injures en réponse, mais l’on en avait déjà retrouvés qui furent pendus à leurs propres tripes, ou pire encore.

Deux heures, ainsi ? Soit.
Ydria laissait encore trois autres tour d’horloge à ses mâles invités pour venir errer près de sa chambre.
Et si à cinq heures il n’y avait toujours pas le moindre oiseau, elle descendrait à son tour dans le Mess des Officiers.
Il était tout de même triste qu’une si Noble Dame en vînt à se faire trousser par trois Capitaines bien plus accoutumés aux bordels des ports.

La prochaine fois, elle sélectionnerait plus soigneusement ses invités.

Un Nain pervers dans le placard, un Noble bourré dans la chambre, et une Baronnette échaudée sur son grand lit. Des dramaturges à deux sous nous auraient produit par dizaines de milliers des variations sur ce thème, et à n’en pas douter leur fertile imagination aurait fait évoluer la situation vers diverses possibilités tout à fait intéressantes, mais pour la plupart improbables – question de souplesse… – bien que ne manquant pas de piquant.
Toutefois, pour ne pas se mettre le syndicat à dos, nous allons être obligés de couper les versions les plus farfelues, et tenter de donner une suite plus crédible à cette intrigue déjà si bancale.
Ainsi donc, le Nain arracha les culottes du Baron et se mit à … – Et un narrateur de viré, un !

Bien, reprenons du début.

Ainsi donc, le Nain avait observé toute la scène au travers de la serrure de la penderie – et croyez-le ou non, ce n’était pas chose aisée, car les penderies sybrondiloises ont des poignées très en hauteur, de sorte que le Nain devait bondir pour entrapercevoir des éclats de la scène.
Bref, il ne fut pas mécontent de sortir du placard, et put constater que le Noble s’était arsouillé jusqu’à la dernière lampée de bibine, faisant grimper son taux d’alcool dans le sang à un tel point qu’il se révélerait plus raisonnable parler de taux de sang dans l’alcool, sinon, cela friserait le délire. En un mot, il était raide, raide de chez raide. Avec tout plein des paillettes dans les yeux, probablement – ainsi qu’une haleine de putois, mais ça c’était bien sûr.
Arriva alors la plus délicate des phases du stratagème diabolique : la poésie. Naine, au surplus.
Bien évidemment, Dun Eyr était plus doué dans sa langue natale ; et certaines de ses complaintes avaient déjà fait pleurer des cheptels entiers de bouquetins, ce qui lui avait offert de consoler tout le troupeau à grands renforts de chaleur Naine. Mais pour cette nuit, il allait lui falloir improviser, et en langage commun qui plus est – ô joie.

Cela saurait, Seigneur, amener Ydria fort heureuse
Qu’elle pût, dans cette demeure qu’elle habite,
Faire main-basse sur vos parties joyeuses
Et à pleines dents sur votre…

– Et un deuxième narrateur de viré, un !


Bien, bref, tentons de finaliser cet épisode sans provoquer de crise de l’emploi à Sybrondil, et décrivons comment le noble Nain amena le fornicateur en puissance à la porte de la jeune Damoiselle.
Ce ne fut pas chose aisée, assurément, car il était à craindre qu’un Garde patrouillât ce moment-là dans l’enfilade – sans mauvais jeu de mots – de couloirs qui menait à la poterne de la Baronnette ; et comment expliquer au factionnaire pourquoi un Nain tient par la main un Baron sur le coup des deux heures, et tente de l’amener discrètement dans une chambre ? Le Petit Peuple allait encore avoir mauvaise presse avec ce malentendu. Pourtant, Dun Eyr ne pouvait tout de même pas laisser le Sieur de Hetalia aller seul jusqu’à la chambrée, car il se serait invariablement perdu et aurait fini sa course dans les écuries, sur la croupe d’une génisse.
Ainsi donc, priant le Moqueur qu’il ne lui concoctât pas une agréable plaisanterie sur le chemin, le Nain entreprit de rallier la couche de la Baronnette, et ils traversèrent pour ce faire toute l’aile Ouest du Manoir sans croiser la moindre patrouille, ni le plus petit noctambule. Surprenant, tout de même… Ainsi donc, n’importe quel maraudeur pourrait venir attenter à la pudeur de Dame Ydria sans que personne ne levât le petit doigt ?
Tant mieux, car c’était exactement ce que faisaient Dun Eyr et le Harnyll version houblonnisée.

