Feu follet

Les coulées de lave vomies par le volcan avaient quasiment tout détruit, ne laissant que mort et désolation sur leur passage. De la fière cité naine de Kirgan, il ne restait plus guère que ce spectacle de désolation, hanté par les mânes des guerriers tombés au champ d’honneur lors du cataclysme. Haldren ne pouvait s’empêcher d’y voir une métaphore de la fragilité des empires, et du destin funeste auquel le fleuve du temps les condamnait tous. Qui se souvenait encore qu’une décennie plus tôt, le roi Garmin tenait cette cité d’une main de fer, régnant en monarque absolu sur le Nord ? Le peuple nain se trouvait à l’époque fier et uni, bien différent en cela de leurs pitoyables héritiers qui tentaient péniblement de survivre à Lante ou à Thanor, sans même parler des fous qui espéraient reprendre les terres d’Almia aux hordes gobelines.

Grandeur et décadence, marmonna à mi-voix l’archimage, resserrant sa cape autour de lui pour se protéger de l’assaut du vent glacial qui balayait la plaine.

Quelques années plus tôt, il avait fait partie d’une expédition destinée à explorer les ruines de l’ancienne capitale naine. En compagnie d’une danseuse sexy, d’un nain alcoolique, d’un humain décrépi et d’une elfe ingénue, le drow s’était aventuré dans les entrailles du monde, à la recherche des trésors perdus des rois sous la montagne. Malheureusement, des incidents variés, impliquant entre autre un dragon de Perrelin en rut, n’avaient pas permis aux vaillants explorateurs de finir leur travail. Cette fois, le drow revenait seul, bien décider à finir ce qu’ils avaient commencé à l’époque en prenant le temps qu’il lui faudrait. Ni le C’nros ni son Ost n’attendaient son retour, il se trouvait son seul maître et comptait bien s’enfoncer plus profondément sous la montagne que la fois précédente.

Les coups de pioche le tirèrent de sa rêverie, et il se rapprocha du petit groupe qui creusait à l’entrée d’un tunnel effondré. Lors de la première expédition, le drow et ses compagnons avaient eu recours à leur magie pour forer à même le roc un accès permettant de rejoindre les galeries supérieures de Kirgan, mais un éboulement de terrain l’avait depuis en partie refermé. Fort heureusement, Haldren avait mis la main sur une dizaine de volontaires près à l’aider dans sa noble quête de pillage et de profanation du sanctuaire nain. Certes, il fallait admettre que les « volontaires » n’étaient rien d’autre qu’une bande de bannis wandrais venus en ces lieux pour leur propre compte, mais l’archimage disposait d’arguments frappants aptes à persuader quiconque que son intérêt est de l’aider. En l’occurrence, ces arguments consistaient en deux créatures d’ombres ressemblant vaguement à des gorilles, et qui surveillaient d’une œil farouche les prisonni… les volontaires.

Le campement des pillards restait bien modeste : quelques tentes en peau, un four rudimentaire, un petit auvent construit à la hâte pour les chevaux. Rien de bien spectaculaire, mais cela devrait suffire. Une fois les galeries supérieures atteintes, Haldren espérait réussir à trouver des passages à peu près intacts permettant de descendre au plus profond de la cité, jusqu’à la Cellule Royale où logeait autrefois le roi et sa famille. Des vagues souvenirs qui lui restaient, il se souvenait que plusieurs des grandes galeries au cœur de la cité restaient utilisables. Avec un peu de chance, la lave avait suivi les conduits existants lors de l’éruption avant de se replier sur la chambre magmatique, et le drow comptait bien faire le chemin en sens inverse. De toute façon, mieux valait éviter de trop trainer à l’extérieur, les ruines de Kirgan attirant souvent monstres et pillards, sans compter les nains qui pourraient mal prendre la présence de profanateurs sur la terre de leurs ancêtres.

HRP : la première expédition est narrée ici https://miradelphia.forumpro.fr/t16316-etincelles-pv

Si le printemps réchauffait les terres du Sud, il n’en était encore rien au sein des hautes montagnes de l’ancien royaume nain. Le petit camp installé près de l’ancienne entrée de la cité de Kirgan se voyait en proie aux assauts d’un vent glacial qui faisait bruyamment claquer les tentes et éteignait les feux qu’il fallait bien vite rallumer. Au loin, des loups hurlaient dans les collines, comme pour rendre encore plus sinistre l’ambiance crépusculaire du lieu. N’auraient été leurs terrifiants gardes d’ombres, les humains qui excavaient le tunnel auraient sans nul doute filé depuis longtemps vers des terres plus hospitalières que cette cité devenue une immense nécropole à la mesure du cataclysme qui l’avait détruite.

Mais Haldren ne tolérait ni répit ni lenteur dans le travail. Bien conscient que chaque jour passé à la surface accroissait les risques de voir venir d’autres intrus, ou pire des nains furieux face à ces profanations, il ordonnait de creuser toujours plus, toujours plus vite, toujours plus loin. Et la terreur qu’il inspirait permettait au petit groupe de conserver le minimum de cohésion nécessaire aux travaux qu’ils entreprenaient. Car assez étonnamment, l’archimage semblait rechigner à utiliser son art pour s’enfoncer jusqu’aux entrailles de la cité. Craignait-il de ne pouvoir maintenir actif le sortilège invoquant les gardiens tout en creusant à travers la roche ? Sa confiance dans la téléportation se voyait-elle diminuer dans un lieu qu’il ne connaissait quasiment pas et qui pouvait grouiller de runes naines protectrices ? Ou plus simplement se réservait-il et économisait-il ses forces ? Sans doute un mélange de tout cela.

