L'aigle se pose

Dernière édition par Atanae le Jeu 15 Jan 2015 - 21:35, édité 4 fois

3eme jour de la 2eme énnéade de Barkios de la 8ème année du 11ème cycle.

Faire camper une armée, même d'une taille aussi réduite que celle que constituaient les Aigles Rouges, aux pieds des murailles d'une cité, n'est généralement pas vu d'un très bon oeil par les défenseurs perchés sur les remparts.
Si la volonté de n'offenser personne et d'éviter tout incident avait donc guidé Atanae dans son choix d'établir son campement à deux bons kilomètres de la ville, niché dans les collines, ça n'avait pas été la seule raison de sa décision.
La blonde connaissait ses gens. Ils étaient loyaux, ils étaient disciplinés, ils étaient fiables... et si on leur en donnait l'occasion, ils pouvaient également se changer presque instantanément en la pire bande d'ivrognes que les Langecins avaient du voir fouler leurs terres depuis des générations. Or une cité telle que la capitale du duché était précisément de taille à leur fournir toutes les distractions et l'alcool nécessaires pour qu'elle en retrouve la moitié ivres morts et l'autre pire encore en environ deux heures. En étant optimiste.
Au grand dam de ses troupes, elle avait donc préféré leur éviter les tentations superflues et n'avait emmené avec elle que deux de ses officiers, plus l'intendant de sa compagnie, qui les abandonnerait aux portes de la ville pour se charger d'organiser leur approvisionnement, et son ordonnance, un gamin de treize ans aux cheveux noirs comme la suie tellement fier de faire partie du détachement qu'il en oubliait de tenir correctement sa monture. Plus tard, si leur séjour devait s'éterniser, elle mettrait en place comme de coutume un système de roulement des permissions qui permettrait à chacun de profiter des plaisirs douteux de la vie citadine pendant un soir ou deux. En attendant, et avant de savoir pour quel genre de travail le duc l'avait faite venir, elle préférait que tous restent prêts à lever le camp dès son retour.

Le voyage jusqu'à la ville prit donc un certain temps, qui passa agréablement en discussions et plaisanteries, jusqu’à ce qu'ils arrivent en vue de la cité. Tandis qu'ils approchaient, l'esprit tacticien d'Atanae ne put s'empêcher d'évaluer de manière automatique les défenses présentes. Elle approuva mentalement les ponts, les lourdes portes et l'air alerte des soldats qui les regardaient avancer, mais ne put s'empêcher de grimacer en voyant les nombreuses constructions qui foisonnaient en delà des murailles. Son esprit pragmatique aurait voulu qu'on ne construise jamais quelque bâtiment que ce soit du mauvais coté d'un rempart, et elle ne pouvait s'empêcher de déplorer cette faiblesse stratégique.
Dans l'ensemble, néanmoins, l'endroit lui faisait bonne impression. C'était une forteresse solide, bien conçue et bien défendue, et c'est avec courtoisie qu'elle salua les gardes en arrivant a leur hauteur.

Personne ne les aurait pris pour quelque noble que ce soit, mais force était d'admettre qu'ils avaient plutôt fière allure, tout les cinq sur leurs chevaux, tandis qu'ils franchissaient le pont. Atanae n'avait pas poussé l'ostentation jusqu’à revêtir son lourd harnois complet, essentiellement pour des raisons pratiques, mais les plaques plus légères qui agrémentaient son armure de cuir pourtant usée rutilaient, nettoyées avec soin, et son tabard blanc était immaculé, à l'exception de l'aigle de gueules qui en frappait le centre et de la bordure assortie. Ses cheveux couleur de lin étaient tressés en une longue natte stricte qui dégageait son visage taillé a la serpe et ses yeux bleu acier, et même sa monture était impeccable. Elle dégageait, dans l'ensemble, une impression d'ordre, de rigueur et de netteté destinée à faire bonne impression à leur employeur potentiel.
A ses cotés, Lyderic et Thibert, les deux officiers qui l'accompagnaient, correspondaient davantage à l'idée que l'on pouvait se faire du mercenaire aguerri. Le premier était un vétéran couturé aux cheveux rares, à l'air patibulaire, et à qui il manquait la moitié d'une oreille, et le second, plus jeune, avait un cou de taureau et une carrure suffisante pour le forcer a passer de biais les portes les plus étroites. Malgré ses airs de brute, il faisait partie des rares membres de la compagnie capable de lire avec aisance, ce qui justifiait principalement sa présence. La jeune femme elle-même auraient été bien incapable de faire plus que déchiffrer son propre nom.