Enfin, parvenus à pas de loups devant la porte, le Nain complimenta une dernière fois le Noble Seigneur sur la grandeur de ses attributs en des termes qu’il vaut mieux ne pas reproduire ici, et entrouvrit pour lui la porte – cet imbécile serait fichu de ne pas trouver la poignée – avant de le pousser gentiment vers sa future conquête nocturne.

Gentiment ? Une taloche dans le fondement de l’être, quoi.

Le baron aviné ne réagit guère en voyant un nain sortir de sa penderie. D’habitude c’était plutôt des grosses bêtes roses avec une longue queue sur le devant, mais il faut savoir varier les effets. Un nain dans une penderie, rien d’anormal me direz vous. Vu son état il aurait vu un ost drow au grand complet avec une plume dans l’entrée des artistes que cela ne l’aurait pas choqué outre mesure… bien qu’il faille noter qu’un tel spectacle peut paraître moins choquant qu’un nain faisant de la poésie.

Car oui, les nains sont poètes, essentiellement avec les biquettes mais cela peut également leur servir d’arme de destruction massive. Une armée naine au grand complet récitant des poésies peut faire fuir, horrifié, le plus maléfique seigneur des ténèbres et ses âmes damnées. Non pas que les vers du chansonnier à courtes pattes soient mal bâties, au contraire ils étaient plutôt gaillards et entrainants. Mais imaginer un nain en train de parler d’amour et de sexualité est… brrr… terrifiant.

D’ailleurs, vous croyez que c’est vrai ce qu’on dit sur les nains ?

Oui ?

Eh bien, ça ne m’étonne pas ! Tous des vicieux ces petits démons !

Toujours est-il que notre vicieux amateur de biquettes pris la main du baron, qui à l’alcootest aurait eu des couleurs n’existant pas dans le manuel, et le conduisit discrètement jusqu’à la chambre de son hôtesse.

Oui, je sais ce que vous vous dites. Vous vous dites : « mais qu’est-ce que la discrétion pour un nain ? ». Et bien en temps normal, il s’agit de brailler à tue-tête des chansons sur l’or et de se descendre pinte de bière sur pinte de bière avant de trancher les humains de passage au niveau des genoux à l’aide d’une hache de guerre vorpale+5 qui boit les âmes et décolle les papiers-peints. A noter qu’un modèle existe pour faire le café, car… vorpale, what else ?

Bref, notre héros aux veines pleines d’alcool et aux bourses bien pleines se retrouva propulsé dans la chambre de la langoureuse princesse alanguie nue sur son lit, qui attendait son étalon les cuisses déjà écartées et humid…

Non ?

Elle est habillée et juste allongée ? Zut, je vais devoir faire le boulot sérieusement donc ?

D’un pas presque altier mais surtout pas mal titubant, le baron s’approcha des trois baronnes. Oui, trois. Comme les trois chapeaux. Pardon ? Les trois quoi ? Un vieux remède de grand-mère pour lutter contre les petites maladies de l’hiver. Voici la recette : lorsque vous êtes malade, emmitouflez-vous sous vos couvertures avec une bouteille de gnôle et un chapeau accroché au pied du lit. Buvez. Lorsque vous verrez trois chapeaux, vous serez guéri.

Or là, Harnyll était à un niveau d’alcoolémie qu’habituellement seule la médecine légale doit traiter. Hésitant un instant quand à la baronne à laquelle il devait s’adresser, il tenta celle de droite à tout hasard.

Belle dame, les liens entre nos deux territoires sont autant politiques qu’économiques, et ce depuis maintes générations. Souvent nous avons dut affronter les tempêtes, et toujours nous avons su pouvoir compter sur l’aide de l’autre. Face aux dangers de ce monde et aux folies de certains, Ysari et Sybrondil doivent rester unies et soudées, aussi je vous propose d’unir nos chairs et nos corps afin qu’à travers nous cette alliance soit renouvelée.

