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 Sous l'étendard de la méfiance. [Drykars] [Terminé]

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Dun Eyr
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MessageSujet: Sous l'étendard de la méfiance. [Drykars] [Terminé]   Sous l'étendard de la méfiance. [Drykars] [Terminé] I_icon_minitimeLun 24 Déc 2012 - 18:06

Spoiler:

Dans l’entrelacs du Nivor à son embouchure, l’aube peinait à faire toute la lumière sur un bateau qui avait tombé l’ancre : ces terres Naines, ballottées par l’Océan Nordique qui lançait ses vagues à l’assaut des rivières cuirassées, oubliaient parfois la lumière du jour tant l’astre paraissait faible et courbé sur l’horizon, prêt à chuter ; seule restait la deuxième Lune, héritée des cataclysmes de ces derniers temps, qui régnait comme goguenarde sur les jours et les nuits de Nanie.
L’absence de lumière n’était pas pour contrarier les deux voix qui grommelaient dans la timonerie ; il ne restait qu’eux à bord du navire, tout l’équipage avait été débarqué alentour et, l’arbalète à la pogne, ils promenaient un regard torve sur les demi-ombres qui s’étiolaient sur les bords du Nivor. Ces gaillards-là se tenaient trop loin du ponton, et à dessein, pour comprendre ce que marchandaient les deux voix : à peine sentaient-ils un timbre chaud, profond, et sourd, auquel venait parfois se heurter la gorge terrible du Capitaine ; et par moments, il y avait comme un tintement d’or ou de piécettes qui s’immisçait entre ces deux âpres stentors.
Soudain, un claquement de pas vint clore tout le négoce ; la porte s’ouvrit doucement, et une silhouette replète sauta par-dessus le bastingage pour retourner sur la terre ferme. Quelques matelots lui jetèrent un regard à la dérobée : ce bonhomme-là semblait trop petit pour être humain, mais trop barbu pour être un gosse. La Capitaine Urgre Rouge-Trogne ne leur laissa pas le loisir de s’interroger plus longtemps : un lourd sifflement rauque passa sur l’embouchure du Nivor, sonnant l’appel de la meute pour cette grosse poignée de pirates.
Rouge-Trogne grommela ses ordres dans son dialecte de Drow, et les voiles du bâtiment claquèrent dans la brise du petit matin, piquant hors des terres vers l’Océan Nordique ; une dernière œillade jetée sur la Nanie, et les gaillards auraient pu apercevoir une longe forme ailée, élancée et vive, qui plongeait dans la forêt et ramenait le Nain vers ses pénates.

* * * *
Dans les rades de Lante, qui était presque devenue ville ouverte pour les margoulins, le Capitaine faisait son marché : il s’agissait de compléter son équipage d’une paire d’aigrefins, robustes de carrure et abrutis par le picrate des marins. L’Enclave était pour cela un coffre aux trésors, peuplé des ramassis de chevaliers qui avaient perdu l’estime des Barons marchands ; Urgre en choisit trois parmi les plus rustres, et les embarqua sur sa carriole pour filer plein Est. En chemin, ils apprendraient à faire connaissance avec leurs petits camarades ; pour rallier aussi vite la coque-de-noix de Rouge-Trogne, le tribut à acquitter était d’y laisser sa langue — bon gré, mal gré.

* * * *
Voilà maintenant douze jours que l’Urgre faisait caboter son navire le long des côtes de l’Anaëh ; son œil noir arpentait lourdement les rives mangées par la forêt, tentant de percer quelles menaces veillaient en terres elfiques, pour un équipage de sans-honneur comme ils l’étaient. Le navire avait passé rapidement entre le Sanctuaire et Carrobélian, et l’Actellys était lui aussi dépassé depuis quatre jours ; l’atmosphère en restait pesante à bord de la cargue, et Rouge-Trogne se raccrochait à la pensée que les Elfes étaient de piètres loups-de-mer.
Urgre contemplait des cartes sales et graisseuses qui lui servaient de repère : il aurait bien filé une voie plus hauturière, plus distante de toutes ces côtes vertes et feuillues, mais l’Océan Nordique était hargneux avec ceux qui en quittaient le pourtour et plongeaient sur la haute-mer. Il n’empêchait, songeait lourdement Urgre, si son commanditaire Nain voulait installer un trafic régulier sur ces profondeurs, il lui faudrait trouver une autre route pour convoyer la cargaison.
Mais pour l’instant, il ne s’agissait pas de négoce installé et régulier : Rouge-Trogne ne devait marchander qu’un chargement, dix ou douze têtes, tout au plus.

* * * *
A la lumière de la nuit, alors que le navire passait les côtes et l’île d’Holimion, une forme sombre parut passer sur les côtes, comme si l’Anaëh veillait nuit et jour ceux qui passaient à son horizon ; guetteur elfique ou simple goéland nocturne, nul n’aurait su le dire. L’un des gaillards ramassés à Lante crut pourtant bon de décocher un carreau vers les méandres d’Holimion ; et trop bas encore, il ne fit mouche sur le clapotis des vagues.
L’instant d’après, Rouge-Trogne envoyer la tête et le corps de l’arbalétrier rejoindre son trait ; en deux fois. Une escarmouche avec les forestiers, voilà qui aurait ruiné toute l’odyssée du Capitaine Drow et de ses ladres.