Tandis que les humains creusaient sous la garde de leurs terrifiants geôliers, le drow étudiait attentivement les inscriptions gravées non loin de là, sur une tour qui faisait autrefois partie du cercle de défense extérieure de Kirgan. On y devinait encore une rune destinée à renforcer l’ensemble de la structure, très abimée et désormais hors d’état d’accomplir son œuvre. Mais Haldren se serait bien gardé de critiquer le runiste qui l’avait placée là des décennies auparavant, car le nain devait à l’époque imaginer protéger la tour contre une attaque ennemie venue de l’extérieure et non contre la fureur d’un volcan. Toutefois, cela lui permettait d’en apprendre un peu plus sur le mode de fonctionnement de la magie runique, et bien qu’Haldren n’en ait aucune utilité ni aucune maitrise, il aimait apprendre et satisfaire sa curiosité.

Lorsqu’il s’en revint au campement, il put constater avec satisfaction que le tunnel avait été rouvert. A quelques dizaines de mètres de la surface, la cavité devenait d’un coup plus rectiligne et régulière, signe qu’il ne s’agissait plus de l’œuvre de ses séides mais bien d’une galerie faisant partie des étages supérieurs de Kirgan. Quelques années plus tôt, des nains devaient passer là en silence, vaquant à leurs occupations, rassurés par la présence de ces millions de tonne de roche au-dessus d’eux. Cette protection dont le peuple barbu se gargarisait avait finalement constitué un piège dont bien peu s’étaient échappés. Chassant ces pensées ironiques, l’archimage se retourna vers le wandrais qui dirigeait le groupe avant son arrivée.

Préparez des torches et emmenez tous les vivres dont nous disposons, nous allons devoir rester plusieurs jours sous terre.

Si le drow pouvait se débrouiller dans le noir, il préférait garder sous la main ces humains patauds et bruyants. Après tout, il devait bien rester des pièges là-dessous, non ?

La rune de feu s’activa au moment où le wandrais posa son pied dessus. Comprenant trop tard ce qu’il se passait, l’humain voulut se jeter de côté afin d’esquiver le piège, mais il était déjà trop tard. Un jet de flammes jaillit, le transformant en une torche vivante avant même que ses compagnons ne puissent réagir ou lui apporter leur aide. Une ignoble odeur de cochon grillée emplie l’air, tandis que le malheureux agonisait au sol, se tordait dans d’atroces douleurs sous les yeux tétanisés des autres wandrais, et ceux indifférents de l’archimage drow.

On continue, fut le seul commentaire d’Haldren lorsque le corps ne bougea plus.

Au bout d’une demi-journée dans les ténèbres, trois humains déjà avaient perdu la vie. Deux dans des pièges, le troisième dans un éboulement au niveau d’un couloir en mauvais état. Les survivants ne savaient plus à quel dieu se vouer, et leurs prières murmurées à voix basse démontraient la panique qui s’emparait peu à peu d’eux. S’ils avaient pu croire, en s’enfonçant sous la surface, y aller comme partenaires du drow, ils comprenaient désormais qu’ils n’étaient rien d’autres que de la chair à canon. Malgré la destruction de la cité, nombre de pièges se trouvaient encore actifs, surtout dans les zones épargnées par les flots de lave, et servir d’appât pour les déclencher ne constitue pas la meilleure chance de survie dans de telles expéditions.

Suivant le groupe pantelant et tremblant d’humains, l’archimage avançait tranquillement, entouré d’un halo d’ombres qui reflétaient la lueur des torches en dansant une sarabande endiablée. Si Haldren avait renvoyé les deux gorilles dans leur dimension d’origine, l’aura de pouvoir qui émanait de lui indiquait clairement à ses séides que l’attaquer par surprise constituerait une grave erreur. Intérieurement, le drow se demandait avec curiosité à quel moment l’un d’eux tenterait malgré tout de la poignarder en douce. Son sortilège de bouclier le mettait à l’abri d’une telle attaque, mais il s’agissait toutefois d’une expérience sociale fort intéressante à ses yeux. Condamnés à une mort atroce dans les pièges des nains ou sous les crocs des monstres, combien de temps les wandrais allaient-ils tenir la pression avant de craquer et de tenter quelque chose de stupide ?

Le petit groupe se trouvait encore dans les galeries supérieures de la cité détruite. A plusieurs reprises, il étaient passé devant des tunnels dont la pente descendante indiquait qu’ils devaient rejoindre les galeries profondes, mais à chaque fois des éboulements les avaient empêchés de continuer dans ces voies. Il leur fallait donc suivre le tunnel principal jusqu’à trouver des galeries en suffisamment bon état pour atteindre les profondeurs. Le principal problème, aux yeux d’Haldren, venait du fait que les monstres qui devaient hanter l’ancienne capitale du royaume nain utilisaient probablement eux aussi ces passages. Avec un peu de chances, la plupart vivaient dans les parties les plus hautes de la cité, près des portes effondrées, mais l’archimage ne se faisait pas d’illusion : que ce soit des morts ou des vivants, il était peu probable que les profondeurs de Kirgan soient totalement vides.