Tout du moins aurait-il dit cela dans une autre situation, mais tenir un tel discours après ce que ce fourbe de nain l’avait obligé à boire se révélait impossible, il fallait faire plus simple. Posant son auguste séant (ses fesses quoi) sur la couche de la belle, le baron lui murmura d’une voix rauque, façon « beau gosse d’un film connu d’avant-guerre » :

T’as d’beaux yeux, tu sais ?

Il envoie du rêve, lui.

Lorsque Ydria s’était amusée à inventer quel beau mâle pourrait bien lui offrir sa défloraison, ce fut toujours un noble étalon au parfum d’ambre et de musc, au regard de braise, et bâti comme un seigneur de guerre. Bon, ayant bien compris que cela lui serait impossible, un grand type pas trop mal fichu dans le genre de Harnyll, voici qui aurait su lui convenir – bien que de plus exotiques expériences, de Nanesque nature, ne fussent pas malvenues…
Mais voilà, un pochtron hagard et qui bavouille trois demi-mots… c’est moins vendeur.

Certes, on ne peut pas dire que les ahanements bestiaux d’Okary et sa soubrette aient été propices à créer un climat de luxe et de volupté, mais tout de même… pour se faire violer dans la paille par une grosse bête malodorante, et avec tout le respect que Dame Ydria devait au sieur de Hetalia, un cheval aurait bien mieux fait l’affaire.
Tiens, un cheval ? C’était à envisager…
Malheureusement, le temps de la réflexion ne semblait pas laissé à la Baronnette, puisque l’élégant matois avait déjà pénétré la porte de sa chambre, et ne semblait pas vouloir s’arrêter en si bon chemin. Ydria non plus, remarquez…
Mais pour elle qui s’était éduquée entre les pages des livres, le réveil était un peu brutal.

Etendue sur son lit, noyée dans les vapeurs de l’haleine du destrier en puissance, Ydria contempla d’une œillade rapide ses diverses options – ainsi que les parties de son plus-que-probable compagnon, et l’admirable protubérance sous ses culottes rassura tout à fait la jouvencelle. Bref, dans l’ordre de ses possibilités, il lui était possible de sceller la communion des corps tout de suite, ou bien de se faire moniale à l’instant – mais il ne lui restait que peu de temps avant d’être inadmissible au cloître – ou encore de quêter un brin de parfum auprès de son intendance, pour occulter la puanteur presque-Nanesque qui émanait du beau gosse, ou prétendu tel. Elle aurait également pu fracasser le crâne du prétendant à grands renforts de bouillote en cuivre, mais le taureau-vagissant paraissait si imbibé que ses plaies se seraient désinfectées dans l’instant.
Pourtant, le choix d’Ydria se porta sur une autre alternative, et de loin la plus efficace – car si un étalon avait pointé le but de son nez dans son alcôve, il s’agissait de ne pas le laisser filer. Et ce n’était pas une petite odeur qui allait la détourner du gros-œuvre, tout de même.

Alors, délaissant un instant la couche, la Damoiselle alla ouvrir une des innombrables penderie du lieu, et dénicha de sous les robes un improbable flacon.
Parfum, eau-de-rose, nectar ?...
Non. Gnôle.

Et elle s’en envoya une bonne lampée derrière le gosier.

Retour dans la soie, et négociations pour les modalités de l’accord sur l’interpénétration économique d’Ysari sur Sybrondil.

Non mais, quel est le pignouf qui m’a concocté ce scénario à la noix ?

Le plan était génial : Harnyll se bourre le trognon, il tente de bourrer le Baronne – oui, cette expression ne manque pas de classe, j’en suis assez fier – et Super-Dun Eyr (S.D.E., pour les intimes, ce qui n’est pas votre cas) intervient pour bouter le menant, et réconforter virilement la vierge effarouchée – enfin, vierge… la Demoiselle, en somme.

Sauf que là, le Nain se les gelait dans le couloir, tandis que la vierge effarouchée semblait bien partie pour se faire un casse-croûte du poivrot peu rutilant, de l’épave anémique, du pochtron infâme et bavouillant – bref, le Noble Sieur de Hetalia.
On peut dire qu’il y avait anguille sous roche, si pas ailleurs.