* * * *
Le Rhym avait été laissé à tribord un jour plus tôt, et au soir du second, Rouge-Trogne voyait le large ventre de l’Obhliv’Ihonn qui s’ouvrait devant sa proue ; le fleuve était vaste, assez pour engloutir des galions sur son bras majeur. Urgre avait souvent piloté sa cargue dans ce delta glouton, et il s’y engouffra sans un sourcillement ; le fleuve Sombre regorgeait, dans ses premières encablures, de caches et de criques en tout genre, où le Capitaine saurait bien faire oublier son navire pour quelques jours.
Sous la clarté blafarde des deux lunes, Rouge-Trogne fit jeter l’ancre une fois que la cargue fut parvenue à couvert d’une mangrove. Dans quelques jours, il faudrait extirper de là le bâtiment à la force des rames ; mais la poupe était ciselée pour ces étranges manœuvres de revers, qui avaient plus d’une fois assuré à Rouge-Trogne le salut face aux flottes solaires de Verjus.
La suite ne se produirait pas sur les flots. Quelques ordres aboyés sur le ponton, et les gaillards se précipitèrent pour ouvrir les cales du navire ; des grognements en sortirent aussitôt, ponctués de grattements. Urgre eut un sourire, une sorte de torsion de ses lèvres gonflées, et il siffla pour appeler ce qui remuait tant sous le ponton ; une gueule hérissée de dents, et surmontée de deux yeux vifs, et tout le reste de la croupe, depuis l’échine jusqu’aux pattes griffes, était fuselé pour la rapidité : c’était un Morgal, une monture de Drow, un Hirgon comme disaient certains.
Rouge-Trogne balança sur son épaule une hotte pleine de lames tranchantes et crochues, confiées par le Nain pour faciliter le négoce, et il bondit sur le dos de la bête ; il était bon de sentir battre entre ses cuisses une bestiole aussi racée et souple, bien plus endurante que les chevaux des Hommes. Une talonnade dans ses flancs, et voilà le Morgal filant hors du navire, bondissant vers les Marais du Sud ; avec des pattes aussi robustes, il pouvait espérer rejoindre Abyssea en quatre jours.

* * * *
Abyssea, Cité du Chaos, que lui avaient fait les Sombres d’Elda ? Le bastion inexpugnable n’était plus que ruines, cendres et décombres rongées ; sur la face Ouest, comme transpercée, les reliquats des tourelles avaient roulé en gros blocs ventrus jusque dans la fange des Marais. Rouge-Trogne eut un regard attristé pour cette place gonflée de légendes, aux yeux d’un pirate et d’un esclavagiste du moins ; il s’était toujours senti chez lui parmi ceux-là, du temps de leur grandeur.
Mais l’alcool de poire n’avait pas naufragé le Capitaine au point qu’il pleure des ruines ; seul comptait le négoce, et s’il avait cavalé de l’Océan à la fange depuis ces derniers jours, c’était bien qu’il y avait une solide compensation à décrocher.

Le Deuxième Ost avait élu garnison autour des ruines d’Abyssea, reprenant les abris et les tourelles lorsqu’elles n’étaient pas éboulées, laissant le reste aux rats pesteux et aux autres gargouilles marécageuses qui proliféraient dans le giron de Faélia. Urgre pouvait compter sur la cohorte d’armuriers, de forgerons et de receleurs, qui vivotaient dans le sillage des cohortes du Puy ; la charge de rapières laissée par le commanditaire Nain, acérées qu’elles étaient, offrirait au Drow quelques jours paisibles pour conclure son marché. Mais les abords un Ost d’Elda n’étaient pas aussi paisibles qu’une gargote de Méca, et Rouge-Trogne s’attela à peine arrivé à retrouver ce Drow boiteux que nommait le parchemin.
Comme convenu, le Capitaine enroula un foulard écarlate autour du licol de son Morgal ; et, fourguant sans états d’âme ses lames Naines au tiers de leur valeur, il surveillait d’un œil l’arrivée d’un éventuel Drow marchant sur une canne.


Dernière édition par Dun Eyr le Mer 6 Mar 2013 - 13:13, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Sous l'étendard de la méfiance. [Drykars] [Terminé]   Sous l'étendard de la méfiance. [Drykars] [Terminé] I_icon_minitimeMar 25 Déc 2012 - 17:15

Le drow boiteux...