Le Kirgion était une région dangereuse, sauvage et abandonné par ses habitants. Mais les nains n’avaient pas complètement déserté l’endroit. Des clans de montagnards, pour la plus pars originaire de la Basse-Virnée, patrouillaient toujours sans relâche, gardant un œil sur la cité fantôme. Et ce début de printemps ne faisait pas exception à la règle, les sentinelles avaient découverts des traces à l’embouchure de la trouée du Brissalion. Un petit groupe, se déplaçant de nuit et qui avait réussi à trompé le regard vigilant des fortins et tours de garde disséminés sur la route. Mais ce que le regard des soldats avaient loupés, les membres du clan Makaisson eux, ne passèrent pas à coter. Ils remontèrent la trace des intrus pendant quelques jours, difficilement. Smakki, le chef de cette troupe et accessoirement, frère du Thane, du même reconnaitre qu’il eut rarement autant de mal à remonter une piste. On aurait presque pu croire qu’un guide nain les accompagnait, mais les rares empruntes qu’il retrouvait lui disait le contraire.

Mais la traque prit fin quand ils tombèrent enfin sur les pilleurs. Car oui, il s’agissait bien de pilleur. Disposant d’un petit campement et creusant un tunnel sommaire à l’aide de matériel tout aussi sommaire, les nains eurent du mal à retenir leurs courroux. On profanait devant leurs yeux, le joyau perdu, trésor de leurs peuples. Mais Smakki réussit à calmer ses troupes. Après avoir observé pendant une journée entière, ils identifièrent les coupables, un Sombre commandant des hommes sauvages du Sud. Il décida en suite d’envoyer deux des siens prévenir Thanor, la Cité-État devait être mit au courant de la profanation qui se jouait dans le Nord. Puis, ils continuèrent d’observer, il fallait choisir le bon moment pour agir.

Un matin enfin, du changement. Le groupe ennemi était entrain de se préparer à partir, ils rassemblaient des provisions. Quand ils disparurent dans le boyau ténébreux, le clan Makaisson se mit en marche. Poussés par la curiosité tout autant que par la haine, les nains ne manquèrent pas de juger la qualité du travaillant, en la qualifiant « d’Immonde balafre » qui défigurait la montagne. Certains émirent déjà à mi-voix des propositions sur les différentes manières de reboucher ce tunnel une fois leurs travails terminés. Mais les voix se turent, une fois qu’ils pénétrèrent dans la cité. Les nains marquèrent tous un temps de pause, certains posèrent un genou au sol, touchant de leur main calleuse, la pierre taillé comme pour être certain que tout cela était réel. Depuis les dernières années, plus personnes n’avaient osés pénétrer dans Kirgan. Et pour les montagnards, c’était une première depuis la Malenuit. Smakki adressa une prière aux ancêtres de son clan et aux milliers d’âmes qui avaient perdu la vie ici. Ce fut un moment solennel qu’aucune barbe n’aurait osé troublé. Mais ils reprirent vite leurs esprits et la chasse continua.

Ils les rattrapèrent au bout d’une demi-journée, quand les lueurs des torches furent en vue, les nains appliquèrent leurs plans. Furtivement, ils suivirent les intrus jusqu'à déboucher sur un corridor un peu plus large. Le premier niveau de la cité était doté de plusieurs halls et places de rassemblement. Quand les hommes s’arrêtèrent à un croisement, attendant la décision de leurs chefs pour continuer. Smakki Makaisson donna le signe de l’attaque.

Une quinzaine d’arbalète claquèrent de concert. La plus pars des traits trouvèrent leurs cibles, les Wandrais furent abattus sans ménagement, tel était la justice que l’on réservait aux profanateurs. Mais les carreaux destinés à l’elfe noir eux, furent simplement déviés. Ils rencontrèrent un mur magique avant de toucher leurs cibles. Smakki grogna, un sorcier. Les torches étaient tombées au sol, le silence qui régnait, brisés par les râles d’agonie des mourants. Les nains, dissimulés partiellement dans les ruines, encerclaient le Sombre. Des arbalètes étaient toujours sur leurs cibles. Le chef de l’expédition harangua l’elfe noir.

« Tu n’as rien à faire ici Drazhelgi ! Sale cloporte fouineur, tu es venus piller nos trésors ! Ils sont à nous ! Nous possédons encore assez de carreaux pour tester la résistance de ta vile protection avant de te trouer le cuir si tu ne te rends pas sur-le-champ ! »

Smakki avait décidé qu’il serait bon de pouvoir ramener une preuve du méfait commis en ce jour. La tête de l’elfe noir suffirait, ça avait été le premier plan à vrai dire. Mais un sorcier avait sûrement ses raisons, peut être était t’il un espion du lointain Puy ? S’il pouvait être interrogé, tant mieux. Mieux valait t’il être prudent pour l’instant.

Traduction nanique:

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Ombre fugace
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-Crédits de l'avatar: ETERNAL RETURN - Art of pierre / Alain D.
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L’attaque eut lieu par surprise, à un embranchement entre plusieurs galeries, probablement une ancienne place de marché du temps où la vie avait encore ses droits à Kirgan. Il fallait reconnaître que les nains maitrisaient admirablement bien le combat d’embuscade souterraine, car même l’ouïe surdéveloppée du drow n’avait rien descellé avant que ne claquent les cordes des arbalètes. Sans même comprendre ce qui leur arrivait, les wandrais furent fauchés comme les blés, s’écroulant au sol tels des pelotes de laines transpercés d’épingles. Plusieurs carreaux atteignirent également le drow, mais se retrouvèrent déviés par le sortilège de bouclier.