Pour Dun Eyr, il était urgent de se demander quoi faire, de s’interroger sur les modalités de la conduite à adopter.
Avez-vous déjà vu un Nain réfléchir à triple vitesse ? Non, bien sûr. C’est pourtant un spectacle fort intéressant, quoiqu’assez bref, mais intense, et le Nain se tritura le cervelet pour trouver une échappatoire à cette dantesque situation. Bon, il n’y avait pas dix mille options… Soit il s’enfuyait en courant et se consolait entre les pattes d’une chèvre – ce qui donnerait un cheptel boiteux dans les vers pâturages de Sybrondil, demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne – soit il tentait le jackpot, et lançait l’assaut éclair contre monsieur pochtron pour se taper la belle avant lui.

Les biquettes attendraient.

Avec la délicatesse de l’éléphanteau en rut, Dun Eyr percuta la porte de la chambre avec la puissance d’une baliste de siège – comme s’il était catapulté par un LNSA sorti d’où ne savait trop où – et pénétra dans la chambre, effectua une magnifique glissade sur les descentes de lit en peau de chèvres – quelle cruauté, ces Humains… – se reprit et bondit sur les fornicateurs en puissance.
A cette heure, fort heureusement, ils n’en étaient qu’aux échanges de courtoisie, et le Sieur de Hetalia n’était pas encore entré dans le vif du sujet avec sa comparse.

A cet instant précis, c’est l’heure où les héros ne doivent pas faillir.
Malheureusement le Nain, soudain, se sentit las. Comme fatigué, déprimé, abattu jusqu’aux tréfonds de son être. Peut-être le Festin de Poisson lui restait-il sur l’estomac, peut-être était-ce la vue de ces chèvres devenues descentes de lit et essuie-pieds ? Toujours était-il qu’il chancela un instant et, hagard, se laissa quelque peu tomber sur le flanc.
Un bien étrange mal. Une énième facétie de Mogar, voilà que les Nains faibliraient sur le coup des deux heures ?
Et puis, le Nain comprit.

Six jours, trois heures, vingt-quatre minutes et dix-sept secondes.
C’était, très exactement, la durée qui s’était écoulée depuis qu’il avait cessé de boire – car, comme c’était à craindre, les Nains étaient tombés à cours de bibine sur le bateau, et Dun Eyr avait été trop occupé depuis son arrivée au Manoir pour trouver le temps de se sustenter un brin. Aussi, pas la moindre goutte depuis cette lointaine journée, cette cruelle échéance – et les Nains peuvent bien être endurants à la soif, les meilleures plaisanteries sont les plus courtes, et les plus courtes sont les moins longues.

Avisant la gnôle de la Baronne, Dun Eyr la biberonna du goulot, puis bondit à son tour sur la royale couche.

Quelques vers de poésie Naine pour la belle, une bordée de Nanesques insultes pour l'autre, et Dun Eyr entreprit de défendre corps et âme sa belle contre les assauts du rustre.

[Attention, ce post a été rédigé après avoir fumé la moquette, les tapisseries et les sapins de Noël qui trainaient dans la rue. Cet avertissement envoyé, commençons notre voyage au pays de la poésie, des bonnes mœurs et des oursons danseurs.]

Stop.

Stop j’ai dit !

Non mais il se croit où le court-sur-pattes ? A « pousse-toi-là-que-j’-la-bourre » peut être ? Je précise pour les lecteurs non familiarisé avec les Ysari qu’il s’agit là du surnom d’un célèbre bordel du port d’Ordédie où les marins vont tringler des jeunes filles peu farouches en revenant de leurs expéditions. Notez d’ailleurs que vous aurez une réduction de 20% HT à la dixième passe… avis aux amateurs donc, j’en profite pour faire encore un petit coup de publicité ysarainne en ces temps de crise.

Bien sur, il ne s’agit là que d’un bordel de catégorie 3 classé APFV (auberge pouilleuse à filles vérolées). Suffisante pour un marin, un visiteur ayant un peu plus de goûts se dirigera de préférence vers un bordel de catégorie 2 classé TDSG (taverne discrète à serveuse gironde). Quand à ceux vraiment difficiles, comme les prêtres de Néera par exemple, il leur faudra un bordel de catégorie 1 classé SECE (salon élégant à courtisanes expérimentées).