Ils se séparèrent de l'intendant une fois le pont franchi et se dirigèrent vers le palais ducal, ou ils mirent pied à terre et confièrent leurs chevaux aux garçons d'écurie avant de se présenter à l'entrée. La politique de la péninsule changeait trop vite, en ces temps troublés, pour que la jeune femme parvienne à suivre le jeu des alliances et des inimitiés qui se déroulait entre les maisons nobles, et elle était fort curieuse de savoir pourquoi, et contre qui, le duc de Langehack comptait les employer.

Le duc de Langehack venait de rendre une visite au magistère Crispin Delray lorsqu’on lui apprit la venue de mercenaires. Sans attendre, lui et son escorte reprirent leurs montures et se dirigèrent vers le palais ducal. Affublé d’habits simples que n’importe qui aurait pu avoir, il se fondait dans la petite escorte et aucun étranger n’aurait pu dire qui il était. Lorsqu’il partait rendre des visites, il n’avait nullement le besoin de s’afficher aux yeux de tous, la simplicité était de rigueur. Ainsi lorsqu’il rejoignit la grande salle ducale, la dizaine d’hommes s’avancèrent sans faire attention à ceux qui se trouvaient dedans. Néanmoins, Oschide remarqua assez rapidement la femme qui était accoutrée comme un homme de guerre. Sans cette couleur de cheveux, il aurait presque pu imaginer son amie Ange être accoutré de cette façon, mais de toute évidence, ce n’était pas elle.

En toute simplicité, Oschide se présenta à eux avec un sourire comme il était plutôt rare d’en voir en ces temps troublés. Mais avant qu’il n’ait pu se présenter lui-même, un héraut vint le faire à sa place.

-Son altesse le duc Oschide d’Anoszia.

Feignant d’ignorer cette mesure protocolaire, il salua un à un les guerriers qui lui faisaient face et en son fort intérieur, il espéra ne pas avoir à faire aux mercenaires qui avaient été avec lui en Sgardie.

-Bienvenue dans le Langecins. Dit-il respectueusement. Mes hommes m’ont informé de votre présence sur mes terres. Rassurez-vous, cela ne me dérange pas à condition que vous respectiez nos lois et que vous ne pillez pas nos gens.

Voyant que la femme se tenait au milieu des deux autres, il crut comprendre qu’elle était le capitaine. Il était rare de voir une femme aux commandes d’une compagnie de mercenaire, Oschide n’en avait jamais vu auparavant. Il savait que des guerrières se battaient dans certaines compagnies, mais de là à réussir à se faire respecter de tous…

-Nous éviterons les formalités et les politesses pour passer au vif du sujet. Mes terres sont riches et vous êtes enclins à trouver un contrat qui arrangera sans aucun doute nos deux partis alors si vous le voulez bien, suivez-moi pour que nous parlions des réjouissances à venir.

Si le héraut n'avait pas pris la parole, jamais Atanae n'aurait soupçonné que cet homme en tenue simple et à l'air si commun pouvait être le duc en personne, aussi ne put-elle retenir une expression de surprise en apprenant son identité. Elle se maîtrisa cependant bien vite et s'inclina respectueusement devant son interlocuteur. Ses camarades l'imitèrent, avec quelques secondes de retard de la part du jeune garçon trop occupé à admirer l'ampleur de la salle.

C'est un honneur, votre altesse, répondit-elle une fois qu'il lui eut souhaité la bienvenue. Je suis Atanae, Capitaine des Aigles Rouges, et eux sont mes officiers Thibert et Lyderic.

