Au château d'Ack. Visite à un ami.

Je me présente au château d’Ack en fin de matinée, la demeure d’un homme qui compte parmi mes amis. Pas fâché d’arriver, j’ai goûté la pluie, plutôt fraîche en cette saison. Le major d’homme me reconnaît aussitôt et me propose une chambre avec obligeance. J’apprécie ce monsieur, son regard reflète beaucoup de la beauté de son âme, il sait se montrer bienveillant sans la moindre marque d’obséquiosité. Je conduis Cree aux écuries et salue le palferenier.

« Bonjour monsieur Flin. Vraiment un beau spécimen que vous avez là, comment c’est son nom déjà ? »

« Cree. »

« Oui c’est ça. Donnez, je vais vous l'soigner aussi bien que je soigne ma femme. »

Je souris.

« Ca aurait de quoi m’inquièter si je n’vous connaissez pas un peu. »

« Bah. A propos, on a rentré un noiraud magnifique mais qui cause certaines difficultés. Serais redevable si vous y jettiez un coup d’œil. »

« Ah ? Volontiers. Si le temps l’permet, je l’verrai cet après-midi. »

« Ca serait pas de refus m’sieur Flin. Content de vous voir dans les parages, c’est monseigneur d’Ack qui va êt’content. »

Faisant usage des commodités du château, je me sèche et me débarrasse des odeurs de voyage qui m’annoncent plusieurs mètres à la ronde (à des kilomètres pour les amis de la forêt). Le ciel se dégage en début d’après-midi et après un repas frugal en solitaire, je me décide à gagner le paddock.

Le compère palefrenier me désigne l’animal. Il est loin, au fond du pré, il s’appelle Compagnere.

« Voyons ça. »

Et j’entre dans l’enclos, réduisant très lentement l’espace entre l’animal et moi-même, avançant sur son épaule et me stoppant à la moindre de ses réactions nerveuses. Je parviens à une dizaine de mètres de lui, cinq bonnes minutes se sont écoulées et je peux sentir l’intensité de sa défiance. Pour lui, je suis encore ce prédateur qu’il fuirait dans l’instant si il n’y avait pas ces solides barrières de bois. Je gagne du terrain, lentement, sans le regarder, et puis rendu à cinq mètres je m’arrête. Je m’accroupis, balaye tranquillement la terre humide, la main légère, fait quelques pas de côté, toujours accroupi. Ca dur, la tension diminue progressivement mais le peu de chose que j’ai construit menace à tout instant de s’effondrer. Je continue à faire comme si de rien, et puis je l’entends qui fait un pas vers moi, du coin de l’œil je le vois allonger l’encolure, les naseaux larges. Il est intéressé.