Je précise que tous les dossiers sur les frasques des prêtres de Néera dans les SECE ont été carbonisés par volonté divine… les voies de la déesse sont décidément impénétrables.

Bref, cela étant dit, si vous désirez récupérer le guide complet des bordels d’Ysari avec leur classification, les notes détaillées données par les contrôleurs officiels et des illustrations « osées », je vous invite à envoyer une lettre à l’adresse suivante :

M. Levicieu
Bureau de la classification des EAN (établissements à affection négociable)
Service de l’accueil touristique et de la coopération culturelle
Chancellerie de la cire rouge
Château d’Ysari
Cité du même nom
Baronnie du même nom
Royaume Humain
Miradelphia
Univers connu

Mais revenons aux frasques présentes de nos héros. Donc, alors que le beau gosse – acronyme BG (c’est ainsi désormais que nous appellerons le baron d’Ysari, si ca ne vous plait pas c’est le même prix) allait faire hurler de plaisir la sublime ingénue – acronyme SI (c’est ainsi désormais que nous appellerons la baronne de Sybrondil, si ca ne vous plait pas c’est le même prix + 5%), une intervention malveillante cassa l’ambiance, intervention causée par le gnome rachitique amoureux des biquettes et créateur de boisson non alcoolisées à forte teneur de pisses de mangouste ou de lanceurs de nains tueur de ver – acronyme GRABCBNAFTPMLNTV (c’est ainsi désormais que nous appellerons le haut prêtre de Lirgan, si ca ne vous plait pas c’est le même prix + 75%).

Le GRABCBNAFTPMLNTV (c’est long cet acronyme…) donc lança une bordée d’injure au BG, qui hésita un instant, intervalle de temps que le GRABCBNAFTPMLNTV (agaçant même je trouve) utilisa pour déclamer des vers d’amour à la SI. Des vers nains bien sur, car ledit GRABCBNAFTPMLNTV (très agaçant) est un représentant du petit peuple alors que le BG et que la SI sont des longues-jambes. Revigoré donc par la gnôle, le GRABCBN… oh et puis ca suffit !

Non mais c’est vrai quoi ! C’est horripilant ces acronymes, et en plus on ne comprend plus rien. Déjà que suivre cette histoire entre les délires des narrateurs et ceux de leurs personnages est assez malaisé, si en plus nous y ajoutons un jargon pompeux, nous ne sommes pas au bout de nos peines.

Bon, tout le monde a connecté ses trois neurones et compris que ce que le nain a fait ? Une bordée d’injure à l’un et des vers d’amour à l’autre. Oui ? Ben vous êtes encore à côté de la plaque !

Affaibli par le manque d’alcool que les gorgées de gnôle n’avaient pu entièrement contrer, Dun Eyr venait de faire une légère erreur, une très légère erreur mais dont les conséquences promettaient beaucoup. Encore troublé, il avait confondu les humains… et donc injurié la baronne tout en déclamant des vers d’amour au baron. Pas mal non ? Vous comprenez désormais pourquoi les nains passent leur temps à boire : c’est justement pour éviter ce genre d’erreur.

Plus choqué par les vers que par les injures, le baron se leva de toute sa taille… retomba lourdement sur le lit… se releva… retomba… réussit enfin à tenir debout et déclama d’un ton… euh… complètement banal :

Maître Dun Eyr, pour votre extrême vulgarité envers cette dame et envers moi-même, et par décret spécial, je vous ordonne commandeur de la béatitude exsangue de la déjection surannée à putréfaction incandescente des latrines communes à usage exclusif des orifices arrière humanoïdes ou nanesques échauffés par l’abus de melons.

En clair, t’es dans la merde mon p’tit bonhomme ! Parce que l’acronyme (CBEDSPILCUEOAHNEAM) est encore plus long que le précédent qui avait été trouvé. Le comité de pilotage des acronymes stupides ayant validé celui là, il sera désormais officiel et Dun Eyr devra se le faire tatouer sur la fesse droite. Je n’ai pas été vérifié, mais je pense qu’il y aura largement la place de l’y mettre, voire d’y ajouter autour des petites fleurs.