La manière dont il lui parlait la surprit. Déjà, il semblait s'adresser à elle plutôt qu'à ses compagnons, ce qui dénotait à la fois d'une bonne observation de leurs attitudes respectives et d'un esprit plutôt ouvert à la possibilité qu'une femme dirige des soldats. Et puis surtout, des nobles bien moins titrés que lui ne se privaient généralement pas pour prendre les mercenaires de haut et afficher ouvertement leur mépris, alors même qu'ils avaient besoin de leurs services. C'était le genre d'attitude qu'elle avait appris à supporter sans broncher comme le reste des fatalités de l'existence, et elle s'attendait immanquablement à trouver la même chose ici.
Mais loin de sembler dédaigneux, le duc de Langehack se présentait a eux souriant et ouvert, et l'attitude lui plut immédiatement. Elle répondit donc à son tour par un sourire, et se détendit très légèrement.

Ne vous inquiétez pas de nous, votre altesse, semer le trouble sur vos terres n'est pas dans nos intentions. Nous sommes relativement bien élevés... pour des mercenaires.

C'était vrai, pour l'essentiel. « Bien élevé » n'aurait sans doute pas été le terme que la plupart des gens auraient utilisé pour désigner sa bande de soudards mal dégrossis et mal lavés, mais à l'aune du mercenariat, ils étaient relativement moins portés que d'autres aux pillages gratuits et aux divers ravages que causent d'ordinaire trois cent êtres humains ne sachant rien faire d'autre que se battre lorsqu'ils arrivent quelque part. Il y avait toujours des incidents, bien sûr, mais ils restaient plutôt rares.

Nous vous suivons, votre altesse, répondit-elle ensuite sommairement avant de joindre l'acte à la parole et de s'engager à sa suite, les autres sur ses talons. Elle en profita pour observer leur hôte à la dérobée tandis qu'elle marchait légèrement derrière lui, et révisa ses premières impressions. Oschide d'Anoszia avait peut-être des manières simples, mais il n'était pas « commun ». Il dominait la plupart des hommes présents, pour commencer et ses traits avaient quelque chose d'aristocratique. Sa démarche, elle, était celle d'un guerrier, ce qu'elle approuva mentalement. On se comprenait toujours plus facilement entre gens d'armes.

Nous n'avons pas de contrat actuellement, aussi nos troupes sont-elles à votre disposition, si vous souhaitez nous engager, poursuivit-elle d'une voix ferme et respectueuse.

Sujet: Re: L'aigle se pose Ven 2 Jan 2015 - 16:23

Il eut un petit sourire en coin lorsque la capitaine mercenaire lui avoua que ses hommes étaient relativement bien élevés. Bien sûr se dit, tant qu’on les paye. Mais il connaissait ces hommes et savaient qu’ils ne se risqueraient jamais à mettre le chaos s’ils pouvaient avoir un contrat juteux à la clé. Tandis qu’il marchait à côté de la jeune femme et de ses deux officiers, quelques gardes le suivaient comme à l’habitude. La capitaine lui dit alors qu’elle n’avait encore aucun contrat et cela tombait plutôt bien vu les choses qu’il s’apprêtait à faire.

Etrangement, il appréciait ses manières. Elle changeait de tous les mercenaires qu’il avait pu rencontrer jusque-là, sans aucune discipline ni respect. Si la compagnie était à l’image de leur jeune chef, alors cela ne faisait aucun doute qu’il pourrait entrevoir avec elle un contrat qui, il l’espérait, serait indéterminé.

Ils arrivèrent enfin à son bureau qui était voisin à celui de son épouse, mais qui restait encore vide vu la maladie de la duchesse.

-Rentrez je vous prie.

Une fois à l’intérieur, il leur proposa de s’asseoir et de se laisser aller à quelques rafraichissements. Une fois assit, il put enfin aborder le sujet qu’il souhaitait.

-Vous recherchez un contrat et je recherche des hommes, autant dire que nous pouvons négocier un arrangement qui ravira nos deux partis comme je vous l’ai déjà dit. Des serviteurs remplirent les verres des trois mercenaires ainsi que le sien. J’aimerais vous proposer un contrat qui ne devrait pas manquer de vous intéresser étant donné la prime à la clé et les opportunités de richesse sur place.

Oschide se leva avec son verre à la main et se pencha sur l’immense carte qui était posée sur la grande table en chêne qui lui servait de bureau.

-Voici votre destination, dit-il en pointant du doigt une zone foncée sur la carte. Si vous acceptez, mon intendant se chargera de voir avec vous le montant de votre prime et vous donnera tous les renseignements nécessaires pour pouvoir vous y rendre. Si vous refusez, je vous accorderais un sauf conduit jusqu’à la frontière de mes terres. Qu’en dites-vous ?