Drykars ne savait pas vraiment s'il devait en rire ou bien s'énerver. On ne pouvait pas vraiment dire que le chef de la famille Trys'Tavilon ait particulièrement le sens de l'humour. Il partageait moins encore celui de son employé qui avait donné ce nom à cet auberge. Il fallait lui rappeler qu'il n'était pas là pour se moquer de son employeur. S'extrayant de la baignoire, le drow boiteux prit la serviette que lui tendait une esclave. Le service dans cette auberge était... pitoyable, et encore était-il gentil.

Même si on était sur quelque chose de bien éloigné de la Lanterne noire, ce n'était pas une raison. Abyssea avait été mise en pièce, par le second ost drow et par conséquent, la majeure partit des ruines étaient aujourd'hui occupée par l'armée de Sombre. Le drow boiteux n'était donc guère plus qu'un bouge à soldats. Drykars avait envie de raser se bâtiment pour en reconstruire un nouveau qui soit un établissement décent. Mais la pierre coûte cher et les profits que dégageait cette maison de passe enfumée pleine de gros porcs et de putain de as étage était loin de dégager un profit suffisant pour qu'il prenne un tel risque. D'autant que si le second ost se décidait à lever le camp sans tout reconstruire et ne laissant ici qu'un champ de ruine, il ne resterait qu'une maison close toute neuve qui aurait coûté la peau des fesses au milieu d'un vaste champ de ruine, lui même au milieu d'un vaste marécage.

Autant dire que l'utilité d'un tel investissement était des plus discutable, en tout cas pour l'instant.

Une fois sec, Drykars boita jusqu'à ses vêtements. Ces derniers étaient un peu froissé de la route qu'il avait fait pour venir jusqu'à Abyssea.

En tout cas, il allai avoir besoin de plus de temps que prévu dans cette ville puante et grouillante pour rappeler au propriétaire du lieu se qu'il devait faire et surtout, comment le faire.

Mais une autre affaire allait l'occuper pour la soirée. Appuyé sur sa canne, Drykars descendit dans l'auberge.

Le signal n'était pas difficile à repérer. Dans un verre d'alcool à la main, Drykars fit un petit geste au drow qui se trouvait derrière lui pour aller chercher les intermédiaires que le haut prêtre de Ligan lui avait envoyé.

« X'erferas ? »

L'ombre massive qui se tenait à côté de Drykars hocha la tête et s'approcha des Sombres devant lesquels il se planta, les bras croisé sur son plastron.

« C'est par là, grogna-t-il en drow en désignant le coin isolé où était installé Drykars sans se demander si ses interlocuteurs parlaient la langue. »
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MessageSujet: Re: Sous l'étendard de la méfiance. [Drykars] [Terminé]   Sous l'étendard de la méfiance. [Drykars] [Terminé] I_icon_minitimeSam 29 Déc 2012 - 19:37

Lorsqu’un Drow aussi bougon qu’un mastiff, et large comme un Makragnos, vint rôder autour de l’étal du Capitaine et se prit à négocier le foulard écarlate, Rouge-Trogne sut qu’il avait trouvé son homme. L’heure était bien choisie pour suspendre le négoce des lames Naines ; l’Urgre avait tant et tant brisé les prix, que des regards noirs commençaient de gronder autour du Capitaine et de son Morgal. Nul n’aurait donné cher de la peau de ce Drow fraîchement débarqué des Marais du Nord, s’il avait passé la nuit dans le bouge à fourguer ses dix dernières lames trop étincelantes pour être de son cru. Aussi l’Urgre, laissant sa hotte bien dégarnie à la garde de sa monture et de son sourire carnassier, emboîta le pas au grand Drow mutique — et tant mieux si l’on dérobait les dernières rapières de Nain en leur absence, cela prémunirait le Capitaine contre un retour vers l’Obhliv’Ihonn en pièces détachées.
Le nervi emmena Rouge-Trogne jusqu’à une auberge ; la chose était bien incongrue dans Abyssea, que l’on disait rompue jusqu’à la cendre par les assauts du Deuxième Ost. Quant à l’attrait du coin, cadenassé qu’il était par les légions du Puy, c’était mince ; mais il fallait croire que dans cette bourbe propice à la contrebande, quelques gros négociants préféraient encore la chaleur d’une gargote à la secrète sécurité des fourrés nauséabonds de Faélia.
Le Boiteux doit être de ceux-là, sourit le Capitaine.

Entrés dans la salle crasseuse et rêche, les deux allèrent jusqu’à la poterne d’un petit salon, derrière laquelle disparut le serviteur du Boiteux ; sa tête épaisse et large reparut l’instant d’après, crachant en mauvais Drow à la Rouge-Trogne :

« C’est par là. »

Les pérégrinations d’Urgre ne l’avaient plus porté depuis longtemps dans les Terres Sombres ; ses oreilles en avaient oublié le dialecte coulant qui se bavait dans les arcanes de l’Elda, et quelques mots peinaient à lui revenir. Se doutant bien que les enjabotés du Puy n’avaient pas perdu de leur morgue en toutes ces années, Urgre inclina le buste lorsqu’il fut face au Boiteux ; et fixant le négociant à la canne, il s’efforça de le saluer dans le patois du Volcan, quoiqu’avec un accent guttural :