Haldren s’arrêta et contempla la scène, une expression de mécontentement se lisant sur son visage. Certes, il ne comptait pas ramener les wandrais à la surface, mais voilà que des fouineurs venaient de lui enlever d’un coup tous ses outils permettant de désamorcer les pièges sans risque. L’espace d’un instant, le drow se dit qu’ils auraient dû refermer le tunnel derrière eux, mais outre qu’il rechignait à clore ainsi une sortie, les nains auraient de toute façon remarqué les travaux. Enfin, le vin était tiré, il fallait le boire, et se débarrasser au plus vite de ces barbes puantes qui osaient interrompre son entreprise de profanation !

Le chef des nains ordonna au drow de se rendre, le menaçant de recommencer les tirs et lui ordonnant de se rendre s’il voulait avoir la vie sauve. La vie sauve ? Le bel apôtre ! Fou mais pas bête, Haldren se doutait vaguement du sort que les nains pouvaient réserver à ceux qui s’en allaient fouiner dans les ruines de leur ancienne capitale, quand bien même il s’agissait au fond d’un but scientifique et d’une quête de connaissance. Mais expliquer à ces courtauds imbibés de bière l’importance du savoir revenait à tenter de philosopher sur la différence entre le bien et le bon avec une biquette des plaines de Lante. La meilleure méthode pour s’en sortir paraissait donc la plus violente !

Vous surestimez vos pitoyables capacités, nains !

Ecartant brutalement les bras, l’archimage relâcha d’un coup l’énergie qu’il emmagasinait en lui depuis quelques instants. Des ombres jaillirent de son corps comme l’eau d’une fontaine, se répandant en longs rubans opaques dans toutes les directions, entourant les nains, les piliers, les torches, se lovant dans les moindres recoins disponibles. Profitant du chaos, Haldren prit ses jambes à son cou en direction d’un tunnel qui semblait s’enfoncer dans les profondeurs, les ombres s’écartant devant lui pour le laisser passer, tandis qu’elles ralentissaient ses assaillants.

De fait, le sortilège n’était en rien dangereux ou létal, comme les nains n’allaient pas tarder à s’en apercevoir, et les rubans d’ombres qui dansaient autour d’eux ne visaient à rien de plus que gêner leur vision. Aucune nyctalopie ne pouvait percer ces ténèbres magiques, le temps que les nains s’en dépêtrent puis retrouvent sa trace, le drow espérait avoir mis suffisamment de distance avec eux pour se retrouver en sécurité. Si ces nabots osaient continuer la poursuite, ils ne pourraient alors s’en prendre qu’à eux-mêmes de leur sort. Après tout… Haldren s’estimait désormais en état de légitime défense. Et avec lui, cela ne pardonnait pas.

Smakki Maikaisson grogna un juron corsé quand le noirelfe écarta les bras, relâchant lui et son groupe un abîme de ténèbres. Il entendit les cris de surprise et de stupeur de ses frères, chacun maudissant à son tour et à sa manière, le vil pilleur. Certains jurèrent être devenu aveugle, d’autres durent faire preuve de tout leurs sangs froids pour ne pas décocher un carreau dans ce brouillard noir. Le chaos c’était répandu dans la petite troupe, mais les invectives menaçante de leurs chefs y mirent bientôt fin.

« Stoppez vos babillages d'elfette, le sombre n'est plus la, vous auriez vous aussi entendu le bruit de fuite de ses pas si vous n’aviez pas perdu votre temps à palabrer sur la couleur des murs ! Gardez votre calme, si personne n’est mort cela signifie que nous aurons simplement qu’à attendre la fin de ce sort ! Et maintenant, comptez vous ! »

Les noms fusèrent sans attendre, tout le monde était bien présent. Smakki jura une nouvelle fois mais pour lui-même, il était le plus vieux ici et n’avait que rarement eu à faire à la magie dans sa longue vie, mais il résonnait par logique, logique que les jeunots avaient sûrement décidé de relayer au rang secondaire en cet instant. Il était en colère mais ne pouvait réellement leur en vouloir, combattre en ses lieux maudits et pourtant si chère à leur cœurs, étaient une épreuve intense.
Puis, quand l’on distingua à nouveau la lueur des torches, la discipline naine reprit le dessus.
Les nains s’approchèrent des différents boyaux et étudièrent les traces, on ne distinguait pas grand-chose, mais bientôt, un des trappeurs réussit à trouver la faille : Des traces dans la poussière de roche accumulée pendant les dernières années.

« Gandan drin ! »

Annonça le nain. Smakki s’engagea en premier dans le boyau, bien vite suivit par ses frères. Sans les ténèbres magiques, ils avancèrent vite. Leur morphologie toujours parfaitement adapté à cet endroit leurs permirent de rattraper leurs retards sur le pilleur qui, avec ses deux mètres devaient avoir quelques difficultés à se mouvoir dans les différents tunnels d’une cité naine. A moins bien sûr, que ça ne soit la haine et la soif de vengeance qui donnait des ailes aux coureurs du clan Makaisson.

