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 Deux compagnons de route [Aënaelle]

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Wenceslas de Karlsburg
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Wenceslas de Karlsburg


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MessageSujet: Deux compagnons de route [Aënaelle]   Deux compagnons de route [Aënaelle] I_icon_minitimeLun 28 Oct 2013 - 19:15


La brume s'était levée et un pâle soleil éclairait les pierres blanches du château d'Arétria. A l'approche de midi, le temps demeurait triste et gris en ces premiers jours d'hiver.

Dans une petite pièce attenante au grand hall où le Comte tenait ordinairement audience, le conseil avait prit place autour d'une longue table et traitait des affaires du comté. Cela faisait quatre jours que l'on y débattait : s'y trouvaient le Comte Wenceslas en vêtements sombres et somptueux, son oncle Alwin, le sage Reynald et le sire Roderik de Wenden, pour ne citer que ceux qui menaient vraiment la discussion, et qui prenaient part à toutes les réunions. D'autres seigneurs prenaient parfois place autour de la table, mais étaient remplacés le lendemain. Chacun profitait de son moment de présence à la table pour quémander au Comte quelque revendication qui leur paraissait légitime. Il n'était pas rare qu'un seigneur réclame la même chose que ce qu'un autre avait demandé la veille. Tout était passé en revue : le sort de certaines terres laissées vacantes depuis que leurs anciens détenteurs avaient cru bon de suivre un autre maître, et qu'il fallait maintenant redistribuer; les préparatifs de quelque opération au nord du comté, où de turbulents châtelains continuaient de n'en faire qu'à leur tête; le sort réservé à certains renégats qui croupissaient dans les geôles du château; et parmi ces discussions interminables, Roderik ne manquait jamais de rappeler au Comte que sa sœur Aliénor ferait une formidable épouse et une comtesse de rang respectable. Ce à quoi Wenceslas, accoudé au bras de sa cathèdre, répondait inlassablement qu'il prendrait le temps d'en discuter plus tard.

A l'issue de l'entrevue, le Comte quitta la salle flanqué de Reynald qui, telle sa conscience, faisait le point sur tout ce qui venait d'être décidé en conseil, n'omettant pas un nom, pas un titre, pas une mise en garde. Le vieux précepteur faisait toujours un excellent aide-mémoire. Mais Wenceslas n'écoutait qu'à demi-mot. Il ne l'admettrait pas, mais il était las de ces séances interminables qui allaient devenir son lot quotidien. Lorsqu'on se bat pour obtenir le pouvoir, on n'imagine pas toujours à quel point il peut être épuisant de l'exercer. Tel était le constat qu'il en faisait aujourd'hui alors que, privé de longues semaines de sa terre natale bien aimée, il était une fois de retour bien trop occupé pour en jouir.

Alors que les deux hommes traversaient la longue allée centrale, et que Wenceslas écoutait toujours distraitement son interlocuteur, la demoiselle apparut à ses yeux. Seule, à l'écart des serviteurs auxquels elle n'entendait pas être assimilée, à l'écart des nobles dont elle ne partageait pas le rang, se tenait Aënaelle, la jeune femme aux cheveux roux qui l'avait accompagné depuis Diantra, et qui résidait maintenant à Arétria, selon le bon plaisir du Comte.
Aussi étrange que cela puisse paraître venant d'un homme aussi froid et distant que le Comte d'Arétria, la jeune Aënaelle avait été pour lui une compagnie réconfortante lors de sa captivité en Velteroc. Sans doute l'ignorait-elle elle-même. S'il n'accordait que peu de crédit à la place des femmes en société, Wenceslas n'en considérait pas moins qu'elles étaient une compagnie indispensable pour l'homme dans les moments les plus difficiles. Oh, il ne s'était rien passé entre eux : c'était une roturière, qui lui devait respect et obéissance, et qui n'était en rien son égale. Pourtant la jeune mercenaire aux cheveux roux était demeurée à ses côtés tout le temps qu'il avait passé entre les griffes de Nimmio de Velteroc. Elle avait bénéficié d'un traitement semblable au sien, Nimmio s'étant montré courtois avec ses otages. Et s'il s'était montré peu bavard avec elle, ils n'en avaient pas moins passé ensemble la plupart de leurs repas. A tel point que Wenceslas, qui au début ne l'appréciait guère, s'était accoutumé à sa présence. Et, il ne saurait dire pourquoi, il ne tenait pas à la voir partir.

Il coupa Reynald dans son monologue et prit congé de lui, pour se diriger vers la jeune aventurière. La scène ne manqua pas d'attiser la curiosité de ceux qui pouvaient y assister, d'autant plus que bon nombre de rumeurs circulaient déjà dans le château quant à cette étrangère. Certains la qualifiaient de sorcière aux cheveux de feu, qui avait gagné sa place en envoûtant le Comte; d'autres la considéraient tout simplement comme une putain diantraise, que leur sire avait ramenée pour réchauffer un lit bien trop vide. Mais nul n'osait parler en ces termes à haute voix lorsque le Comte était dans les parages.

- Mademoiselle, dit-il de la voix la plus aimable qu'il connaissait, mais d'un ton dénué de toute chaleur, j'espère que vous ne vous languissez pas trop en ces murs où rien ne se passe. Je n'ai pas eu l'occasion de vous voir ces derniers jours. Le temps a pu vous paraître long. Comptez-vous demeurer encore auprès de nous ? A présent que j'ai recouvré l'essentiel de ce qui m'appartient, il se pourrait que vous me soyez encore utile.

Quelle utilité aurait cette mercenaire en quête d'action et de voyages, une fois enfermée dans un château sous la garde d'une armée, la question pouvait encore se poser. Concernant ses talents guerriers, elle n'était qu'une lame parmi d'autres. Mais elle avait prouvé sa force morale en Velteroc, où elle avait fait montre d'un sens de la loyauté alors qu'elle n'était rien de plus qu'un mercenaire. Tous les soldats de métier n'en auraient pas fait autant. Et tout noble peut un jour vouloir compter sur les talents d'un serviteur capable de briller ailleurs que sur un champ de bataille.
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