«Le Capitaine te salue, Boiteux. »

Les négoces secrètes avaient toujours préféré les surnoms et les titres ; et Rouge-Trogne, se ressouvenant soudain des formules de commerce qui avaient autrefois cours dans les bouges des neuf Profondeurs populaires d’Elda, formula adroitement :

«Qu’Isten la Prodigue bénisse nos paroles de négoce, que Meingal le Froid garde closes les portes de ta demeure, et que Tesso l’Imaginatif soit gardé loin de nous par le couperet du Vyn’Het Namaz. »

Cela étant clamé, et enrubanné dans les formes encore, Urgre plongea la main dans sa vareuse, fouilla les doublures, et en ressortit une poignée de piécettes de cuivre, de bronze et d’argent ; il fallait toujours ouvrir le négoce en faisant clinquer la monnaie — mais pour les pièces d’or, elles ne paraitraient qu’au terme d’un palabre prolifique.
Ayant respecté tous les us du commerce en Terres des Sombres, le Capitaine se tut et attendit que ce Drow de bonne naissance, né d’une famille haute quoique sûrement un peu déchue, lui retournât le salut qui ouvrirait les affaires.
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Trystan D'Shar
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MessageSujet: Re: Sous l'étendard de la méfiance. [Drykars] [Terminé]   Sous l'étendard de la méfiance. [Drykars] [Terminé] I_icon_minitimeMar 12 Fév 2013 - 19:12

Vous avez déjà eu envie de prendre une masse pour réduire en bouillie le crâne de quelqu'un, voir la totalité du corps d'une personne ? Quitte à pourrir totalement le linoléum. Pour Drykars, c'était le cas en ce moment. Il était particulièrement énervé et l'attitude du capitaine n'arrangeait rien. Non que celui-ci fasse preuve d'un quelconque irrespect ou de quoi que se soit de ce genre. Mais c'était simplement que de se faire appeler par se qui était considéré comme une tare n'était pas forcément la meilleure façon de le mettre de bonne humeur dans le contexte très prise de tête qu'était la tentative d'établissement d'un comptoir digne de ce nom dans les ruines d'Abyssea.

Au moins pouvait-on accorder au Sombre le fait qu'il faisait les choses dans les formes en récitant les formules de salutation d'usage. Même si dans un cas pareil, ils auraient parfaitement put s'en passer.

Enfin, s'il était attaché à ce genre de détail, autant ne pas le mettre mal à l'aise. Le client est roi après tout.

«Le Boiteux te salue, Capitaine. »


Quitte à jouer le jeu, autant le jouer jusqu'au bout. Alors il manquait ensuite le reste de la formule rituelle.

«Qu’Isten la Prodigue bénisse nos paroles de négoce, que Meingal le Froid garde closes les portes de ta demeure, et que Tesso l’Imaginatif soit gardé loin de nous par le couperet du Vyn’Het Namaz. »

Ils restèrent un certain temps à se regarder en chien de faillance, attendant tout les deux que l'autre fasse quelque chose ou détourne le regard. Difficile à dire se qu'ils attendaient vraiment, Drykars n'agissant ainsi que par pur plaisir de ne pas verser dans l'obséquiosité du vendeur. Cet homme avait besoin des esclaves que lui devait lui vendre. Aucun des deux ne tirerait partit du fait de devoir rentrer sans l'argent ou la marchandise, chose qui, aux yeux du boiteux, les mettaient sur un pied d'égalité.

Finalement, se fut le marin qui jeta une belle bourse bien remplie sur la table.

Parfait. On passait maintenant aux choses sérieuses de toute évidence.

Tranquillement, le sombre attira à lui la bourse à l'aide de sa canne avant de la retourner. Ils étaient entre Sombres et lui n'avait pas fait fortune en acceptant aveuglément les paiements de drows comme celui qui était en face de lui qui ne devait pas répugner à la piraterie. Il n'agissait pas ainsi avec les hauts prêtres et tout leur décorum, mais pour quelqu'un comme ce capitain, il n'allait pas se gêner.

« Je suppose que vous êtes également à même de négocier la suite de notre bonne entente, dit-il en comptant les pièces. Combien d'esclaves voudrez vous dans le prochain chargement et combien m'en offrirez vous ? Peut-être avez vous également des commandes spéciales. »
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MessageSujet: Re: Sous l'étendard de la méfiance. [Drykars] [Terminé]   Sous l'étendard de la méfiance. [Drykars] [Terminé] I_icon_minitimeVen 15 Fév 2013 - 22:00

Un sourire carnassier tordit la face balafrée d’Urgre Rouge-Trogne. Il était un pirate, un contrebandier sur les flots ; les révérences au chapeau le lassaient vite, sans parler que retrouver le vieux phrasé du dialecte des Sombres fatiguait son esprit. Mais à cette heure, dans le bouge d’Abyssea où il traitait avec le Boîteux, il semblait bien que le temps des formules huppées appartenait au passé. Le cliquetis des piécettes sur la table de bois gras avait réveillé la bonne avidité, la comparse de longue date du Capitaine. Maintenant, le dialogue allait emprunter les sentiers bien connus du pirate : poings crispés et jointures blanchies, des dagues affleurant sous les renfoncements de leurs capelines, on allait traiter argent et marchandise.