Et pour donner du poids à ses propos, le baron outré saisit le pot de chambre, vide heureusement (enfin presque vide) et en coiffa solennellement le nain.

Si l’on peut noter une caractéristique remarquable chez ce bon Harnyll, c’est pour le moins qu’il ne manquait pas d’une certaine classe. Et ce n’est pas tout-un-chacun qui serait capable de distribuer les ordres de Chevalerie du Pot de Chambre avec autant d’élégance, autant de finesse, que notre bourratif seigneur de la gnôle Naine.
Il faut toutefois nuancer ce beau tableau, si pimpant, en soulignant qu’une petite erreur se glissa dans les agissements de notre Saugrenu-Baron.

Car le récipient des soulagements avait été coiffé non pas sur Dun Eyr, mais sur Ydria. Ce qui justifiait que Harnyll n’ait pas eu à se plier en deux pour exécuter l’acte, soit dit en passant.

Or, la Dame d’Othyll n’en fut que moyennement ravie.
Et quant aux effets de sa petite bibine personnelle, ils avaient entrepris de se dissiper à grands pas, et l’on peut dire que la chambrée saccagée, le Noble poivrot et le Nanesque zigomar étaient de nature à surprendre. N’ayons pas peur des mots, entre l’étalon d’Ysari et le buffle d’Almia, l’un se trouvait trop proche de la Baronnette – et l’autre pas assez.
Que l’on examine enfin le cornélien dilemme qui s’offrait à Ydria, et l’on comprendra fort bien ses choix. Car à sa droite, un Sieur bouchonné de bibine jusqu’aux oreilles, puant le bouquetin mâle et le stupre débagoulinant, contemplait de haut – et c’était chose aisée – notre Nain national, aussi haut que large, aussi empestant qu’empesté, et suant des oreilles aux orteils ; mais si élégant, si mâle, jusque dans sa façon de porter la barbe, qu’Ydria fit en un instant son choix.
Et l’on pouvait fort bien la comprendre.

Il s’agissait dès lors de se débarrasser du petit Harnyll et de ses rances fragrances torves, pour réveiller le volcan qui sommeillait dans le corps grassouillet de notre Dun Eyr.
Or, Châtelaine en son Château, Baronne en sa Baronnie, ce n’était pas notre Ydria échaudée qui allait laisser un importun fornicateur venir lui chercher des poux jusque dans la toison – car elle voulait s’enfiler son Nain, que diantre. Dix-sept années de sagesse vous épuisent une pucelle.
Ainsi donc, Ydria arraisonna la clochette de l’intendance, et le bon Bathyn eut tôt fait de poindre dans la chambrée – pour aussitôt en ressortir, et y faire débouler un certain Capitaine bien connu, qui marchait d'un pas altier et bien plus léger ; d'ailleurs, la soubrette avait cessé de crier depuis un certain temps. Ainsi donc, parut notre Okary, qui s’était dans la nuit allégé de quelques morpions, et semblait tout prêt à exécuter les ordres de notre Baronnette avide de sensations extrêmes.

Qu’un Baron soit ligoté au lit défait d’une Baronne, enchainé à la couche, et veillé toute la nuit par un soldat zélé et encore bouillant de sa nuitée, voilà qui n’aurait pas manqué de créer un léger incident diplomatique.
Fort heureusement, Harnyll s’était retourné la cervelle à grands renforts de bibine de Nain, et l’on aurait pu le farcir de pieds de tabouret par le fondement de l’être qu’il en aurait ri d’aisance, sans bien comprendre.
Ydria hésita un instant à ordonner cela – car oui, la proximité de ce bon Nain encore trop habillé lui donnait quelques sautes d’humeur – mais bon, peut-être qu’un Baron hémorragique aux hémorroïdes ne se révélerait pas le meilleur des hôtes, aussi préféra-t-elle laisser là le duo de choc ; et elle s’enfuit par les coursives du Manoir, appelant derrière elle son petit Nain à la si grande virilité.

Oh, et peut-être ordonna-t-elle en sortant de mettre à exécution le supplice du pied-de-tabouret, mais ce fut bien involontaire, croyez m’en.