Un premier carreau d’arbalète fendit l’air en direction de l’elfe noir. Le nain le plus rapide l’ayant décoché en prenant le temps de viser. Mais malgré sa rapidité d’action, il était difficile de faire mouche dans un tel endroit, la cible mouvante en prime. Ce fut au tour des autres membres de la troupe de décharger leurs armes quand ils le purent. Malgré la pluie continue de trait qui s’échappait en direction du sorcier drow, aucun ne réussit à stopper l’elfe. Samkki qui avait gardé son arbalète de poing chargé décida qu’il était temps de s’y mettre soit même. Il stoppa sa course et à une vingtaine de pied, s’arrêta brusquement et tira les deux carreaux en droit devant. Le premier rencontra la pierre d’angle du jambage d’une arche séparant deux pièces. L’autre quand à lui frôla la joue gauche du sorcier traçant une légère estafilade carmine sur celle-ci. Les nains crièrent à presque à l’unisson, célébrant le tir de leur chef. Ils devaient réussir à rattraper leurs ennemis maintenant, impossible pour eux de continuer à tirer sans s’arrêter pour prendre le temps de recharger et cette option était inenvisageable. Ceux ne disposant pas d’arme de tir, décochèrent bientôt leurs haches de lancés et leurs frondes. Encore quelque mètre et le drow seraient à eux.
Dans leur course effrénée, personne n’avait prit le temps de regarder le paysage.

Traduction nanique:

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« Il court il court, le furet » chantonnait le drow en courant comme un dératé dans les couloirs de Kirgan, la horde de nains à ses trousses. Mais si un natif du Puy peut atteindre une vitesse de pointe supérieure à celle des petits barbus, ces derniers compensent par leur endurance à toute épreuve digne des meilleurs marathoniens. Ajoutez à cela des tunnels souvent trop bas pour la grande carcasse d’Haldren, et vous comprendrez pourquoi notre vaillant héros sans peur ni reproche se faisait peu à peu rattraper. Le poursuivi et les poursuivants arrivaient dans des tunnels en meilleur état, à priori une partie de la cité qui avait été épargnée par l’éruption du volcan. Toutefois, les traces des violents chocs sismiques restaient visibles, et peu de salles se trouvaient vides de tout éboulement.

Profitant que leur cible se trouvait en vue, les nains commencèrent à lâcher leurs carreaux mais sans réussir à l’atteindre, ayant commis l’erreur de tirer en courant. Seul le chef du groupe, vétéran confirmé de nombreuses escarmouches, compris l’importance de disposer d’une plate-forme de tir stable et se campa fermement au sol avant de viser soigneusement. Haldren n’avait pas réactivé son sort de bouclier, comptant à tort que les nains paniqueraient et perdraient sa trace. Alors qu’il s’apprêtait à le réactiver, son instinct le sauva. Il sentit plus qu’il ne vit le carreau de Semkki, et eut tout juste le temps de s’écarter pour l’éviter, récoltant tout de même au passage une balafre sur la joue.

S’arrêtant net, le drow porta la main à sa blessure et sentit la chaleur de son sang qui coulait doucement.

Je… je…

A l’instant où le nain le plus proche levait sa hache pour fendre en deux le crâne du profanateur drow, une vague d’énergie pure jaillit du corps de ce dernier, envoyant le guerrier à la renverse et déviant les carreaux d’arbalètes qui continuaient de pleuvoir sur lui.

Lentement, l’énergie pulsant par vagues autour de lui, l’archimage se retourna, ses pupilles laiteuses flamboyant sous l’effet d’une colère qui ne se connaissait plus aucune limite. Il était désormais vain de chercher toute trace de raisonnement ou de sens commun dans ce regard dément où seuls les instincts les plus primaires trouvaient encore leur place. La santé mentale d’Haldren, fortement abimée depuis plusieurs années et sujette à de brusques à-coups lorsque les émotions le submergeait, venait de le plonger dans une rage folle à la vue de son sang. La colère, la peur et la douleur se mêlait pour former un cocktail explosif, un creuset que seule une destruction aveugle et incontrôlée pourrait apaiser.

Vous… avez… osé… me blesser ?

Etait-ce vraiment une question ? En tout cas, aucun des attaquants n’eut l’occasion ni le temps d’y répondre, car le bras de l’archimage se tendit, et une vague d’ombres quasi-solide en jaillit. Tel un bélier, le sortilège s’abattit sur un groupe de nains et les projeta contre un mur dans un fracas de fin du monde. Lorsque le mur se dissipa, les autres barbus virent avec horreur les cadavres désarticulés de quatre des leurs, littéralement encastré dans la roche, brisés comme des poupées qu’une petite chipie aurait consciencieusement démonté.

Un nain, plus courageux ou plus stoïque que les autres, lança une hache de jet contre le drow, mais l’arme se trouva vaporisée à l’impact par le vortex qui s’amoncelait autour de dément. Son courage ne fut récompensé que d’une orbe d’énergie qui jaillit des doigts d’Haldren et transperça le nain de part en part. Alors que le malheureux s’effondrait dans un gargouillement sanglant, ses compagnons détalèrent, chacun fuyant dans le tunnel le plus proche pour s’éloigner du chaos. Certains courraient pour leur vie, d’autres espéraient se regrouper ensuite et établir un nouveau plan d’attaque, mais même le vaillant Samkki détalait, conscient que le combat tournait à son désavantage.