«Je suppose que vous êtes également à même de négocier la suite de notre bonne entente, fit le Boîteux, les ongles plongés dans les écus sonnants. Combien d'esclaves voudrez-vous dans le prochain chargement et combien m'en offrirez vous ? Peut-être avez-vous également des commandes spéciales.

— Des commandes spéciales,
répéta Urgre en grognant, nous allons nous entendre, le Boîteux. Mon client a une requête pour toi, et un grand marchand de chair saurait l’honorer promptement. Il serait sage ; ... et riche. »

Urgre pausa dans sa négoce, et plongea une pogne dans les méandres de son habit de mauvais cuir, tanné par les embruns ; ses doigts recourbés effleurèrent deux fois une lame qui pendait à un repli, prête à poinçonner, mais elle fut laissée dans sa gaine, les échanges n’avaient pas encore viré à l’empoignade. Au contraire, les ongles aiguisés filèrent plus profond près de la chair du Capitaine, jusqu’aux tréfonds d’une petite besace, qui cliquetait doucement.
L’instant d’après, la main reparaissait ; et entre le pouce et l’index couverts de saleté, un bel éclat d’or chatoyait, incongru dans l’atmosphère grasse de la gargote. Urgre fit rouler la petite pépite d’or dans sa paume, et la présenta au Boîteux assis en face ; mais le trésor demeura entre ses doigts laids et avides, et n’alla pas rouler aux côtés des piécettes pour finir dans l’escarcelle du marchand.

« Des Elfes d’Anaëh, ordonna Rouge-Trogne, des Elfes de la forêt. Et de la marchandise fraîche, le Boîteux ; pas de bâtards de mauvaise souche, pas de catin engrossée dix fois. Du frais, avec tous les doigts et toutes les dents. »

Le Capitaine Sombre fit rouler la pépite sur sa paume balafrée, et tannée par les voyages.

« Une pépite par tête d’Elfe, le Boîteux. Une belle pépite des montagnes lointaines, pas un caillou de ton Volcan. »

Le temps d’un rictus de Morgal, et la pépite avait disparu dans un moulinet de ses ongles noirs et recourbés ; roulant dans des poches bosselées, elle devait déjà avoir repris ses quartiers au fond du mantelet d’Urgre. Il ne restait que la crasse des longs voyages sous le vent dans ses deux paumes ; l’une d’elle s’étendit au bout d’un bras démesuré, et vint se refermer sur un verre au liquide brunâtre, que le Capitaine engloutit d’une gorgée ronde. La liqueur était probablement destinée au marchand ; mais avec l’irruption d’or en pépites dans leur négoce, le Sombre s’autorisait quelques largesses. A tout prendre, son gosier encrassé par la route aurait préféré une chope à tous les alambics de politesses anciennes.

« Mais, Boîteux, claironna l’Urgre une fois que sa gorge fut moins aride, avant d’augurer sur les autres négoces, où sont les morceaux d’aujourd’hui ? Les douze de la première cargaison ? »

Urgre laissa retomber le verre, et réprima un rot abondant. Selon les bouges et les rades, c’était signe de virilité ou bien d’abrutissement ; à Méca, cela valait un défi à tous les matelots valides de la gargote. Mais ici, dans un négoce de chair et d’or, sous les remparts crevés d’une cité maudite, le Rouge-Trogne n’allait pas risquer la tempête. Il ajouta simplement, toutes dents dehors :

« Ceux-là n’ont pas besoin d’avoir conservé leurs chicots, le Boîteux. Ils peuvent bien être borgnes ; là où ils seront enfouis, ils n’auront pas besoin de leurs yeux. Laisse-leur deux mains pour creuser, et les souverains sont à toi »

Les mains libres, Urgre demeura à faire face au marchand, le visage fermé. Contre ses flancs, à trois endroits différents, il pouvait sentir son pouls battre contre des dagues et des poignards ; on ne devenait pas un trafiquant au long cours, sans montrer un peu de prudence.
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Trystan D'Shar
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MessageSujet: Re: Sous l'étendard de la méfiance. [Drykars] [Terminé]   Sous l'étendard de la méfiance. [Drykars] [Terminé] I_icon_minitimeJeu 21 Fév 2013 - 22:29

Drykars observa un certain temps le pirate jouer avec sa pépite d'or. Il était en train de le narguer, cela ne faisait pas le moindre doute. Dommage que cela ne marche pas des masses. Et oui. Comme il est vrai qu'on ne deviens pas un personnage de l'envergure de Drykars dans le commerce de la chaire et des êtres vivants, si on se jetait comme un crève la faim sur une misérable petite pépite de rien du tout. Il se contentait donc de le regarder faire, notant tout de même qu'il allait falloir nettoyer les pièces ainsi que l'or que ce guignol allait lui donner... et cramer tout se qui était en tissus aussi. Qui sait quel genre de saloperies il pouvait bien trimbaler avec lui et où ces mains avaient été traîner.

