Un Nouvel Ordre Mondial [Libre]

Sujet: Un Nouvel Ordre Mondial [Libre] Mar 10 Mar 2015 - 18:19

2ème jour de la 4ème énnéade de Barkios, 8ème année du 11ème cycle

Il faisait tiède ce jour là. Mains engourdies, nez rouges de froid et route en boue. Les cieux se faisaient cléments et le Stra taillait sa part du monde en changeant ces nuages menaçants pour un ciel bleu plus clément. La charrette qui transportait Arawn s'ébroua avec un petit crissement de bois, alors que la quinzaine de fanatiques qui l'accompagnaient avançait à un pas martial.
Ceux-ci n'étaient pas les meilleurs du Culte, ni les plus agiles, ni les plus adroits aux armes, ni magiciens, ni même les plus malins. Pourtant, quand leur chef leur annonça où ils se rendaient, tous répondirent par la positive sans hésiter. La loyauté, la foi, voilà tout ce qu'il y avait à en tirer.

Son choix n'était pas arbitraire et d'aucun lui aurait conseillé de prendre avec lui les meilleurs des meilleurs pour ce qu'il s'apprêtait à faire. Ses chances d'y mourir étaient élevées, il en était conscient, trop conscient. La peur le prenait au ventre et son silence énigmatique, si apprécié de ses pairs, prenaient davantage source dans l'effroi que dans le mysticisme.
Une horde de prophètes en pleurs le suppliait de ne pas y aller, de reconsidérer la chose et de laisser les armées du Royaume se frotter aux sombrelfes... Rien n'y avait fait. Son choix était arrêté, il irait. Encore que ce groupe lui avait été pratiquement imposé, au début il souhaitait partir seul vers ce qui serait sûrement son dernier grand-œuvre, sa dernière quête.

Tout était en ordre pour le Karamstra, la passation était assurée, on venait de lui annoncer qu'une zone des Wandres avait été annexée dans le secret, la baronne reviendrait bientôt et la conversion d'Alonna, lente et discrète, battait son plein.

La partie avançait et ses péons devenaient des guerriers, l'avenir était radieux. Quant à lui, il appartenait à un monde qui n'existait plus. Pendant trente-cinq ans il avait parcouru le monde et pendant plus de vingt ans ensuite il avait dirigé le Culte... Sa vie s'en était retrouvée bien plus longue que celle d'un humain ordinaire... Tout cela lui semblait si loin, si loin...
Alors il était parti, vers un avenir incertain, son dernier coup d'éclat ou son ultime échec. Un quitte ou double qui ne toucherait personne sinon lui et possiblement ses accompagnateurs.

-"Voix du Culte, nous pouvons encore faire demi-tour, il est toujours temps..."

-"Les déserteurs ne nous ont pas arrêtés, la pluie ne nous a pas arrêté, la perspective de la mort ne m'arrêtera pas plus."

Dans une seconde de panique le vieillard porta la main à sa dague elfique, prise sur le corps d'un capitaine elfe l'ayant traqué aux abords d'Anaëh. Arawn avait prouvé cette fois là qu'une trop grosse confiance en soi et la sous-estimation d'un adversaire poussait à une mort rapide... Et brutale.

Sans y penser, il lissa sa barbe blanc et tourna ses yeux fatigués vers l'Œil du Monde qui brûlait avec entrain. Le rejoindrait-il une fois son trépas venu? Demain ou dans dix ans?

Des paysans et leurs familles, fuyant une zone de combats, leur apprirent la présence de leur cible quelques kilomètres en amont, vers Amblère. Dans sa jeunesse la cité avait été une des premières destinations d'Arawn avec les Wandres et les terres des nains. La ville était tombée à présent et le vieux n'en était pas mécontent, cette ville était un repaire de pentiens fanatiques et la loge du Karamstra qui s'y trouvait était l'une des plus petites de la région tant le recrutement était impossible. Au fond, le vioque ne pensait qu'à eux.

L'heure de route suivante fût plus calme et on décida un arrêt pour se reposer. Ils ne tarderaient pas à arriver... Très inquiet, le cocher, un adepte lui aussi, osa demander à son maître...

-"Pourquoi vous acharner, Ô Voix? C'est perdu d'avance..."

L'ancien héros tourna sa tête vers lui, lentement, avec ce doute dans les mots. Celui qui caractérisait l'homme qui savait qu'avoir peur n'était pas forcément une honte, qui ne cherchait pas à se cacher derrière une impassibilité imbécile.

-"Perdu? Sans doute... Notre mission est pure folie et je ne peux demander à aucun d'entre vous de m'accompagner jusqu'à son terme. Mais j'ai eu une vision, au Dolmen des Ustros. J'ai vu Karamstra resplendissante, en paix avec elle-même, victorieuse du Royaume et ramenant l'Equilibre en ce monde. Aujourd'hui, il est temps de construire ce mirage.