Sujet: Re: L'aigle se pose Ven 2 Jan 2015 - 19:08

Atanae pris le temps de déguster une gorgée de vin tandis que le duc se levait. Elle n'était pas particulièrement experte en la matière, mais le liquide rouge sombre était plutôt agréable a son palais de novice, alors autant ne pas s'en priver. Encore une attention qu'elle appréciait. Il était rare qu'un seigneur prenne la peine d'offrir du vin a des mercenaires, à moins qu'il y ait une quelconque victoire à fêter.

Elle observa la carte avec attention et inclina la tête sur le coté.

Sur sa gauche, Lyderic grimaça légèrement, mais la blonde capitaine s'imposa de rester impassible et se contenta de réfléchir quelques secondes. Ce n'était pas l'endroit ou elle s'attendait a être envoyée, c'était le moins qu'on puisse dire. Cela l'intrigua.

Elle tâcha d'imaginer la tête que tireraient ses hommes si elle leur annonçait pareille destination. Certains allaient faire la gueule à l'idée d'un tel voyage, elle en était persuadée. Mais elle en faisait son affaire. Ils avaient passé les quatre dernières années à refaire leurs effectifs et leur réputation en se battant pour le compte de petits seigneurs, contre une petite paie, à chasser les brigands ou à régler des conflits mineurs dans le sang et le fracas des armes. Ils étaient prêts, a présents, à passer à la vitesse supérieure et à travailler pour de plus puissants employeurs, à récolter de plus gros gains. La compagnie devenait de toute façon trop importante pour rester dans les moyens fort maigres de leurs clients habituels. Si continuer sur un chemin florissant signifiait devoir s'embarquer dans ce genre d'affaires, et bien soit. Elle ne laisserait pas passer l'occasion.

A première vue, je ne vois rien qui s'opposerait à ce que nous fassions affaires, Altesse. Il me faudrait cependant davantage d'informations. Quel sera notre emploi sur place, premièrement ?

Elle avait beau faire, elle voyait mal quel intérêt pouvait avoir une telle expédition pour le duc de Langehack. Mais ce n'était pas la première fois que la politique des Grands de la Péninsule la dépassait.

Sujet: Re: L'aigle se pose Sam 3 Jan 2015 - 20:09

L’atmosphère qui se dégageait de la pièce était celle qu’il devait chérir le plus. Même si son statut de duc l’obligeait à user de courtoisie et de diplomatie, il restait un homme de guerre. Pouvoir converser avec ses pairs, même s’ils étaient mercenaires lui plaisait. Cela changeait avec les chevaliers Langecins plus colorés qu’aguerris qui vivaient à sa cour. Il était indéniable que sa noblesse savait manier la lance et se pavaner dans les lices, mais peu encore étaient capables des pires atrocités, des sales besognes et de tout ce qui s’en suivait. Ce pourquoi, Oschide répondit à la capitaine des aigles d’un simple sourire courtois qui en disait long sur leur emploi.

-Ce sera à vous de voir capitaine. Vous jugerez selon la situation sur place et s’il est nécessaire d’agir alors vous agirez. Par « agir », je pense que nous nous comprenons très bien.

Il avait terminé d’un ton sec qui suffisait à bien faire comprendre ce qu’il attendait d’eux.

-Bien sûr, mon intendant se chargera aussi de vous transmettre les renseignements quant aux préparatifs. Il y aura aussi ceux à transmettre à ceux qui vous accompagneront.

La capitaine, bien que songeuse vis-à-vis de la destination semblait aussi enjouée à l’idée d’accomplir cette tâche. Cela ne faisait aucun doute qu’elle possédait plus de courage que dix hommes d’armes et qu’elle saisirait ce contrat à pleine main. Après tout, même si les compagnies se fichaient de l’honneur et de la loyauté pour la plupart, elles ne pouvaient pas se passer de leur réputation qui constituait peut être la base de leur gagne-pain.

-Si cela vous va, alors je suis heureux de pouvoir faire affaire avec vous.

» Où l'on pose les glaives [Roland de Dorour]

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