Aussi le drow ne fit-il pas le moindre mouvement vers cette pépite. Il était certain de ne pas vouloir que sa main pue pour la semaine à venir.

Mais passé cela, il y avait tout de même le négoce qui erevenait au galop. Le monsieur voulait des elfes pour s'amuser. Pourquoi pas. Après tout chacun ses gouts. Si celui-ci avait envie de se farcir des filles plates comme des planches à pain, chacun son délire au fond, Drykars n'émettrait pas le moindre jugement. En revanche, c'était sur la suite que cela le dérangeait un petit peu.

« Si tu veux vraiment cette qualité, il va falloir doubler ton offre au minimum. »

Depuis la pris d'Ellyrion, le cour de l'elfe c'était littéralement effondré au Puy. Il y avait énormément de captifs. Trop pour la demande qui était restée globalement inchangée. Mais cette analyse du marché était un peu simpliste et ne reflétait pas la réalité. Si les elfes avaient vu leur prix chuté, c'était le cas pour le grouillot basique. Celui qu'on trouvait un petit peu partout sans grande difficulté. Pour l'elfe destinée au plaisir, la tendance avait été très exactement à l'inverse.

Le danger dans la région d'Elyrion ne datait pas d'hier et depuis un certain temps déjà, on ne trouvait plus d'elfes aptes à ce genre d'usage dans les alentours proches. La destruction d'Elyrion avait entraîné un mouvement migratoire vers l'intérieur des terres elfes pour s'abriter des razzia drow. Pour trouver des elfes de bonnes qualité, il fallait donc s'enfoncer plus profondément en territoire sylvestre et cela ne pouvait que s'en faire ressentir sur le prix.

« Trois pépites par tête et je te garantis des pucelles. Deux et elles seront de bonnes qualités, mais tu ne sera pas le premier. Une et demi et on descend encore en gamme. Si tu ne paye qu'une pépite par tête, je dois pouvoir te trouver une elfe d'occasion. C'est la meilleure offre que tu trouvera à Abyssea et dans les environs. Je doute que tu ais le temps de rejoindre une autre ville qui vende des esclaves elfes ouvertement. C'est à prendre ou à laisser. »

Et il n'avait pas l'intention de modifier son tarif. Les elfes de plaisir lui rapportaient toujours de l'argent de toute façon. Soit il trouverait un autre acheteur pour les elfes, soit il les feraient travailler dans un de ses bordels. C'était l'avantage de couples ces deux activitées.

« Vos esclaves sont dans la cave. »

Pas de guet appens attendait le capitaine dans ladite cave. Juste les esclaves qui étaient convenus. Ce n'était pas de l'excellente qualité, mais ils feraient l'affaire. De toute façon, comme le capitaine l'avait dit lui même, ils n'avaient pas besoin d'être en parfait état vu se qui les attendait.
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MessageSujet: Re: Sous l'étendard de la méfiance. [Drykars] [Terminé]   Sous l'étendard de la méfiance. [Drykars] [Terminé] I_icon_minitimeLun 25 Fév 2013 - 1:47

Dans la cave à la lumière poisseuse, les esclaves étaient malhabilement alignés, qui appuyé sur une branche en guise de canne, qui courbé sur ses hanches pour masquer un jarret tranché ; visiblement, les traqueurs avaient mené une chasse preste et zélée, et toute cette camelote au sang boueux devait provenir de quelques villages brûlés et pillés en une nuit. Pour une fois, les femmes n’avaient pas été envoyées grossir les bouges et la bourbe des tripots à pirate ; elles étaient là encore, avec leurs hommes, autant de visages sales et fuyants. C’était une bonne chose : cela assurerait la pérennité du troupeau.

« Ils n’ont pas l’air bien frais, le Boîteux, grommela Rouge-Trogne. » A la vérité, dans la demi-poussière de la cave, il peinait à distinguer les visages ; mais c’était la coutume des marchands de chair, et toujours il fallait pester contre les cargaisons en leur donnant un air avarié et pourri. Dans les échanges de viande vivante, les usages imposaient de grogner et cracher ; avait-on jamais vu un esclavagiste faire son marché sourire aux lèvres et bouche en cœur ?
Étendant son bras musculeux, le Capitaine tâta la chair et promena ses longs doigts de Drow sur corps crasseux et abîmés. Ils feraient certainement l’affaire ; lorsqu’on en venait à creuser des montagnes, tout ce qui avait quelques bras et quelques jambes convenait amplement.