J'ai côtoyé nombre de drows, en Ithri'Vaan, aux alentours du Puy. Je les connais mieux que beaucoup d'érudits et je sais qu'ils respectent la foi et la valeur martiale. Plus que tout ils haïssent les pentiens... En tout cela nous sommes semblables. Ils sont différents, ils sont hargneux, vaniteux, intolérants... Mais étions-nous si différents?
Les Péninsulaires ne les aiment pas, ils ont raison. Mais aujourd'hui les drows sont notre meilleure chance de reconstruire le Nord a notre effigie, de faire du Karamstra les vainqueurs ultimes de la guerre.
Je vais leur parler, je vais leur prouver que je partage leur avis sur les pentiens, leur haine, leur colère, leur désir de vengeance et de souffrance. Qu'il y a sept cent ans de rage sous nos atours guerriers... Je les convaincrai de partir pour se faire un grand allié. Un allié qui a les mêmes objectifs qu'eux.

Et quand le Nord nous vénérera, que ses régions seront tombées sur notre coupe, que Karamstra rayonnera à nouveau, que les pentiens du Médian et du Sud se terreront, terrifiés, dans leur forteresse... Nous n'aurons qu'un geste à faire pour que le Royaume tombe et que ses serfs en soient réduits à la conversion ou l'esclavage."

Alors, ils se remirent en route.

Sujet: Re: Un Nouvel Ordre Mondial [Libre] Dim 15 Mar 2015 - 20:08

Ils n’étaient pas passé inaperçus, les guetteurs drows les ayant repéré depuis la veille. Avaient-ils, eux, réussi à discerner ces ombres dans les sous-bois qui les suivaient, les comptant et les jaugeant ? Si tel était le cas, cela ne semblait pas les avoir spécialement inquiété. Au camp où séjournait l’ost de Kiel, les discussions allaient bon train entre quelques officiers sur l’accueil qu’il fallait réserver à ces fous osant avancer vers les drows au lieu de s’enfuir aussi loin que pouvaient les porter leurs jambes. Certains, parmi les plus fanatiques, ne juraient que par le massacre et le sang, d’autres s’étonnaient et estimaient que parler avant de frapper ne pourrait en rien leur nuire. Après tout, ces humains n’étaient qu’une quinzaine, en quoi pouvaient-ils inquiéter un ost de neuf milles drows ?

Haldren, lui, se montrait tout simplement curieux. Bien que tous s’accordaient à trouver que sa logique se montrait aussi rationnelle qu’un éléphant dans un magasin de porcelaine, l’ancien Obok Senger du Vème ost n’avait rien d’un imbécile. Un petit groupe avançant à l’inverse du flot des réfugiés ne pouvait pas se trouver là par hasard, ces humains voulaient vraisemblablement rencontrer les drows. Pourquoi ? La nouvelle de la chute d’Amblère et l’épouvantable massacre qui s’en était suivi devait pourtant les avoir atteint. S’offrir en sacrifice n’aurait eu aucun sens, et ils ne venaient pas de la direction d’où auraient pu arriver d’éventuels négociateurs de Serramire. Non, décidément, quelque chose ne clochait pas rond, et s'il s'agissait d'un piège l'archimage renonçait à deviner lequel.

Sans en référer à personne, comme à son habitude, il prit la route du Nord, à la rencontre ces surprenants humains. Il ne s’estimait pas sous les ordres de quiconque, accompagnant l’ost de Kiel sans véritablement l’intégrer. Certains des prêtres avaient renâclé face à cet hurluberlu sorti de nulle part et qui jouait sa partie sans respecter aucune règle, mais jusque là personne n’avait osé le lui dire en face. Par moments, Haldren le regrettait, étriper quelques fanatiques aurait sans doute détendu ses nerfs fatigués par les derniers évènements.

Par chance, lors du siège d’Amblère, il avait pu mettre la main sur des tenues en meilleur état que des anciennes hardes en loques, et pour un peu on aurait pu le croire revenu au temps de sa splendeur. Comble de l’élégance, même ses cheveux se trouvaient lavés, coupés et peignés. Qu’il paraissait loin le vagabond pareil à un mendiant qui s’était joint à l’ost lors du premier assaut sur la cité ! Nul doute que d’ici à quelques semaines, sa somptueuse tenue actuelle serait elle aussi déchirée et souillée, mais l’archimage comptait bien sur d’autres pillages pour renouveler sa garde-robe au fur et à mesure de l’avancée de l’ost à travers Oësgard. Si Haldren n’accordait que peu d’importance à l’opinion du reste des êtres pensants existant sur ce monde, il trouvait dégradant de se balader vêtu de guenilles. Comme quoi même lui pouvait avoir son petit côté dandy.

Chemin faisant, il croisa quelques éclaireurs drows qui lui indiquèrent où se trouvait le petit groupe d’humains, qui continuait tranquillement sa route. Sans mot dire, Haldren avança jusqu’à trouver ce qu’il cherchait, à savoir un petit pont enjambant un ruisseau. N’ayant nulle envie de cavaler partout pour rencontrer les nouveaux venus, le drow choisit donc de les attendre là où ils devraient passer pour éviter de se mouiller les pieds : sur le pont lui-même. Déjà au détour d’un chemin apparaissait une sorte de carriole, qui selon les éclaireurs servait uniquement à un des humains. Leur chef, sans doute ?. Fou mais pas suicidaire, Haldren activa son sortilège de bouclier pour le cas où une de ces créatures inférieures se sentirait des envies d’héroïsme et attendit patiemment.