Dans les profondeurs de Kirgan, un œil s’ouvrit lentement. Le vacarme causé par l’affrontement réveillait certains des habitants des lieux…

Les nains, ivre de fureur et de combat, ne comprirent qu’au dernier moment. Il était trop tard pour eux. Quand le premier homme de leur troupe fut projeter par un voile sombre au sol, ils ne purent que contempler l’ouvrage du sorcier, sans rien pouvoir faire. Smakki observa, médusé, ses quatre premiers frères se faire disloquer. Il avait sous estimé l’adversaire, imaginant que se dernier aurait été ralentit par la course et prit de vitesse, mais il n’en était rien. Une seconde de plus et il se retrouvait lui aussi dans se tourbillon de noirceur, il adressa donc une rapide prière aux dieux, les remerciant de lui avoir confié assez de sagacité pour prendre le temps de recharger son arbalète.

Il eut un temps de flottement pendant lequel, personne ne bougea. Puis, Igrund, un nain de puissante stature et aux bras puissant, reprit l’assaut en hurlant, hache levé. Il fut fauché sans autre forme de procès par un sortilège du noirelfe qui lui laissa un trou béant dans la poitrine. Le vent avait tourné, les plus jeunes commencèrent à fuir, apeuré par tant de puissance, sachant pertinemment qu’ils ne pouvaient se défendre sans une autre aide magique. L

Smakki ne put retenir ses troupes et ordonna en hâte, la retraite. Il jura et jura encore, pestant contre cet ennemi qui avait emporté autant des siens avec une facilité, déconcertante. Une fois le couvert d’une porte atteint, il commença à hurler d’autres ordres, demandant à ce que les plus peureux soient ralliés au plus vite ! La séance de brimade dura un temps, ou il fut notamment question de promesse de surnom en tout genre, tel que « Longue-Jambe » ou encore « Lapin-qui-détale ». Mais il ne put les blâmer plus que cela, lui aussi avait ressentit un profond effroi.
Une fois le groupe reformé, il annonça.

« Mes frères, il nous faut demander du renfort afin de combattre le pilleur. Le Seigneur Œil-Tempête sera quoi faire et pour cela, il faut l’avertir de la situation. Mornag, Skondur, Imthor, vous resterez à l’entré du tunnel en embuscade afin de surveillez la sortit du sorcier si cela se passe avant notre retour. Maintenant, repli, nous partons pour Thanor. »

Un hochement de tête collectif clôtura le rapide discours. Les nains se promirent de revenir chercher les cadavres de leurs frères disparut aujourd’hui. Tous bouillaient de la même haine et leurs mines étaient graves. Ils lancèrent des regards en arrières lourds de sens en quittant la cité. Aujourd’hui encore, Kirgan avait réclamé son lot d’âme naine.

***

Un œil s’ouvrit, puis deux, puis trois, quatre, cinq, voila même six, sept et enfin huit. Une pierre dégringola produisant un bruit sourd, se répercutant sur les parois lisse de la roche, l’écho remonta bientôt jusqu’au proche place du marché ou se tenait Haldren, unique faux pas signalant leurs présences. Dans l’ombre, ils furent une multitude à se diriger vers la surface, courant, crissant et surtout, affamés.

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Les nains fuyaient devant l’archimage fou furieux, un peu honteux de devoir abandonner la place à leur ennemi mais bien décidés à revenir plus tard accompagnés de runistes pour mettre à mal le maudit drow. Ce dernier, puisque tel est après tout le point central de notre récit, avait eu le temps de broyer deux autres nains contre la roche avant de se retrouver seul dans l’obscurité hostile de l’ancienne capitale. Peu à peu, comme une bougie qui brûle, sa colère démente s’apaisa, sa respiration se ralentit et il cessa de hurler les pires obscénités de son vaste répertoire.

Les cons !

Sur ce jugement quelque peu hâtif mais qui soulageait, Haldren tourna les talons et continua son expédition vers les profondeurs de Kirgan. Apercevant une petite araignée au sol, il l’écrasa avec délectation, satisfait de pouvoir passer sur la pauvre bête le trop-plein de rage qu’il lui restait. Quelques mètres plus loin, une autre araignée se fit écraser sous ses bottes, puis une autre, et encore une autre. Cherchant à percer les ténèbres, le drow vit non sans effroi la salle se remplir de petites créatures aux multiples pattes, certaines grosses un doigt, d’autres comme sa tête. Leurs yeux avides le regardaient, l’air de se demander s’il ferait un bon repas. Comme répondant à un signal, les malveillantes créatures se jetèrent toutes ensemble sur le drow et...

…et se virent hachées menues par les lames d’ombres qui venaient de jaillir tout autour d’Haldren. Avec un sourire sadique, le drow regarda les cadavres d’araignées s’entasser avant que les survivantes ne se replient peureusement dans d’autres tunnels. Satisfait d’avoir éliminé l’obstacle, le pilleur reprit sa route lorsqu’un bruit plus sourd se fit soudainement entendre, comme si une masse compacte avait poussé un tas de gravats. Cela n’avait rien à voir avec les bottes ferrées des nains, non, on aurait plutôt dit que le nouveau-venu avait une texture presque duveteuse au bout de ses jambes. Craignant déjà ce qu’il allait voir, le drow se retourna et se retrouva face à face avec une araignée géante, deux à trois fois plus grosse que lui, qui le fixait en faisant crisser ses crochets empoisonnés.