« Je prends, le Boîteux, lança rapidement Urgre, je les prends tous ; et voilà ton or. »

Une besace de souverains fut lancée dans les airs, sans que le Capitaine ne se soucie bien de savoir si une main serait là pour la happer ; néanmoins, avec ce Boiteux aux doigts crochus, la question n’était pas véritablement ouverte au doute. La transaction déjà n’intéressait plus le Rouge-Trogne ; de toute façon, cette quinzaine d’esclaves avait été vendue bien avant qu’Urgre ne pose un pied dans les Marais, avant même en fait que son client Nain ne lui fasse apprêter son navire au pavillon mité. L’esprit du négociant aguerri faisait alors tourner tous ses rouages sous le crâne épais du Drow : dans ces méninges rompues à la négoce souterraine, ce n’était que détails pratiques, escorte, et garde-chiourmes pour convoyer la marchandise jusqu’au navire. Sûrement lui faudrait-il recruter trois gorilles rejetés hors du Deuxième Ost pour atteindre le cœur de Faélia ; là, à mi-course, ses matelots devraient avoir eu le temps d’établir un bivouac. On éventrerait et brûlerait les trois mercenaires, et le troupeau poursuivrait sa route ; économie de temps, de moyens, et de vivres. Urgre se prit un sourire ; enfin, un large rictus tordait ses lèvres gonflées par la brume et le sel.

« Parlons encore une fois des Elfes, le Boîteux, grogna soudain Urgre dans un raclement de gorge. »

Alors même que la troupe était encore plongée dans la cave crasseuse, et que les formes vagues et affamées de ces Humains ou semi-Humains les enveloppaient par tout le tour, les deux esprits marchands avaient déjà oublié ces ladres-là ; ils flottaient désormais à une nouvelle hauteur de profit, un promontoire dont les esclaves maigrelets de la cave seraient à jamais séparés par l’infériorité de leur naissance et de leur race ; sans parler de leur odeur d’urine, de poisse et de gencives rognées jusqu'aux sangs.

Urgre marcha vers Drykars, de façon à le voir de plus près ; cette fois-ci, aucune pépite de Nain ne vint danser entre ses doigts, ni s’offrir sur une paume écartée. Les pognes du Capitaine demeuraient résolument fermées, et les tréfonds de sa mauvaise capeline de contrebande conservaient leurs renflements énigmatiques.

« Tu es riche, le Boîteux, claironna Urgre. »

Ce n’était même pas une flatterie ; un simple constat. Là où d’autres négociants de chair faisaient la criée aux marchés obscurs, perchés sur des étals branlants, ce Drow-là pouvait se payer une gargote privative pour manigancer ses tristes affaires.
La voix de l’Urgre se fit alors plus douce — si douce, du moins, que pouvait l’être un timbre de Drow rompu par la brume, la boisson et les plaisirs noirs. Comme toujours lorsque l’or entrait en jeu, Rouge-Trogne dilatait largement ses narines comme des naseaux.

« Puisque tes coffres semblent renfloués à régurgiter des flots d’or, Boiteux, et que l’or des Nains ne t’intéresse qu’à peine ... que cherches-tu dans ces négoces ? Que ton voyage loin du Volcan n’ait pas été ide et creux. »
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Trystan D'Shar
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MessageSujet: Re: Sous l'étendard de la méfiance. [Drykars] [Terminé]   Sous l'étendard de la méfiance. [Drykars] [Terminé] I_icon_minitimeMer 6 Mar 2013 - 6:04

De toute évidence, l'addition salée proposée par Drykars à son intermédiaire était quelque peu restée en travers de la gorge de ce dernier. C'était tout à fait évident. Les gens qui voient les cordons de leur bourse se resserrer tout seuls à l'idée de se voir délestée d'une si grande quantité d'or cherchent toujours un moyen de s'arranger en payant autrement. Mais comme le pirate n'avait pas assez de sein et trop de machin pendouillant pour les goûts de Drykars, le payement en nature dans un lit était quelque peu à exclure. En tout cas, pour se qui était de ce type de paiement. Mais on peu quant même toujours trouver un arrangement. Après tout, il pourrait lui faire faire le sale boulot et il en récupérerait le fruit lorsque se serait fait ou alors si le pirate échouait, son nom à lui ne serait pas entacher de quoi que se soit.

« Je désir le pouvoir, dit-il calmement. »

Doucement, les ombres commencèrent à s’animer autour de Drykars.

« Pas le pouvoir politique. Mais un autre genre de pouvoir. »

Jouant tranquillement avec une ombre qui venait de se matérialiser dans le creux de sa main, Drykars regardait le pirate avec un petit sourire. Il était intelligent et était sans le moindre doute conscient que la raison pour laquelle il était traitait directement avec le chef des Trys'Tavilon, ce n'était pas uniquement parce que celui-ci avait un joli bordel et encore moins pour le plaisir de son joli minois et de ses dents gâtés.