Sujet: Re: Un Nouvel Ordre Mondial [Libre] Lun 30 Mar 2015 - 16:53

La route avait été plus paisible que prévue, mais ce n'était pas Arawn qui s'en serait plains. Dès le départ ses hommes s'attendaient à être attaqués de toute part, transpercés de mille flèches barbelées avant de voir leurs organes offerts en sacrifice à quelque sombre dieu.
Leur chef, alors que ses subalternes craignaient pour leur vie, dormait paisiblement. Le temps passant la perspective de la mort l'indifférait de plus en plus, sachant sa succession assurée et, bien qu'il n'aurait jamais été l'avoué, il savait les drows fourbes et lâches mais non moins curieux. Les prendre vivant aurait bien plus de sens que de les exécuter sans sommation.

Quand cet énergumène en habits chatoyants apparu sur le chemin, la carriole s'arrêta et d'un petit coup du bâton de sa lance, un des guerriers réveilla son maître, qui somnolait.
Celui-ci ouvrit des yeux fatigué et bailla grandement, attendant des explications. Sitôt que ses yeux furent agressés par l'explosion de couleur se tenant fièrement sur le pont devant eux. Laconiquement il lâcha:

-"Ah quand même, c'est pas trop tôt."

Avec effort il se laissa tomber à terre et usa de son bâton pour se relever. Ses deux mètres, qui lui avaient tant servis pendant sa carrière d'aventurier, l'handicapaient à présent tant les douleurs parcourant ses muscles se faisaient insistantes.

-"Restez ici mes enfants, je vais m'en occuper."

Il ferma les yeux et souffla, faisant le vide. Toute son éloquence devait être déployée... Ce drow le prendrait pour un fou, il faudrait le convaincre du contraire. A pas lents le géant se rapprocha du magicien, tenant fermement son bâton et levant un bras en signe de paix.

-"Calme. Je suis venu en ami."

Il inclina de la tête pour saluer, un sourire naissant aux lèvres.

-"Je suis Arawn Eolun, chef du Culte de Karamstra, Grand Ennemi des pentiens.
Je viens vous féliciter pour vos actions, voilà trop longtemps que les déchets du Royaume hantent nos terres et nous n'avions pas le nombre pour les en chasser, mais grâce à vous ce sera bientôt chose faite."

Sujet: Re: Un Nouvel Ordre Mondial [Libre] Mar 31 Mar 2015 - 9:06

Le gaillard qui descendit de la charrette devait passer pour un géant aux yeux des siens. Tout du moins dans le temps, car il peinait désormais à maintenir droite sa carcasse délabrée par les ans. Toutefois, il émanait de lui une aura d’autorité, le genre d’aura qui ne s’acquiert que par de longues années à commander aux limaces rampantes subalternes. Haldren pouvait respecter cela, de même que le courage de venir seul le confronter, alors que les drows passaient pour des êtres sanguinaires et d’une rare cruauté. Cette réputation n’était d’ailleurs pas totalement justifiée, car si les bardes chantaient souvent les horreurs dont se rendaient coupables les séides de l’Elda, ils n’en comprenaient pas la raison.

La cruauté, de même que la violence, ne sont que des extensions d’une méthode politique. Pour un drow, terrifier ses adversaires par ses actes garantit un avantage lors des affrontements suivants grâce à la peur qui désormais l’entourera. Certes, nombre des congénères d’Haldren y prenaient également plaisir, mais finalement assez peu d’entre eux se contentaient d’être cruel par simple perversité aveugle. Même les prêtres de Kiel qui dirigeaient l’Ost plaçaient la douleur et la souffrance dans une optique religieuse de dévotion à leur divinité. L’archimage acceptait toutefois d’admettre que pour les suppliciés, le résultat pour eux devait être plus important que les motivations de leurs bourreaux.

Lorsque l’humain s’approcha, il leva la main en signe de paix et se présenta comme le chef du culte du Kamasut…. Kamasat… Karamstra. Fouillant sa mémoire ravagée, Haldren tenta d’y trouver des souvenirs de ce culte, mais cela ne lui disait strictement rien. Soit cette secte humaine se révélait peu connue, soit l’archimage ne s’en souvenait pas. Les deux hypothèses se révélaient tout aussi probable l’une que l’autre, d’autant plus que le nombre de cultes mineurs existants pouvait vite donner le tournis. Haussant mentalement les épaules, le drow revint donc aux félicitations de l’humain.

Je vous remercie, chef du Culte, et votre haine des séides du Royaume fait plaisir à voir. Mais votre présence en ces lieux n’en demeure pas moins étonnante. Comment saviez-vous que nos éclaireurs n’allaient pas vous hérisser de flèches avant même que vous n’approchiez ?

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