Les petits riens de la Cour [Solo]

Des cris, des exclamations, des serviteurs qui courraient, des ordres que l'on aboyaient... une vive agitation avait semble-t-il gagnée le palais de Soltariel. Morgane, elle, essayait de grappiller encore un peu de sommeil en s'enfonçant sous les draps de son lit mais elle ne parvenait à ignorer le bruit ambiant. Des regards effarés, mauvais ou parfois effrayés qui se posaient sur elle en remarquant ses oreilles elle se moquait bien, mais il ne passait pas une ennéade sans qu'elle ne maudisse son ouïe trop fine, comme en cette mâtinée... à moins qu'il ne s'agisse déjà d'une après-midi, se ft-elle la réflexion en voyant les rais de lumière qui filtraient à travers sa fenêtre, après avoir risqué un œil hors du cocon de confort.
Définitivement réveillée et sans espoir de changer ce fait, elle se dégagea des couvertures et se leva presque avec empressement, sans se soucier des bras qui s'enroulaient autour de son corps. Un grognement sourd lui rappela la présence de son amant, lequel se tourna sur le côté en allant chercher encore un peu de songes. Elle le regarda en se disant qu'il était bien chanceux de le pouvoir avant de s'approcher de la porte de ses appartements et de l'ouvrir en grand. Alors, les bruits étouffés devinrent des phrases compréhensibles : « Le Duc est réveillé. », « C'est une bénédiction ! », « Préparez-vous bon sang, le Duc est debout ! » et autre du même tonneau.

« Voilà qu'il se mette à saluer le lever du bambin maintenant, ils sont devenus fous pendant la nuit ? »

Une dame de la Cour, qui n'avait toutefois rien d'autre pour elle au vu de son visage et de la fadeur -en tout cas pour Soltariel- de ses vêtements qui trahissait une situation financière précaire, la dévisagea soudain d'un air mauvais, la reluquant de haut en bas tandis que ce peignait sur son visage une moue de désapprobation et d'envie, avant de lui répondre sur un ton tranchant :

« Il ne s'agit pas d'Athanase, pauvre petite sotte inconséquente, mais du Duc lui-même. »

Et elle repartit dans un bruissement de tissue et de froufrous, laissant la sang-mêlée refermée la porte de ses appartements tout en réfléchissant. Soudain l'illumination se peignit sur son visage tandis qu'elle s'exclamait :

« Ah mais putain, c'est de Maciste qu'ils parlent tous ! Il me faut un verre. »

Elle chercha un moment, presque à tâtons, dans la pénombre en maudissant ses ancêtres de ne pas lui avoir donné une meilleure vue que celle-ci quand la lumière explosa dans la pièce. Erbett venait d'écarter sèchement les tentures qui masquaient la fenêtre, laissant le radieux -et haut, confirmant l'hypothèse de l'heure avancée- soleil de soltariel inonder de ses généreux rayons la chambre.

« Merci bien mon chou. »

Dit-elle tout en mettant la main sur un cruchon de liqueur et de s'en servir un généreux verre qu'elle s'envoya dans la gorge sans y penser, lui brûlant le palais et y chassant les saveurs de la nuit. Elle reposa distraitement le verre sur une table avant de se décider et de se diriger à grand pas vers la porte. La voyant partir bille en tête Erbett, qui se rinçait le visage avec un bol d'eau laissé là par quelque domestique, l'arrêta d'une phrase :

« Tu devrais peut-être t'habiller avant d'aller voir qui que ce soit. »

Morgane baissa les yeux sur son corps complètement nu, encore légèrement luisant de sueur, et lâcha la poignée de la porte en tournant les talons pour se diriger vers une commode qui abritait l'essentiel de sa garde-robe -tout au moins l'essentiel de ce qui ne traînait pas quelque part dans la pièce, négligemment abandonné-.

« Très juste Erbett, tu es bien plus intelligent que ton grand-père tu sais.
-En même temps mon grand-père était un crétin dégénéré persuadé que les voiles des bateaux leur permettaient de voler.
-C'est vrai, mais quelle fougue il avait !
-Est-ce trop te demander que de garder ce genre de remarque pour d'autres moments ? »

Elle ne dit pas un mot de plus, elle savait d'expérience comme les hommes n'aimaient pas se voir comparer à leurs ancêtres en ce qui concernait la performance au lit. Elle se contenta d'enfiler un genre de pantalon de tissu ample et une tunique estréventine qui n'était guère plus que quelques lanières de tissu venant cacher -et encore- ce qui devait absolument l'être. Aux yeux de certains péninsulaires, c'était tout comme si elle était nue mais il fallait admettre que les puritains devenaient rares dans ce palais.

« Au passage, si tu pouvais demander à un serviteur de faire remplir ton baquet d'eau chaude, ça m'arrangerait. » lui dit Erbett tendit qu'elle passait la porte.

Elle se dirigea alors vers les appartements de Kahina, direction que semblait partager bon nombre de gens, puisqu'il s'agissait aussi de la direction de la chambre ducale -forcément, elles étaient mitoyennes-. Si elle transmis bien la demande d'Erbett à un page, elle doutait que celui-ci en tint compte. Comme quoi il suffisait de bien peu de choses pour que plus personne ne foute rien dans ce palais.
Quand elle arriva dans les couloirs près de la chambre ducale, elle fut surprise de constater le nombre de gentilshommes et de gentes dames qui attendaient là. Du reste elle reconnaissait bien des visages comme de farouches péninsulaires qui n'exposaient bien souvent que mépris envers les estréventins de la Cour. Elle s'appuya contre un pilier gravé et attendit, curieuse du déroulé des événements qui allaient suivre...