« On dit que les disciples du chaos avaient un moyen pour offrir de la puissance magique brute aux adeptes qui rejoignaient leurs rangs. Ainsi que des pouvoirs des plus interessants. »

Le genre d'information qui était tranquillement caché quelque part dans les entrailles d'Abyssea et que Drykars n'avait pas encore réussi à atteindre.

« Je veux ce genre de choses. Le moyen d'augmenter mes propres pouvoir. Si tu possède quelque chose qui en soit capable, nous devrions pouvoir nous entendre. »

La magie. À la fois la béquille et le pêché mignon de Drykars. Il avait toujours été frustré de ne pas avoir put intégrer les rangs du C'nros et, même s'il apprenait en autodidacte, il était assez intelligent pour comprendre qu'il n'atteindrait sûrement jamais d'échelon supérieur dans la pratique des arcanes. Il était assez intelligent pour le comprendre, mais refusait de l'accepter. Il lui fallait de la puissance magique brute et il y avait peu de façon de l'obtenir.
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MessageSujet: Re: Sous l'étendard de la méfiance. [Drykars] [Terminé]   Sous l'étendard de la méfiance. [Drykars] [Terminé] I_icon_minitimeMer 6 Mar 2013 - 13:12

A l’annonce du prix avancé par le chef des Trys’Tavillon, Urgre Rouge-Trogne ne put se contenir : une sorte de gloussement étrange naquit dans les tréfonds de sa gorge, roula en grondement sur son palais, et un immense rire éclata depuis ses lèvres épaisses et alla retentir dans la cave aux esclaves. La marchandise s’en inquiéta peut-être — et Drykars en fut probablement très offensé — mais c’était la première fois que le Capitaine, pourtant vieux roublard des sept mers, voyait des tractations prendre un tour aussi cocasse.

« De la magie, le Boiteux ? hoqueta l’Urgre. Tu veux que je t’apporte de la magie ? »

Rouge-Trogne constituait probablement la lie de la race des Sombres : un pirate sans foi, à peine freiné par l’honneur supposé des gens de mer, et dont la fidélité variait au dixième d’once près, depuis l’infâme traîtrise jusqu’à l’obséquiosité profitable. S’il avait voué son navire à la cause d’Almia, et s’il battait le pavillon des Nains, ce n’était ni par angélisme ou noblesse d’âme : Dun Eyr se trouvait être le mieux équipé lorsqu’il s’agissait de mettre l’or sur la table.
De cette existence résolument terrestre, et habilement menée loin de l’Elda où il ne serait certainement pas le bienvenu — il aurait vendu le Volcan à la Couronne s’il s’était trouvé assez de pierreries à Diantra pour y mettre le prix — le Capitaine s’en contentait parfaitement. Alors, qu’on vienne lui parler magie, cela lui ramenait le souvenir de cette race à laquelle il avait tourné le dos : les Drows puissants, avides de savoir, conquérants des sphères mystiques. Rouge-Trogne n’était plus de cette peuplade-là : son royaume à lui se trouvait dans les tavernes et les ports, et sa seule soif était pour ce qui lui brûlerait le gosier — ou bien l’or.

« Je n’ai pas de magie pour toi, le Boiteux, comme je n’en ai pas pour moi-même. Laisse-moi prendre ces Humains comme convenu ; si mon client veut négocier Elfes et magie, il trouvera un autre navire que le mien, avec un Capitaine versé dans tout ce qui étincelle. »

Vision réductrice de la magie mise à jour par le Culte du Chaos à Abyssea, certes ; mais la déclaration venait clore les négociations. Urgre avait une vague conscience de sa grossièreté, de son esprit rustaud, et il savait laisser filer le gibier lorsque celui-ci devenait trop gros. Un coquet monticule d’or l’attendait déjà entre les mains d’un Nain, quelque part sur une rive du Nivor, s’il lui ramenait ces esclaves vivants et frais — enfin, plus de la moitié au moins. Voilà qui suffirait au Capitaine pour ce grand voyage.

« L’Ost du Puy a cadenassé les vieilles ruines, le Boiteux, ajouta d’expérience le pirate. J’y suis rentré avant, pour piller des coupettes d’or, mais les galeries sont closes à présent. Il te faudrait un solide équipage pour forcer la garde de l’Armée — et je ne suis qu’un simple négociant des mers. »

Urgre se promit néanmoins de laisser une oreille attentive traîner dans les rues d’Abyssea ; si un jour, peut-être, le Boiteux assemblait quelques pillards et retrouvait les galeries oubliées d’Abyssea ... il serait toujours intéressant d’être de la partie. Après tout, si cette première traversée se faisait sans encombre, peut-être Dun Eyr renverrait-il Urgre ici pour accroître les quantités ; qui sait ?

Sans plus de cérémonies, le Capitaine empoigna la marchandise et prit congé de Drykars ; une longue route encore, déjà peuplée de quelques traîtrises et entourloupes, attendait le pirate avant qu’il ne retrouve sa goélette dans le delta de l’Obhliv’Ihonn, loin au Nord des Marais.

Qu’il était difficile de gagner de l’argent facile.
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