La maman, je suppose ? grommela Haldren qui commençait à trouver Kirgan très mal famé.

Choisissant la fuite, le drow détala à toute allure, cherchant dans sa tête comment se débarrasser d’un tel adversaire. Il se savait fatigué par l’abus de sortilèges des dernières heures, et faire de nouveaux appel à son art risquait ensuite de le laisser tellement épuisé qu’il en deviendrait une proie facile pour un nouvel assaillant. Cavalant comme si sa vie en dépendait, ce qui d’ailleurs était le cas, Haldren s’enfonça toujours plus profond dans la cité, profitant à son avantage de la taille de l’araignée qui devait faire des détours pour le suivre là où lui se faufilait dans des passages secondaires.

Mais malgré ses efforts, il sentait toujours la bête qui le poursuivait, et ses jambes devenaient de plus en plus lourdes. C’est à ce moment qu’une bouffée de chaleur se fit sentir devant lui, et le drow débarqua dans une immense salle envahi par la lave, sans doute l’ancien hall des guerriers au vu des dimensions majestueuse du lieu. La chambre magmatique du volcan ne s’était pas totalement repliée, et une fournaise ardente se dégageait du flot de lave qui coulait lentement. Coincé entre deux mauvaises solutions, Haldren sauta sur un rocher à la dérive dans ce fleuve infernal, priant pour que l’araignée ait peur du feu et ne l’y suive pas.

Le rocher dérivait lentement sur le fleuve de lave, portant un drow qui suait à grosses gouttes tant suite à l’effort de sa course que du fait de la température infernale qui régnait en ses lieux. Haldren ne retint pas un éclat de rire homérique lorsqu’il vit l’araignée géante s’arrêter le long de la rive, lâcher un sifflement de dépit puis s’en retourner dans les tunnels. Apparemment, l’appétit du monstre avait cédé face au danger, et sans doute se disait-elle que les cadavres de nains ou d’humains qui trainaient un peu plus loin suffiraient à sa pitance.

Depuis sa première rencontre avec les nains, le drow avait totalement perdu son orientation et il n’avait donc plus la moindre idée de l’endroit où il se trouvait. Seule certitude : il avait atteint les niveaux inférieurs de Kirgan, la lave n’ayant pas pu monter jusqu’aux galeries hautes. Décidant de poursuivre son exploration, l’archimage profita d’un moment où son rocher se trouvait près d’une galerie pour sauter par-dessus la lave et se mettre à l’abri. Ayant épousseté sa tunique pour en chasser les petits morceaux de cendres qui s’y collaient, Haldren monta un antique escalier puis s’engagea dans un long couloir, sans trop savoir où il allait débarquer.

Quelle ne fut donc pas sa surprise et sa joie de trouver, au bout de quelques centaines de mètres, une pièce emplie d’étagères sur lesquels se trouvaient nombre de parchemins ou d’ouvrages. La moitié de ce qui avait dû être une bibliothèque était effondrée, mais le drow se rua sur la partie intacte avec autant d’ardeur qu’un marin entrant dans un bordel après une traversée de plusieurs mois. Se saisissant d’un ouvrage qui lui paraissait antique, donc sans doute utile, il l’ouvrit et lut avec un peu de dépit :

Chroniques du règne de Garnarok, cinquième Haut-roi de Kirgan ? Foutaises, ouais !

Jetant négligemment par-dessus son épaule un ouvrage qui possédait pourtant une véritable valeur historique, Haldren s’en saisit d’un deuxième. Tout ce qui ne concernait pas la magie runique n’ayant aux yeux de l’archimage aucun intérêt, ce fut bientôt un tas de livres en bazar qui se trouva derrière lui. Un historien aurait surement fait une attaque devant l’absence totale de respect pour ces ouvrages qui narraient les débuts conflictuels d’un royaume dont le Voile avait scellé la fin.

Après plusieurs heures de lectures infructueuses, le drow finit par se rendre à l’évidence : il n’avait trouvé qu’une bibliothèque où les nains stockaient leurs chroniques et divers actes juridiques, ce qui n’avait absolument pas de valeur à ses yeux. S’asseyant en tailleur sur le tas d’ouvrages dont plusieurs reliures craquèrent sous son poids, Haldren se mit à réfléchir à ce qu’il allait désormais pouvoir faire. Il ne comptait pas s’avouer vaincu si aisément, mais il admettait que son exploration au hasard ne portait jusque-là pas beaucoup de fruits.

Le chat courait dans les galeries à demi-éboulées de Kirgan, indifférent aux trottinements des souris qui se réfugiaient dans l’ombre sur son passage. La créature n’était ni de chair ni de sang, et seuls les ordres de son maître comptaient pour elle. « Trouve une pièce avec un grand lit », tels étaient les directives à suivre. Sans vraiment comprendre toutes les subtilités du raisonnement sous-jacent, le chat fouillait chaque pièce qu’il trouvait, l’observant attentivement, puis fonçant à la suivante. Ses muscles jouaient sous sa peau, mais aucune fatigue ne les entravait tant que le sortilège lui permettait de parcourir ce monde. Lorsqu’il arriva enfin un endroit qui lui paraissait correspondre aux attentes de son maître, il fit demi-tour et alla le retrouver là où il l’avait laissé : dans une ancienne bibliothèque qui servait à entreposer les chroniques antiques du royaume nain.