Par la Sainte-Barbe, ce que c’était bon, une femme à poigne !
L’instant d’avant, ils tournoyaient à trois autour de la Baronnesque couche – mais à présent, Harnyll demeurait seul avec l’épineux problème des pieds-de-tabourets, tandis que Dun Eyr voletait dans le sillage d’Ydria en direction de quelque autre lit nuptial.
Enfin… il clopinait derrière la folle, pour aller la pilonner dans les écuries, quoi.

Les coursives, les couloirs, les antichambres étaient traversés en enfilade par leurs deux corps, et déjà l’imagination de Dun Eyr bondissait bon train tandis qu’il courait derrière les robes de nuit quelque peu légères de son hôtesse – d’autant plus que le Nain, par sa courte stature, se trouve à une altitude particulière lorsqu’il suit quelqu’un…
Et l’on peut bien l’affirmer, jamais Dun Eyr n’avait été aussi excité que depuis le viol massif des biquettes de la Dross, il y a de nombreuses décennies de cela. Un folie de la jeunesse, en somme. Mais ce soir, c’était un Nain bien plus âgé, porté par toute la force de la maturité, qui allait démontrer à la téméraire Damoiselle qu’elle avait eu pleine raison de porter son choix sur les hommes d’âges murs… enfin, les Nains murs. Les grisonnants de la barbe, les expérimentés de la hallebarde.
Oui, notre Dun Eyr est poète à ses heures.

Mais cette nuitée-ci n’était pas de ses heures.

La Dame d’Othyll avait mené son plantureux chevaucheur jusqu’aux écuries du Manoir, et soigneusement refermé les portes sur eux. L’odeur de la paille, l’air empli de la mâle sueur des étalons, et les harnais de cuir suspendus par des piques aux murs… voilà bien qui allait donner du cœur au ventre à notre Nain.
L’on ne peut pas tout à fait dire que l’âme romanesque d’Ydria, et ses voluptueux souvenirs d’étreintes moirées sur l’herbe, aient été tout à fait satisfaits sur leur tas de paille puant le crottin – et les quelques entrefaites avec Harnyll avaient suffisamment porté à ébullition la théière Humaine et la Nanesque bouilloire, pour qu’il ne fût nul besoin de laisser encore un peu mijoter la potée sur le feu.
Au milieu de tant de poésie, Dun Eyr arracha la robe de sa cavalière, et la culbuta dans la paille façon Baliste-à-répétition.
Du grand art.

Et l’on dit que cette nuit-là, les étalons alentour eurent grand-peur – car les juments se languissaient devant l’entrain que mettait notre Nain à la besogne, et jamais l’on avait vu pouliche se gorger de pareilles saillies. Quelques chevalines croupes, peut-être, frémirent devant notre cavalier des Montagnes qui arpentait avec fougue les monts-de-Vénus de sa Demoiselle.
Mais malheureusement pour les braves bêtes, Dun Eyr demeurait fidèle à ses biquettes – et à Ydria, cela va sans dire.
Ainsi donc, jusqu’au matin, les amants foudroyés demeurèrent unis dans une embrassade passionnée et fusionnelle, pénétrés de l’intense jaillissement de l’amour, l’un parfois tressautant pour réveiller l’autre, et l’autre gémissant quelques injures pour attiser la flamme de l’aimé, tandis que reprenait leur danse syncopée de la passion ruisselante.

Lorsque les lueurs du Soleil vinrent à poindre, Dun Eyr ne dérogea pas à son rôle d’amant flamboyant, et il s’en fut en laissant là le corps encore spasmodique de sa chère et tendre. Parmi les colonnades baignées de la clarté matinale, il s'en retourna en trottinant aux quartiers qui lui étaient dévolus dans le manoir, et s’effondra sur la couche de soie – bien moins hospitalière que la croupe d’une Baronnette, il faut le dire.

Il aurait pu s’atteler à la rédaction d’un pamphlet terrible pour mettre à mal toutes les thèses connues jusqu’alors en matière de reproduction Naine, et faire éclater la vérité preuves à l’appui – mais la cavalcade effrénée l’avait laissé comme vide de sa substance, éreinté, et il reprit le cours de sa Nanesque existence en s’effondrant sur le lit, souche inerte, dans un ronflement digne d’un Kerkand au rut épanoui.


{Fin du RP }