Haldren en était à son dixième origami lorsque le chat revint. Posant le traité qui relatait les échanges commerciaux avec Thanor plus de deux siècles auparavant, il prit son petit compagnon dans ses bras pour le caresser, déclenchant des ronronnements extatiques. Bien que tiré des Ombres et de ce fait de nature magique, le chat n’en avait pas moins des points communs avec ses congénères de Miradelphia. Une fois reposé au sol, il entreprit de guider son maître vers la pièce qu’il souhaitait lui montrer. Chemin faisant, l’archimage se félicita d’avoir fait appel à cet utile auxiliaire, le dédale de couloirs qui constituaient les niveaux inférieurs de l’ancienne cité royale aurait eu raison de sa patience s’il avait dû tous les parcourir par lui-même.

Le chat l’amena jusqu’à une chambre assez vaste, dont le mobilier spartiate mais d’excellente qualité dénotait le rang du propriétaire. Il s’agissait surement un militaire, au vu des armes et armures finement ouvragés qui trônaient encore dans un râtelier le long du mur. S’approchant de la table, le drow se saisit d’un plan de Kirgan griffonné à la hâte, qu’il épousseta pour en chasser la poussière et réussir à déchiffrer les caractères runiques tracés à la hâte. Sa nyctalopie n’allant pas jusqu’à pouvoir lire dans le noir, l’archimage fouilla dans l’une des poches de sa tunique et en sortit une petite gemme qui se mit doucement à briller, tel un ver luisant de cristal.

Chemins d’évacuation des niveaux inférieurs… préparation du ravitaillement pour le trajet jusqu’à Lante… constitution des groupes et protection par des soldats…

Comprenant qu’il tenait là le plan d’évacuation de la cité lors du cataclysme qui l’avait touché lors du Voile, Haldren plissa les yeux pour réussir à lire la signature.

Hardrek Ironwrist, général des armées. Tiens donc, n’est-ce pas lui qui mena les nains jusqu’à Lante puis devint le maître de la ville ?

Reposant négligemment la carte sur la table, le pillard se frotta les mains et s’exclama en riant :

Eh bien général Ironwrist, voyons voir ce que vous avez laissé derrière-vous

Les appartements privés d’Ironwrist avaient déjà été bien secoués lors de l’éruption du volcan, mais après les fouilles d’Haldren, le chaos était devenu indescriptible. Les coffres éventrés et renversés vomissaient leur contenu sur le sol, les tapisseries des murs avaient été arrachées pour chercher des compartiments secrets, la bibliothèque se trouvait vidée de quasiment tous ses ouvrages qui gisaient pitoyablement dans un fatras au sol, bref les fouilles du drow manquaient fondamentalement de mesure et de retenue. Le chat s’était prudemment réfugié sur une étagère un peu à l’écart du champ de bataille et observait la scène de ses yeux d’or, l’air de se demander ce qui justifiait un tel comportement chez son maître.

Après plusieurs heures de recherches, trois cent cinquante jurons et quelques bleus, Haldren ramena au centre de la pièce ce qu’il avait réussi à tirer du lieu : quelques gemmes cachées dans un tiroir secret, des parchemins qu’il lui faudrait lire plus en détail pour en jauger la vraie valeur, et un bâton finement gravé de runes. Ce bâton se trouvait d’ailleurs être la trouvaille que le drow estimait la plus valable. Il s’agissait d’un de ces bâtons de guerre qu’utilisaient parfois les prêtres lorsqu’ils répugnaient à se servir d’armes tranchantes. Long de près de deux mètres, forgé dans un alliage que le drow n’arrivait pas exactement à identifier du fait de ses lacunes en forge, il était finement gravé tout du long de diverses runes. Au vu du travail nécessaire à réaliser une telle arme, Haldren s’était convaincu qu’il s’agissait probablement d’un bâton de cérémonie et non pas réellement destiné à fendre des crânes au combat.

Mais l’intérêt que l’archimage portait au bâton venait du fin bruissement magique qu’il y percevait. Plusieurs des runes gravées ne lui étaient pas inconnues, et il reconnaissait entre autres le « Ma » de Mogar ou le « Îm » d’Ikthor. Conscient qu’il tenait entre ses mains une arme runique, Haldren se promit de l’étudier par la suite pour essayer d’en percer les secrets. Il se sentait un peu dans ce domaine comme un explorateur face à une jungle inconnue, car l’art de la magie runique n’était pas une spécialité qu’il avait étudiée durant ses longs siècles d’existence, mais le simple défi l’amusait et lui occuperait l’esprit. Par ailleurs, un bâton de marche pourrait lui être utile lors de ses périples. Ayant rangé gemmes et parchemins dans sa besace puis récupéré son chat, le drow claqua des doigts et se téléporta dans le campement des wandrais, à l’extérieur de la cité, ou plutôt dans ce que les nains en avaient laissé.

Le souffle du vent qui balayait la surface fit frissonner Haldren après l’infernale chaleur des souterrains, et il referma sa cape en claquant des dents.

Pays de merde, marmonna-t-il à voix basse.

Reprenant la route du Sud, l’archimage méditait déjà sur sa prochaine destination. Une contrée chaude, à coup sûr, après ce climat épouvantable il sentait au fond de ses os un profond besoin de soleil.

Fin

» Feu Follet [PV Larme Pourpre et Aguildur Silverfang]

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